Dans l'épisode précédent, Jésus a multiplié des pains et des poissons, il les a distribués aux gens d'une grande foule — on parle de cinq mille hommes — qui était venue l'écouter. Jésus ordonne à ses disciples de partir avant lui pour traverser le lac. Il reste seul, il monte au sommet d'une de ces collines de Galilée et là il prie. Tout est calme là haut, Jésus a tout le loisir de parler avec Dieu, son Père et le nôtre. Mais en bas, c'est le contraire. Le vent s'est levé, les vagues bousculent la barque, les disciples sont en danger.
On retrouve ici le symbolisme biblique. Dans le Premier Testament, l'eau de source, l'eau des rivières et des fleuves est un symbole de vie. Il faut de l'eau pour vivre. Mais l'eau en masse, l'eau des mers et des lacs est, au contraire, un symbole de mort. Si on y tombe, on se noie, on meurt. En hébreu, le même mot désigne à la fois la mer et le lac. Matthieu emploie le mot mer, mais en réalité c'est un lac, le lac de Génésareth ou de Kinéreth. Le danger que représente l'eau du lac est renforcé par le vent de tempête. L'eau, les vagues plus le vent, c'est un mélange maléfique où les disciples risquent de perdre la vie. Alors il est d'autant plus étonnant que Jésus marche sur les eaux. Il y a marché sans enfoncer, sans mourir. On peut y voir un autre symbole : si Jésus peut marcher sur l'eau, cela veut dire qu'il domine le mal. Il surmonte le mal, il est plus fort que le mal.
Pierre est dans la barque, avec ses collègues disciples. Les autres poussent des cris de frayeur, parce qu'ils croient voir un fantôme. Mais Pierre, sans doute plus audacieux que les autres, veut aussi marcher sur l'eau du lac. Il veut faire comme Jésus. Il veut se mettre à la même place que Jésus. On peut dire qu'il veut se mettre à la même place que Dieu, car Dieu seul domine les eaux. Personne ne demandait à Pierre de marcher sur l'eau. Aujourd'hui, on peut glisser sur l'eau, cela s'appelle du ski nautique. Mais ce genre de sport n'existe pas du temps de Jésus. Pierre commet un acte inutile, un acte absurde, puisqu'il ne sert à rien.
Jésus le laisse faire. Il lui dit : "Viens !". Jésus ne s'oppose pas au désir insensé de Pierre. Au contraire, il l'invite à venir le rejoindre à la surface de l'eau. Jésus permet à Pierre de faire ses expériences. Celle-là sera une expérience malheureuse, elle a failli se terminer par la noyade. Pierre en sera quitte pour la peur. Parfois Dieu nous laisse faire aussi nos expériences. On apprend la vie à coups de réussites et d'échecs, et il y a des échecs coûteux. Mais Dieu nous éduque comme on éduque des enfants. Ils apprennent par eux-mêmes qu'on ne peut pas tout faire.
Pierre s'est exposé pour rien. Il a failli se détruire. Il a manqué de foi. Une traductrice de Matthieu, sœur Jeanne d'Arc, dit que Pierre est un minicroyant. Le mot est assez joli. Il dit bien les dispositions de Pierre. Pierre n'a peut-être pas manqué de foi pour se tenir debout sur l'eau. Mais il n'a pas attendu que Dieu lui demande de le faire. Il n'a pas reçu de mission particulière. Dieu ne l'a pas lancé dans une aventure difficile. Il a voulu tout faire par lui-même. Son manque de foi, c'est d'avoir voulu agir sans avoir reçu vocation de Dieu, sans que Dieu lui commande quoi que ce soit. Il s'est lancé sans Dieu et il a fallu que Jésus rattrape sa bêtise au dernier moment.
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Marcher selon l'Esprit de la lettre,c'est suivre un Judaisme sans messie ou un Christianisme sans racine?
Moi j'ai choisi Juif pour les racines messianique pour son messie!