IntroductionDans un premier ouvrage Fondements logiques de la physique,
noté ici [FL], paru en 2007, nous avons montré qu'on
pouvait déduire l'existence et les propriétés structurelles
des particules fondamentales à partir d'un principe unique,
le principe de différenciation, qui fait apparaître la structure
quaternaire de la réalité. Ce principe laisse complet le
mystère de la dynamique des particules. C'est pourquoi
nous avions posé la question de l'autosubsistance et nous
avons établi ([FL] p. 116) que celle-ci ne pouvait se formaliser
que
selon une structure relationnelle ternaire etqu'en faisant une projection
de la relation quaternaire sur
celle-ci. Nous obtenions ainsi six cycles ergoniques classables
en trois générations avec deux spins qui rappelaient les
trois générations de quarks et leptons de la physique des
particules.
Ces résultats conduisaient naturellement à
affirmer en toute rationalité que le monde physique n'est
pas autosubsistant puisque sa structure relationnelle est
quaternaire, et qu'en conséquence il est pertinent de dire
qu'il est créé. En outre, la structure relationnelle ternaire
évoquait puissamment la doctrine de la Trinité de la religion
chrétienne.Nous reconnaissions ainsi que le monde était créé et
comportait dans son acte même d'existence du hasard
faisant partie du tissu des choses et des événements selon
une proportion très variable. Même les mouvements les
plus réguliers et les plus mathématisables, comme ceux de
la mécanique céleste, comportent une dose d'aléatoire qui
les rend imprévisibles à longue échéance ! L'indéterminisme était donc structurel, autant que les lois parfaitement
repérables. D'où la justification de fond du rôle des
probabilités dans la physique quantique. Le problème qui
avait tant remué les esprits du temps d'Einstein et Bohr
était fondamentalement résolu.
C'est que le point de vue sur les fondements logiques de
la physique s'accompagne nécessairement d'un point de
vue métaphysique qui, à travers le principe de différenciation,
met en évidence la tétra-catégorisation de l'existence
en « néant/potentiel/contingent/nécessaire ». L'existence potentielle
est précisément le lieu de l'aléatoire et rien ne peut
exister sans une relation à cet aléatoire. C'est pourquoi
nous avions donné à notre ouvrage le sous-titre ... et pourtant
si, Dieu joue aux dés ! répondant ainsi en lui rendant
hommage à l'exclamation d'A. Einstein : « Dieu ne joue pas
aux dés ! »
Les Fondements logiques de la physique nous invitaient à
regarder non seulement la structure et la dynamique des
particules mais à explorer les interactions, ce dont nous
avons donné une ébauche. Il demeurait une question
métaphysique de première grandeur, celle du lien entre la
structure et la structure relationnelle quaternaire dans
laquelle on interprète le monde physique. Comment et
pourquoi le relèvement de l'une dans l'autre induit une
dynamique ? Et si évoque le Créateur, quel est son
rapport à la doctrine trinitaire ?
Ces questions sont la raison de ce nouvel ouvrage.
Si la réalité admet la structure quaternaire résultant d'un
acte de différenciation et que cet acte relationnel ne peut
être autosubsistant, qui le produit ?
Et si la dynamique de
la quaternité est induite par la structure , ne peut-on pas
penser que l'acte de création résulte structurellement et
dynamiquement d'un Créateur dontdit quelque chose ?Nous avions fait le chemin à tâtons depuis de constat de
la réalité différenciée et dynamique jusqu'à l'hypothèse du
Créateur muni d'une structure relationnelle ternaire.Il restait à faire le chemin inverse en partant du Créateur
vers Sa création ! Mais, bien sûr, nous ne connaissons rien
du Créateur dans la création s'il ne s'y révèle Lui-même et à
moins que cette révélation ne soit donnée en un langage
intelligible pour nous.
C'est pourquoi nous regardons d'abord ce que les révélations
disent d'un éventuel créateur.
Il se trouve que la
doctrine de la Trinité révélée dans la tradition biblique
(dans le Nouveau Testament avec préparation très nette
dans l'Ancien Testament) comporte cette ébauche de
structure ternaire dans l'affirmation d'un Dieu unique en
trois hypostases. C'est pourquoi nous explorons rapidement
ce que cette tradition dit de Dieu et nous nous
arrêtons à la première affirmation de Dieu sur Lui-même :
« Moi je suis vivant. » Et nous comprenons que ce langage
n'a de sens que selon l'analogie.
Si ce vivant est autosubsistant, il est nécessairement
analogue à la structure relationnelle . C'est pourquoi
nous avons besoin d'établir une notion de relation qui soit
principe dans une nouvelle métaphysique (ch 1 et 2).
Nous pouvons dès lors montrer qu'effectivement la seule
structure munie d'une logique qui puisse être déduite de
est la structure relationnelle quaternaireQ.En outre, nous découvrons que le langage analytique
convenant à direQest le langage analogique qui permet de
traduireQen la quaternité de l'existence E.
Mais le fait de partir du principe transcendant de l'acte
de création simplifie considérablement ce que nous avions
vu « à reculons » et comme dans un miroir dans [FL]. Car
un seul processus de représentation analogique permet de
déduire deQtoutes les structures qu'on va observer dans la
contingence. Il s'agit des diverses traductions binaires de
toutes les propriétés quaternaires de Q. Ainsi, les quatre
pôles vont conduire aux deux paquets de deux syntagmons
qui constitueront les particules fondamentales contingentes.
