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 Madeleine Delbrêl

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MessageSujet: Madeleine Delbrêl   Madeleine Delbrêl EmptyMar 05 Sep 2017, 22:23

Madeleine Delbrêl, bientôt sainte ?


Le 13 octobre 1964 mourait Madeleine Delbrêl. Le P.Gilles François, postulateur de la cause en béatification de Madeleine Delbrêl, répond aux questions de Sophie de Villeneuve, rédactrice en chef de Croire. Publié le 13 octobre 2014.



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Madeleine Delbrêl, cette assistante sociale à Ivry, poète, mystique, eut un impact considérable sur l'Eglise d'avant Vatican II. Sa cause en béatification est introduite à Rome. Pourquoi la déclarer bienheureuse ? En quoi la vie de Madeleine Delbrêl peut-elle inspirer notre propre vie spirituelle ? Qu'a-t-elle à nous dire ?

S. de V. : Père, cela fait longtemps que vous travaillez sur ses écrits ? A quel moment vous êtes-vous dit : C'est une sainte ?

G. F. : C'était peut-être il y a dix-huit ans, quand j'ai été nommé curé de deux paroisses en grande banlieue, à Boissy-Saint-Léger et Limeil-Brévannes, où la mission était un défi. J'ai alors fortement accroché à l'œuvre de Madeleine que je ne connaissais pas très bien, avec un recueil posthume intitulé Communauté selon l'Evangile, dans lequel elle parle à ses équipières. Je sentais qu'avec la raréfaction des prêtres, il fallait que la dimension de communauté chrétienne se développe dans les paroisses. Et j'ai passé un an avec ce livre, à en lire un petit passage tous les jours, à revenir en arrière, à prier sur un phrase... Je suis entré dans l'œuvre de Madeleine par cette dimension-là. Cela m'a énormément aidé, alors que je rentrais d'une marche d'un mois sur le chemin de Compostelle, à la jonction entre deux périodes de ma vie. Je ne sais pas si je me suis dit à ce moment-là que c'était une sainte, mais j'ai senti une intensité de vérité, de bonté, d'encouragement dans son écriture qui m'a fait du bien.
 
Ça vous a fait du bien en tant que prêtre ?

G. F. : En tant que prêtre, en tant que curé de paroisse et en tant qu'homme bien sûr. Je dirais qu'elle est ma mère spirituelle. J'ai un amour de fils pour elle.
 
Et pourtant c'était une femme, une laïque. Comment peut-elle avoir autant d'impact sur des prêtres ?

G. F. : Je suis loin d'être le seul, et je ne vous parle pas des moines ! Les contemplatifs aiment beaucoup Madeleine. Certains prêtres ne la voient que comme une militante sociale, ce qui est très réducteur. Ils la connaissent mal. Quand les prêtres commencent à la lire vraiment, ils voient que c'est une nourriture pour eux, un encouragement qui se communique. C'est une parole qui donne la parole, ce n'est pas du prêt à penser. C'est une invitation à réfléchir et à agir dans la situation où l'on se trouve. Car même si elle est une contemporaine, elle est morte en 1964, elle est maintenant un peu à distance. Ce qui donne plus de poids à sa parole, et permet aujourd'hui de la voir comme une sainte. C'est la distance qui permet de vérifier que l'itinéraire d'une personne a creusé quelque chose dans la vie des hommes, qu'il a été fécond et que c'est vraiment un don de Dieu.
 
En quoi l'itinéraire de Madeleine Delbrêl, qui a vécu avant Vatican II, est-il fécond ? Avait-elle pressenti l'Eglise d'aujourd'hui ?

