Coptes d'Égypte :
de l'impensable à l'indicible
Des émeutiers attaquent les lieux
de culte et les fidèles d'une minorité sur la base d'une rumeur ? C'est
un pogrom, pas un « affrontement interconfessionnel ».
Curieuse, cette façon de qualifier « d’affrontements interconfessionnels
» les attaques sanglantes d’églises coptes, samedi au Caire. Je ne sais
pas ce qu’on écrivait de la dévastation régulière de villages juifs par
la foule orthodoxe à la fin du 19e siècle, mais je suppose
que la presse française n'évoquait pas « l’incapacité de deux
communautés russes à coexister harmonieusement ».
Enfin, peut-être pour une partie d'entre elle mais là n’est pas la question…
A l’époque des pogroms,
la colère populaire s’adossait généralement à la disparition d’un bébé
chrétien dont les affreux déicides auraient été aperçus se gorgeant du
sang pendant le shabbat. On pouvait aussi, à l'occasion, les accuser
d’être des bolchéviques à la solde de l’étranger, mais la révolution de
1917 allait sérieusement démoder l’argument.
Au Caire, c’est une sombre histoire de chrétiennes empêchées de se convertir à l’islam
qui a mis le feu au poudre ce weekend (deux églises incendiées, douze
morts, deux cents blessés). Les attaques d’églises et les émeutes
antichrétiennes sont de toute manière en passe de devenir un sport national
en Egypte, les coptes (8 à 10% de la population) y étant fréquemment
accusés d’être des agents du sionisme ou de l’impérialisme US.Enfermante dialectique gaucho-facho
Pour
autant, qu’est-ce qui empêche la presse française de qualifier de
pogrom, en 2011, les agressions répétées des minorités chrétiennes dans
un certain nombre de pays musulmans ? Qu’est-ce qui empêche nos journaux
de simplement nommer un processus dont on voit bien qu’il mène à l’élimination pure et simple de ces communautés par émigration ?
Sans
doute le binarisme d’un débat local tellement bloqué, tellement miné
par cette grotesque dialectique « gaucho-facho » que toute prise de
position échappant au discours standard d’un camp est fatalement
assimilée à l’autre. Un peu comme si, en toutes choses, le
journaliste se devait d’être, soit plénélien s’il a choisi d’être un
gentil intégral, soit zemmourien s’il a décidé d’être un méchant absolu.
Dénoncer
clairement, sans l’euphémiser à coups de « violences
interconfessionnelles », le sort fait aux chrétiens du monde arabe, ce
n’est pourtant pas, pour aller vite, être partisan de quotas ethniques
dans le football ! Ce n’est même pas stigmatiser les musulmans de
France, qu’il faudrait être un « huntingtonien » de compétition pour
imaginer qu’ils soient solidaires des émeutiers salafistes égyptiens !
Ce
weekend au Caire, c’est bien d’un pogrom qu’il s’est agit. Pas d’un
affrontement entre fanatiques religieux à renvoyer dos-à-dos parce que
c'est plus simple. Quitte à ne rien faire, l'entériner serait le
minimum.
http://www.atlantico.fr/decryptage/eglise-copte-incendie-caire-egypte-93631.html