Albanie : Une Eglise martyre
Témoignage de Monseigneur Segundo Tejado
ROME, Dimanche 18 septembre 2011 (ZENIT.org) – L’Eglise en Albanie a subi une persécution massive et violente sous le dictateur communiste Enver Hoxa. Mais le communisme – contrairement au sécularisme – n’a pas réussi à éradiquer Dieu du cœur des gens, selon un collaborateur du Vatican qui a commencé son ministère de prêtre en Albanie.
Monseigneur Segundo Tejado Muñoz, sous-secrétaire du Conseil pontifical Cor Unum, se souvient de sa première affectation sacerdotale en Albanie comme de la plus belle époque de sa vie.
Dans une interview accordée à l’émission de télévision « Là où Dieu pleure », il a parlé de ce qu’un prêtre doit apprendre en exerçant son ministère auprès de ceux qui ont risqué leur vie pour leur foi
Q : Vous êtes arrivé en Albanie juste après la mort de Enver Hoxa. Quelle a été votre expérience ?
Monseigneur Tejado : Je suis allé en Albanie pour y travailler et apporter mon aide dans les premières étapes de l’implantation de l’Eglise, juste après la chute du communisme. Je ne connaissais rien de l’Albanie, car l’Espagne entretenait peu de relations avec les Balkans. Mon expérience a été merveilleuse – difficile, mais merveilleuse. J’ai compris que le Seigneur m’avait appelé à aller dans ce pays. L’Albanie est très pauvre et j’ai trouvé des personnes très aimables ; souvent, dans les pays communistes, les gens sont contre la foi, mais pas en Albanie. On me respectait en tant que prêtre. C’était le début de l’Eglise. Le pape est venu en 1994 et a consacré les premiers évêques. Cela a été une très bonne expérience, mais également difficile parce que l’Eglise était persécutée, et il fallait repartir à zéro, commencer à parler de Jésus et organiser toute l’Eglise.
Qu’est-ce qui vous a frappé à votre arrivée en Albanie ?
J’ai vu une population et une Eglise qui avaient énormément souffert durant la période communiste, mais il y avait quelque chose que la persécution n’avait pas détruit dans leurs cœurs. Ce quelque chose venait du ciel. Durant l’ère communiste, disent-ils, le ciel était fermé.
Le pays était totalement athée. Comment pouvait-il y avoir encore des semences de foi ?
Le communisme n’a pas pu détruire l’espérance dans le peuple. Dans nos pays, la sécularisation a détruit cette espérance dans nos cœurs. Dans les pays sous régime communiste, le sens de Dieu est resté. On peut parler de Dieu avec eux d’une façon qui n’est pas possible dans nos sociétés sécularisées, car chez nous les gens ne trouvent rien d’important ou d’intéressant ni en Dieu ni dans leur foi. Les personnes qui ont vécu sous des régimes communistes sont capables de discuter, sont ouvertes, avec leurs cœurs, à Dieu.
Les catholiques albanais ont-ils subi une dure persécution ?
Oui, l’Eglise en Albanie est une Eglise martyre. Ils sont restés en union avec Pierre, avec le pape, et cela a été très important pour eux. Enver Hoxa a demandé à l’Eglise catholique en Albanie de devenir une Eglise nationale, comme en Chine, mais les évêques et les prêtres ont refusé : « Nous resterons en union avec Pierre, avec le pape », et à cause de cela ils ont été persécutés et ont vécu une situation terrible.
Ces témoins ont-ils influencé votre vocation de prêtre ?
Oui ! Quand vous parlez à des personnes persécutées, il reste quelque chose en vous. Se trouver face à face avec une personne qui a risqué sa vie pour le Seigneur ; c’est très important pour un prêtre – risquer sa vie pour le Seigneur et pour l’Eglise.
Quels risques avez-vous pris pour le Seigneur ?
Chaque jour, en tant que prêtre, je suis appelé à risquer ma vie pour le Seigneur ; à faire sa volonté. Il s’agit d’une expérience spirituelle. Si on rencontre une personne qui a pris le risque pas seulement pour un jour, mais pour la vie, pour le Seigneur, on se demande pourquoi on ne peut pas faire la même chose et offrir sa vie complètement pour le Seigneur. Ceci est très important pour un prêtre – pas seulement pour un prêtre mais aussi pour chaque chrétien.
Vous avez laissé une partie de vous-même en Albanie ?
La moitié de mon cœur. J’y suis resté neuf ans. C’était ma première affectation comme prêtre et comme c'était ma première destination, je m’en souviens avec une grande tendresse. Une belle période de ma vie – la plus belle, je pense, vraiment, et aussi à cause des difficultés, des croix, que le Seigneur a permises dans ma vie. Cela m’a rendu humble, et être humble, vous savez...
Mère Teresa était albanaise. Quelle est son importance pour l’Eglise catholique là-bas ?
Mère Teresa est une figure très importante pour nous tous. Elle est née à Skopje, la partie albanaise de la Macédoine. Pour les Albanais, c’est une figure très spéciale parce que, après la chute du communisme, les Albanais perdaient espoir. Le message de mère Teresa, « Rien n’est impossible à Dieu, » est un message que je ramène d’ici, et c’est aussi un message qui s’adresse à tout le monde. Si nous avons ce type de modèles pour notre vie, rien n’est impossible pour nous si nous sommes avec le Seigneur. La visite du pape et de mère Teresa a été, comme disent les Albanais, comme si le ciel s’ouvrait à nouveau. L’ère communiste avait fermé le ciel pour le peuple ; mère Teresa et le pape l’ont rouvert.
Propos recueillis par Marc Riedemann pour l'émission télévisée « La où Dieu pleure », conduite par la Catholic Radio and Television Network (CRTN), en collaboration avec l'association Aide à l'Eglise en Détresse (AED).
Sur le Net :
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