_Bruno_
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| Sujet: Sexualité et judéo-christianisme 14/10/2014, 13:39 | |
| Bonjour, Je partage avec vous cet article paru dans La Vie (09/10/2014) qui revient, brièvement, sur pas mal d'idées reçues. - La Vie a écrit:
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Qui sont les puritains ? Par Jean-Claude Guillebaud, journaliste, écrivain et essayiste
Pas un jour ne se passe sans qu’on entende clamer qu’il faut en finir avec les « tabous » sexuels du judéo-christianisme. Rien n’est plus sot. Rien n’est plus exaspérant. En réalité, les interdits sexuels attribués au judéo-christianisme étaient déjà en vigueur, voire plus sévèrement, dans l’Antiquité païenne. L’examen critique de ces interdits ne saurait donc se confondre avec une dénonciation du religieux en général et du christianisme en particulier. Et cela, même si l’Église a connu d’incontestables périodes de pudibonderie étouffante (surtout aux XIXe et XXe siècles). La simple vérité nous interdit de confondre ces crispations momentanées avec la tradition biblique.
Le philosophe Michel Foucault avait synthétisé les quatre griefs formulés à l’encontre du judéo-christianisme. Ce dernier aurait assimilé le sexe et la chair au mal, assujetti la femme en encourageant la misogynie, exalté la continence sexuelle, condamné l’homosexualité. Imposant ces quatre interdits, il aurait rompu du même coup avec toutes les traditions païennes et proscrit pour des siècles le bonheur des corps. Foucault, que l’on cite toujours sans le lire, a démontré l’imbécillité de ces quatre accusations. Il fut éclairé sur ces questions par le grand universitaire américain Peter Brown, chrétien et biographe de saint Augustin.
En réalité, ces quatre catégories de défiance à l’égard de la sexualité étaient – toutes – bien connues et partagées à l’époque du paganisme antique avec des variantes entre la vertueuse République, avant et après la deuxième guerre punique, et le Haut-Empire saisi par un prurit de plaisir ou sous les Antonins soucieux du retour à la virtus (vertu) de jadis. Globalement, les préoccupations de morale et de tempérance sexuelle n’ont jamais été absentes du monde antique.
Défiance à l’endroit du désir et du plaisir ? Lisons Platon. Dans les Lois, il évoque la honte (nécessaire) qui, en diminuant la fréquence de l’activité sexuelle, en « affaiblira sa tyrannie » ; il faudra que les citoyens « couvrent de mystère de tels actes », qu’ils éprouvent, à les commettre à découvert, « un déshonneur » oublieux d’une obligation de pudeur créée par la coutume.
De même, dans la République (livre IX), Socrate assure que l’homme sensé « ne s’en remettra pas au plaisir bestial et déraisonnable ». Une bonne partie de la philosophie antique se défie ainsi du désir sexuel, non parce qu’il est « mauvais », mais parce qu’il est le foyer d’une énergie (energeia) portée à l’excès et donc pourvoyeuse de désordre et de violence. Pour les Grecs comme pour les Romains, il importe que l’homme sache commander à ses désirs comme un monarque éclairé à ses sujets. Le sexe est une pulsion joyeuse, mais si puissante que l’homme doit la garder sous l’emprise de sa décision.
Les chrétiens ont tort d’être embarrassés à propos des prétendus tabous religieux que serinent les médias. La tradition évangélique a su jadis exalter la splendeur du corps, considéré comme le tabernacle du Christ, alors que Platon n’y voyait que le « tombeau de l’âme ». Les puritains ne sont pas toujours où l’on croit, et les chrétiens peuvent sourire de ces reproches. | |
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