G. F. : Je pense que oui. Ou du moins elle vivait dans une union au Christ qui l'a fait entrer dans la profondeur de notre civilisation urbaine, dans un élan missionnaire qui est, je trouve, en train de se développer. Elle n'en est pas à l'origine, mais elle en est une source. Sans toujours s'en rendre compte, beaucoup de gens se réfèrent à Madeleine quand ils parlent aujourd'hui. Elle a laissé des traces, elle a influencé des personnes importantes du Concile, discrètement mais très profondément. Aucune figure de sainteté n'est universelle, Dieu seul est saint, et on peut lire Madeleine et passer à autre chose. Mais beaucoup, grâce à elle, se sont construits, libérés, apaisés, rassurés.
 
Est-ce qu'elle avait vu les difficultés de l'Eglise d'aujourd'hui, le manque de prêtres ?

G. F. : Pas seulement le manque de prêtres, mais aussi le manque de chrétiens, le manque de foi. Quand le barrage de Fréjus s'est effondré, en 1959, elle a dit : Voilà, c'est ça qui est en train de nous arriver. La construction de l'Eglise est solide, mais la roche est pourrie. Elle parlait de la roche de la foi. Elle voyait que les gens vivaient dans des habitudes chrétiennes, dont on ne peut plus se contenter. Et nous vivons aujourd'hui un temps de purification, qui nous demande d'aller au fond des choses. Nous n'avons pas le choix.
 
C'est là sa sainteté ? Elle a porté une vision d'espérance ? Elle a vu comment arranger les choses ?

G. F. : Non, ce n'est pas une vision, c'est une source. J'ai du mal à répondre à cette question parce que je suis en train d'éditer ses œuvres complètes, et l'ampleur de ce que je lis me rend modeste, parce que je me sens incapable d'en faire une synthèse. Bien sûr que Madeleine avait une vision de ceci ou de cela, mais en rester là est réducteur. Son œuvre est bien plus vaste que cela. Nous nous apprêtons à publier dix tomes de ses écrits, et il en restera encore autant à paraître. Il faut que cette source coule librement. On n'en connaissait jusqu'à présent que des bribes, le reste était encore dans une armoire à Ivry. Là aussi est son œuvre de sainteté, qui devient une œuvre d'Eglise. C'est Mgr Fretelière, ancien évêque de Créteil, qui a demandé sa cause en béatification en 1988, mais beaucoup d'évêques de France et d'ailleurs le demandaient. Cette demande a été un déclic, mais d'autres profondeurs sont touchées. Je ne peux pas dire qu'elle avait une vision, mais elle nous aide à acquérir la vision nécessaire aujourd'hui, en Eglise.
 
Comment nous y aide-t-elle ? Vous parliez tout à l'heure d'union à Dieu... Comment caractériser la vie spirituelle de Madeleine ?

G. F. : La préférence pour Dieu, notamment face à l'idéologie communiste. Pour elle, le chrétien est quelqu'un qui glorifie Dieu publiquement. Il peut être timide, timoré, il peut ne pas le vouloir, il sera de toute façon un jour mis en situation de devoir le faire. La préférence pour Dieu, c'est essentiel pour elle.
 
C'est l'essentiel de sa pensée spirituelle ?

G. F. : Oui mais aussi de sa pratique, de sa vie. J'hésite à ressaisir en quelques mots le cœur de son œuvre, mais je pense que c'est cela. C'est cette union au Christ qui lui permettait toutes les audaces et les libertés. Elle était très joyeuse, très libre et en même temps complètement dans l'Eglise, avec un sens de l'obéissance extraordinaire, dans la soumission comme dans l'initiative. Obéir n'est pas seulement se soumettre, c'est aussi prendre les initiatives qu'on a à prendre.
 
Elle a aidé d'autres à obéir, notamment au moment de la crise des prêtres ouvriers...

G. F. : Oui, elle les a beaucoup aidés dans une période qui a été très douloureuse. L'Eglise de France aurait d'ailleurs intérêt à relire cette page de son histoire, ce qu'elle n'a pas fait jusqu'à présent. Cette période qu'on a qualifiée de « crise » a vu beaucoup d'erreurs, beaucoup de générosité, et des intuitions très profondes.
 
