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 La force des vertus par Théodom

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MessageSujet: La force des vertus par Théodom   La force des vertus par Théodom Empty11/1/2023, 19:30

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MessageSujet: Re: La force des vertus par Théodom   La force des vertus par Théodom Empty11/1/2023, 19:32



1. Bonheur ? sainteté ? morale ? voilà une nouvelle série sur les vertus

Comment devenir saint ? Comment devenir heureux ? C’est la question fondamentale que se pose un chrétien. Pour y répondre, il n’y a pas de formule magique, il y a plutôt une vision ample et généreuse de chacune de nos vies.

Pour nous aider à le comprendre, saint Thomas d’Aquin a développé une vision de l’homme centrée sur nos traits de personnalités et nos compétences, où Dieu est la plénitude et la source de notre bonheur. C’est ce qu’il appelle les vertus. Sa morale est un art de forger la personnalité des saints.


Dans cette série, frère Lionel Gentric nous fait entrer au cœur de la morale de saint Thomas, il nous aide à comprendre en profondeur ce que sont les vertus et comment elles nous font grandir.


Or cet art de grandir en sainteté a profondément marqué l’Eglise. On s’en rend compte lorsque l’on écoute sœur Valentine, salésienne, qui nous explique l’art de faire grandir les jeunes de dom Bosco, ou frère Dominique, dominicain, qui témoigne de la manière dont la prière a été la respiration de sa vie.


Cet art de vivre donne aussi des fruits là où on l’attend moins. Jérémie, coach sportif, nous montre comment, pour saint Paul, on s'entraîne à la vie chrétienne comme on s'entraîne au sport. Marc, banquier d'affaires, témoigne de la manière dont les vertus cardinales aident à forger des leaders chrétiens. Et Damien, juge, nous dit comment la justice s’intéresse à la fois aux actes et à la personnalité des accusés,


Voilà une série sur les vertus loin du prêt-à-penser, qui nous fait entrer dans le moteur de la morale de saint Thomas, qui nous fait toucher l’âme de la vie chrétienne.





frère Rémi-Michel Marin-Lamellet

Frère Rémi-Michel est diplômé du CELSA Paris-Sorbonne. En 2020, il est frère étudiant au couvent du Saint-Nom-de-Jésus, à Lyon.
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MessageSujet: Re: La force des vertus par Théodom   La force des vertus par Théodom Empty15/1/2023, 11:11




2. La sainteté, une question de caractère ?


La morale enseignée par saint Thomas, qui s’articule fondamentalement autour du concept de vertu, est une morale généreuse, ample, capable d’embrasser tout ce qui fait la beauté mais la complexité aussi d’une vie humaine. 
La morale de Thomas est aussi (et j’aurais peut-être dû le dire en premier) une morale chrétienne, et j’entends par là une morale faite pour les disciples de Jésus, qui veulent connaître Dieu, l’aimer, entrer en communion avec Lui. 
La morale des vertus chez saint Thomas est une morale faite pour les hommes et les femmes qui voient les choses en grand… un peu comme ce jeune homme culotté qui s’approche de Jésus dans l’Évangile et qui va droit au but : « Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? ». En voilà un qui ne manque pas d’air : mais comme il a raison !


Morale et spiritualité


Pendant longtemps – c’était encore le cas au début du XXe siècle dans les séminaires par exemple – on séparait soigneusement l’enseignement de la morale et celui de la spiritualité. 
La morale, comme la base nécessaire pour vivre en honnête chrétien ; la spiritualité, pour ceux qui veulent aller plus loin, mieux connaître Jésus, et peut-être conquérir le ciel. 
Pour le dire autrement : on a fait voyager le train de l’Église avec des compartiments de première et de deuxième classe.
 Pour le commun des fidèles, une morale élémentaire suffira, faisons-les voyager en seconde. 
Une morale tissée de commandements, d’obligations simples et d’interdits, qui permettront aux fidèles d’éviter les plus gros péchés et aux pasteurs d’entendre les confessions. 
Les voitures de première classe sont réservées à des âmes raffinées, en plus petit nombre, à qui l’on ouvre, en plus des fondamentaux de la morale, les arcanes de la spiritualité, les secrets d’une relation vivante à Dieu, et peut-être les portes de la sainteté.


