A lire mais avec discernement, les visionnaires j'en ai connu un : celui qui proclamait à Alger je vous ai compris; mais il fut quand même un grand homme.
Élites ou lie de la société ? Les vrais aristos
01/03/2019 Shlomit Abel Aucun commentaire Michelle d'Astier de la Vigerie
Publié par Michelle d’Astier de la Vigerie le 25 février 2019
Jupiter, nostalgique
Je l’avoue à ma grande honte, durant longtemps, j’ai été élitiste, et je ne le savais pas.
Prenons la définition de « élitisme » dans Wikipédia : « L’élitisme est une idéologie qui soutient l’accession au pouvoir de personnes jugées comme les meilleures, comme supérieures (aux autres, au peuple) ; et qui réciproquement considère le peuple comme inférieur, et en conséquence devant être gouverné par l’élite. »
Dans le Larousse : « Attitude ou politique visant à former et à sélectionner les meilleurs éléments d’un groupe sur le plan des aptitudes intellectuelles ou physiques, aux dépens de la masse. »
Je l’étais par naissance, par mon entourage familial, par mes études, par mon QI, par mon mariage, par mes amis, par les hautes fonctions que j’ai parfois exercées, par les célébrités politiques, artistiques ou culturelles que je côtoyais et qui mangeaient à ma table (ou moi à la leur). J’ai navigué dans la jet society durant quelques années, là, mes « amis », c’étaient les milliardaires : avions privés, Rolls, yachts, villas somptueuses, châteaux…
Je n’avais pas conscience d’être élitiste. Pour moi, j’étais dans mon monde normal, un acquis de naissance, un passe-droit inaliénable, un héritage ancestral entretenu par le fait qu’on est coopté dans le sérail. Les nouveaux riches, parmi « nous », on les traitait de snobs et on les regardait avec condescendance, voire un certain dégoût. Quant au « petit peuple », c’est simple, on ne le connaissait pas, c’était comme s’il vivait sur une autre planète. Mais jamais il ne nous serait venu à l’esprit de le mépriser, même si on se sentait faire partie d’une élite quasi de droit divin.
Autant dire que je sais comment fonctionnent intellectuellement Macron et ses comparses de l’oligarchie financière, comment fonctionnent intellectuellement les hauts fonctionnaires sortis de l’ENA ou équivalent, ou encore les politiciens mangeant au même râtelier. La plupart d’ailleurs, si vous les rencontrez un par un, ce sont des gens brillants, sympathiques, ouverts qui souvent vous paraissent super humbles. Ils font de bonnes oeuvres, ils appartiennent à des clubs huppés où les bonnes oeuvres abondent aussi, comme dans la franc-maçonnerie, et franchement, ils sont comme des frères, ils se tiennent les coudes entre eux, et se regardent presque toujours eux-mêmes comme des gens nés pour dominer, gouverner, être à la tête…
Bref, ils font partie du meilleur des mondes, comme disait Huxley.
Maintenant, je vais parler des vrais aristos. J’en fais aussi partie :-). Donc j’en ai rencontré aussi beaucoup. Les aristos, ce n’est pas l’élite telle qu’on la connaît aujourd’hui. Les « aristos », par définition, ce sont les meilleurs, ceux qui ont prouvé qu’ils l’étaient, et cela n’a que bien peu à voir avec des patronymes et des particules. Il fut une période où j’ai connu un monde aristocratique particulier : celui des résistants de la première heure, qui avaient risqué leur vie pour la France. Certains avaient été torturés, d’autres envoyés dans les camps de concentration, et tous avaient en commun d’avoir perdu nombre de leurs compagnons d’armes, d’avoir, à cause de cela même, une vraie et grande humilité, et de ressentir pour leur pays un amour indéfectible. Ils l’avaient prouvé ! C’étaient des gens au coeur noble, de vrais aristocrates.
J’en ai rencontré d’autres, des aristos, qui l’étaient de naissance, des princes, des ducs, des comtes,… La plupart étaient d’une exquise courtoisie, avaient avant tout le sens du devoir, et étaient d’une humilité que l’on rencontre rarement dans le monde : ils savaient que tout ce qu’ils étaient ne venait pas de leurs propres mérites, mais de ce que leurs ancêtres avait accompli et su faire perdurer, parfois durant des siècles. Tous avaient été éduqués dans une valeur devenue bien rare, l’intégrité. Beaucoup, quand ils étaient argentés (pas tous, vraiment pas !), étaient généreux, mais personne d’autre qu’eux ne le savait. On l’apprenait par hasard de la bouche des bénéficiaires.
Je me souviens d’un ami très proche et qui me manque toujours, bien qu’il soit mort depuis presque quarante ans, un duc au nom très connu. Il avait un grand château. Comme il était député, il y était rarement. Quand il y séjournait, il était quasiment tout le temps dans la grande cuisine, avec tous ceux qui travaillaient sur le domaine, pour régler avec eux tous les problèmes d’intendance. Car il fallait les assumer, les charges du château ! Pas question de le laisser se désagréger : il l’avait reçu en héritage, il devait le transmettre en héritage et il ne se sentait qu’intendant de ses biens. Tous les samedis matins, les gens du village, et même de toute la province, affluaient pour le voir : ils venaient exposer les injustices qu’ils avaient subies et demandaient son arbitrage, parce qu’ils savaient que c’était un homme juste. Tout le monde respectait ses arbitrages, mêmes les adversaires les plus retors. C’était Monsieur le Duc, point final ! Et cela évitait les tribunaux et les frais d’avocats. Bien sûr, il ne se faisait jamais payer. C’était son devoir de duc, et une de ses missions, et tout le monde le respectait.