René Girard et l'Apocalypse

J'ai acquis et commençé la lecture (assez ardue, mais passionnante) du livre de RG, "Achever Clausewitz"; RG y commente les réflexions sur la guerre du célèbre théoricien militaire prussien;

il considère notamment la montée en puissance des moyens guerriers depuis deux siècles (Napoléon, la Révolution française en sont les initiateurs) et l'accélération indéniable de l'histoire, pour en tirer notamment cette conclusion, que les paroles prohétiques figurant ds l'Evangile et ds l'Apocalypse de St Jean pourraient bien être pour notre époque; s'il utilise prudemment le conditionnel, certaines de ses réflexions devraient selon lui conduire à une prise de conscience salutaire:

parce qu'aujourd'hui comme jamais auparavant, c'est le monde entier qui est concerné quasi simultanément (c'est de plus en plus vrai) par la violence humaine et par une catastrophe écologique, qui semblent bien toutes deux explicitement mentionnées comme concomittentes ds l'Evangile ("il y aura des tremblements de terre, etc...")
Bref, les catastrophes tous azimuts décrites ds l'Apocalypse seraint bcp plus concrètes qu'on ne veut bien le lire (qd on les lit encore, et d'ailleurs RG s'insurge contre l'ignorance dont ces textes font l'objet.

Ceci serait lié directement au fait que les chrétiens n'ont pas été capables d'assumer la dénonciation universelle de la violence par le Christ...

Ouhlala!!

J'espère mon cher Pacalou que vous connaissiez un peu la pensée de René Girard avant d'entamer son dernier livre Achever Clausewitz.

En effet ce livre est très dense et peut-être selon certains, moins clair que d'autres livres qu'il a écrit. A mon avis car j'ai lu le livre, il y a un peu de cela. De toute manière ce livre qui aborde plus directement la dimension historique pour l'étude de la mimésis, n'est pas accessible sans une connaissance préalable de l'anthropologie girardienne.

Pour ce qui touche au thème de l'apocalypse dans l'oeuvre girardienne et celle-ci en particulier, elle part de deux points majeurs de l'analyse girardienne :

1- il n'y a pas dans la dynamique du mimétisme violent décrit par l'anthropologie girardienne, de conversion collective possible. cela voudrait dire que tous refuserait en même temps les représailles en cas de conflit ou violence. Chose qu'on pourrait penser utopique. Girard reconnaît la conversion individuelle comme seule possible (voir l'exemple des saints). Ici nous parlons de conversion du regard sur la nature des rapports humains et sur la nature humaine même induit par ce savoir qu'approte la théorie mimétique dont la théorie évangélique sur l'homme en est la formulation la plus excellente selon René Girard toujours.

2- L'oubli des textes apocalyptiques (Nouveau testament surtout). C'est selon Girard une description du déchaînement purement humain de la violence destructrice sans borne que la sacré archaïque actualisait en son temps (le sacrifice humain puis animal).

L'argument de René Girard part de cette observation fondamentale et commune : depuis l'invention de la bombe atomique, l'humanité sait qu'elle peut se détruire entièrement. de plus ce qui paraissait bizarre dans le texte apocalyptique où les catastrophes naturelles se mêlaient aux catastrophes humaines, où il ya comme indifferenciation entre nature et culture, et bien aujourd'hui avec les problèmes écologiques, économiques etc... que nous connaissons, cela prend un nouveau sens que les textes apocalyptiques avaient donc prophétisé.


Bonne lecture.


M.

Merci pour ce résumé de la pensée girardienne, cher Manuel; c'est la première fois que je m'attaque à un de ses ouvrages, mais j'avais heureusement été qque peu initié auparavant par mes lectures de commentaires faits ici, notamment par vs-même et je crois par Spiddle; néanmoins, une piqûre de rappel est tjrs bienvenue, d'autant que, n'ayant pas de formation en philo ni en anthropologie, certains termes certains raisonnements demeurent parfois assez obscur; ce qui me passionne ds cet ouvrage, c'est le lien entre une accélération de l'histoire (dt nul ne peut douter) et l'eschatologie, des observations comme celle que vs rappelez très justement:

"dans le texte apocalyptique où les catastrophes naturelles se mêlaient aux catastrophes humaines, où il ya comme indifferenciation entre nature et culture, aujourd'hui avec les problèmes écologiques, économiques etc... que nous connaissons, cela prend un nouveau sens que les textes apocalyptiques avaient donc prophétisé".

Autre chose aussi que je trouve intéressant ds cet ouvrage, c'est qu'il montre comment un ouvrage de théorie militaire (qui a eu une énorme influence sur les stratégies -prussienne- et la montée en puissance des moyens militaires), qui a pê bien dépassé son auteur et son sujet, annonce le fait historique essentiel et primordial des 19ème et 20èmes siècles: la "montée aux extrêmes" et la planétarisation des conflits humains, elle-même venant éclairer des textes comme l'apocalypse, vieux de 2000 ans et dt certains passages semblent ne trouver leur sens qu'à notre époque.