Il y a un article intéressant ici:
https://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2008-4-page-973.htm
Judas trahi par la traduction, un extrait:
10. On sait que le Nouveau Testament réserve à Judas deux morts : un suicide chez Jean et une mort ignominieuse avec les entrailles qui se répandent en plein air dans les Actes des Apôtres. S’ils en ont été conscients, les premiers Pères de l’Église n’ont pas toujours cherché l’harmonie. Le traître de Jésus méritait bien deux morts. En revanche, il ne suffisait pas que Judas meure : encore fallait-il que sa mort fût sale. Les traducteurs vont y pourvoir.
11 Par deux fois, dans son essai sur Judas, Thomas de Quincey explique en effet qu’il faut accorder un « non-lieu » à Judas parce qu’on lui avait fait tort « par une grossière erreur de traduction du texte grec » (De Quincey, 1990).
À propos du récit de Papias rapportant la mort de Judas et ses entrailles crevées, il explique que le cœur et le cerveau font partie des entrailles, que les viscera « occupent les fonctions de sensibilité morale que nous plaçons dans le viscus central, c’est-à-dire dans le cœur » : les viscera crevés ou praecordia rompus sont donc l’équivalent de broken art, « cœur brisé ».
« Se rompre en son milieu signifie donc simplement être brisé et détruit dans l’organe central de la sensibilité (...). » Le premier qui raconta la mort de Judas voulait simplement dire que Judas avait le « cœur brisé ». Et de Quincey de commenter : « Tout devient clair grâce à la simple substitution d’un sens figuratif à une interprétation grossièrement et platement physique. » Où une « mauvaise traduction » avait fait imaginer deux ou trois morts : suicide, rupture des intestins et effusion des viscères –, la philologie, qui en finit avec le contresens volontaire (Dauzat, 2006 a) fait pour souiller, rend à la mort de Judas sa dignité.
Ce faisant, de Quincey a collationné le récit de Matthieu et le passage des Actes des Apôtres conciliés par Papias et Théophylacte, et c’est cette comparaison qui a mis en relief l’erreur de traduction (A. Murray, 2000, p. 335 sq.)................