Le scandale d'espionnage aux Etats-Unis risque de freiner "la relance" américano-russe Barak Obama et Dimitri Medvedev lors de la visite à Washington du président russe le 24 juin 2010 © AFP/archives Mandel Ngan |
MOSCOU (AFP) - L'arrestation aux Etats-Unis d'espions russes présumés
risque de freiner la relance des relations russo-américaines initiée
par les présidents Barack Obama et Dmitri Medvedev, mais ce scandale ne
pourra pas arrêter ce rapprochement, estimaient mardi des experts
russes.
Les analystes ne manquent pas de noter que l'annonce
très médiatisée du démantèlement de ce réseau présumé est avant tout
gênante en raison de son calendrier : le président russe Dmitri
Medvedev venait d'achever aux Etats-Unis un déplacement riche en
symboles pour célébrer l'entente retrouvée entre les ex-ennemis de la
Guerre froide.
Un lien direct entre ces deux évènements n'est
dès lors pas à exclure, et le chef de la diplomatie russe, Sergueï
Lavrov a lui-même ironisé mardi sur le sujet : "le moment où cela a été
fait a été choisi avec une élégance particulière".
"Le
calendrier de cette annonce médiatisée n'a pas été choisi par hasard",
constate aussi Fiodor Loukianov, rédacteur en chef de la revue Russia
in Global Affairs. Pour lui, il s'agit en somme d'une claque pour la
politique de rapprochement russo-américaine initiée après les graves
tensions de la présidence de George W. Bush. MM. Obama et Medvedev
avaient même mis en scène la semaine dernière leur franche camaraderie,
mangeant des cheeseburgers dans un restaurant près de Washington.
"Pourquoi
(le réseau) n'a-t-il pas été démantelé avant ou bien après" la visite
du président russe ?, s'interroge dès lors un ancien chef du FSB
(ex-KGB) Nikolaï Kovalev.
Des experts russes jugent qu'il s'agit
d'une attaque en règle menée par les milieux conservateurs au sein des
services américains pour faire échouer la politique de M. Obama
vis-à-vis de la Russie.
"Une puissante opposition à la politique
de Barack Obama de rapprochement avec la Russie (...) a lancé un signal
à son administration, l'appelant à être vigilante envers Moscou et
éviter tout rapprochement", souligne Fiodor Loukianov.
Barak Obama et Dimitri Medvedev à Arlington (Virginie) lors de la visite aux USA du président russe le 24 juin 2010 © AFP/archives Dmitry Astakhov |
"Des
faucons, en quête d'un ennemi extérieur, sont derrière le scandale:
sans un ennemi extérieur ils n'obtiendraient pas de financements et
leurs affaires faneraient", renchérit M. Kovalev.
"Le FBI, à
l'origine des arrestations, est un organisme étroitement lié avec les
milieux conservateurs (américains) pour qui la Russie est un ennemi qui
doit être achevé", estime également Viktor Kremeniouk, vice-directeur
de l'Institut russe des Etats-Unis et du Canada. Ce dernier relève que
Barack Obama apparaît désormais comme "un homme politique voulant aider
le pays qui mène des activités subversives contre les Etats-Unis".
Au
premier rang des avancées diplomatiques menacées en raison du scandale,
les experts russes placent la ratification par le Sénat américain du
nouveau traité START de désarmement nucléaire, signé en grande pompe en
avril après d'intenses négociations.
"Le gain le plus importante de la relance peut échouer", prévient ainsi M. Kremeniouk.
Mais
ces analystes considèrent malgré tout que cet imbroglio n'est qu'un
soubresaut : "Je ne pense pas que la Maison Blanche remaniera sa
politique", concède M. Loukianov, car "le fait qu'il y ait de (telles)
opérations de renseignement n'est pas quelque chose de sensationnel".
"Obama
doit avancer dans ses relations avec Moscou pour des raisons
politiques, car c'est le seul dossier réussi de sa politique
extérieure", renchérit l'expert militaire Alexandre Golts.