Chez les orthodoxes et les protestants, quels rôles jouent les saints ? Comme dans l’Église catholique, les saints jouent un rôle majeur dans la tradition orthodoxe. Quant aux protestants, ils refusent de voir dans ces figures des intercesseurs.
Des icônes en vente à l'entrée de l'église Saint Sava à Paris, siège épiscopal du diocèse orthodoxe serbe de France et d'Europe occidentale de l'Eglise orthodoxe serbe. Paris Olivier DONNARS/CIRIC Qui n’a jamais été frappé, en entrant dans une église orthodoxe, par l’omniprésence des icônes ? Représentant tantôt le Christ, tantôt la Vierge, les apôtres ou les autres saints, elles font partie intégrante de la liturgie orthodoxe.
Leur vénération est même un dogme de la foi, formulé en 789 par le VII
e Concile œcuménique. Les fidèles peuvent ainsi, avec l’aide de ces images, adresser aux saints leurs prières pour que ceux-ci intercèdent auprès de Dieu.
Comme dans l’Église catholique, les saints jouent un rôle majeur dans la tradition orthodoxe.
« Le saint est celui qui a su révéler, de son vivant, la vie à venir, explique le père Jivko Panev, prêtre orthodoxe d’origine macédonienne.
La sainteté est une manifestation de cette eschatologie chrétienne qui est le fondement de notre espérance. »Chez les orthodoxes
Le processus de reconnaissance d’un saint est toutefois très différent dans l’orthodoxie, qui ne connaît pas de procès en canonisation.
« Il y a un discernement et une enquête, bien sûr, mais le processus n’est pas aussi formalisé qu’à Rome, précise le père Jivko Panev.
Une fois qu’elle a rassemblé suffisamment d’éléments (miracles, témoignages), l’Église du lieu d’origine du saint reconnaît sa sainteté par un acte synodal, qu’elle envoie ensuite aux autres Églises. »Le monde orthodoxe partage une partie de ses saints avec l’Église catholique – tous ceux du premier millénaire, jusqu’au schisme de 1054 qui sépara le monde chrétien entre Orient et Occident. Depuis, de nombreux autres saints ont été reconnus par l’Église orthodoxe, notamment les martyrs de l’Église russe, victimes de persécutions sous le régime soviétique.
Y aurait-il un type de sainteté spécifiquement orthodoxe ? La « folie en Christ », cette forme particulière du mysticisme russe, ne semble par exemple pas avoir d’équivalent dans le monde occidental. Quoi qu’il en soit, souligne le père Jivko Panev,
« pour les catholiques comme pour les orthodoxes, on ne peut pas parler de la sainteté en dehors de l’Église ».
Chez les protestants
Le protestantisme (en dehors de l’anglicanisme), quant à lui, se distingue des autres confessions chrétiennes par son refus du culte des saints. Pour comprendre ce refus, il faut le replacer dans le contexte du débat théologique sur le salut, au XVI
e siècle : pour les Réformateurs, le salut n’est pas le fruit des œuvres ni des mérites humains, mais uniquement de la grâce divine.
« C’est en récusant la logique des mérites que le protestantisme a remis en cause le culte des saints », explique le pasteur et théologien Michel Bertrand. En outre, renchérit Guilhen Antier, qui enseigne la dogmatique à l’Institut protestant de théologie,
« cette pratique n’avait pas de fondement biblique, or les Réformateurs avaient à cœur de fonder la pratique sur l’Écriture ».
Ne pas vénérer les saints, cela signifie surtout refuser tout autre intermédiaire que le Christ entre Dieu et les hommes.
« Il existe bien dans le protestantisme des témoins exemplaires de la Parole du Christ, mais ils ne sont pas considérés comme des intercesseurs », précise Michel Bertrand. Si les protestants ne prient pas la Vierge Marie ni les saints, contrairement aux orthodoxes et aux catholiques, c’est donc avant tout par « christocentrisme ».
La sainteté n’est pas pour autant un mot tabou pour les protestants, qui mettent beaucoup l’accent sur la sanctification personnelle. Dans une certaine mesure, « saint » est même un synonyme de « chrétien ».
« Est saint celui qui est en relation avec Dieu, explique Michel Bertrand.
Mais Dieu est le seul à connaître ceux qui sont en relation avec lui ! Aucune personne, aucune institution – fût-ce celle de l’Église – ne peut le savoir. »La « communion des saints », que confessent également les protestants, unit au-delà de la mort tous les croyants – ou plutôt tous ceux que Dieu tient pour croyants.
« Mais elle se fait sur la base de la foi, pas des vertus », précise Guilhen Antier. Le théologien ajoute qu’entre ceux qui appartiennent à l’Église instituée et ceux que Dieu connaît, il n’y a pas nécessairement d’adéquation : dans une perspective protestante, la communion des saints outrepasse largement les appartenances confessionnelles.
https://www.la-croix.com/Religion/Chez-orthodoxes-protestants-quels-roles-jouent-saints-2018-04-09-1200930309