Du livre "Dieu ou rien" - entretien spirituel avec le Cardinal Robert Sarah
"Le monde doit-il changer d'attitude ou l’Église sa fidélité à Dieu ? La distance entre ces deux réalités est-elle tenable dans le temps, au risque de voir les incompréhensions se creuser ? Car si les fidèles aiment encore l’Église et le pape, mais qu'ils n'appliquent pas sa doctrine, en ne changeant rien dans leurs vies, même après être venus écouter le successeur de Pierre à Rome, comment envisager l'avenir ?
Beaucoup de fidèles se réjouissent d'entendre parler de la miséricorde divine, et ils espèrent que la radicalité de l’Évangile pourrait s'assouplir même en faveur de ceux qui ont fait le choix de vivre en rupture avec l'amour crucifié de Jésus. Ils ne mesurent pas le prix payé par Lui sur la Croix, qui a délivré chacun de nous du joug du péché et de la mort. Ils estiment qu'à cause de l'infinie bonté du Seigneur tout est possible, même en décidant de ne rien changer de leur vie. Pour beaucoup, il est normal que Dieu déverse sur eux sa miséricorde alors qu'ils demeurent dans le péché...
Or le péché m’annihile : comment peut-on greffer des énergies de vie divine sur du néant ? Malgré les multiples rappels de saint Paul, ils n'imaginent pas que la lumière et les ténèbres ne peuvent coexister : "Que dire alors ? Qu'il nous faut rester dans le péché, pour que la grâce se multiplie ? Certes non ! Si nous sommes morts au péché, comment continuer de vivre en lui ? Ou bien ignorez-vous que, baptisés dans le Christ Jésus, c'est dans sa mort que tous nous avons été baptisés ?" (Rm 6, 1-3)
Cette confusion demande des réponses rapides. L’Église ne peut plus avancer comme si la réalité n'existait pas ; elle ne peut plus se contenter d’enthousiasmes éphémères, qui durent l'espace de grandes rencontres ou d'assemblées liturgiques, si belles et riches soient-elles. Nous ne pourrons pas longtemps faire l’économie d'une réflexion pratique sur le subjectivisme en tant que racine de la majeure partie des erreurs actuelles. A quoi sert-il de savoir que le compte Twitter du pape est suivi par des centaines de milliers de personnes si les hommes ne changent pas concrètement leur vie ? A quoi sert-il d'aligner les chiffres mirifiques des foules qui se pressent devant les papes si nous ne sommes pas certains que les conversions sont réelles et profondes, et si nous ignorons combien Jésus et son Évangile sont la référence et le guide de nos [vies] ?"