Retrouver le goût de la fraternité

Retrouver le goût de la fraternité

Bernard Gorce, le 24/09/2017 à 11h04
Mis à jour le 24/09/2017 à 11h59

Alors que la fraternité constitue le thème principal du jubilé de la Réforme qui s’achèvera fin octobre pour les protestants de France, enquête sur ce principe dont s’était emparée la République française. Hier négligée, la fraternité est aujourd’hui mise en avant pour répondre à la crise du lien social. Le monde associatif est bien décidé à lui donner un contenu politique.

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Pour Jean-François Serres, ancien responsable des Petits frères des pauvres, l’enjeu est « la reconstruction de relations gratuites, interpersonnelles et collectives ». / Corinne Simon/Ciric

Pour la première fois depuis la Libération, des millions d’hommes et de femmes se rassemblaient sur les places, défilaient dans les rues de France. Ce 11 janvier 2015, quelques jours après les attaques de djihadistes qui avaient ensanglanté la capitale française, ils manifestaient un besoin d’être ensemble, un désir d’unité. 

Dans les semaines qui ont suivi, le mot de fraternité est revenu en écho de cette mobilisation. Des livres, des pétitions, des appels, des chartes ou des marches sous la bannière de cette valeur qui a fait si longtemps figure de parent pauvre de la devise républicaine.

Plus de deux années ont passé et, pour beaucoup, le soufflé est retombé. Comme l’écrit le philosophe Olivier Abel (1), un tel moment de fraternité est « une brèche, une irruption ». Mais si l’expérience d’une communion populaire est forcément éphémère – fragile, aussi, comme le montrèrent les polémiques sur la non-participation d’une partie de la population musulmane –, reste une attente de fond, existentielle, spirituelle, attisée par la prise de conscience d’un peuple qui se désunit, d’un pays qui se fracture.

« Nous aspirons à une forme de transcendance collective »

Pour comprendre ce retour en force de la fraternité, un rapide détour par le passé s’impose. 

Tout au long du XX^e siècle, c’est sur le socle de la solidarité que se sont construites les grandes politiques publiques. Afin de répondre au double objectif d’émancipation des individus (liberté) et de justice sociale (égalité), la République a donné aux citoyens des droits : au travail, à la santé, à l’éducation… Après guerre, le système de protection sociale finit de compléter l’édifice de l’État providence.

Or ces droits créance (j’ai droit à…) et les grands mécanismes de solidarité ont fini par produire de l’individualisme : il est inutile de se soucier de son voisin car il est pris en charge… Liberté, égalité, solidarité. On est bien loin des grands idéaux des républicains du XIX^e siècle. La fraternité était alors à la fois une force et une vertu, célébrée dans la musique, sur les monuments publics, par les fêtes.

En 1900, rappelle le politologue Olivier Ihl, le président Émile Loubet convoque un banquet républicain qui réunit environ 30 000 personnes aux Tuileries. « Ce mot fraternité qui semblait avoir disparu réapparaît aujourd’hui, alors qu’on traverse une grande crise d’identité, que l’unité même de la nation est menacée. Cette aspiration contient une nostalgie de cet idéal de la III^e République et revêt aussi une dimension spirituelle. Nous aspirons à une forme de transcendance collective. »

« Il n’y a pas de fraternité sans sacralité »

Auteur d’un essai sur le sujet (2), le philosophe Régis Debray expliquait dans La Croix, au lendemain des manifestations du 11 janvier 2015 : « La fraternité, c’est la reconnaissance d’une paternité symbolique. On est frères en Christ, en une valeur qui vous dépasse. Il n’y a pas de fraternité sans sacralité. Aujourd’hui, on vit dans l’illusion de l’individu qui est son propre père. Ça ne marche pas. »

En France, au XXI^e siècle, impossible de vouloir réveiller une religion civile telle que la révèrent les révolutionnaires. Dans ce pays pluriel, ouvert aux vents de la mondialisation, la fraternité cherche davantage à s’alimenter à la source du dialogue et de la rencontre. « Comment pouvons-nous prétendre vouloir vivre ensemble si nous n’essayons pas de trouver ensemble un sacré partageable ? », interroge dans son Plaidoyer pour la fraternité (Albin Michel, 2015) le philosophe Abdennour Bidar. 

Alors que les discours communautaristes, intégristes, populistes ou racistes exacerbent les sentiments de rejet de l’autre, la République, toute laïque qu’elle demeure, ne serait-elle pas prête aujourd’hui à relever le défi ? Le ministre de l’intérieur Gérard Collomb va installer d’ici à la fin de l’année une « instance informelle de dialogue et de concorde entre les autorités des principaux cultes » sur le modèle de Marseille Espérance ou « Concorde et solidarité » à Lyon, ville dont il fut longtemps le maire.

« Oui, il y a une politique de la fraternité possible »

Si la fraternité brille d’un éclat nouveau sur les frontons républicains, quel contenu concret donner à ce qui semble davantage relever d’une exigence morale ? Quel devoir d’aimer son prochain, quel droit à la considération ?, se gausse-t-on.

