VOUS NE TUEREZ POINT.
§ I. — QUELS SONT LES MEURTRES QUI NE SONT POINT ICI DÉFENDUS.
Dans la partie du précepte qui défend le meurtre, il faut d’abord faire remarquer
aux Fidèles qu’il y a des meurtres qui ne sont point compris dans cette défense.
Ainsi il n’est pas défendu de tuer les bêtes ; puisque Dieu nous a
permis de nous en nourrir, Il nous a permis par là -même de les tuer. Ce qui a
fait dire à Saint Augustin [4] :
« Lorsque nous lisons ces paroles: Vous ne tuerez point, cela ne peut
s’entendre des arbres qui n’ont aucune sensibilité, ni des animaux sans
raison, parce qu’ils ne nous sont unis par aucun lien social. »
Il est une autre espèce de meurtre qui est également permise, ce sont les
homicides ordonnés par les magistrats qui ont droit de vie et de mort pour sévir
contre les criminels que les tribunaux condamnent, et pour protéger les
innocents. Quand donc ils remplissent leurs fonctions avec équité, non
seulement ils ne sont point coupables de meurtre, mais au contraire ils
observent très fidèlement la Loi de Dieu qui le défend. Le but de cette Loi
est en effet de veiller à la conservation de la vie des hommes, par conséquent
les châtiments infligés par les magistrats, qui sont les vengeurs légitimes
du crime, ne tendent qu’à mettre notre vie en sûreté, en réprimant
l’audace et l’injustice par les supplices. C’est ce qui faisait dire à
David [5]:
« Dés le matin je songeais à exterminer tous les coupables, pour
retrancher de la cité de Dieu les artisans d’iniquité. »
Par la même raison, ceux qui, dans une guerre juste, ôtent la vie à leurs
ennemis, ne sont point coupables d’homicide, pourvu qu’ils n’obéissent
point à la cupidité et à la cruauté, mais qu’ils ne cherchent que le bien
public. Les meurtres qui se font par la volonté formelle de Dieu ne sont point
non plus des péchés. Les enfants de Lévi qui firent périr en un seul jour
tant de milliers d’hommes ne commirent aucune faute. Après le massacre, Moïse
leur dit: [6]
« Vous avez aujourd’hui consacré vos mains au Seigneur. »
Celui qui involontairement et sans préméditation donne la mort à quelqu’un,
n’est pas coupable non plus. Voici ce que le Deutéronome dit à ce sujet: [7]
« Celui qui, sans y penser, aura frappé un autre avec lequel il
n’aura point eu de dispute les deux jours précédents, et qui étant allé
avec lui dans une forêt simplement pour y couper du bois, lui aura donné un
coup et l’aura tué avec sa cognée qui lui aura échappé des mains, ou qui a
quitté son manche, ne sera point coupable de la mort de cet homme. »
Ces sortes de meurtres ne sont ni volontaires ni commis à dessein, ils ne
sauraient donc être mis au nombre des péchés. C’est ce que nous confirme
Saint Augustin: [8]
« Si contre notre volonté, dit-il, il arrive du mal des actions
que nous faisons licitement et pour le bien, ce mal ne doit pas nous être imputé. »
Toutefois il est deux cas où nous pouvons être coupables d’homicide, sans qu’il y
ait eu préméditation de notre part
En premier lieu, si quelqu’un vient à tuer son semblable, en faisant une action
injuste ; par exemple, en frappant une femme enceinte à coups de pied, ou
à coups de poing, de manière à causer la mort de son enfant ; sans doute
il n’est pas volontairement cause de cette mort, mais il en est coupable, par
la raison qu’il lui est absolument défendu de frapper une femme enceinte. En
second lieu, si on donne la mort à quelqu’un par imprudence, et faute
d’avoir pris les précautions et les soins nécessaires, pour éviter un tel
malheur.
De même encore, celui qui en défendant sa propre vie tue son agresseur, malgré
les précautions qu’il prend pour ne le point frapper mortellement, n’est
nullement coupable d’homicide. tous ces meurtres dont nous venons de parler ne
tombent point sous les prescriptions de la Loi. Mais les autres sont absolument
défendus, soit qu’on les considère du côté de celui qui donne la mort, ou
du côté de celui qui la reçoit, ou enfin selon les différentes manières
dont l’homicide peut être commis.
http://catechisme.free.fr/cat1part3chap33.htm