Jacques Delors est décédé ce mercredi 27 décembre à Paris, à l’âge de 98 ans. Parisien d’origine modeste, il s’était attaché à promouvoir la réflexion lucide, la concertation honnête et l’action réalisable à travers ses engagements, d’abord syndicaux, puis politiques et européens.
L’ambiance familiale façonne le chrétien de gauche qu’il sera toujours.
Il fréquente l’école communale et le patronage paroissial. Sa mère est catholique pratiquante, son père, radical-socialiste.
Employé de la Banque de France, comme le sera plus tard son fils, l’homme arrondit ses fins de mois le dimanche comme limonadier, avec l’aide de son épouse.
De quoi offrir une enfance heureuse à leur fils unique, envoyé en vacances dans le Cantal ou en Corrèze où plongent les racines familiales.
Bon élève, l’adolescent n’est pas que scolaire. L’amateur de ballon rond, membre d’une troupe de théâtre et amoureux des lettres, est attiré par le cinéma. Mais le droit chemin paternel l’appelle vers la Banque de France, où Jacques Delors est reçu rédacteur en 1945.
Celui qui deviendra l’inlassable promoteur de la formation professionnelle permanente étudie, en parallèle, la finance. À cette période, il adhère également à la Confédération française des travailleurs chrétiens – en 1964, il participera à la création de la CFDT. Cela marque le début d’un engagement syndical, auquel il restera fidèle toute sa vie.
Jacques Delors fonde sa famille avec une femme rencontrée à ses débuts à la Banque de France, Marie Lephaille. Le couple partage les mêmes convictions et engagements, syndicaux mais aussi associatifs. En particulier à La Vie nouvelle, mouvement inspiré du personnalisme communautaire d’Emmanuel Mounier.
Ils en rejoignent un des groupes de quartier dans le 12 arrondissement, où ils se sont établis. L’occasion pour Jacques Delors d’approfondir sa foi, éveillée plus tôt à la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne).
Il dirige par la suite la revue de Vie nouvelle, les cahiers Citoyen 60, sous le pseudonyme Roger Jacques. Il ne cessera sa vie durant de consacrer du temps à des cercles de réflexion, comme plus tard Clisthène et Témoin.
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Son maître mot est le réalisme et sa source d’inspiration, la doctrine sociale de l’Église catholique. La social-démocratie scandinave aussi, qu’il découvre dans le cadre de ses responsabilités syndicales.Celles-ci conduisent ce proche des milieux politiques du centre gauche à siéger, à partir de 1959, dans une section du Conseil économique et social.
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Le couple Delors reste toutefois fidèle au 12 arrondissement de Paris, où grandissent leurs deux enfants, Martine et Jean-Paul.
La vie de famille est bouleversée par la mort en 1982 de ce fils journaliste emporté par une leucémie. Le prêtre qui célèbre les obsèques, l’eudiste Jacques Hadengue, est demeuré depuis leur intime.
Dans ces heures personnelles douloureuses, Jacques Delors est aussi appelé à des décisions délicates au moment du « tournant de la rigueur ». Un choix qu’il soutient. « C’est un homme politique, au sens d’avoir une vision du long terme et un sens de l’action », estime Henri Madelin, qui a préfacé le dernier livre sur Delors (Éd. DDB) paru en 2014 : « Il était capable de se porter, une fois sa décision prise, là où sa portée était fragilisée et moins sûre », observe-t-il, citant comment, en dépit d’un anglais mal assuré, Jacques Delors n’hésitait pas à s’affronter à Margaret Thatcher.
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De la banque de France à l’Union Européenne
1925. Naissance le 20 juillet à Paris.
1945. Employé à la Banque de France.
1948. Mariage avec Marie Lephaille.
1969. Conseiller au cabinet du premier ministre Jacques Chaban-Delmas.
1974. Adhère au Parti socialiste. Enseigne à Paris-Dauphine et à l’ENA.
1979. Élu député européen. Il rejoint le comité directeur du PS.
1981. Ministre de l’économie et des finances dans le gouvernement Pierre Mauroy.
1985. Président de la Commission européenne, à Bruxelles, jusqu’en 1995.
1994. Renonce à se porter candidat à l’élection présidentielle de 1995 en France.
2004. Publie ses Mémoires (Plon), rédigés avec Jean-Louis Arnaud.
Extraits de La Croix