Ramadan-Ayari: coulisses d'une confrontation Actualité Société Justice
Par Benoist Fechner et Claire Hache, publié le 19/07/2018 à 18:11 , mis à jour à 18:41
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L'écrivaine et militante féministe Henda Ayari, le 24 novembre 2017 à Paris.
afp.com/JOEL SAGET
L'apparition de nouveaux éléments fragilise l'accusation. La défense présente une nouvelle demande de remise en liberté.
"Ce devait être une confrontation avec Tariq Ramadan, ce fut plutôt une confrontation entre Henda Ayari et ses propres contradictions." La formule, lapidaire, émane d'Emmanuel Marsigny, l'avocat désigné en mars dernier par l'islamologue suisse accusé de viols par trois femmes en France, et qui demeure en détention provisoire à Fleury-Mérogis pour ces faits présumés depuis février dernier. Elle résume assez bien l'optimisme qui gagne ces jours-ci l'entourage de son client.
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Car ce jeudi, selon nos informations, un petit coup de théâtre s'est joué dans le bureau des trois juges instruisant l'affaire. Alors que Tariq Ramadan était confronté pour la première fois devant les magistrats à sa première accusatrice, celle-ci a dû s'expliquer sur l'incompatibilité de sa version des faits avec de nouveaux éléments de l'enquête versés au dossier. En l'occurrence, des images et témoignages attestant de sa présence, à la date avancée des faits, au mariage de son demi-frère, dans les environs de Rouen, en Seine-Maritime.
Les "hypothèses" mouvantes de Henda Ayari
Henda Ayari, qui maintient ses accusations, avait initialement déclaré aux juges avoir été violée par le petit-fils du fondateur des Frères musulmans, le 30 mars ou le 6 avril 2012, à Paris, dans une chambre de l'hôtel Holiday Inn, où il est démontré que Tariq Ramadan résidait à ces dates. Le 24 mai dernier, déjà dans le bureau des juges, l'ancienne salafiste changeait de version quant à la date et au lieu, extrait d'agenda et talons de chèques (pour des billets de trains) à l'appui.
"Je me suis rendue compte que j'étais assez perturbée par cette histoire", expliquait-elle alors, avant d'évoquer une rencontre plutôt "le samedi 26 mai", cette fois "au Crowne Plaza de la place de la République", à Paris. Or, nouveau problème : il lui était impossible d'être à la fois dans le 11e arrondissement de Paris et à Petit-Couronne (Seine-Maritime), lieu du mariage, comme en conviennent désormais toutes les parties. Selon nos confrères du Point, citant le compte-rendu d'audition du marié par les enquêteurs, en date du 10 juillet, Henda Ayari, qui était placée "à la table des amies de la mariée", était bien présente à la célébration "entre 20h et 3h du matin environ".
Nouvelle demande de remise en liberté pour Ramadan
"Pour moi, il n'y a plus de dossier Ayari", se félicite Emmanuel Marsigny, qui indique à L'Express transmettre dès ce jeudi aux magistrats une nouvelle demande de remise en liberté de son client. "Je ne comprendrais pas qu'il n'y soit pas fait bon droit au vu des derniers éléments."
Contacté lui-aussi par L'Express, l'avocat de Henda Ayari, Francis Szpiner, estime pour sa part que "ce ne sont pas les avocats qui rendent justice, ce sont les juges". Le ténor attend "sereinement leur décision" quant au maintien ou non de la mise en examen de Tariq Ramadan. Sur le fond, l'avocat estime que si le viol est impossible ce jour-là, "l'enquête de police a aussi démontré que Monsieur Ramadan avait bien fait une réservation au Crowne Plaza pour le 26 mai, avant de l'annuler. Et Henda Ayari n'avait aucun moyen de le savoir si ce n'est de la bouche de l'intéressé." Il en conclut pour sa part que Tariq Ramadan avait bien fixé rendez-vous à sa cliente dans un hôtel.
De son côté, l'avocat Jonas Haddad, qui représente également les intérêts de la militante féministe, indique à L'Express que les nouvelles pièces mises en avant par la défense ne disqualifient en rien le témoignage de Henda Ayari : "Depuis le début, elle émet des hypothèses sur la date et fait des suppositions pour tenter d'aider les enquêteurs à établir la vérité".
En attendant, la défense a, elle, de quoi se réjouir : "A chaque fois, elle apporte des éléments précis, des documents, puis tout s'effondre". Les magistrats pourraient statuer sur l'horizon carcéral de Ramadan d'ici une dizaine de jours