Dimanche 12 février 2023 - 6ème dimanche TO (A)

Au-delà de la loi

La vie, l'amour la liberté et la Loi... un mélange difficile à tenir ?  Les lectures bibliques de 6e dimanche du temps ordinaire, année A montrent les enjeux des commandements de Dieu : Siracide15,15-20 ; psaume 118 ; 1 Corinthiens 2,6-10 et Matthieu 5,17-37.

Père Marcel Domergue, jésuite (1922-2015)

À part le commandement qui prescrit d'honorer son père et sa mère, c'est-à-dire d'aimer la vie que, traversés par l'amour qui vient de Dieu, ils nous ont donnée, toutes les prescriptions du décalogue sont des interdits. Bizarre, car en fin de compte « la Loi et les prophètes » se récapitulent dans le double commandement, positif, d'aimer Dieu et son prochain (voir par exemple Matthieu 22,37-39).
En fait, les interdits énumèrent les conduites qui nous font sortir de l'amour, mais ne nous disent pas comment aimer. Cela en effet ne se commande pas : si j'aime par obéissance, c'est moi-même que je cherche, ma perfection, et non l'autre. Je me veux irréprochable. Une seule précision positive : aimer son prochain « comme soi-même », mais reste à savoir quand et comment nous nous aimons vraiment nous-mêmes. Il peut y avoir pas mal d'erreurs… En fin de compte nous apprendrons que s'aimer vraiment soi-même consiste à donner sa propre vie pour que d'autres vivent et que c'est d'ailleurs ainsi que nous devenons vraiment vivants : la Pâque du Christ en est la révélation. Au Calvaire, la loi est bafouée du côté des hommes et dépassée, surclassée, du côté du Christ. Reste à trouver la manière de « donner notre vie ». Ce sont les circonstances et les événements de notre histoire qui nous le diront. Encore une fois, nous voyons que l'on ne peut pas nous prescrire comment aimer ; c'est à nous de le découvrir au fil de nos rencontres avec les autres. Et là, nous sommes au-delà de la Loi mais toujours dans sa ligne. On pourrait dire que l'amour nous donne des comportements contraires aux interdits de la Loi mais cela ne suffit pas : les comportements ne sont que l'expression extérieure de ce dont nous sommes habités.


Au-delà de la loi
Contraste : après nous avoir dit que pas une seule lettre ne sera soustraite à la Loi jusqu'à ce que tout soit accompli, Jésus se met à en aggraver les prescriptions. Il n'y ajoute rien mais il passe des comportements extérieurs aux dispositions intérieures qui les commandent. Ces comportements interdits par la Loi sont en effet l'expression d'une perversion de l'amour en profondeur. On passe du « faire » ceci ou cela à « l'être ». Paul parlera de passer de la Loi à la foi. En ce nouveau régime, ce que prescrit la Loi est mieux observé que sous l'ancien, mais ce n'est plus au nom de la Loi que l'on agit selon ce qu'elle exige, c'est sous l'emprise du choix de faire exister l'autre ; ou de le laisser exister. Ce choix n'est pas totalement spontané ; il ne trouve pas sa source en nous-mêmes : il vient de l'accueil en nous d'un amour qui vient d'ailleurs. Il résulte de cette Alliance nouvelle qui vient remplacer celle qui était fondée sur la Loi et vécue sous elle. Nous apprendrons plus tard que cette Alliance nouvelle se conclut par l'accueil de l'Esprit, qui est Dieu lui-même répandu en nous. Mais comme nous ne pourrions être ressemblance de Dieu si nous perdions notre liberté, l'Esprit ne prend pas possession de nous une fois pour toutes. Il nous est donné à chaque instant, et c'est à chaque instant que nous devons l'identifier et lui donner notre adhésion. En trois petites paraboles, celle de « ton frère qui a quelque chose contre toi », celle du procès imminent et celle de la menace de guerre, nous apprenons que la réconciliation est plus importante que le culte religieux et que le refus d'en finir avec nos conflits nous conduit en fin de compte à la catastrophe. La vie est du côté de l'amour.