« Je suis passé de braqueur de banque à prêtre, il y a donc de l’espoir »
Par Pierre FONTANIER
Ce week-end, le Jesus’Day, une manifestation catholique, accueillera frère Daniel-Marie à Quimper (Finistère). Ce religieux de Lyon, âgé de 65 ans, a un parcours peu banal : militant trotskiste dans sa jeunesse, il est tombé ensuite dans la drogue et la délinquance, avant d’entrer dans l’ordre des Franciscains. Il raconte.
« Je suis passé de braqueur de banque à prêtre : il y a donc de l’espoir ! », lance d’emblée frère Daniel-Marie. À 65 ans, ce religieux franciscain fera le déplacement à Quimper (Finistère) en Bretagne, pour la manifestation catholique du Jesus’Day, depuis le couvent Saint-Antoine à Bruxelles (Belgique), où il vit et exerce depuis une dizaine d’années.
Mais avant d’écouter « l’appel intérieur de Dieu », le sexagénaire a multiplié les prises de risques. Il a eu un parcours chaotique… « Je suis né et j’ai grandi à Lyon. Jusqu’à l’adolescence, j’allais à la messe avec mes parents. Jeune, j’ai reçu trois fois l’appel intérieur de Dieu à devenir prêtre. Mais je l’ai oublié et j’ai abandonné ma pratique religieuse durant toute ma jeunesse. Jusqu’à mes 25 ans. »
« La drogue m’a beaucoup déréglé »
À 14 printemps, le jeune Lyonnais s’engage dans deux mouvements trotskistes. C’est l’après Mai-68, il adopte les idées de la gauche révolutionnaire. D’abord à Moulins, dans l’Allier, puis au lycée Ampère de Lyon. Au bout de six mois, il laisse tomber ses études à la fac : « C’était le reflux du militantisme : je suis sorti de l’organisation politique car rien ne bougeait. Le Grand Soir qu’on attendait vite n’arrivait pas. »
Perte des idéaux, absence de repères, repli. Entre 18 et 21 ans, il se retrouve seul. Cannabis, LSD, cocaïne, héroïne : « La drogue m’a beaucoup déréglé. Elle m’a mis la tête à l’envers et poussé vers la délinquance. » Il vit avec des amis. « Pour trouver de l’argent, on s’est mis à organiser des hold-up. »
Quatre braquages, puis une rencontre « fulgurante » avec Dieu
Il attaque quatre banques. La police le recherche, il s’enfuit en Italie. « J’ai été condamné à quatre ans de prison en mon absence. » Il réalise son égarement. Disquaire, vendeur en porte-à-porte, ouvrier agricole dans des champs de tabac : « Je me suis reconstruit dans le travail. Et l’amitié. »
Le jeune homme cherche le sens de la vie dans des méditations. Un jour, il ouvre la Bible : « Ça a été une rencontre fulgurante avec Dieu. Un dimanche, je suis retourné à la messe. Puis je suis passé, par hasard, au couvent de saint François, à Assise (Italie). Le bonheur des apprentis frères m’a interpellé : je me suis remémoré mes trois appels, plus jeune. » Il suit sa formation de franciscain au couvent. Enchaîne sur ses études de prêtre.
En 1988, il est amnistié. Trois ans plus tard, il est ordonné prêtre à Rome. « Je voulais partir missionnaire. Loin. Mais on m’a envoyé en France. » Narbonne, Cholet (Maine-et-Loire) : il refonde des couvents. En 2012, il rejoint celui de Saint-Antoine à Bruxelles.
Fraternité universelle, force intérieure, guérison, altruisme, évangile, écologie, rencontre, dialogue… Autant de mots-clés au cœur de la foi des franciscains : « Nous ne sommes pas des moines, mais des frères. On sort, on va dans les écoles, on rencontre des jeunes dans la rue, on organise des camps, des temps de partage… » Comme le Jesus’Day, les samedi 28 et dimanche 29 janvier 2023 à Quimper (Finistère).
Il cherche toujours « du sens à la vie », dit-il. « C’est ça qui m’a boosté et me booste encore. » L’ancien délinquant a aussi écrit plusieurs livres. Les braquages se sont transformés en parole positive. Quelle que soit la saison, frère Daniel-Marie cultive l’espoir.
« Je suis passé de braqueur de banque à prêtre, il y a donc de l’espoir » - Edition du soir Ouest-France - 24/01/2023