On peut associer morale et laïcité
Et si on enseignait aussi les fondements de notre civilisation ? Publié le 05 septembre 2012 à 9:25 dans PolitiqueSociété
Mots-clés : civilisation, École, laïcité, morale, Vincent Peillon
Pour éviter de s’empailler sur les deux termes morale et laïque, il aurait fallu dire précisément ce qu’on mettait sous chacun d’entre eux.
Commençons par le mot morale. L’École en France doit-elle se donner pour objectif de contribuer à la formation morale de ses élèves ? Tout individu normal, c’est-à-dire un tant soit peu conservateur, l’admettra : on ne naît pas civilisé, on le devient. Au travers d’une formation, et souvent après avoir rejeté en adolescent normal, tout ce qui bride et réprime la souveraineté du désir.
Si donc on précise qu’on met sous le mot « morale » l’ensemble des principes et des valeurs que la société française se donne comme base du vivre ensemble en son sein, l’École écope inévitablement de ce devoir de formation. Certes, les familles conservent leur rôle de modèle, mais puisqu’elles ont le droit de privilégier des morales particulières, et parfois divergentes de la morale commune, l’École reste le principal creuset commun en ce domaine.
La difficulté pour l‘École sera « comment s’y prendre pour éviter de prêcher dans le vide ? », mais laissons cela pour plus tard.
Posons seulement qu’il est normal que notre société dise clairement et fermement à tous ses enfants « voici les principes, les règles et les valeurs sur la base desquels les Français veulent vivre ensemble ». À condition que ces choix normatifs soient présentés comme des choix de civilisation, nos choix, et qu’on ne les fasse pas passer pour découlant directement d’une morale laïque, qui serait consensuelle par son contenu.
Car, si notre morale n’est pas un ensemble vide, la laïcité est vide par définition. Elle ne détermine aucun contenu.
La laïcité consiste à respecter la liberté de conscience de chacun, et pour ce qui concerne l’État et son École, à n’être soumis à l’autorité d’aucune idéologie, d’aucune religion, d’aucune philosophie.
La morale commune à la société française (inscrite en premier lieu dans la Déclaration des droits de l’homme et dans le préambule de la Constitution) peut-elle être présentée d’une façon laïque ?
Elle le peut à condition d’exposer ce qui la justifie à nos yeux, et en donnant en même temps à l’élève la possibilité de la discuter, de la critiquer, et de conserver son jugement sur elle.
La France reconnaît la liberté de conscience en matière religieuse, l’égalité entre les femmes et les hommes, l’adultère, l’homosexualité, l’avortement. Elle décide des mœurs et des règles de civilité qu’elle veut faire respecter.
Certains élèves ne sont pas d’accord ? C’est leur droit. Mais il faudra d’une part qu’ils aient compris que le respect de la loi que nous nous sommes librement donnée est impératif, et il faudra d’autre part qu’ils aient entendu les raisons pour lesquelles nous avons fait ces choix, que d’autres États ne font pas.
Puisque la laïcité consiste à rendre l’élève libre de penser par lui-même sur chacune de ces questions, et en connaissance de cause, l’approche philosophique de la morale commune s’impose.
Confier cette mission aux professeurs de philosophie – avec obligation pour eux de neutralité idéologique- ce serait une excellente façon de redonner du sens à la place de la philosophie dans l’École.
André Sénik (Causeur)