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 Sur Poutine, l'analyse de Frédéric Pons

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Pilgrim2




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MessageSujet: Sur Poutine, l'analyse de Frédéric Pons    Sur Poutine, l'analyse de Frédéric Pons  Empty6/5/2024, 04:14

Bonjour,

Dans ce forum, l'on ne compte plus le nombre de contempteurs de Vladimir Poutine. Beaucoup de persifleurs, comme citoyens prompts à vouloir colporter les pires horreurs au sujet du bonhomme. On le sait. S'agissant de Poutine, on pourrait croire qu'il s'agirait de Barbe-bleu.

Mais si l'on se penche sur le témoignage de Frédéric Pons, l'on découvre pourtant un tout autre tableau. Prenons par exemple la dimension religieuse. Voici ce que l'auteur pouvait écrire :

Citation :
Poutine

par

Frédéric Pons



Chapitre 7

«C'est une petite croix d'argent, au bout d'une chaîne. Elle appartient à Vladimir Poutine depuis sa naissance. Il ne l'a découverte et portée que quarante ans plus tard. Depuis, il ne la quitte plus. Le petit Volodya a été baptisé dès sa naissance, grâce à des voisins de ses parents dans l'appartement communautaire de la rue Baskov de Saint-Petersbourg. Lordsqu'il naît, une des colocatrices est chrétienne pratiquante. Elle convainc sa mère d'amener le bébé à l'église. Volodya est baptisé, mais le secret est gardé. Son père milite au parti communiste. Il est même secrétaire du Parti dans son usine. Ce n'est qu'en 1993 que Poutine apprendra le secret. A la veille d'un voyage en Israël qu'il va entreprendre avec une délégation de la mairie de Saint-Petersbourg, sa mère l'appelle et lui confie sa petite croix baptismale qu'elle a toujours gardée. Elle lui demande de la faire bénir sur la tombe du Christ, dans l'église du Saint-Sépulcre. «J'ai fait comme elle me l'avait dit et j'ai passé la croix autour de mon cou, raconte Poutine. Je ne l'ai plus jamais enlevée.»

Dans son projet de restauration morale et géopolitique de la puissance russe, Vladimir Poutine s'est appuyé sur les trois piliers qui ont structuré la Russie depuis 1917 : l'Église, toujours vivace malgré trois quarts de siècle de communisme d'État, l'armée et le KGB. Affaiblies, ces trois institutions avaient le mérite d'exister, derniers cadres d'un pays et d'une population en partie privés de leurs repères.

Le président russe n'a jamais caché que le facteur religieux est pour lui aussi important à l'intérieur de la Russie, pour consolider les structures de la société, qu'à l'extérieur, dans l'affirmation de la politique étrangère russe, sur tous les territoires ou habitent des Russes et des peuples slaves orientaux. A ses yeux, le monde russe baigne dans le même environnement culturel, linguistique et religieux, même en dehors des frontières de la fédération de Russie. «L'Église orthodoxe est le gardien des valeurs morales et spirituelles de la Russie», disait Poutine dès 2000, en s'installant au Kremlin.

[...]

Pour les Russes, la religion - ou la religiosité - est un élément de leur identité profonde. Leur arracher la foi et la pratique leur a toujours paru impossible. Les trois quarts de siècle du communisme soviétique  ont certes tué des millions de chrétiens, dissuadé les gens de pratiquer, détruit ou transformé des milliers d'églises et de monastères. Mais la pratique n'a jamais cessé. Même du temps de l'URSS, l'Église orthodoxe continuait de fonctionner [...] Certains se comportaient en fidèles supplétifs des soviets, rendant certainement plus de compte au bureau local du KGB qu'à Dieu et à ses saints. Une partie de cette Église continuait pourtant à résister, au nom de la foi de la Vieille Russie, à l'image de l'engagement d'Alexandre Soljenitsyne, payé par ses années de goulag, avant sa réhabilitation officielle dans son pays, bien après sa reconnaissance dans le monde.  

Ce courant résistant a ressurgi en pleine lumière à partir de la fin de l'URSS. Poutine s'est appuyé sur lui. Il l'a fait ostensiblement, pour favoriser son projet de restauration intellectuelle et morale de la Russie, ancré sur la mémoire russe et l'héritage nationale, fécondé par la foi orthodoxe.