J'aimerais citer cette phrase de Madeleine Delbrêl qui fait écho, je trouve, à ce que vous venez de nous dire : « Nous croyons que rien de nécessaire ne nous manque, car si ce nécessaire nous manquait, Dieu nous l'aurait déjà donné ».

G. F. : Oui, c'est dans les toutes première pages de la Sainteté ordinaire. C'est très encourageant, et elle parle non pas à la première personne du singulier, mais elle emploie le « nous » des disciples.
 



Le P.Gilles François,auteur avec Bernard Pitaud de "Madeleine Delbrêl, poète, assistante sociale et mystique" ed.Nouvelle Cité,2014.

http://croire.la-croix.com/Definitions/Figures-spirituelles/Madeleine-Delbrel/Madeleine-Delbrel-bientot-sainte


Dernière édition par Violette3 le Mar 05 Sep 2017, 22:32, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Madeleine Delbrêl   Madeleine Delbrêl EmptyMar 05 Sep 2017, 22:30

Madeleine Delbrêl, la bonté « soudée à la charité »

Madeleine Delbrêl (1904-1964) est une mystique chrétienne française, assistante sociale, essayiste et poétesse.

La vie et l’œuvre littéraire de Madeleine Delbrêl sont prophétiques, elles préparent la fécondité apostolique d’un nombre grandissant de croyants vivant au sein d’un monde sécularisé.

À la fin de sa vie, au seuil des années soixante, ce qu’elle dit de la bonté est très caractéristique de ce mouvement. Elle était plongée dans des milieux prolétaires dont elle connaissait la mentalité et la valeur.

Elle disait d’eux : «La bonté, on la rencontre seulement quelquefois chez les petits, et ils en gardent en tout cas et le nom et la nostalgie.» (1)

Ce milieu était encadré et dynamisé par le Parti communiste, dont elle pointe non sans humour une contradiction : «Si le cœur est rigoureusement absent de la doctrine communiste, il est sans doute son plus important facteur d’action.» (2)

Dans ce creuset de vie, elle est consciente de l’usure des mots : cœur, charité, mais aussi bonté sont devenus péjoratifs dans certains sens.

C’est que leurs réalités s’estompent vite, y compris chez un chrétien devenu au fil des jours un individualiste ou bien l’homme d’un milieu, coupé de Dieu. 

Cependant, elle insiste : «Faites ce que vous voudrez pourvu que la bonté tienne dans votre vie une place proportionnée à la place de Dieu.» (3)

Mais elle sait que la bonté n’a rien de définitif. Ce qui est donné définitivement au chrétien, «c’est le cœur de Jésus-Christ, la faculté définitive de pouvoir y régénérer à chaque instant son propre cœur.» (4)

Le chrétien serait perdu sans cette faculté de se régénérer. Quand la bonté glisse vers les seules bonnes mœurs ou les habitudes chrétiennes, elle n’est plus «soudée à la charité» (5).

Au contraire, la bonté est «traduction du mystère de la charité», elle est « le corps sensible de la charité » (6).

Lucide sur un monde qui «nous force à être nous-mêmes plus autre chose : famille, profession, nationalité, race, classe...», elle dit l’intime de la vie touchée par le Christ :

«Pour la bonté de Jésus-Christ, c’est chacun qui existe, et tout le reste devient d’un coup relatif.» (7)

Là se trouve le mouvement apostolique de Madeleine, prophète pour notre temps :

«L’Évangile n’est annoncé vraiment que si l’évangélisation reproduit entre le chrétien et les autres le cœur à cœur du chrétien avec le Christ et l’Évangile.» (8) 

Alors, cette bonté du cœur «sympathise avec ce qui, dans le cœur de l’incroyant, est à la fois le plus solitaire et plus apte à se tourner intérieurement, secrètement vers Dieu comme un possible.» (9) 