Le but de la vie : le bonheur


Eh bien, saint Thomas d’Aquin ignore tout de cette distinction entre morale et spiritualité. 
Personne ne doit voyager en seconde. Pour lui, toute vie humaine tend vers son accomplissement : une certaine perfection, en laquelle l’homme trouve un bonheur définitif. 
Et il n’y a de bonheur définitif qu’en Dieu, que dans le fait de connaître et d’aimer Dieu, de voir Dieu, de vivre de la vie de Dieu. 
Saint Augustin le disait déjà : « Notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi, Seigneur ! ».
 Nous sommes ainsi faits que nous ne pouvons pas voir petit. 
Nous avons faim et soif d’une vie pleine, entière, débordante, d’une vie « en abondance » pour reprendre les mots de Jésus dans le 10e chapitre de l’Évangile selon saint Jean. Eh bien, la vie en abondance, c’est la vie avec Dieu. 
De Lui nous tenons la vie et nous aspirons, secrètement peut-être, à revenir à Lui.


Chaque vie est unique


La morale de saint Thomas d’Aquin se donne pour projet de dessiner le chemin de cette vie, un chemin qui n’est pas tracé d’avance, le chemin d’une vie chrétienne qui conduit, avec la grâce de Dieu, jusqu’à la joie des bienheureux. Rien de moins. 
Et vous comprenez bien que ce projet-là n’a rien à voir, par son ampleur, sa méthode, son objet, avec la morale des « bonnes gens » brocardés par Georges Brassens.
Le projet est vaste ! D’autant plus qu’il n’y a pas UN seul chemin de la vie chrétienne. 
Toutes les vies chrétiennes convergent peut-être vers la commune joie des bienheureux, mais il n’y en a pas deux identiques. 
Chaque vie est unique. Nous partons tous d’un point différent de l’espace et du temps. Chacun a son histoire, sa généalogie, ses talents, ses qualités, ses défauts, que sais-je encore. 
Regardez la vie des saints : bien sûr c’est le même Esprit qui les pousse, c’est la même espérance qui les anime… 
Mais saint Dominique n’est pas saint François ! Vous pouvez prendre tous les exemples que vous voudrez : chaque saint a tracé en ce monde et dans l’Église un itinéraire original, unique. Ils ne se sont pas heurtés aux mêmes obstacles, ils n’ont pas affronté les mêmes tentations, ils n’ont pas eu les mêmes facilités, ils n’ont pas fait les mêmes choix, et comment l’auraient-ils pu, dans l’infinie variété des circonstances de nos vies ?

Une morale du caractère


Cela dit, il y a un parfum qui se dégage de la sainteté. Il y a des marqueurs. 
Il y a certaines manières d’être au monde qui témoignent d’une croissance, d’un travail intérieur, d’une libération, d’une inspiration. 
Il y a un style propre à la sainteté, un caractère. « La sainteté n’a pas de formules, écrivait Bernanos, ou pour mieux dire elle les a toutes ».
Si l’on veut réfléchir ce qui fait le caractère des saints, il faut s’intéresser à la manière avec laquelle ils agissent. 
La foi dont ils ont témoigné, l’espérance qui les a mis en mouvement, la charité dont ils brûlaient… 
et puis plus concrètement, comment ils se sont comportés à l’heure de prendre une décision, à l’heure du choix, face à l’adversité ou devant les dangers, dans la tentation, etc. 
Interroger leur manière d’être au monde, c’est se pencher sur leurs dispositions habituelles à agir de telle ou telle manière, autrement dit sur leurs vertus.
La vertu, comme le vice, sont des dispositions habituelles à agir.


La vertu : disposition habituelle à agir bien.


Le vice : disposition habituelle à agir mal.


