Brève rencontre avec...
Natalia Tsarkova, Peintre officiel du Vatican
Ce furet blond âgé tout juste de 36 ans, haut de 1,58 mètre, a un titre qui en impose: peintre officiel du pape Jean-Paul II. Son nom: Natalia Tsarkova. Cette orthodoxe russe, émigrée à Rome il y a huit ans, a réussi la gageure de produire en deux ans deux majestueux portraits de Sa Sainteté (1). Entrant et sortant du Vatican à sa convenance. Devenant de fait la mascotte institutionnelle des monsignori. Et jouissant d’une confiance totale du «pape slave». Rencontre avec la portraitiste qui vient du froid.
Le Nouvel Observateur. – Le pape, c’est bien connu, refuse de poser. Comment avez-vous réussi à faire son portrait?
Natalia Tsarkova. – Lorsque j’ai été contactée par l’entourage de Jean-Paul II, j’ai ébauché une esquisse de portrait. Elle lui a plu. Je l’ai rencontré ensuite plusieurs fois, à l’audience du mercredi matin, pour étudier de près ses gestes, notamment sa façon de donner la bénédiction. On m’a montré ses vêtements et son anneau, suffisamment longtemps pour que je puisse les dessiner. Bien sûr, j’ai aussi consulté ses photos. Enfin, j’ai eu recours à des modèles qui lui ressemblaient et qui ont pris la pose à sa place.
N. O. – Le résultat est impressionnant. Vous avez parfaitement rendu «l’âme slave» du saint-père. Est-ce que cela lui a plu?
N. Tsarkova. – L’entourage du pape avait vu mes peintures antérieures. Je veux dire par là qu’il n’a pas pris de risque. Vous savez, je peins depuis l’âge de 5 ans; j’ai fait mes classes au lycée des Beaux-Arts de Moscou, où j’ai reçu un enseignement qui se voulait une synthèse entre l’école italienne et l’école russe. Et puis je suis arrivée en Italie en 1995, où j’ai eu l’occasion de portraiturer de nombreux membres de la noblesse romaine, des chevaliers de Malte, des personnalités du Vatican. Donc l’entourage, connaissant mon style, a apparemment apprécié le résultat. Je peux dire aussi que même Jean-Paul II s’est dit satisfait de mon travail. Au cours d’une audience privée qu’il m’a accordée, il m’a dit: «C’est très expressif, très beau.» Il a beaucoup aimé la Madone cachée que j’ai dessinée dans le médaillon qu’il porte sur la poitrine.
N. O. – Au terme de votre travail, vous avez dit: Je veux une caresse du pape. Vous l’a-t-il donnée?
N. Tsarkova. – Il me la donne chaque fois que nous nous voyons! Même au cours du synode des évêques de 2001. J’ai été, je crois, la première laïque et la première femme à assister à un synode. Pendant un mois, je suis allée tous les jours au Vatican. J’étais assise en haut à gauche de l’hémicycle, avec une vue plongeante sur la scène, que j’ai d’ailleurs reproduite sur mon tableau. A la clôture, je me suis approchée de Sa Sainteté pour lui montrer mon œuvre. Il l’a bénie. Elle lui a tellement plu qu’il l’utilise dorénavant en reproduction comme carte de visite…
N. O. – Comment entrez-vous au Vatican?
N. Tsarkova. – Lorsque je peins, on me donne une carte spéciale.
N. O. – Vous continuez à croquer des monsignori... Est-ce embarrassant pour une orthodoxe russe de peindre des dignitaires de l’Eglise catholique?
N. Tsarkova. – Nous sommes tous chrétiens. C’est même une chance que je sois orthodoxe: c’est une bonne occasion de concrétiser le discours œcuménique de l’Eglise. Pendant le synode, les évêques ont beaucoup évoqué ce thème. Je suis un exemple coloré d’œcuménisme…
(1) Le premier portrait du pape est exposé à Saint-Jean-de-Latran (Rome). Le second, au Centre culturel Jean-Paul II de Washington.
Marcelle Padovani
Le Nouvel Observateur
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Qui ne travaille pas ne mange pas (2 Thess 3.10)