NOTES
1. La femme, le prêtre et Dieu, Nouvelle Cité, 2011, p. 239.
2. Athéismes et évangélisation, Nouvelle Cité, 2010, p. 148.
3. La femme, le prêtre et Dieu, p. 234.
4. Idem, p. 226.
5.  Athéismes et évangélisation, p. 147.
6. La femme, le prêtre et Dieu, p. 226.
7. Idem, p. 228.
8. Athéismes et évangélisation, p. 149.
9. Idem, p. 150.
P. Gilles François, postulateur de la cause en béatification de Madeleine Delbrêl - 2013

http://croire.la-croix.com/Definitions/Figures-spirituelles/Madeleine-Delbrel/Madeleine-Delbrel-la-bonte-soudee-a-la-charite
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MessageSujet: Re: Madeleine Delbrêl   Madeleine Delbrêl EmptyMar 30 Jan 2018, 21:33

Madeleine Delbrêl (1904-1964), missionnaire des gens des rues

 
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Archives CIRIC
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S’il est une croyante qui décoda et porta la présence de Dieu aux périphéries de l’Église, bien avant la fameuse expression du Pape François ; c’est bien Madeleine Delbrêl.

Poète et essayiste (le don de la communication), assistante sociale (l’incarnation de la charité), mystique (le goût de la recherche de Dieu) ; sa personnalité fut l’alliance tout à fait unique de différents charismes.

En elle non seulement les trois vertus théologales, foi, espérance et charité, se trouvaient réunies mais elle initia une voie tout à fait singulière de la sainteté: celle des gens ordinaires.
 
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Rien ne présageait pourtant de ce destin. Fille d’un chef de gare autodidacte cultivé de Dordogne, intelligente, d’un tempérament artiste et fréquentant plutôt des intellectuels dont quelques libres penseurs, la jeune fille renia à 15 ans la foi du catéchisme de son enfance.

Jusqu’à ce que le témoignage de foi du garçon qu’elle aimait et qui entra au noviciat des Dominicains la fasse cheminer en quête de sa propre vocation.

À 20 ans, ayant découvert éblouie le Christ, l’ami de toute sa vie, Madeleine faillit choisir le Carmel puis elle rencontra un vicaire parisien, le Père Lorenzo, qui influença sa manière d’être témoin de l’Évangile dans sa radicalité.

Désireuse de la vivre « au coude à coude » au milieu des incroyants et des athées, la jeune femme convainc deux de ses amies d’aller s’installer dans une banlieue ouvrière, elle comme assistante sociale, son amie Suzanne Lacloche comme laborantine et Hélène Manuel comme infirmière.


À Ivry-sur-Seine, un fief communiste, elles font du 11, rue Raspail la « Maison du Bon Dieu », foyer de vie fraternelle entre laïques célibataires autant que lieu de large hospitalité.

Bien sûr, c’est le visage le plus connu de Madeleine Delbrêl : compagne de route des militants marxistes via le Service social de la mairie, participant à des actions au nom de la justice sociale, mais en veillant à ce qu’il n’y ait pas d’ambiguïté pour sa foi.

Une expérience de dialogue âpre, amical et respectueux relatée dans son livre phare Ville Marxiste, Terre de mission (né d’une correspondance avec Mgr Veuillot).

Bien au delà, Madeleine Delbrêl fut et reste une figure incontournable du rapport des chrétiens avec un monde pluraliste.

Une médiatrice qui sut inventer en son temps un témoignage de foi original en étant solidaire d’un monde qui rejetait Dieu et solidaire de Dieu qui aime ce monde.

Une discrète mais grande spirituelle riche de sa joie de croire, de sa bonté, de sa pratique fidèle de la prière, de son sens viscéral de l’Église et surtout de son amour inconditionnel pour les « gens des rues » et les foules qui s’engouffrent dans le métro.


Fragile, affaiblie, minée par les ennuis de santé de ses parents, elle mourra à 60 ans avant de connaître le souffle de renouveau apporté par le Concile Vatican II.

Son œuvre et sa spiritualité ne cesseront dès lors de rayonner au point d’aboutir à
l’introduction de sa cause de béatification par le diocèse de Créteil.

