Mort de Jacques Duquesne, humaniste et engagé

L’homme du Nord, patron de presse et écrivain, est décédé mercredi 5 juillet à l’âge de 93 ans. Chrétien engagé, il a suscité la polémique aussi bien par ses positions sur la guerre d’Algérie que lors d’une biographie très personnelle de Jésus.

L’enfant du Nord, né à Dunkerque le 18 mars 1930, a connu plusieurs vies. Issu d’un milieu modeste installé dans la basse ville de la cité de Jean Bart, il n’a eu de cesse de comprendre le monde, convaincu que l’homme en était responsable. Journaliste, catholique engagé, romancier, Jacques Duquesne est toujours resté simple et volontiers gouailleur. Marqué à vie par la bataille de Dunkerque en 1940, en pleine débâcle, il aurait pu être enseignant, tant le souci d’expliquer le poursuivait, à commencer par la guerre d’Algérie, premier terrain de sa vie de journaliste, qui a débuté à La Croix.



En 1957, il traverse la Méditerranée et découvre la torture avec effroi. Il rentre avec une série de sept articles intitulée « Souffrances et espoirs de l’Algérie ». Une entrée fracassante dans l’actualité, dénonçant ouvertement la torture et les exactions des militaires, ce qui choquera nombre de lecteurs, qui le font savoir.


« Un grand nombre de cas de torture ne se justifient absolument pas par la véritable recherche de renseignement. Il est arrivé souvent, en effet, qu’on torture préalablement à tout interrogatoire comme “préparation psychologique” des “suspects” à peine suspects », écrit-il dans les colonnes de La Croix, le 10 janvier 1958. Tout comme l’énigme du mal, la guerre d’Algérie sera l’obsession de son existence. Il y reviendra à plusieurs reprises et encore en 2021 dans un dernier ouvrage, Carnets secrets d’Algérie, écrit avec Antoine d’Abbundo, journaliste à La Croix.

Essayiste, polémiste et romancier

L’engagement du journaliste n’est pas indépendant de sa formation au sein des mouvements de jeunesse chrétienne dans les années 1950. Il sera même secrétaire général de l’Association catholique de la jeunesse française en 1954. Le christianisme sera très tôt un de ses sujets de prédilection. Dès 1965, il écrit un livre sous le titre Les Prêtres et encore, en 1968, Demain, une Église sans prêtres ? Mais c’est sa biographie Jésus, en 1994, qui suscitera une vive polémique, estimant la conception virginale de Jésus par Marie « peu plausible » et discutant la réalité des miracles. Une démarche qu’analyse à l’époque Michel Kubler :


« En grand journaliste, Duquesne a su puiser aux meilleures sources et s’entourer d’une documentation sans faille. Mais on a vite le sentiment, au fil des dossiers, qu’il privilégie une approche psychologique des personnages et des récits. » Ce qui n’empêchera pas la vente de quelque 150 000 exemplaires du « Jésus de Duquesne », soutenu par une tournée de conférences.


Duquesne essayiste, polémiste, romancier aussi : c’est en puisant notamment dans la veine populaire des gens du Nord avec Maria Vandamme, prix Interallié 1983, porté à l’écran, Catherine Courage (1990) ou encore la saga Les Héritières dans les années 2000 qu’il s’impose dans un registre grand public et cherche à rendre aux femmes toute leur place.

Vie du journaliste et patron de presse

Reste encore à évoquer la vie du journaliste et patron de presse. Après les premières années à La Croix et à L’Express, Jacques Duquesne participe en 1972 au lancement de l’hebdomadaire Le Point, dont il sera un temps rédacteur en chef puis président-directeur général de 1985 à 1990. Directeur général du groupe des publications Malesherbes-La Vie (1977-1979), il passe à TF1 en 1987 sans être convaincu, et revient à la presse écrite. Il laisse une bibliographie de près de 50 livres, romans et essais.

Attaché à ses origines nordistes, il sera encore président du Bateau Feu à Dunkerque de 1991 à 2016. « Il avait le sens des valeurs et voulait rendre accessibles la culture aussi bien que le carnaval », souligne Bruno Vouters, qui lui a succédé à la tête de la scène nationale.
Il s’est éteint mercredi 5 juillet 2023.

La Croix

Merci pour le panégyrique .

Les biographies de Jésus et de Marie de Jacques Duquesne , maintenant démenties par les dernières recherches , m'ont révolté .

Je prie pour lui et je pense que sa rencontre avec le Christ dans l'au-delà s'est bien terminée , car à défaut de clairvoyance dans la foi , il était sincère et sans détours .

A Dieu , mon ennemi en histoire .

Il n'a pas écrit que cela, j'ai aimé beaucoup de ses livres en plus de celui que vous détestez

Merci , Espérance .

Il y a aussi , entre nombreux ouvrages , une biographie de saint Eloi .