La réconciliation entre l'Église et l'État avait commencé avec Mikhail Gorbatchev, entre 1985 et 1991. Elle s'était poursuivie avec Boris Eltsine (1991-2000), mais sans conviction profonde. Tout a changé avec Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev.

[...]

Dans le documentaire télévisé intitulé Le Second Baptême de la Russie, Poutine livre un point de vue très argumenté sur la place de la religion dans la Russie. Il y évoque une renaissance naturelle du peuple russe. Les Russes ont été les derniers à embrasser l'orthodoxie, mais ils seront les premiers au sein de la chrétienté, avait prédit Hilarion, le métropolite de Kiev, une prophétie que Poutine reprend aujourd'hui volontiers à son compte. Poutine le baptisé insiste sur le caractère naturel de cette renaissance, malgré la ruine spirituelle et matérielle héritée du communisme : «Les Russes sont retournés à la foi chrétienne sans aucune pression de la part de l'État et même de l'Église. On se demande pourquoi ? Les gens de mon âge se souviennent du Code des bâtisseurs du communisme qui était en fait un résumé simpliste des principes éthiques et religieux de toutes les religions modernes. Quand ce Code a cessé d'exister, un vide moral s'est formé qu'on ne pouvait combler qu'en retournant aux valeurs authentiques». Quelles valeurs ? Celles de la religion chrétienne orthodoxe. Pour lui c'est aussi une façon de s'opposer à la civilisation occidentale et à ses valeurs mortifères. Ses proches rappellent que pendant qu'en Europe s'ouvre un McDonald's par jour, il se construit une église par jour en Russie.

Sous l'impulsion de Poutine, l'État redonne une place de choix à l'Église dans la société. Le 19 novembre 2010, la Douma votait une loi proposée par le Kremlin autorisant la restitution à l'Église de tous ses biens confisqués par l'État et les municipalités depuis 1917. Le résultat du vote est sans appel : 345 voix pour, 42 contre. La même logique est à l'oeuvre en 2013 avec les lois interdisant la propagande homosexuelle aux mineurs et sacralisant la mariage naturel, une union entre un homme et une femme, un modèle traditionnel que défend l'Église. Avec le retour au clergé des biens spoliés par la révolution bolchévique, une page importante s'est tournée. le vote de la Douma est venu effacer des décennies d'injustices et de rancoeurs.

Pour Poutine - et Medvedev associé à lui dans tous ces projets - ce pas énorme fait partie du processus de renouveau de la société russe. Une étape indispensable à la restauration de la mémoire et de la confiance. même si Lénine a dû se retourner dans la cage de verre ou il est embaumé depuis 1924. Au Ier janvier 2011, les autorités fédérales, régionales et municipales avaient deux ans pour rendre à l'Église son patrimoine volé depuis 1918.

[selon Nikolaï Mitrokhine] «Je crois que Poutine a une attitude très rationnelle vis à vis de l'Église. Ainsi, il fait beaucoup de gestes formels, Il félicite le patriarche chaque fois que cela est nécessaire et fait des apparitions à l'église lors des grandes occasions. Mais il n'est pas du genre à satisfaire tous les désirs de l'Église». La période 2009-2011 a été particulièrement riche en accords signés entre l'Église et les organismes fédéraux. Des associations religieuses ont été réimplantées, à travers les aumôneries, dans l'éducation, les services sociaux, les orphelinats, dans les hôpitaux, les prisons, l'armée.

Sincère ou pas sur sa foi, Poutine est en phase avec un phénomène majeur de la société russe : le retour à une pratique décomplexée, surtout au moment des grandes fêtes orthodoxes. Pâques reste la plus importante tradition populaire de la Russie moderne, comme le prouvent les églises pleines de gens de toutes conditions, le soir après le travail. On les voit prier ou se confesser. Tous les médias parlent de ces fêtes, même les télévisions aux heures de grande écoute.

[...]

L'Église est désormais régulièrement associée aux manifestations publiques de l'État. Depuis la fin des années 2000, le pouvoir central, les élus régionaux ou municipaux, consultent les évêques ou des prêtres sur certains aspects des projets législatifs. Des fêtes religieuses traditionnelles ont repris leur place dans le calendrier national et sont devenus des jours fériés officiels.