Toute la morale de Thomas d’Aquin est articulée autour d’un exposé de ce que sont les vices et les vertus. 
Les vertus en particulier, à l’ombre desquelles se niche le vice comme la nuit s’oppose au jour. Les vertus, regroupées sous sept têtes de chapitre : 


foi, espérance, charité, prudence, justice, force et tempérance.


 
Pour aller plus loin :
frère Servais Pinckaers, Les sources de la morale chrétienne, sa méthode, son contenu, son histoire, Fribourg, Presse Académique, Paris, Cerf, (1985) 2007
frère Jean-Marie Gueullette, Pas de vertu sans plaisir, Paris, Cerf, 2016.
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MessageSujet: Re: La force des vertus par Théodom   La force des vertus par Théodom Empty15/1/2023, 11:32



3. L’amour, élixir de sainteté


Notre évangile est un évangile de joie de liberté et d'amour ? C’est ce à quoi nous sommes tous appelés.
Je suis salésienne de Dom Bosco et je m'occupe de jeunes, qui sont placés, envoyés par des services sociaux.


Le bonheur


Le bonheur, c'est quelque-chose que tout le monde cherche. Lorsqu’on interroge des jeunes ou lorsqu'on interroge les adultes et qu’on leur demande quel est leur rêve, ils cherchent tous le bonheur. Et donc, tout l'art pour nous, éducateurs, dans notre travail, c'est d'accompagner ceux qui cherchent le bonheur, de manière particulière. En effet, il est plus peut-être plus difficile à trouver pour certains.

Dom Bosco


Dom Bosco vit en plein XIXe siècle dans ce grand mouvement  de Révolution Industrielle, dans les faubourgs de Turin en Italie. 
A Turin énormément de jeunes sont désœuvrés. Dom Bosco va voir ces jeunes et va chercher avec eux quel est ce chemin de bonheur pour eux, sachant qu'ils sont orphelins, qu’ils sont désœuvrés, qu’ils n’ont pas de toit. 
Souvent, ils sont envoyés par leurs parents dans les faubourgs de Turin pour chercher du travail et ils y sont exploités comme maçons ou autre.
Très vite, Dom Bosco va chercher à leur ouvrir un chemin de bonheur à eux aussi, et au fil du temps il va se rendre compte qu’il doit les appeler chacun selon ce qu'ils sont. 
Alors pour certains, ça va être simplement de leur trouver un travail, un toit, de les mettre en route, d’en faire de bons citoyens et ainsi de suite.
Pour d'autres, il va les porter beaucoup plus loin jusqu'à la rencontre avec Dieu.
Puisque Dom Bosco est prêtre, il sait très bien que le point culminant du bonheur ce serait la rencontre avec Dieu. Mais il va s'adapter à chacun.
 

Dominique Savio


Voici une petite anecdote qu’il nous raconte dans ses mémoires biographiques : 
un jour il fit une demande à ses jeunes pour son anniversaire – les jeunes voulaient toujours faire la fête – il dit : « Le meilleur cadeau qui me plairait, ce serait que vous écriviez sur un papier ce que vous désirez pour cette fête et pour moi. »

Un jeune va le surprendre : Dominique Savio, qui va lui écrire sur un petit billet : « Je voudrais comme cadeau que vous m'aidiez à devenir saint. »

Et en fait ça ne va être pas si simple pour Dom Bosco parce que Dominique Savio prenait au pied de la lettre l'appel à la sainteté avec les références de l'époque du XIXe siècle. 
Il commençait à pratiquer une ascèse dure, à jeûner, à se priver de nourriture, à s'empêcher de rire, à devenir austère.
Dom Bosco va devoir s'adapter en disant : « mais si on est tous appelés à la sainteté, il y a forcément la sainteté du religieux, la sainteté du prêtre, la sainteté de chaque état de vie, mais quelle peut être cette sainteté pour les jeunes ? »
Et donc il va cheminer avec Dominique Savio et il va finir par lui dire : « tu sais Dominique, la sainteté pour toi, ça va être en premier lieu d'être toujours joyeux, parce que le Christ est la joie, et nous veut joyeux. 
Le premier fruit de l'Esprit Saint c'est la joie. Sois donc toujours joyeux, pendant ton travail, à l'école ou à l'atelier. Sois ami de tous. » 
Il lui demande d’entrer dans une camaraderie avec tous et aussi de pratiquer la piété, la prière.
Et donc ces quatre points, Dominique Savio va les prendre au pied de la lettre. 
Il va devenir le grand Saint Dominique Savio qu'on connaît aujourd'hui. Il va le pousser jusqu'au maximum. 
Le maximum de sa joie, il va la rencontrer dans l’Eucharistie, dans la confession, dans les sacrements et il va aussi la rencontrer en créant tout un tas de compagnies et de confréries au sein du Valdocoo, avec d'autres camarades. 
A la fin de sa vie on va dire de lui que c'était un magnifique médiateur.

