Je résume à ma façon : il s’agit en somme de dire si au nom de la pureté de la doctrine, il faut opposer aux pécheurs – et spécialement ceux visés par les discussions les plus controversées, ou plus exactement les manipulations du synode extraordinaire – une rigueur toute janséniste. Ou si au contraire, le souci de se pencher « avec compassion sur les blessés de la vie familiale », où le pape semble au P. Garrigues « renouer de fait avec une vieille tradition romaine de miséricorde ecclésiale envers les pécheurs », qui conduit à refuser avec l’Eglise « l’Eglise des purs » au profit de la « nasse mêlée de justes et de pécheurs », n’exige pas une autre attitude.
Avec tout le respect que je dois au père dominicain et à son savoir qui dépasse très largement le mien, je me permettrais de répondre en tant que journaliste, en posant notamment quelques questions sur des points qui me semblent ici mélangés à tort.
Notons d’abord que pour le P. Garrigues, le pape François s’appuie sur le raffermissement des « principes doctrinaux et moraux » par « les deux grands papes qui l’ont précédé », et s’il bouscule un peu les fidèles, c’est dans l’objectif d’aider les âmes « dans la situation concrète ou le Seigneur les appelle », « ne voulant plus fermer les yeux devant les détresses de tant de ces enfants ». On comprend et on serait mal venu de ne pas approuver, à ceci près que la formulation suggère que les prédécesseurs du pape François n’avaient pas ce souci, qu’ils « fermaient les yeux »…
Le pape « fait confiance à la dynamique ecclésiale pour trouver, peu à peu et parfois laborieusement, l’articulation entre la vérité des fondamentaux de la foi et la miséricorde pastorale pour les personnes », écrit le P. Garrigues.
On est au cœur de ce qui a « fait problème » à propos du synode : c’est la question des rapports entre doctrine et pastorale, que le P. Garrigues cherche ici à résoudre de manière orthodoxe en montrant qu’il n’y a pas de « gradualité de la loi », une « finalité morale qui varierait selon les situations du sujet », mais appel aux personnes « à sortir progressivement du mal en commençant par faire la part de bien (encore insuffisante mais réelle) dont elles sont capables ». Il n’y a là rien de révolutionnaire. Mais sur cette notion du « bien » accompli dans une situation de péché grave, il faut apporter quelques remarques…
Quoi qu’il en soit, le fait d’éviter une « pastorale du tout ou rien », comme le suggère le P. Spadaro, ne conduit pas au relativisme, assure le P. Garrigues : « Il serait insensé de confondre la “loi de gradualité”, qui vise un exercice progressif et toujours finalisé de l’acte libre vers la vertu, avec le relativisme subjectiviste d’une “gradualité de la loi”. » Le P. Garrigues prend alors l’exemple du GPS, qui donne le but à atteindre – et qui ne varie pas – mais qui en fonction des erreurs ou des routes barrées, recalcule « aussitôt un itinéraire alternatif à partir de la situation où nous nous trouvons » sans nous dire de retourner au point de départ. De même Dieu, après chaque chute, « nous réoriente vers Lui-même en nous traçant un nouveau chemin vers Lui » ; un chemin que nous suivons, ou non… Un chemin où le pasteur a pour rôle d’« aider les âmes ».
C’est aussi une réalité qui exige pour celui qui se croit « juste » de renoncer à l’orgueil : d’éviter les « motivations non évangéliques » dont « la plus grave serait se poser en parangon arrogant de vertu familiale pour les autres, en jugeant implicitement ceux qui n’arrivent pas à faire comme eux et en étant incapables de voir et d’accueillir la part de bien qu’il y a néanmoins dans la vie de ceux-ci, au lieu de les aider à porter leur fardeau comme le demande saint Paul ».
A ce sujet, répondant à une question à propos de ceux qui se disent inquiets « pour le respect de la doctrine » parce que le synode insiste sur ce souci pastoral, le P. Garrigues répond :
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