En avril 2014, Mgr Marc Aillet, l'évêque de Bayonne, accompagnait une délégation d'associations françaises catholiques auprès du patriarcat de Moscou. Il se disait impressionné par l'incontestable réveil religieux constaté en Russie, illustré par le nombre de jeunes fidèles présents pendant l'office de trois heures célébré dans l'église cathédrale de Moscou. Détruite sous Staline en 1931, remplacée par une piscine, puis reconstruite à l'identique entre janvier 1995 et août 2000 avec l'aide de l'État russe, la cathédrale Saint-Sauveur témoigne de ce renouveau spirituel. Présent dans cette délégation, Gregor Puppinck, directeur du European Centre for Law and Justice, évoquait un choc de civilisation : «Il y a un véritable conflit socio-culturel qui traverse l'Europe et l'Occident, et la Russie est devenue l'un des pôles de ce conflit depuis qu'elle a entrepris de s'appuyer sur les valeurs fondamentales et chrétiennes pour restaurer la société russe.»

Sous l'impulsion du patriarcat et de la majorité silencieuse, appuyés par Poutine, la Russie officielle s'inscrit désormais en pointe dans ce combat pour la défense de la famille, la prévention de l'avortement et du divorce. «fléaux sociaux hérités du communisme», dit Poutine.

Le pouvoir calcule s'il a besoin d'aider l'Église ou pas, précise Mitrokhine. Le plus souvent, il ne lui a rien donné. Elle voulait créer une taxe pour se financer, cela lui a été refusé. Elle voulait sa propre chaîne de télévision fédérale, cela lui a été refusé. Elle a cherché le soutien du Kremlin pour lutter contre l'Église catholique, expulser des prêtres catholiques , mais le pouvoir ne l'a pas aidée à le faire et, au contraire, l'en a dissuadé.»

Le patriarcat et Vladimir Poutine suivent la ligne constamment défendue par l'une des grandes figures intellectuelles de la Russie du XXe siècle, Alexandre Soljenitsyne (1918-2008), le plus célèbre dissident de la période soviétique, longtemps traqué par le KGB. Écrivain fécond, il fut longtemps encensé par l'Occident avant d'être oublié quand il commença à dire des vérités déplaisantes aux oreilles de l'intelligentsia occidentale dominante. Son discours prononcé le 8 juin 1978 à l'université de Harvard en est un exemple : «L'Occident a défendu avec succès, et même surabondamment, les droits de l'homme, mais l'homme a vu complètement s'étioler la conscience de ses responsabilités devant Dieu et la société ... La défense des droits individuels a pris de telles proportions que la société en tant que telle est désormais sans défense contre les initiatives de quelques uns. Il est temps, à l'Ouest, de défendre non pas tant les droits de l'homme que ses devoirs». Invité par le Vendéen Philippe de Villiers le 25 septembre 1993 aux Lucs-sur-Boulogne pour l'inauguration du Mémorial de Vendée, l'ancien dissident condamna le «principe destructeur de toute révolution». Soljenitsyne fait partie de ces rares intellectuels qui n'hésitèrent pas à se dresser courageusement contre le totalitarisme communiste, défiant le KGB. Ils furent très peu nombreux en Union soviétique, et même en Europe occidentale qui vit tant de belles intelligences se soumettre au fascisme rouge.

Le paradoxe est que Poutine, officier du KGB, fut l'un de ces chiens de garde du régime communiste. Il fit ensuite des gestes symboliques forts qui montrent son retournement sur ce sujet. Le 7 août 2008, lors des obsèques de l'auteur de L'Archipel du goulag, mort à l'âge de 89 ans, Poutine Premier ministre est au premier rang de l'assistance dans le hall d'honneur de l'Académie des sciences de Moscou, un bouquet de roses rouges à la main. Devant le cercueil ouvert, sous un grand portrait en noir et blanc de Soljenitsyne et un drapeau tricolore russe, tout le monde le vit se signer avant d'aller embrasser Natalia, la veuve de l'écrivain. Des milliers de moscovites bouleversés, trempés par la pluie, étaient là, avec eux, pour rendre un dernier hommage à ce symbole de la liberté et du courage. Quelques heures plus tard, c'était au tour de Medvedev de participer à des funérailles religieuses au monastère Donskoï de Moscou ou Soljenitsyne avait souhaité être enterré.