La force de l’amour


Dom Bosco va ainsi petit à petit accompagner ces jeunes et réaliser que tous ces jeunes sont comme tout le monde. 
Comme chaque homme, notre besoin le plus important, c'est celui d'être aimé et de se sentir aimé. 
Cet amour, on le rencontre dans une famille et quand on n’a plus de famille, il faut bien qu’un système se mette en place pour pouvoir ressentir cet amour. 
Et cette affection, Dom Bosco – alors qu'on est dans un système très répressif – va prendre le contre-pied et va se dire en fait : « Comment est-ce que je peux travailler en prévention ? ».
Il va faire référence à un grand saint qui a vécu 200 ans avant lui qui était le grand Saint du Piémont et de la Savoie : Saint François de Sales, pour qui tout était affaire de cœur.
Son système préventif va reposer sur le cœur, sur l'amour et sur l'affection. Et il va prendre à bras le corps la question de l'affection. 
Nous disons aujourd'hui avec Dom Bosco : « sans affection, pas de confiance, sans confiance, pas d'éducation ».

Un système régulé


Alors évidemment, si je vous dis que tout est affaire de cœur et qu'il suffit d'aimer, évidemment on a tous nos capteurs d’allumés :
 « alors là c'est dangereux quand même d'aimer un jeune ».
Donc Dom Bosco va réguler son système éducatif. Il va dire qu'en fait la personne est un tout.
Il y a l'affection qui est un premier pilier important dans l'éducation.
Mais le jeune est aussi capable de réflexion donc de raison, d'intelligence. Et l'intelligence va venir réguler les affections parce que, en réfléchissant, je peux activer la volonté. 
Avec la volonté, je peux mettre un peu d'eau fraîche sur les passions qui sont plus bouillonnantes.

Et une troisième dimension importante est celle de la religion, pas tellement en termes d'adhésion à une confession. Mais la religion c’est ce qui me relie à quelque chose qui va donner du sens.
Et donc avec ces trois piliers, en fait, Dom Bosco va essayer de réguler et de faire développer toutes les potentialités et tout l’équilibre de la personne humaine.

Les vertus de l’éducateur


Tout le rôle de l'éducateur ça va être d'aider le jeune à ressentir cet amour de Dieu, mais de manière très concrète, c'est à dire que je dois travailler- me travailler-  pour donner aux jeunes ce que Dieu me donne, c'est à dire d'abord :


« je crois en toi » donc tu es quelqu'un en qui il y a un vrai potentiel. Il y a des choses qui sont dedans qui peuvent sortir et qui vont sortir.
« J'espère en toi », parce que j'ai un projet de vie pour toi.


« Je t'aime », tu as du prix à mes yeux et cet amour, on sait combien c'est le moteur de tout le reste.


Le rôle de l'éducateur va être évidemment de faire entendre ces trois principes fondamentaux pour le jeune parce que c'est ce qui va construire sa vie par la suite et c'est ce qui va lui permettre en effet d'atteindre le bonheur.

La grâce


Ce qu'on est capable de faire pour un jeune, on sent bien que Dieu le fait d'autant plus pour nous, et donc il nous libère et nous fait faire ce chemin.
Il y a vraiment ce double mouvement de don et d'évangélisation réciproque dans l’acte éducatif.