J'extrais , du dernier chapitre de " Jésus " , par Jacques Duquesne ( " Sources " )
une petite perle :

" [...] , les plus récentes découvertes semblent confirmer un certain nombre de récits évangéliques .
On peut ainsi évoquer la célèbre parabole du pharisien et du publicain ( 31 ) , où Jésus fait dire au pharisien qui s'est mis en avant : " Je te rends grâce , Seigneur , car je ne suis pas comme le reste des hommes . "

La formule " Je te rends grâce , Seigneur , car ... " ne se trouve qu'une fois dans tout l'Ancien Testament , au début d'un poème d'Isaïe ( 32 ) . On ne la trouve pas , non plus , dans les textes juifs des premiers siècles de notre ére .
On s'est donc demandé d'où Jésus tenait une telle formule . Jusqu'à la découverte des manuscrits de
Qumran : elle est employée quatorze fois ( sur dix-huit ) au début des hymnes esséniens .

Ce qui confirme le texte de Luc mais montre aussi un Jésus assez railleur puisque pharisiens et esséniens ne s'entendaient guère et qu'il fait parler le pharisien avec le langage de ces derniers . "

( " Jésus " par Jacques Duquesne , DDB/FLammarion p 314 )

" Notes :
31 Marc VI , 4
32 Cf à propos de la conception de la résurrection chez les juifs et dans la mentalité grecque , alors dominante dans le bassin méditerranéen et qui nous est familière ; Jean-François Six , Jésus , op.cit.
pp 184 et suiv .
"

J'ai trouvé dommage que Jacques Duquesne n'en tire pas la conclusion logique : Jésus avait ou avait eu des accointances avec les esséniens ( comme Jean le Baptiste d'ailleurs ) .

Personnellement  , en exploitant la découverte de Marcel Bodor sur l' " étoile des mages " , je suis amené à supposer que cette accointance a même été " de naissance " .
Si les deux mages qui ont pénétré dans la maison/grotte de Bethléem étaient des esséniens de la diaspora ( Byzance ) et qu'ils ont cru à la messianité du nouveau-né Ieschoua , ils n'ont pu que confier la Sainte Famille au réseau essénien , parallèlement à leur fuite .

"
Claude Tresmontant , professeur de philosophie des Sciences à la Sorbonne et traducteur des Evangiles , a défendu avec brio une thèse suivant laquelle les logia auraient été écrits d'bord en hébreu .

" Lorsqu'on lit attentivement l'évangile de Matthieu , dans son état actuel , c'est-à-dire en son texte grec , puis l'Evangile de Marc et l' Evangile de Luc , on est frappé en constatant que l'on retrouve à chaque pas des expressions typiquement hébraïques simplement décalquées en grec (14) "

Tresmontant ajoute que ces traductions ont été faites au plus près . Les traducteurs ne se souciaient pas de littérature , ils ont essayé de suivre le plus fidèlement possible les textes hébreux qu'ils avaient sous les yeux . [...]

Tresmontant et quelques autres , en tentant de remonter aux sources hébraïques des Evangiles , dont nous ne possédons que les textes grecs , ont pu apporter quelques éclairages intéressants .
Mais leur thèse est fortement contestée par la très grande majorité des spécialistes , qui retrouvent , sous-jacentes aux textes grecs , des façons de parler ou d'écrire non plus hébraïques mais strictement
araméennes . Quelques-uns pensent même qu'il a existé des logia en araméen du vivant de Jésus .
Un tel débat montre quels problèmes ardus doivent affronter les spécialistes de l'étude des Evangiles (15) [...]

"
( " Jésus " par Jacques Duquesne Flammarion/DDB 1994 , pp 307-308 )

Note 14 : Claude Tresmontant , Le Christ hébreu : la langue et l'âge des Evangiles , op.cit. p 24
Sa thèse a été notamment critiquée par Pierre Grelot ( Evangile et tradition apostolique : réflexion sur un certain Christ hébreu , Cerf 1984 ) , spécialiste reconnu de l'araméen . 
Note 15 Charles Perrot ( Jésus et l'Histoire , op.cit. , pp 27 et 28 ) en donne un rapide résumé 

"

NB L'hypothèse d'une éducation royale de Ieschoua à Alexandrie , avec l'appui financier des esséniens , conforterait , si elle venait à être confirmée , 
la thèse de Tresmontant et Carmignac .
Ce qui ne devrait pas exclure , à mon avis , l'existence éventuelle de logia 
araméens du vivant même de Ieschoua . 

Les disciples ne connaissaient pas , pour la plupart , l'hébreu et ils recevaient , de la part de Jésus , au moins trilingue , un enseignement distinct de celui destiné au peuple :
Mt 13 , 10sq ; Mc 4 , 10 ; Lc 8 , 9 .