Poutine était allé plusieurs fois à la rencontre du Prix Nobel de littérature 1970, privé de sa citoyenneté soviétique en 1974 et expulsé d'URSS, revenu en Russie en 1994, après vingt ans d'exil en Allemagne, en Suisse puis aux États-Unis. Le 21 septembre 2000, après leur première rencontre, Soljenitsyne avait eu ce mot aimable sur Poutine, alors tout jeune président de la Russie : «Il a un esprit mordant, il comprend vite et n'a aucune soif personnelle de pouvoir. Le président comprend toutes les difficultés dont il a hérité. Il faut souligner son extraordinaire prudence et son jugement équilibré.»

L'ancien zek (prisonnier du goulag), banni puis couronné par son pays, et l'ancien officier du KGB devenu président de la Fédération de Russie, presque intimidé devant l'écrivain, étaient sur la même longueur d'onde. Ils formaient la synthèse idéale de cette Russie post-soviétique voulue par Poutine.

En 2006, Soljenitsyne avait fustigé dans Moskoskyie Novosti («Les Nouvelles de Moscou») l'encerclement total de la Russie par l'OTAN et les États-Unis, qui placent leurs troupes d'occupation dans les pays, l'un après l'autre. Ce discours en phase avec celui du Kremlin suivait cet avertissement de Poutine à la nation russe : «Copier aveuglément les modèles culturels étrangers conduira inévitablement à la perte de notre identité nationale». Depuis 2010, la lecture de L'Archipel du goulag est devenue obligatoire dans les écoles russes  [...]

Frédéric Pons, Poutine, Calmann-Lévy, 2014, p. 258

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MessageSujet: Re: Sur Poutine, l'analyse de Frédéric Pons    Sur Poutine, l'analyse de Frédéric Pons  Empty6/5/2024, 08:02

Poutine est aujourd'hui un dictateur sanguinaire qui incarne une nouvelle forme de nazisme en Europe avec la guerre barbare de la Russie en Ukraine.

Je pense que c'est une honte de venir faire une propagande pro russe sur un forum public en 2024.

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MessageSujet: Re: Sur Poutine, l'analyse de Frédéric Pons    Sur Poutine, l'analyse de Frédéric Pons  Empty6/5/2024, 15:32

Poutine, Hitler, même combat.

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MessageSujet: Re: Sur Poutine, l'analyse de Frédéric Pons    Sur Poutine, l'analyse de Frédéric Pons  Empty14/5/2024, 15:17

Sur le dossier des oligarques russes ...


Citation :
Les années de présidence de Poutine - de 2000 à 2008, puis depuis 2012 - correspondent à la fin des années les plus fastes pour les oligarques. Pour certains, elles marquent le crépuscule de leur puissance.

Après la période qui suivit l'effondrement de l'URSS, qui leur permit de s'enrichir de façon outrancière, ils ont subi ce que les Russes attendaient : la dictature de la loi. Cet aspect a longtemps été négligé par l'Occident, notamment par les médias et une partie de la classe intellectuelle. Ils se sont montrés souvent plus choqués par les méthodes policières poutiniennes que par le pillage systématique de l'économie russe par les oligarques, plus sévères avec l'air chafouin de Poutine qu'avec la puissance des parvenus russes, plus indulgents devant les frasques et les scandales des nouveaux nababs russes que face au look étriqué d'anciens apparatchiks de Poutine et de ses amis issus du KGB.

Comme le remarque Vladimir Fédorovski, Poutine a su s'imposer par l'habileté de son utilisation du code mental du pays. Lui-même avait annoncé cette reprise en main, la fin de la tutelle des puissances financières sur l'État, si forte que personne ne semblait pouvoir lui résister. Cela s'est fait à la mode russe, avec vigueur, au knout. Les règles avaient été annoncées à tous. dès 2000 : Poursuivez vos affaires, sans toucher à la politique».

A cette époque, Poutine n'a pas le choix. Bien informé par sa culture et ses responsabilités dans le monde du renseignement, il sait comment ces fortunes ont été bâties, par quelles méthodes, avec quelles complicités et compromissions.

Il peut estimer ce que l'État a perdu et continue de perdre en impôts et taxes jamais payés. Il comprend aussi que ce capitalisme sauvage contribue à enrichir en cascade une partie de la société, fait tourner l'économie, assure la présence des productions russes dans le monde. Il choisit donc dans un premier temps de s'accommoder de ces puissances financières.