Jean-Paul II avait déclaré en 2004 : « Elle a pris part à l’aventure missionnaire de l’Église en France au vingtième siècle, en particulier à la fondation de la Mission de France et de son séminaire à Lisieux ».

« Missionnaire sans bateau » (selon son expression) mais authentique évangélisatrice au cœur des déserts spirituels de la modernité.

Dans la Lettre aux catholiques de France, les évêques la citent avec Thérèse de Lisieux comme une balise pour le 3ème millénaire !


En octobre 2014, elle a même été l’objet d’une première rencontre théologique internationale !

 
Chantal Joly, avec la collaboration du Père Bernard Pitaud, auteur de plusieurs ouvrages sur Madeleine Delbrêl.
 
http://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/temoigner/temoins/397501-madeleine-delbrel-1904-1964-missionnaire-des-gens-des-rues/
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MessageSujet: Re: Madeleine Delbrêl   Madeleine Delbrêl EmptyLun 20 Aoû 2018, 16:46

Madeleine Delbrêl: une vie donnée au dialogue avec les athées

Connue surtout pour son engagement social dans le monde ouvrier et son dialogue avec les communistes,se sentait proche des athées.A dix-sept ans, elle avait même proclamé son athéisme dans un texte fameux intitulé : "Dieu est mort... vive la mort."

"Militante sociale, 1904-1964", indique la plaque de la petite rue Madeleine Delbrêl, à Mussidan, le bourg de Dordogne où elle est née. "L'une des plus grandes mystiques du XXe siècle", déclarait quant à lui le cardinal Martini, archevêque émérite de Milan, en Italie, pasteur et théologien renommé. Une militante sociale mystique ? Bizarre.

La suite du portrait est à l'avenant. Ce petit bout de femme à la santé fragile perce les nuits pour discuter passionnément avec des amis ouvriers ou pour écrire, paquet de Gauloises et cafetière à portée de main. L'artiste éprise de beauté goûte le roquefort et le vin rouge plus que la tasse de thé. L'assistante sociale réaliste qui travaille à la mairie d'Ivry-sur-Seine avec "des grands types du Parti" est d'une fidélité sans faille à l'Eglise.

L'originalité de Madeleine, ses talents, son parcours, font éclater les classifications habituelles. Et sa conversion violente et totale, qui la laisse "éblouie par Dieu", à l'âge de vingt ans, n'explique pas tout. Les étiquettes ne tiennent pas bien sur elle. Par héritage familial peut-être : le couple de ses parents n'est pas dans la norme. Jules, son père, un Gascon d'origine ouvrière, intelligent et dynamique, original jusqu'à l'extravagance, fait une belle carrière aux Chemins de fer. Lucile, sa mère, plus effacée, est de famille bourgeoise. Jules et Lucile se sépareront en 1936. Leur fille unique dira : "J'ai vécu, et cela fut une chance, hors des cloisonnements sociaux. Ma famille était faite de tout."

Madeleine évolue librement dans les environnements les plus divers. C'est la même qui fréquente les milieux intellectuels et reçoit, à vingt-et-un ans, le prix Sully-Prudhomme de l'Académie Française pour ses poèmes, qui choisit, huit ans plus tard, de quitter Paris pour vivre parmi les ouvriers d'Ivry-sur-Seine, bastion historique du Parti communiste. Parce que l'Evangile l'appelle à vivre au coude à coude avec les pauvres, avec ceux dont la plus grande misère est peut-être de ne pas connaître Dieu. C'est le début d'une aventure de plus de trente ans, interrompue par sa mort. Dieu... Il faut bien y venir pour comprendre Madeleine. A dix-sept ans, au lendemain de la Grande Guerre, alors qu'elle étudie les lettres et la philosophie à la Sorbonne, elle proclame son athéisme dans un texte fameux intitulé : "Dieu est mort... vive la mort." Trois pages où elle pointe l'absurdité de l'existence humaine fuyant la réalité : la mort est le point final. Comment ne pas penser à Jacques et Raïssa Maritain qui, une vingtaine d'années plus tôt, dans les mêmes interrogations sur le sens de la vie, également étudiants à la Sorbonne, songeaient au suicide ? Ils découvrirent la foi avec Léon Bloy et animèrent ensuite les milieux intellectuels et artistiques chrétiens.

