La notion d'
esprit est fondamentale dans notre vie spirituelle. C'est cette partie que les Pères de l'Eglise appellent de manière plus propre (en se référant aux paroles de l'Ecriture):
"l'Image et la Ressemblance".
Toujours selon eux, l'être humain (qui est créé à l'image et à la ressemblance de Dieu), quand il s'éloigne de Dieu ou sort de sa communion, il perd la ressemblance mais garde l'image.
Prenons un exemple: l'esprit serait comme la pâte à modeler. "L'image" est la pâte elle-même, sa capacité, de par sa nature, telle qu'elle est créée par Dieu, d'entrer en relation directe, immédiate (sans médiation) avec la Nature divine. La "ressemblance" serait la forme que prend la pâte à modeler. Si nous aimons les créatures de manière idolâtre, alors notre esprit prend la "forme", la "beauté" de ces créatures. Si par contre nous aimons Dieu (culte de latrie), notre esprit revêt lentement la "forme" ("forme sans forme" dira saint Jean de la Croix, car Incréée, difficile à décrire) de Dieu lui-même, sa beauté! De fait c'est Dieu qui imprime sa beauté en nous, dans cette partie la plus profonde de notre être, notre esprit.
Si nous sommes comme une montagne, le sommet de notre être (notre esprit) est au delà des nuages et peut voir le Soleil (Dieu). Par contre le corps et l'âme, sont en dessous des nuages.
Le Christ dit qu'il est nécessaire de faire renaître cette partie de notre être afin de pouvoir "voir" le Royaume, ou Dieu. C'est par le développement de la Semence du Baptême, que cette parti de notre être reprend, pas à pas, la Forme divine perdue, la Ressemblance.
Saint Paul dit: 1 Thessaloniciens 5,23 : "Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers; que tout votre être,
l'esprit et l'âme et le corps soit conservé sans reproche à l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ."
Un autre verset montre la distinction entre l'esprit et l'âme est Hébreux 4,12: "Car la parole de Dieu est vivante et efficace, et plus pénétrante qu'aucune épée à deux tranchants; et elle atteint jusqu'à la division de l'âme et de
l'esprit."
Ou encore: Jn 3,6: "Ce qui est né de l'Esprit est
esprit."
Enfin: "Heureux les pauvres en
esprit" (Mt 5,3).
C'est cet "esprit" auquel on se réfère durant les prières publiques de l'Eglise (
"et avec votre esprit"). Cet esprit est cette partie de la montagne, de notre être qui se situe "au delà des nuages", dans le "supra-conscient". C'est pour cela que nous parlons souvent de "foi", car ce qui voit en nous c'est l'âme, l'intelligence, la conscience – et l'âme par définition ne peut voir directement Dieu car elle est trop petite. Ce qui n'est pas le cas de notre esprit. De fait, l'esprit est bien plus élevé, et est touché par Dieu
directement. L'âme elle, n'est touchée que par les Paroles qui sont Esprit et Vie. L'esprit en fait c'est "le cœur" au sens biblique, la partie la plus profonde de notre être et qui entre en contact direct avec Dieu. Partie mystérieuse, "à moitié morte" au départ comme cet homme de la parabole du Bon Samaritain, et qui est renouvelée, pas à pas, au fil de notre écoute de la Parole et surtout au fil de notre immersion en Dieu, par la Communion Eucharistique et par la Prière du Cœur qui en est le prolongement durant la journée.
C'est pour cela aussi que le prêtre, avant d'entrer dans la partie la plus profonde du Mystère de Dieu dans la Messe dit: "Elevons notre cœur". Et nous répondons: "nous le tournons vers le Seigneur". C'est ce "cœur", ou "esprit" dont il s'agit dans la Contemplation, qu'est la seconde partie de la Messe, la liturgie Eucharistique, cette entrée dans la Circulation divine, où le Ciel s'ouvre de manière particulièrement forte (nous rejoignons les Anges et les Saints dans leur louange et dans leur adoration).
C'est pour cette raison que l'esprit du Prêtre et le Nôtre, sont immergés dans une profonde contemplation, immergés en Dieu, ravis et béats dans cette LumièreAmoureuse qui les prend en Elle. C'est surtout à ce niveau que la seconde partie de la Messe se place. C'est pour toutes ces raisons (et bien d'autres) que le dialogue entre le prêtre et les fidèles vise à éveiller notre attention à cette réalité profonde, bien plus réelle et bien plus importante: notre esprit est en contact, d'esprit à esprit ( "bouche à bouche" Nb 12,8 ), avec Dieu.
Le fidèle - et le Prêtre bien sûr (puisqu'il est un fidèle) - se donnent au Seigneur et plongent leur cœur dans son Amour qui se donne à nous.
C'est ainsi que toute prière dialoguée en présence d'un prêtre (ou d'un Diacre etc..) commence:
- Le Seigneur soit avec vous (c'est à dire: avec votre esprit).
- Et avec votre esprit.
- Elevons notre cœur (notre esprit)
- Nous le tournons vers le Seigneur.
Dans le Catéchisme de l'Eglise catholique il est question de la Prière du Cœur, appelée aussi "Oraison", ou "Oraison mentale". Ici, comme pour "esprit", "mentale" ne fait pas allusion au mental, ou à l'intelligence, ou à la conscience! "mental" est traduit du latin médiéval "mentalis" qui renvoie à "mens", c'est à dire esprit. Quand saint Augustin - ou saint Thomas par la suite - utilise le terme "mens", il fait allusion à la même chose que nous venons de voir plus haut: "l'esprit". Ça n'a rien à voir avec l'intelligence (l'âme consciente), mais avec le "mens".
Excusez la longueur.
Je n'ai pas pu résister à mettre ma contribution, pour une question qui en fait soulève un point fondamental de notre vie spirituelle duquel presque tout découle, et sans lequel tout s'écroule. Cette réalité en nous n'est pas très connue, surtout du point de vue pratique! On ne sait pas "comment faire oraison", "comment faire la prière du cœur". Le regard du cœur, durant la Messe, n'est contemplatif qu'au "hasard d'une chance", et pourtant, ces choses s'apprennent, et pourraient devenir constantes.
Jean