En 2000 et pendant les années qui suivent, il n'a pas les moyens politiques et judiciaires de les combattre. Il doit surtout veiller à la stabilité du pays. Il ne veut pas ajouter la déstabilisation financière à la paralysie administrative et à l'affaissement  moral de la Russie. Ces données l'obsèdent. Il en parle dans ses discours, dans ses interviews. Il n'a pas le choix. Homme d'autorité et de pouvoir, il enrage sans doute de ne pas pouvoir imposer sa loi. En attendant de restaurer ce qui doit l'être, le prix à payer est cette relative tolérance à l'égard des oligarques. L'état de la société l'exige, il fait preuve de réalisme, de pragmatisme. Ce n'est qu'après avoir consolidé son pouvoir et celui de l'État qu'il pourra s'attaquer à eux, surtout à ceux qui n'avaient pas compris la nouvelle règle du jeu : ne jamais s'occuper de politique, ne pas franchir la ligne rouge délimitant le terrain de jeu du Kremlin. Face à eux, Poutine a été d'une brutalité radicale. Il l'a été avec d'autant plus d'ardeur qu'il a bénéficié, dès l'origine, de l'appui total de la majorité de l'opinion publique.




Le roi des oligarques  

Citation :
Boris Berezovski président d'Aeroflot, est le plus emblématique. Il paiera le premier, après avoir atteint le sommet du pouvoir au Kremlin. D'abord banni politiquement, il sera obligé de s'exiler au Royaume-Uni ou il trouvera la mort, à soixante-sept ans, dans des circonstances non encore élucidées. Dix ans après lui, ce sera au tour de Mikhail Khodorovski, l'ancien propriétaire de Ioukos, de subir les foudres de Poutine, de connaître la prison avant, lui aussi, de subir l'exil forcé.

Lorsqu'il arrive à Moscou, Poutine n'a que très peu fréquenté ces milliardaires. On ne lui connaît pas de relations particulières avec eux. Il en a croisé, testé, quand il était le numéro 2 de la mairie de Saint-Petersbourg. Il a notamment fait la connaissance, déjà, de Berezovski, comme le raconte la journaliste américano-russe Masha Gessen, dans sa biographie de Poutine. En 1990, Berezovski a le projet d'ouvrir la première station-service de Léningrad. Il lui faut le tampon de la mairie. Il s'adresse alors au fonctionnaire chargé du dossier. Conformément aux habitudes, il lui propose un gros pot-de-vin pour accélérer l'affaire. Contrairement aux habitudes, le fonctionnaire en question refuse. C'est Poutine. Les deux hommes se reverront, neuf ans plus tard, à Moscou.

Arrivé dans la capitale, Poutine se rapproche des premiers cercles d'argent, ceux qui tournent autour du Kremlin, ou un président affaibli, Boris Eltsine, résiste de moins en moins à leurs pressions insistantes. L'un de ces oligarques est au premeir rang des conseillers d'Eltsine. Il apparaît comme le maître occulte des décisions présidentielles, une sorte de Raspoutine des années 1990 : c'est Boris Berezovski. Poutine le reconnaît. Il découvre progressivement cette forte personnalité qui gravite dans l'administration présidentielle comme en terrain conquis. Il s'en éloigne à peine quand il dirige le FSB pendant un an, jusqu'à son rappel au pouvoir central, comme premier ministre, en août 1999.

Ce n'est pas Eltsine qui l'appelle, c'est Berezovski. L'éminent parrain du système oligarchique russe tente de contrôler le pouvoir et ses décisions. Discret, méthodique, travailleur, sérieux, Poutine apparaît fidèle au clan Eltsine. C'est ce que recherche Berezovski, qui redoute, par dessus tout, l'arrivée au sommet du redoutable Evgueni Primakov, intelligent, rugueux. Le clan Eltsine et l'oligarchie craignent cette forte personnalité, assurément moins malléable que le terne Poutine. La manoeuvre passe par la promotion soudaine de Poutine, hissé en un an du poste de directeur du FSB à celui de Premier ministre. Il avait déjà derrière lui le can des Pétersbourgeois, puis les réseaux de l'ex-KGB. Le voici maintenant soutenu par les oligarques. Il ne lui manque que l'armée. Ce sera chose faite dès la fin de cette année 1999.