Madeleine, elle, rencontre Jean Maydieu et son groupe d'amis. Les deux jeunes gens sont si bien ensemble qu'on les considère comme fiancés. Mais Jean disparaît sans crier gare pour entrer chez les dominicains.

L'Evangile, le livre à vivre

En plein remue-ménage intérieur, à la limite de ses forces, Madeleine se laisse interroger au contact de ces jeunes proches d'elle. Ils réfléchissent, vivent, et n'en sont pas moins chrétiens ! Dieu n'est donc plus rigoureusement impossible... Madeleine est une femme réaliste. C'est une constante dans sa vie. Donc, plutôt que d'agiter des idées sur Dieu, elle décide de prier. Elle raconte : "Dès la première fois, je priai à genoux par crainte, encore, de l'idéalisme... Depuis, lisant et réfléchissant, j'ai trouvé Dieu ; mais en priant j'ai cru que Dieu me trouvait et qu'il est la vérité vivante, et qu'on peut l'aimer comme on aime une personne."

Deux ans plus tard, par la vie paroissiale et le scoutisme dans lequel elle s'est engagée, elle rencontre l'abbé Lorenzo, vicaire à Saint-Dominique, à Paris. Il "fait exploser l'Evangile" pour elle. Ce sera désormais pour elle "non seulement le livre du Seigneur vivant, mais le livre du Seigneur à vivre", écrira-t-elle. Elle le lit "comme on mange du pain". Un pain "tenu par les mains de l'Eglise". La jeune convertie désire "être volontairement à Dieu autant qu'un être humain peut appartenir à celui qu'il aime". Le carmel l'attire, mais elle décide de rester dans le monde, notamment pour prendre soin de sa mère. Madeleine, elle-même souvent malade, lit beaucoup. Elle acquiert une solide culture chrétienne et passe un diplôme de l'Ecole pratique de service social.

En 1933, le 15 octobre, jour de la fête de sainte Thérèse d'Avila, Madeleine s'installe à Ivry-sur-Seine avec deux amies, anciennes du scoutisme comme elle. C'est le début de ce qu'on appellera plus tard les "Equipes Madeleine Delbrêl".

Elles ne seront jamais plus d'une quinzaine. Les fondatrices ignorent tout de la condition ouvrière et du marxisme. Or la cohabitation entre catholiques et communistes est rude. Il arrive aux jeunes femmes de recevoir des cailloux dans la rue : elles sont du parti des "curés" ! Comme le sont aussi les trois patrons d'Ivry payant le plus mal leurs ouvriers... L'assistante sociale collabore avec les services municipaux. Elle découvre la solidarité et l'organisation des communistes. Madeleine et ses compagnes se mêlent si bien à la population que, dans leur maison, se croisent des gens de tous bords, de tous âges, accueillis avec la même cordialité. Le style y est très franciscain : simplicité et joie, fantaisie.