Mais contre tous ceux qui refusent de voir dans la fraternité autre chose qu’un idéal lointain bataillent des acteurs du monde associatif.

Au premier rang desquels Jean-François Serres. Membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE), l’ancien responsable des Petits frères des pauvres insiste sur la profondeur de la crise qui mine notre société. « Il fut un temps où la construction du droit était la priorité, puis l’émancipation individuelle a pris le relais. Aujourd’hui, nous entrons dans le temps de la fraternité et, oui, il y a une politique de la fraternité possible. » 

« Retrouver le socle de notre fraternité »

L’homme qui a lancé un percutant appel à tous les citoyens (3) estime qu’il est possible de changer notre approche de l’engagement associatif pour faire de celui-ci le nerf d’une refondation du lien social. En 2005, il engageait les Petits frères dans une réflexion pour repenser le projet à partir de toutes les initiatives des équipes locales. Le résultat a été spectaculaire. En dix ans, l’association est passée de 5 000 à 12 000 bénévoles.

« L’enjeu n’est pas le service rendu mais la reconstruction de relations gratuites, interpersonnelles et collectives, dit-il. En libérant les énergies, on ne se situe pas seulement sur la question sociale mais bien sur le terrain de la fraternité. » 

C’est cette même logique qui a présidé au lancement, en 2013, du réseau Monalisa pour rejoindre les personnes âgées isolées, puis, en juin dernier, le rapport que Jean-François Serres a fait voter au CESE (4) : il appelait à une mobilisation nationale contre le fléau de l’isolement social, avec le déploiement sur tout le territoire d’« équipes citoyennes ». « La dynamique de fraternité est entre les mains du citoyen, mais elle a besoin du politique », explique Jean-François Serres.

Lors de son discours au Congrès, en juillet, Emmanuel Macron a érigé au rang de ses trois priorités de « retrouver le socle de notre fraternité ». « Nous devons substituer à l’idée d’aide sociale, à la charité publique, aux dispositifs parcellaires une vraie politique de l’inclusion de tous », précisait le président. Maintenant, Jean-François Serres attend les actes d’un gouvernement qui ne compte même pas de secrétaire d’État à la vie associative.

« Aujourd’hui, la société prend conscience de sa vulnérabilité »

Jean-Louis Sanchez avait lancé, dès 1999, un appel à la fraternité, signé alors par les deux tiers des maires des grandes villes. 

« Il y a dix-huit ans déjà, nous posions le diagnostic sur l’effondrement des liens qui est la grande mutation de notre pays, assure le délégué général de l’Observatoire national de l’action sociale (Odas). Aujourd’hui, la société prend conscience de sa vulnérabilité, sur le plan environnemental, économique, sécuritaire. On ne s’en sortira pas sans l’implication de chacun pour créer de nouvelles relations. »

Pour lui, le changement ne vient pas d’en haut mais de l’implication des élus locaux qui, par exemple, créent des journées citoyennes à l’occasion desquelles les habitants d’une ville sont invités à participer à des travaux généraux. 

L’Odas a commencé ce programme avec une ville, elle en est aujourd’hui à un millier. De quoi jeter les bases d’une fraternité concrète non pas « idéalisée » mais « opérationnelle » dit Jean-Louis Sanchez (5). Cela devrait passer aussi par l’ouverture des grandes institutions à la société civile, à commencer par l’école où les « aînés » pourraient, selon lui, jouer un rôle éducatif.

 Bernard Gorce

(1) Liberté, égalité oui, mais fraternité ? Lethielleux, 2014
(2) Le Moment fraternité, Gallimard, 2009
(3) Engageons-nous en fraternité, Le Pommier, 2017
(4) Combattre l’isolement social pour plus de cohésion et de fraternité
(5) La Promesse de l’autre, Les liens qui libèrent, 2013.

http://www.la-croix.com/France/Retrouver-gout-fraternite-2017-09-24-1200879248

quand on voit comme vous parlez aux gens, on comprend la différence entre la théorie et la mise en pratique.

" C'était a tous le monde est personne ne possédait rien" ( a condition qu 'il y est un seul foyer la transmission était autorisé sans que le seigneur est mot a dire et cela fut une "charité" donné par l 'église)

Loup Ecossais a écrit:

Vous semblez oublier, violette3, ce qui est arrivé à Jésus, pour ne pas avoir été "fraternel", avec ses détracteurs, voire ses futurs assassins. On l'a fait crucifier. Si c'est le sort que vous envisagez pour vous, n'essayez pas d'entraîner avec vous, des gens qui réfléchissent par eux-mêmes, et ont une analyse lucide, voire "extra-lucide" sur ce qu'il se passe dans notre Patrie, du moins iceux, qui se revendiquent "patriotes"...

