« L’espérance me porte dans ma révolte »
Ami Karim, 36 ans, partagé entre la foi chrétienne et l’islam.
« J’aimerais être serein. Mais, dans le monde où nous vivons, j’ai l’impression que ce n’est pas possible. Sauf à vivre en dehors de la société ou replié sur son monde à soi. Je n’ai pas la paix, parce que tout me révolte. Pour autant, je ne suis pas aigri ; la révolte, c’est quelque chose qui me fait avancer, c’est ce qui me pousse à écrire. Tout jeune, j’ai vu des proches mourir. Des amis, un cousin, un oncle. Des morts violentes, liées à la drogue ou au sida, des suicides.
Prendre une feuille pour écrire a été le moyen de trouver quelqu’un avec qui parler. Quand tu es gamin, on ne t’explique pas forcément que le gars est mort de trois balles – mais tu le comprends tout seul. Dans ce que j’écris, un thème revient toujours : le mépris. L’insupportable mépris. J’ai eu des amies qui étaient caissières, leur vie m’a brisé le cœur : tout ce qu’elles subissent comme mépris, ces gens qui déversent sur elles leur frustration… Un jour, j’ai entendu une dame dire à sa fille : “Tu vois ma chérie, si tu ne travailles pas à l’école, tu finiras comme ça” … “Ça” ?!!
Mes parents m’ont enseigné l’empathie
Ce sont mes parents qui m’ont enseigné l’empathie et m’ont appris à ne jamais rester indifférent. Tous les deux, ils se sont engagés très tôt dans le mouvement ATD Quart Monde. Je crois qu’ils ont trouvé la paix dans ce travail auprès des pauvres et en choisissant du même coup de vivre sobrement. Un jour, j’ai demandé à ma mère : “Comment fais-tu pour t’investir autant pour une œuvre dont tu sais qu’elle n’aboutira jamais ?” Elle m’a répondu que son seul souci était qu’on prenne sa place lorsqu’elle raccrocherait…
Je suis très fier de mes parents aussi parce qu’ils ont réussi à vivre ensemble, maman étant chrétienne et papa musulman. Pour moi, croire en Dieu est essentiel. C’est ce qui m’a permis d’accepter la mort de ceux que j’ai connus. Je ne suis peut-être pas en paix, mais rassuré : j’ai le droit de continuer à vivre tant que cela dure : je les reverrai un jour. Cette espérance me porte aussi dans ma révolte. Il n’y a pas de révolte sans espoir. Sinon, on se résigne. Si on se révolte, c’est parce qu’on croit que le monde peut changer. »
http://www.la-croix.com/Archives/2012-12-29/A-la-recherche-de-la-paix-interieur.-Ami-Karim-36-ans-slameur-partage-entre-la-foi-chretienne-et-l-islam-L-esperance-me-porte-dans-ma-revolte-_NP_-2012-12-29-893227