États représentatifs plutôt que particules, car nous
rencontrerons des états aussi bien dans la Potentialité que
dans la Contingence et même dans la Nécessité. Ce que
nous n'avions pas vu dans [FL] et que d'ailleurs nous ne
pouvions pas voir. Ainsi, la nature potentielle du photon
devient évidente et éclairante sur ses propriétés de superposition
et son rôle de boson vecteur de l'interaction électromagnétique.
Le point de vue déductif apporte bien d'autres résultats
que nous détaillons dans les chapitres 3, 4, 5 en corrigeant
ce qu'avaient de flou ou même de faux certaines de nos
propositions dans [FL].
Enfin, nous abordons le problème si débattu du rapport
de la physique à la théologie. Les mêmes outils métaphysiques
permettent d'exprimer ce que les théologiens ont
élaboré à partir du donné révélé et d'en vérifier la rigueur et
la cohérence.
L'histoire de la pensée et plus particulièrement l'histoire
des sciences nous apprennent l'immense difficulté qu'il y a
à changer de paradigme. Toute notre culture est fondée
depuis vingt-cinq siècles sur l'usage de la logique binaire
qui fut et reste une évidence liée au langage.
Depuis Aristote, et sans doute déjà bien avant lui, le
discours sensé se construit selon le présupposé qu'une
proposition peut être vraie ou fausse, mais jamais vraie et
fausse à la fois.Toute la discussion philosophique, théologique
puis scientifique, repose sur la véracité de prémisses
acceptées comme évidences ou soumises à divers questionnements.
La logique est nécessaire à la discussion ou à la mise en
forme des observations. Aucune expérience ne serait utile
si elle n'était formalisée dans un langage et aucun langage
ne pourrait servir à la pensée s'il n'était réglé par une
logique admise par les uns et par les autres.
Si la discussion a porté depuis des siècles sur la validité
des observations ou la validité des raisonnements, elle a
très peu porté sur la validité de la logique.
La tentative de Guillaume d'Okham (1290-1349) d'introduire une logique
modale a fait long feu tant la philosophie d'Aristote a
dominé les esprits. Il a fallu attendre les difficultés propres
à la physique quantique pour que la logique binaire soit
examinée d'un oeil critique (cf. [FL] p. 52).
Comme nous venons de le dire, ce livre a pour objet de
proposer une théorie cohérente du lien entre la Création et
son Créateur en établissant la nécessité rationnelle d'un tel
lien. Il en résulte que l'existence du monde visible et
invisible a un sens puisqu'elle se fonde sur l'acte intelligent
et volontaire du Créateur.
Nous l’avons voulu bilingue afin d’en faciliter l’accès. Il
est centré sur une manière nouvelle de concevoir une
métaphysique qui soit à la fois le substrat d’un discours
théologique renouvelé et celui d’un nouveau regard sur la
physique. Celle-ci, dont l’objet est d’étudier la Création de
l’intérieur comme une simple donnée dont l’origine n’est
habituellement pas mise en question, prend du sens en
devenant fille de cette métaphysique. C’est ce que nous
voulons montrer ici en nous appuyant sur un « principe de
réalité » d’où l’on peut rationnellement déduire les structures
fondamentales qui se montrent dans les phénomènes
que l’on observe dans le monde sensible.
Nous avons conscience d’exprimer dans ces pages des
idées qui résultent d’une manière de penser à contrecourant
de celle qui est admise par la science contemporaine,
laquelle a renoncé, semble-t-il, à se préoccuper du
sens des concepts.
En ce qui concerne la théologie, certains points de
doctrine ont été inlassablement reproduits et commentés
depuis le haut Moyen Âge sans que leur cohérence de fond
ne soit réexaminée, quoiqu'elle souffre quelque peu du
carcan imposé par le recours quasi exclusif à la philosophie
et à la logique d’Aristote. Nous avons donc un double
objectif, qu’il est raisonnable de poursuivre dans un même
ouvrage parce que notre thèse est précisément que théologie
et physique, sans être subordonnées l’une à l’autre
comme on a pu l'affirmer jadis, peuvent cependant utiliser
une même métaphysique comme instrument rationnel de
pensée, à propos du donné révélé pour l’une et du donné
naturel pour l’autre. C’est pourquoi nous allons d’abord
établir les éléments d'une telle métaphysique sur une base
solide, en liaison avec certains des points fondamentaux de
la théologie qu’elle permet de préciser au chapitre 6. Nous
en déduirons ensuite les caractéristiques essentielles du
monde physique : existence des particules et de leurs propriétés
connues de masse, de charge électrique, ainsi que
leurs interactions… Nous en tirerons diverses conséquences
qui apportent un éclairage nouveau, en particulier en
physique atomique.
Parler à la fois du Créateur et de la Création n’est pas la
plus grande originalité de cet ouvrage. C’est d’en parler
rationnellement, en termes de structures, sans chercher à
faire concorder artificiellement les discours traditionnels
sur la science et la croyance.
Cette rationalité s’appuie sur
deux outils de pensée nouveaux : d’une part un concept de
relation créatrice de ses propres termes, d’autre part le
recours à des logiques d’ordre trois et quatre (cf. [FL]
p. 53-96) en complément de la logique binaire usuelle. La
source de cette rationalité se trouve dans le principe de
réalité évoqué plus haut, car il donne du sens à tout l’édifice.
C’est par une approche progressive de ce principe que
nous commençons notre investigation.