Vers un printemps espagnol ?Le décor est planté. Une place : la Puerta del sol à Madrid. Des
manifestants : « los indignados » (les indignés). Un pouvoir paralysé :
Zapatero au bord du gouffre électoral qui se joue le 22 mai.
Depuis plusieurs jours déjà, un mouvement spontané de chômeurs et de précaires s’est rassemblé autour de la Puerta del Sol.
Depuis le 14 mai, la foule afflue dans ce haut lieu de l’Espagne
moderne. À la suite de manifestations organisées au niveau national pour
dénoncer la précarité, un noyau dur de jeunes s’est lancé à Madrid dans
une sorte de « printemps espagnol ». Plus de 15.000 personnes, selon El País, sont concentrées autour de cet endroit symbolique de la capitale espagnole.
Habituellement, on y égrène les secondes avant le Nouvel An tout en
mangeant quelques grains de raisin. Mais, là, une contestation est
montée sans que le pouvoir ne puisse faire quoi que ce soit. Spontanée,
totalement naturelle… une démonstration de force des « indignés » se
fait jour sans que personne n’imagine une fin au mouvement. Les photos
aériennes montrent la marée humaine. Des quotidiens parlent déjà de
22.000 personnes. Les slogans
[1] :
“Somos ciudadanos y tenemos derecho a indignarnos”“Indignados y organizados”Les jeunes sont très représentés. Leur condition sociale est
désastreuse…. ceux qui n’ont pas de boulot, ceux qui en ont et
n’arrivent pas à payer les factures. Du Zola version 2011.
Sur la place, tout va vite. On échange beaucoup. C’est décrit comme extraordinaire par certains tweets… 15.000 hommes, femmes et enfants
se sont massés et parlent, parlent et parlent encore. La parole s’est
vraiment libérée. L’ambiance y est extraordinaire. Tous discutent entre
eux et partagent leur vie d’indignés. Ils sont tous au chômage, sans
espoir et confrontés aux réductions budgétaires que la crise a portées
depuis plusieurs années. Rappelons que l’Espagne est lourdement touchée.
Les chiffres de l’emploi sont catastrophiques avec 20 % de chômeurs et
des aides sociales presque insignifiantes.
Plus de 500 policiers surveillent le mouvement. Pas d’intention
d’agir selon les manifestants. Pas de directive de la part de l’État.
Seule une juridiction centrale a exigé la dissolution de la
manifestation pour des raison électorales. Ne pas gêner le scrutin qui se déroulera le 22 mai.
Mais autre chose se joue. Sur Twitter, on pétitionne déjà pour que
les « indignés » puissent continuer leur mouvement. Twitter continue à
donner le pouls de ce printemps espagnol pacifique et si fort. Alors que
le FMI vient de perdre une tête pour des raisons obscures, les jeunes
Espagnols se sont pris en main. Ils sont là au cœur de Madrid,
partageant leur vie abrupte, discutant, parlant et faisant bloc.
Certains disent n’avoir jamais vu autant d’échanges…
C’est sûrement cela qui est nouveau. Comme si le flot de discussion
qu’on trouve sur Facebook s’était matérialisé subitement à la Puerta del
Sol.
Los « indignados » sont sortis de chez eux, de leur torpeur, de leur
précarité angoissante. Ils ont conflué vers un point symbolique comme
pour rappeler que les décisions politiques actuelles sont vécues
douloureusement. Les « 15 miles de la Puerta del Sol » sont ,
incontournables. Le pouvoir est en face…
Derrière ces hommes et femmes rassemblées, on sent
un soutien populaire plus large. 20% d’un peuple sans emploi, c’est
assez représentatif en termes de réservoir humain. Un printemps espagnol
se dessine. Un peuple de précaire se lève, simplement, parlant,
échangeant et refaisant le monde. Le printemps arabe a probablement
ouvert les yeux d’une génération entière.
C’est à Madrid, à la Puerta del sol. Cela aurait pu être une chanson
de Mecano. C’est bien mieux : c’est l’Espagne de demain qui se lève.
Oui, un peuple reprend peut être son destin en main. Pacifiquement…
[1] Somos ciudadanos y tenemos derecho a indignarnos = nous sommes des citoyens et nous avons le droit de nous indigner
Indignados y organizados = indignés et organisés
À lire sur le même sujet :- Une révolution en marche en Espagne, sur le Plus.
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1108;vers-un-printemps-espagnol-los-indignados-a-la-puerta-del-sol.html