Un ami s'interroge : "Votre vie ensemble me pose une énigme scientifique..." Audace prophétique aussi. A la façon de saint François qui alla à la rencontre des musulmans, Madeleine participe à des meetings du Parti. Elle désire comprendre ceux avec qui elle vit et travaille. En 1936, le responsable communiste Maurice Thorez (qui habitait Ivry), "tend la main" aux chrétiens dans un appel célèbre. C'est à cette époque, semble-t-il, que Madeleine connaît la "tentation" de devenir communiste, selon ses propres mots. Elle replonge dans les évangiles et n'y trouve pas l'ombre d'une justification de la violence que prône le communisme. Puis elle lit des textes de Lénine sur la religion. Une lecture décisive : "Une fiche clinique d'une asphyxie de la foi était comme établie et je pouvais constater sur moi que, pour les premiers résultats tout au moins, la méthode était parfaitement efficace. A ce moment-là, je sursautai de crainte pour Dieu, mon trésor", écrit-elle. Quelques mois avant sa mort, Madeleine dira encore : "J'ai été et je reste éblouie par Dieu." L'identité profonde de l'assistante sociale apparaît clairement : Madeleine est une amoureuse, une mystique. Son action ne se comprend qu'à partir de là. La tentation surmontée, ses engagements ne changent pas pour autant. Ainsi, au moment de la tenue du premier congrès eucharistique de l'Après-guerre, à Barcelone, en 1952, elle écrit aux évêques espagnols pour qu'ils ne marquent pas d'inféodation au dictateur espagnol Franco lors de cette manifestation. Sans succès.

Lors de l'affaire des époux Rosenberg, marxistes juifs suspectés d'espionnage des Etats-Unis au profit de l'URSS, elle prend la parole au cours d'un grand rassemblement au Vel'd'Hiv. Elle veille dans la prière la nuit de leur exécution, le 19 juin 1953.

Soeur aînée des prêtres-ouvriers

C'est à cette époque également que prend place la crise des prêtres ouvriers. Rome met fin à l'expérience qui dure depuis une dizaine d'années. On a pu dire de Madeleine qu'elle était la soeur aînée des prêtres-ouvriers : elle a réalisé leur idéal de témoigner du Christ en travaillant au milieu des ouvriers ; elle a été mêlée de près aux débuts du séminaire de la Mission de France à Lisieux, en 1941. Et elle souffre beaucoup de la crise.

Son expérience du communisme et son sens de l'Eglise déterminent sa position : il faut obéir à l'Eglise. C'est ici que prend place la seule anecdote "merveilleuse" de la vie de Madeleine. Elle a un grand désir d'aller prier à Rome sur la tombe des apôtres pour l'issue de la crise. Est-ce bien raisonnable, demandent ses compagnes ? Elles n'ont pas d'argent, Madeleine relève de maladie et on a besoin d'elle à Ivry. Et si la somme nécessaire arrivait de façon inopinée, ne serait-ce pas l'indication qu'il faut faire ce voyage ? Or un billet de loterie est offert à l'équipe. Il est gagnant et couvre exactement le montant du voyage...

Les témoins de la vie de Madeleine soulignent unanimement sa bonté, sa tendresse et son attention aux personnes. Les chercheurs qui commencent à étudier sa vie et ses écrits mettent en évidence un autre aspect, méconnu jusqu'alors, de son parcours : son expérience de la souffrance.

Sa santé, l'accompagnement de ses parents, ses engagements pour l'Eglise lui en ont donné une expérience précoce. Jusqu'à atteindre, vers 1955-1956, les limites de ses possibilités physiques et nerveuses.

Et quand Madeleine parle de la souffrance, c'est dans les formules-chocs des mystiques : "Le chrétien est voué au combat [...] Pour cela il n'a qu'une seule arme, sa foi [...] qui transforme le mal en bien, s'il reçoit lui-même la souffrance comme une énergie de salut pour le monde."

Ailleurs, elle évoque la souffrance comme "tout ce négatif qui rend libre pour l'amour". Libre pour l'amour, Madeleine l'a été. Les textes qu'elle a laissés, lumineux, ouvrent pour nous la porte de son monde intérieur : elle donne Dieu, tout simplement.

Le 13 octobre 1964, ses compagnes la trouvent morte à sa table de travail. Cette grande table où l'on peut voir encore les cartes du monde, de l'URSS, de l'Afrique, de Rome que la grande missionnaire aimait avoir sous les yeux. Son agenda, habituellement plein de rendez-vous bien à l'avance, n'en contenait plus à partir de ce jour.

Christophe Chaland- Article paru dans la revue Panorama
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