Le jeu


Dans l'acte éducatif lorsqu'on donne un enseignement où qu’on veut faire passer un message un peu fort, il y a toujours un passage par le jeu.   
Pourquoi ? Parce que le jeu a plein de vertus :
Pour le jeu, il faut se mettre ensemble, il faut se donner des règles communes, il faut se donner un objectif.
Dom Bosco va utiliser aussi le jeu pour « recréer ». Il va parler de « re-création ». On connaît la récréation. On a gardé ce mot pour les enfants, mais il fonctionne pour les ados et ça vaut aussi pour les adultes.
Il y a dans cette sorte de gratuité du jeu un espace où on peut être quelqu'un d'autre. 
On peut se donner par exemple un rôle. Lorsqu'on va utiliser le jeu avec les adolescents, ça va être notamment pour essayer de faire expérimenter quelque chose. 
Or pour l’éducation intégrale, expérimenter c'est une manière de rentrer dans l'enseignement. 
Il n'y a pas que le cérébral, il y a aussi besoin parfois, d'éprouver des choses et donc, dans l'ordre des relations, d'éprouver le vivre ensemble, d'éprouver la différence et d’éprouver la limite d'un système. 
On peut très bien, avec le jeu, mettre en scène toutes ces situations, tout en ayant et en gardant un climat joyeux d'apprentissage.
On peut cultiver cette volonté d'apprendre tout en gardant ce climat de joie, et de fait lorsqu'on sait que l'amour est inscrit au cœur de l'homme, de tout homme, à partir de ce moment là, l'important c'est que les jeunes soient aimés et qu'ils se sachent aimer. 
Donc évidemment l'amour, il faut lui donner des marques, il faut lui montrer des gestes, il a besoin de ça. Et à partir de cet amour, de cette affection, on peut développer un lien de confiance. 
Et à partir de ce lien de confiance, il y a tout un chemin d'éducation possible et tout un panel qui s'ouvrent à tout homme et à toute personne, de libération, pour aller justement vers son propre bonheur.
 

Pour aller plus loin :
Jean-Marie Petitclerc, Don Bosco. Écrits pédagogiques. Salvator, 2019
Jean-Marie Petitclerc, La pédagogie de don Bosco en 12 mots clés. Salvator, 2016


sœur Valentine Delafon



Sœur Valentine Delafon est salésienne de Don Bosco (officiellement ont dit fille de Marie-Auxiliatrice). En 2023, elle est éducatrice en Belgique dans un centre d'accueil de jeunes.
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MessageSujet: Re: La force des vertus par Théodom   La force des vertus par Théodom Empty15/1/2023, 14:22



Vices et vertus, Pape François

Chapelle des Scrovegni à Padoue, dans le nord de l’Italie. Sur le mur du fond, Giotto a peint le Christ juge. A sa droite, il a représenté les quatre vertus cardinales et les trois vertus théologales. A sa gauche, il a ajouté les sept vices.

Ainsi, vices et vertus se font face : injustice-justice, lâcheté-force, intempérance-tempérance, sottise-prudence, infidélité-foi, jalousie-charité, désespoir-espérance.

C’est en partant de cette célèbre fresque, que le père Marco Pozza a interrogé le pape François sur ce qu’est la vie. Les vertus sont des chemins qui mènent au salut ; les vices, eux, conduisent à la perdition. Or dans la vie quotidienne, le choix entre vices et vertus se fait souvent de manière irréfléchie.

« Les vertus nous rendent forts, nous poussent à aller de l’avant, nous aident à combattre, à comprendre les autres, à être juste et équitable. A l’inverse, les vices nous démolissent. La vertu est comme une vitamine, elle nous fait grandir, et nous permet de continuer. Le vice est essentiellement parasite. Il est important de bien comprendre dans quelle direction nous devons aller, parce que les vices comme les vertus entrent dans notre façon d’agir, de penser et d’écouter. »

Chaque chapitre est construit en trois parties : l’entretien à proprement parler entre le Pape et le père Marco Pozza ; un texte du pape François qui approfondit le  thème en question ; et un récit de vie que le père Pozza tire de son expérience d’aumônier de la prison de Padoue.
La force des vertus par Théodom Couv_DesVicesEtDesVertus-600x933

Un livre à l’écriture particulièrement élégante et qui touche à l’essentiel.