Jésus te répond " Heureux celui pour qui Je ne Suis pas une occasion de chute !" Luc 7 , 22 23

Jean baptiste aussi espéré que le règne de Dieu allait être politique et rapide et qu'Il allait tabasser la clique au pouvoir qui proposait de lui couper la tête et la réponse de Jésus c'est celle que je t'ai donnée !
et Jean baptiste a eu la tête tranchée et Jésus est mort en croix et les 1é Apôtres ont pour la plus part fini martyrs ! donc ta vision d'état pseudo chrétien qui s'impose manu militari ne semble pas intéresser Dieu ; le Chef c'est le Christ pas nos idéologies pseudos chrétiennes !!

toi tu veux un dieu pour ta politique territoriale , tu fais parti de ceux qui veulent nationaliser Dieu !
Alors que Dieu te propose SON ROYAUME c'est a dire " Lui en Toi toi en Lui" et non pas que tu décide de ce qui est Son Royaume (rappel toi quand les hommes veulent faire de Jésus leur Roi !) !!

si l'homme n'aspire qu'a un ordre en ce monde mais pas à ce que Jésus nous Donne on ne fera que continuer a faire la volonté du démon !
Si l'Esprit Saint nous est Donné c'est bien pour passer de ce monde au Royaume et non pas s'enfermer encore ici !

il y a beaucoup d'interprétation personnelle sur des idées pré-conçues dans ton texte.
attention de pas toi-même alimenter des pseudo-conflits à partir de sentiments personnels.

humanlife a écrit:

il y a beaucoup d'interprétation personnelle sur des idées pré-conçues dans ton texte.
[...]

Quelle interprétation ? Quelles idées préconçues ?

Voila justement le topic que je trouvais approprié mais il faut qu'un certain nombre de personnes le critiquent.

Qu'estce que ça peut vous faire loup écossais ? on peut réfléchir sans vous et entrainer justement les autres à ne pas vous écouter et vous lire. Vous etes raciste et les patriotes on peut ne pas les apprécier. Ils n'ont certainement pas le monopole de la vie en société.

Je ne vois pas en plus POURQUOI on ne peut pas essayer de vivre dans la FRATERNITE  au lieu de s'ignorer.

pareil, vous faites éloge de la fraternité mais vous commencez par insulter une personne qui a des idées différentes des vôtres, non pas que j'apprécie loup écossais, mais ce paradoxe de vanter les mérites du sentiment fraternel tout en rejetant autrui sur des préjugés m'apparaît toujours surprenant.

humanlife a écrit:

pareil, vous faites éloge de la fraternité mais vous commencez par insulter une personne qui a des idées différentes des vôtres, non pas que j'apprécie loup écossais, mais ce paradoxe de vanter les mérites du sentiment fraternel tout en rejetant autrui sur des préjugés m'apparaît toujours surprenant.

Je n'ai pas insulté, j'ai dit la vérité.

cricri59 a écrit:

humanlife a écrit:

pareil, vous faites éloge de la fraternité mais vous commencez par insulter une personne qui a des idées différentes des vôtres, non pas que j'apprécie loup écossais, mais ce paradoxe de vanter les mérites du sentiment fraternel tout en rejetant autrui sur des préjugés m'apparaît toujours surprenant.

Je n'ai pas insulté, j'ai dit la vérité.

il n'y a rien dans son texte qui justifie cette affirmation.

Humanlife, si cela n'est pas la justification du racisme (du FN)  c'est quoi ?

Si c'est le sort que vous envisagez pour vous, n'essayez pas d'entraîner avec vous, des gens qui réfléchissent par eux-mêmes, et ont une analyse lucide, voire "extra-lucide" sur ce qu'il se passe dans notre Patrie, du moins iceux, qui se revendiquent "patriotes"...

Il me semble Humanlife qu'on doit justement entrainer les autres à plus de fraternité et pas hurler la peur, car je suis peut etre bétasse mais j'ai bien compris qu'il parlait des "patriotes".

Hé bien je préfére ne pas en etre : c'est tout.

c'est un point de vue partial basé sur des préjugés, selon moi: ceux-ci sont comme ça, mais moi je ne le suis pas etc..

ou alors être patriote c'est mal selon vous, ce qui est quand même assez abusif.

Vous savez! Respectez humanlife! Il vient de nous expliquer qu'il est plus fort qu'Einstein et tous les autres!

ça a rien à voir, je réfléchis sur des idées, ce qui est c'est sûr assez scandaleux il faut croire.

encore un qui illustre le sujet sur la fraternité de belle manière..

La fraternité fait parti de la devise de la France mais elle devrait l'etre avant tout pour les chrétiens
A moins qu'on préfére dire : la charité ?

Dans mon village nous avons toujours été solidaires comme le dit Philippe bis,sans demander de contre partie à celui qui vient donné un coup de main à son voisin.

On porte la soupe le soir et on ferme ses volets pour la nuit à la vieille voisine.

Je trouve triste qu'il faut que ça soit les politiques qui rappelle ce que tout chrétien devrait faire.