Ces quatre piliers forment un système cohérent avec lequel Poutine ira à la conquête du pouvoir et réussira à le tenir encore, quatorze ans après. Son principal mentor de ses débuts, Berezovski, s'est lourdement trompé. le haut fonctionnaire docile qu'il a cru manipuler lui échappe dès son élection à la présidence en mars 2000. La marionnette va devenir tsar et châtier sans attendre ceux qui l'ont mis en scène. La liquidation va être rapide, imparable, définitive. Plus tard, interrogé sur cet ancien parrain éphémère, il répondra avec ce demi-sourire qui glace ses adversaires : «Berezovski ? Mais qui est Berezovski ?»  



Présentation de sa vie

Citation :
La vie de Boris Abramovitch Berezovski est un roman dont la fin est tragique. Il en existe même une version cinématographique. Un nouveau russe, un film de Pavel Louguine, adapté en 2001 de sa biographie romancée, Bolshaïa Paika («La grande portion»), écrite par Yuli Dubrov, un ancien associé de Berezovski. Le film est d'autant plus saisissant qu'il s'inspire de faits réels, digne des meilleurs polars. Un nouveau russe obtiendra le prix spécial du jury au Festival des films policiers de Cognac en 2002. On y voit une poignée d'étudiants qui profitent de l'effondrement de l'Union soviétique pour réussir, entre affaires et crime organisé. Ils s'enrichissent par des moyens que la morale habituelle et une justice saine auraient immédiatement sanctionnés. Cette ascension vertigineuse sur fond d'argent sale, de trahisons et de services secrets finit dans le sang : le héros est pulvérisé dans sa limousine par une roquette antichar, avec son chauffeur et son garde du corps ... Ce scénario résume à peu près la vie de Berezovski, premier milliardaire de la Russie post-soviétique, qui crut, pour son malheur, pouvoir manipuler Vladimir Poutine.

En 1986, au début de la perestroïka, Berezovski a tout juste quarante ans. Sa vie est quasiment déjà faite. Juif de Moscou, fils d'ingénieur, lui-même ingénieur en génie forestier et docteur en mathématiques appliquées, il travaille chez AutoVAZ, l'entreprise d'État qui fabrique et vend des automobiles dont les célèbres Lada et Jigoudi. En 1989, il gagne à peine 500 roubles.

Dès les premiers craquements de l'URSS, Berezovski comprend que des possibilités énormes sont en train de s'ouvrir, à condition de profiter de l'affaiblissement de l'État, de l'absence des contrôles, de la soif de s'enrichir de tous, à commencer par les fonctionnaires et les dirigeants du Parti communiste. Il gagne ses premiers millions de dollars (à l'époque en roubles) en achetant et revendant les voitures produites par l'usine de Togliatti sur la Volga. Dans les comptes habilement maquillés, les voitures sont censées partir pour l'exportation. En réalité, elles sont vendues sur le marché russe, à perte pour l'entreprise, pour le plus grand bénéfice de Berezovski et ses amis. Bérézovski crée une, puis plusieurs  sociétés qu'il installe dans des paradis fiscaux, dont une compagnie qui devient le distributeur exclusif  d'AutoVaz. L'argent lui permet de se rapprocher du Kremlin. Il soutient les réformateurs, dont Boris Eltsine est la figure de proue.

En retour, grâce au président, il a accès à des circuits de décisions politiques et administratifs. Cette licence lui permet de pénétrer les entreprises d'État en cours de privatisation (AutoVaz, Aeroflot, la compagnie pétrolière Sifnet, la chaîne de télévision ORT, les quotidiens Novaïa Gazeta et Nezavissimaïa Gazeta) et d'y pousser ses intérêts. Il acquiet des parts au rouble symbolique, avec l'aide des banques d'État qui obéissent au président. Berezovski n'est pas le seul. Des dizaines d'autres opportunistes font la même chose. Le pillage des biens de l'État est quasi illimité, sans risque majeur.  Les Russes subissent et se taisent. A Saint Petersbourg puis à Moscou, Poutine observe lui aussi et se prépare à toutes les éventualités.