_________________
Padre Pio, Priez pour nous ..
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MessageSujet: Re: La force des vertus par Théodom   La force des vertus par Théodom Empty23/1/2023, 11:01



4. La vertu : le bien par plaisir



Probablement jamais aucun joueur de tarot à 4 ne s’est trouvé avec une main de 18 cartes identique à celle qu’un autre joueur aurait déjà tiré dans toute l’histoire de ce jeu de cartes. Des combinaisons de 18 cartes tirées d’un jeu de 78, il y en a plus de 200 millions de milliards.

La vie humaine est infiniment plus complexe qu’un jeu de tarot. Les situations que nous traversons au fil de notre vie sont toujours, de quelque manière, uniques. Est-ce pour autant que l’on ne peut rien dire de la bonne manière d’agir ou des écueils à éviter ? Certainement pas !



Les règles de vie


D’abord, dans la vie, comme au tarot, il y a des règles. Au tarot, elles tiennent sur un feuillet recto-verso. Dans la vie, la règle du jeu tient en un petit nombre de lois morales, l’interdit du meurtre, l’interdit de l’inceste, l’interdit du mensonge, l’interdit du vol… Je n’entre pas davantage dans le détail ; ce n’est pas mon propos. Précisons cependant que cette règle du jeu est naturellement accessible à la raison. Dans les plus grandes lignes, elle est communément admise. C’est une loi naturelle. Par ailleurs, elle recouvre largement le Décalogue, c’est-à-dire les dix commandements donnés par Dieu à Moïse, que saint Thomas d’Aquin désigne comme la « loi ancienne », qu’on appelle aussi joliment la « loi mosaïque » en référence à Moïse. Voilà pour les règles du jeu.

Quand le bien devient naturel


La partie de tarot commence. Certains esprits très juridiques examineront peut-être la partie uniquement pour vérifier que tout se passe conformément aux règles du jeu. 


En compétition, il y aura peut-être des juges désignés à cet effet. Mais il y a naturellement un autre regard qu’on peut porter sur la partie : c’est le regard de celui qui cherche à apprécier la qualité du jeu, le degré de maîtrise des joueurs, leur habileté à se tirer des mauvaises passes et à tirer le meilleur parti de la main qui leur a été donnée. Et là, il sera moins question de chance que du niveau des joueurs. Être un bon joueur de tarot, ça s’apprend. Nul n’est né naturellement bon joueur de tarot. Il y a des réflexes à acquérir, tout un savoir-faire, jusque dans l’anticipation des mouvements des autres joueurs. C’est à cet endroit que le jeu prend place, vraiment.
Dans notre vie morale, dont je vous ai déjà dit qu’elle se confond dans la pensée de saint Thomas avec notre vie spirituelle, il en va de même, d’une certaine manière. 


Il faut que j’arrête de vous parler du tarot parce que l’analogie est quand même très pauvre et très  limitée. Mais dans la vie humaine, une fois qu’on a posé les principales règles du jeu, les points de repère qui délimitent le champ du possible, eh bien le champ du possible reste encore extrêmement vaste.


Et dans cet espace des possibles, l’homme vertueux va manifester une habileté, une facilité, une aisance pour s’orienter, pour se mouvoir, pour faire le bien, une excellence pour poser des actes bons… 


Le bien est devenu pour lui comme une seconde nature. Le bien lui est devenu naturel. Et pour couronner le tout, accomplir le bien avec facilité et avec goût, procure à l’homme vertueux une joie particulière qui est pour lui comme une signature, une marque de ratification et un encouragement à persévérer dans le bien, et même à amplifier encore, s’il est possible, le mouvement vers un bien plus grand encore.

