FSSPX : Benoît XVI veut nous recentrer sur le coeur de la foi catholique
Intéressante analyse de Jean-Marie Guénois suite à la rencontre entre le Cardinal Levada et Mgr Fellay :
"Derrière la bataille d'experts théologiques mobilisés dans les négociations entre Rome et les lefebvristes, se joue une évolution majeure dans l'Église catholique [...] un cap décisif été franchi par le Saint-Siège. Ce cap a deux faces. Formellement, l'Église catholique semble retrouver ce qu'elle vit depuis des siècles avec les douze Églises catholiques de rite oriental. À savoir la possibilité et le respect d'une différence liturgique et d'une autonomie de fonctionnement et en partie, de doctrine. On pourrait parler de la coexistence de «particularismes» avec et à côté de l'Église romaine latine. [...]
L'autre visage de ce cap plonge très profond car il touche les racines de l'identité catholique. Benoît XVI, depuis le début de son pontificat n'a pas d'autre programme que de pousser les chrétiens qui se disent catholiques à être, non pas davantage catholiques mais vraiment catholiques. C'est donc beaucoup plus qu'un recentrage qui est en cours. Ce mot est trop extérieur. Et la proposition qui a été faite hier à Mgr Fellay va dans ce sens. Cela concerne, certes, le cas particulier de la Fraternité Saint Pie X mais la logique qui la conduit confirme une constante d'action et de décisions, et non plus seulement d'intentions. Cette logique est une sorte d' « essentialisme ». Elle associe, pour un approfondissement, une tension pastorale, intellectuelle et ... mystique chez Benoît XVI. [...]
Autre élément, la décharge émotionnelle, positive ou négative, selon son camp, que provoque la simple évocation du Concile Vatican II, brouille les cartes. Ce que l'on ne voit pas, me semble-t-il, c'est que derrière les mots, Benoît XVI veut conduire à la saveur de la foi chrétienne telle qu'elle est interprétée par l'Église catholique. Ce qui donne à ce Pape une grande liberté de pensée et d'action. Et une largeur de vue qui va jusqu'à lui faire ouvrir la porte aux lefebvristes qui le critiquent violemment pour la béatification de Jean-Paul II ou pour sa participation, dans un mois, à une rencontre interreligieuse à Assise. Cette bienveillance provoque déjà à gauche et au centre des remous parce qu'elle distingue, à propos de l'enseignement du Concile Vatican II - considéré jusque là comme un bloc entier et définitivement acquis - des secteurs où une «légitime discussion» est possible. Mais même si Mgr Fellay dit non, ce cap est maintenant explicitement franchi par Rome alors que le Concile Vatican II était réputé intouchable. Cela rappelle, là aussi, un aspect oublié de la théologie catholique souvent perçue comme un monolithe : elle dispose d'un noyau central sur lequel sont articulés des satellites, tous solidement liés au centre mais structurellement périphériques. Les plus grands théologiens l'admettent.
Je suis, pour finir, très frappé de voir le malaise et la vivacité des premières réactions entendues ici et là. Elles démontrent que beaucoup de catholiques se considèrent aujourd'hui avant tout comme des chrétiens. Ils se méfient d'une identité catholique trop nette car elle les couperait du dialogue avec la société, avec les autres religions en particulier, de la tolérance qu'ils placent comme une attitude prioritaire. Mais le malentendu consisterait précisément à penser que Benoît XVI, en tendant cette main aux lefebvristes, veut aller dans le sens d'une Église catholique intègre, intransigeante et pourquoi pas intégriste ! Alors qu'il cherche à réconcilier les chrétiens-catholiques, sa gauche et les catholiques-chrétiens, sa droite, avec ce qu'est vraiment ... l'Église catholique !"
Michel Janva
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