Citation :
Le second mandat présidentiel de Boris Eltsine en 1996, aidé par les médias de l'empire Berezovski, marque une sorte d'apothéose pour l'oligarque. A cinquante ans, il est au faite de sa puissance politique, financière, médiatique. Il pousse la libéralisation politique et économique totale du pays, aidé par Tatiana Diatchenko, la fille du président. L'administration présidentielle le soutient. Roi de la «privatisation des bénéfices», il réussit un coup de maître en domiciliant à Lausanne 80% des recettes  de la compagnie Aeroflot, logés au sein de sa société Andava, dont il détient la moitié des parts. Cet argent disparaît ensuite dans des paradis fiscaux. La Russie n'en voit plus la couleur. Aucun patriote russe ne peut accepter ces pratiques, véritable pillage des biens de l'État. Toujours dans l'ombre, Poutine a compris le système, mais il n'a encore aucun pouvoir. N'ayant pas l'esprit Kamikaze, voulant toujours frapper à coup sûr, il patiente.

Berezovski pèse aussi sur les nominations de premier plan : ministre, directeurs centraux, grands patrons des administrations et services. Il s'assure lui-même de postes décisionnels importants au coeur de la machine d'État : numéro 2 du Conseil national de sécurité en 1996-97, il devient secrétaire général de la Communauté des États indépendants en mai 1998. PLus tard, en décembre 1999, il poursuit son entrisme dans les institutions de la Fédération de Russie en remportant un siège de député dans la petite république de Karatchaïévo-Tcherkessie (Caucase du Nord). Son rôle augmente à mesure que décline la santé d'Eltsine, cardiaque, abruti de médicaments.

Berezovski se mêle surtout de politique. Conseiller de moins en moins occulte d'Eltsine, il réussit à chasser Evguéni Primakov en 1998, trop enclin à combattre les oligarques.

Pendant la première guerre de Tchétchénie, il entretient des contacts troubles avec la mafia tchétchène de Moscou et avec des chefs rebelles sur le terrain. Le redoutable Chamil Bassaïev, patron des fondamentalistes tchétchènes, sans doute l'un des pires ennemis de la Russie dans cette région est l'un de ses correspondants. Il aurait reçu deux millions de dollars de sa main. Les militaires russes ne le supportent plus, mais ils doivent accepter la présence de «l'ami du président»


Le début de la fin

Citation :
Jusqu'à l'été 1998, Poutine ne sait pas grand chose sur la réalité de ces trafics. C'est à partir de juillet 1998, une fois à la tête du FSB qu'il peut se faire une idée plus précise de l'ampleur du dossier.

Berezovski ne voit pas la menace : il fête même au champagne l'élection de Poutine, le 26 mars 2000, dans sa villa de la Costa Brava, en Espagne. Poutine a su cacher son jeu. Aucun des nombreux informateurs de Berezovski ne l'a informé de sa disgrâce prochaine.


Poutine peut s'attaquer au problème

Citation :
Dès son arrivée à la tête du gouvernement, Poutine est sur deux fronts : la préparation de la seconde guerre de Tchétchénie et la lutte contre l'oligarchie toute puissante. Fort de ce qu'il a appris au FSB, il lance les premières investigations policières, fiscales et médiatiques. Le Kremlin lance la presse russe sur la piste des pillards de l'économie nationale : les oligarques. Berezovsaki est dans le collimateur pour la privatisation suspecte d'Aeroflot.

Affaibli par le krach boursier de 1998, lâché par quelques uns de ses soutiens qui sentent le vent tourner à Moscou, Berezovski tente de résister. Mais les chefs d'accusation pleuvent : fraude, corruption, évasion fiscale, blanchiment d'argent et, plus tard, appel au renversement par la force du pouvoir constitutionnel, après une déclaration de guerre à Poutine, faites à l'AFP, en janvier 2006 : «Toute action violente de la part de l'opposition est aujourd'hui justifiée, y compris une prise de pouvoir par la  force, sur laquelle justement je travaille».

En juillet 2000, quatre mois après l'élection de son poulain Poutine à la présidence, il tente de lâcher du lest et abandonne son mandat de député. Le président ne transige pas. Les enquêtes plongent encore plus profond dans son empire financier. Berezovski s'enfuit au Royaume-Uni en octobre 2001, sa nouvelle résidence, avec sa grande propriété du cap d'Antigues, près de Nice. Le parquet de Moscou commence le démantèlement méthodique de son système. Une à une, ses entreprises sont vendues, saisies, notamment dans le domaine des médias. Poutine et ses conseillers sont à la manoeuvre.

