A Fatima, Marie a parlé...
L’ÉVÉNEMENT DE FATIMA
Lucie, témoin privilégié
Nous empruntons le récit des événements de la Cova da Iria à la voyante survivante, Lucia dos Santos, devenue aujourd'hui Soeur Marie-Lucie du Coeur Immaculé, au Carmel de Coimbra. C'est la traduction des feuillets qu'elle a remis en 1941 à l'évêque de Leiria-Fatima, pour répondre à son désir d'avoir une relation définitive des apparitions de la Vierge, telle qu'elle en avait été le témoin en compagnie de François et de Jacinthe, entre le 13 mai et le 13 octobre 1917. Il y a beaucoup d'autres sources de documentation. On en prépare l'édition critique complète. En attendant, il nous a semblé que la relation qu'on appelle le IVe mémoire de Soeur Lucie suffit à l’essentiel. La religieuse était alors chez les Soeurs ''Dorothée'' obligée à l'incognito absolu. Elle a écrit son texte rapidement, appuyée sur une vieille caisse dans le grenier du couvent, sans s’attarder aux détails. C'est l'ensemble, tel qu'elle pouvait le saisir en pleine maturité spirituelle, avec le recul du temps. Certains doutes se sont élevés sur une possible élaboration personnelle de la voyante, de telle sorte qu'il y aurait une discontinuité entre la réalité du message de 1917, et les récits postérieurs. Ceux qui ont élevé ces difficultés ignoraient l'existence de nombreux documents, non encore livrés au public, qui établissent clairement l'unité de ce qu'on peut appeler "le message de Fatima". Voici donc la relation de Soeur Lucie.
Les apparitions de l'Ange
Au printemps 19l6, je ne peux pas préciser les dates avec exactitude, parce que, à cette époque, je ne savais compter ni les années, ni les mois, ni même les jours de la semaine. Il me semble cependant que ce devait être au printemps de 1916, lorsque l’Ange nous apparut, pour la première fois, à notre "Loca" du "Cabéço". J'ai déjà dit, dans ce que j'ai écrit sur Jacinthe, comment (ce jour-là) nous avions monté la pente, à la recherche d'un abri, et comment, après avoir mangé là, et récité le chapelet, nous avons commencé à voir à une certaine distance, au-dessus des arbres qui s'étendaient du côté du Levant, une lumière plus blanche que la neige qui avait la forme d'un jeune homme, lumière transparente, plus brillante qu'un cristal traversé par les rayons du soleil. À mesure que l'apparition s'approchait, nous distinguions mieux ses traits. Nous étions surpris, comme absorbés, et nous ne disions mot. En arrivant près de nous, (l'ange) nous dit : "Ne craignez pas ! Je suis l’Ange de la Paix. Priez avec moi ! "Et, s'agenouillant à terre, il baissa le front jusqu'au sol. Poussés par un mouvement surnaturel, nous l'avons imité, et nous avons répété les paroles que nous lui entendions prononcer :
Mon Dieu, je crois, j'adore, j'espère et je vous aime. Je vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n'adorent pas, qui n'espèrent pas et ne vous aiment pas".
Après avoir répété trois fois cette prière, il se releva et nous dit :
"Priez ainsi : Les Cœurs de Jésus et de Marie sont attentifs à la voix de vos supplications".
Puis il disparut. L'atmosphère de surnaturel qui nous enveloppait était si intense, que, pendant un grand espace de temps, nous perdîmes presque conscience de notre propre existence. Nous restions dans la position où il nous avait laissés, répétant sans cesse la même prière. La présence de Dieu se faisait sentir d'une manière si intense et si intime que nous n'osions même apparition. Il ne fut même pas nécessaire de recommander le secret. L'apparition nous l'imposait par elle-même. C'était quelque chose de si intime qu'il n'était pas facile de prononcer sur elle la moindre parole. Elle nous fit peut-être aussi plus d'impression, parce que c'était la première fois qu'elle se montrait à nous d'une manière aussi manifeste.
En été 1916 la seconde (apparition de l’Ange) a dû avoir lieu au fort de l'été, durant les jours de forte chaleur où nous revenions avec le troupeau vers le milieu de la matinée pour le sortir de nouveau sur le tard. Nous passions le temps de la sieste à l'ombre des arbres qui entouraient le puits, dont j'ai parlé déjà plusieurs fois, et que mes parents possédaient dans le terrain que nous appelions l"'Arneiro". Soudain, nous vîmes le même Ange auprès de nous :
"Que faites-vous? (nous dit-il). Priez ! Priez beaucoup, Les Cœurs de Jésus et de Marie ont sur vous des desseins de miséricorde. Offrez constamment au Très-Haut des prières et des sacrifices".
- Comment devons-nous nous sacrifier ? demandai-je.
- "De tout ce que vous pourrez, offrez un sacrifice en acte de réparation pour les péchés par lesquels Il est offensé et de supplication pour la conversion des pécheurs. Attirez ainsi la Paix sur votre Patrie. Je suis son Ange gardien, l'Ange du Portugal. Surtout acceptez et supportez les souffrances que le Seigneur vous enverra".
Ces paroles de l’Ange se gravèrent dans notre esprit comme une lumière qui nous faisait comprendre ce qu'est Dieu, combien il nous aime et veut être aimé de nous, la valeur du sacrifice et combien il lui est agréable, comment par égard pour lui, Dieu convertit les pécheurs. Aussi, dès ce moment, nous avons commencé à offrir au Seigneur tout ce qui nous mortifiait, mais sans chercher à nous imposer des pénitences particulières, sauf celle de passer des heures entières, prosternés sur le sol, à répéter la prière que l’Ange nous avait enseignée.