Les Russes suivent ce feuilleton et apprécient. La popularité de Poutine se forge, solidement, dès ces premières années qui marquent la restauration de la loi et de l'ordre. Les attaques de Berezovski de son exil londonien ne font qu'exacerber son impopularité. L'oligarque tente de se lancer en politique. Il crée le parti Russie libérale pour priver Poutine de majorité aux législatives suivantes. Il donne de l'argent aux opposants. Rien ne marche face à un Poutine vigilant. De Londres, il multiplie les attaques, accuse le président russe des pires provocations en Tchétchénie. Des journalistes peu regardants reprennent ces rumeurs, sans vraiment vérifier. Berezovski sait très bien ce qu'il faut servir  aux médias occidentaux concernant Poutine : un récit mettant en scène un autocrate populiste, provocateur, qui prépare une dictature nationaliste en trafiquant la Constitution pour pouvoir effectuer un troisième mandat à partir de 2008 ... Les faits lui donneront tort.

Et enfin ...

Citation :
Pour le Kremlin, Berezovski aggrave son cas en entretenant des relations douteuses avec les indépendantistes tchétchènes.  A Londres, il rencontre Akhmed Zakaïev, que la justice russe poursuit pour constitution de bandes armées, de massacres et enlèvements commis pendant la guerre. Les services russes le surveillent de près.

[...]

Pour la majorité des Russes et une partie croissante de l'opinion occidentale, le message de Berezovski «opposant numéro 1 à Poutine», ne prend pas. Son discours sur la démocratie et les droits de l'homme est miné par sa réputation ternie. Depuis 1996, il traîne comme un boulet sa réputation de «parrain du Kremlin».

C'est le journaliste américain d'origine russe Paul Khlebnikov qui l'a désigné ainsi dans plusieurs enquêtes fouillées, parues dans le magazine américain Forbes le 18 août 1996, puis le 9 avril 2000. Cet enquêteur opiniâtre est menacé de mort. Il doit prendre du champ,  Berezovski est encore puissant. Kklebnikov prolonge son travail et publie en 2000 un dossier encore plus documenté : Godfather of the Kremlin : Boris Brezovsky and the Loothing of Russia. Ces accusations servent Poutine qui a entrepris de nettoyer les écuries d'Augias. S'il a promis l'immunité judiciaire à la famille d'Eltsine, au nom de la protection de l'État et de l'institution présidentielle, il n'a aucun cadeau à faire aux autres, les «pillards de la Russie». Il n'en fait pas.  

Paul Khlebnikov s'est fait d'autres ennemis qui sont aussi les ennemis de Poutine : les Tchétchènes. En 2003, il a publié un long entretien avec Hodj-Akhmed Noukhaev, un des chefs de la rébellion. Le titre est explicite : Conversation avec un barbare. Moins d'un an plus tard, retourné à Moscou pour prendre la rédaction en chef de l'édition russe de Forbes, le journaliste est assassiné devant son bureau, le 9 juillet 2004. L'enquête s'oriente très vite vers des tueurs à gages tchétchènes, mais elle n'a jamais aboutie.    
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MessageSujet: Re: Sur Poutine, l'analyse de Frédéric Pons    Sur Poutine, l'analyse de Frédéric Pons  Empty14/5/2024, 15:28

Trop long

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MessageSujet: Re: Sur Poutine, l'analyse de Frédéric Pons    Sur Poutine, l'analyse de Frédéric Pons  Empty14/5/2024, 15:30

Le volet qui concerne les oligarques russes et la manière par laquelle Poutine aura su les briser, démolir leurs ambitions de tout contrôler en Russie : c'est absolument essentiel pour comprendre la popularité de Poutine chez lui. Pour les Russes, c'est vraiment Poutine qui a su mettre un terme à la corruption, rapatrier les pouvoirs et assurer le pouvoir de l'État, au profit d'un bien commun se situant au-dessus des intérêts privés de simples magouilleurs.
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MessageSujet: Re: Sur Poutine, l'analyse de Frédéric Pons    Sur Poutine, l'analyse de Frédéric Pons  Empty14/5/2024, 15:42

Pour les russes, Poutine est l'homme qui a vaincu les nazis allemands pendant la deuxième guerre mondiale et qui triomphera des nazi ukrainiens maintenant.

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