La vertu, définition


En tout ce que je vous dis là, il n’y a rien que de très traditionnel. S. Thomas reprend ici l’enseignement d’Aristote. Une vertu est, en nous, une disposition habituelle qui nous presse à faire le bien.


Allez, revenons un instant à nos joueurs de tarot : vous avez déjà rencontré un bon joueur de cartes qui se décide en début de partie à jouer mal ? Quelle drôle d’idée ! Un bon joueur de tarot ne trouve d’intérêt et de plaisir dans le jeu qu’à jouer bien ! Il sait bien jouer. Quel intérêt y aurait-il à agir au mépris de ce savoir-faire ? Il a conquis une forme supérieure de liberté, il voit plus loin, il voit juste. Mal jouer n’aurait aucun sens. Tout comme un bon musicien ne trouve son accomplissement et sa véritable liberté que dans le déploiement de son talent. 


Tout comme l’athlète de haut niveau ne vise qu’à perfectionner encore sa pratique sportive. Que le bien soit devenu pour l’homme vertueux une seconde nature n’entrave absolument pas sa liberté, bien au contraire ! Quel bonheur que de ne pas même hésiter entre le bien et le mal, par la force de l’habitude !

La vertu, une habitude ?


J’introduis ici un terme dont l’utilité est controversée quand on parle de la vertu : le terme d’habitude. Beaucoup de théologiens moralistes sont réticents à utiliser le mot. Pourquoi ? 


Parce le mot habitude peut laisser penser à une répétition un peu mécanique, un peu fade, d’actes qui en viennent à perdre même leur signification à force d’une répétition irréfléchie, mécanique. 


J’ai l’habitude de prendre mon café sans sucre. J’ai l’habitude de participer à l’office de tel côté du choeur de l’église. Je n’y pense même plus, c’est automatique. 


Alors oui, effectivement, le mot habitude rend assez mal compte, en français, du dynamisme de la vertu et du vice. 


La vertu qui donne l’élan vers un bien plus grand ; le vice qui pousse au contraire toujours plus bas. Une habitude renvoie souvent à une réalité statique, uniforme… et « l’ennui naquit un jour de l’uniformité ». Mais une fois qu’on est averti, comme vous l’êtes maintenant, du danger d’accorder trop de poids à ces connotations, il faut dire aussi que le mot français « habitude », d’abord est la traduction la plus évidente du latin habitus, qui désigne exactement ce que je cherche à décrire quand je vous parle de la vertu, de l’élan qu’elle procure, mais aussi du vice et de la spirale dans laquelle il enferme. 


Et il y a effectivement l’idée, chez Aristote comme chez saint Thomas, que la répétition d’actes bons contribue à la formation puis à l’accroissement de la vertu, de même que la répétition d’actes mauvais entraîne la naissance puis la consolidation du vice. L’habitude a une force. 


Et je crois qu’on aurait tort de tenir pour négligeable la part de l’habitude dans notre vie. Une grande partie de ce que nous faisons de nos journées nous est habituel.


L’ascèse de saint Dominique lui était habituelle. Était-elle pour autant moins méritoire ? Non. Jourdain de Saxe écrit au sujet de Dominique : « Il avait l’habitude très fréquente de passer toute la nuit en prières. » Nul n’entend ici de connotation négative. Jourdain parle ici d’un homme ardent, familier de la prière, continuellement présent à son Seigneur et qui trouve dans la prière nocturne sa joie. Il faut évidemment ranger cette habitude de Dominique au nombre de ses vertus.
 
 
Pour aller plus loin :
frère Servais Pinckaers, Les sources de la morale chrétienne, sa méthode, son contenu, son histoire, Fribourg, Presse Académique, Paris, Cerf, (1985) 2007
frère Jean-Marie Gueullette, Pas de vertu sans plaisir, Paris, Cerf, 2016.
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MessageSujet: Re: La force des vertus par Théodom   La force des vertus par Théodom Empty23/1/2023, 22:10



5. La sainteté, c’est du sport !



A priori, entre le sport et la religion, il n’y a pas de rapport. Et pourtant, regardez le nombre de sportifs qui prient ou qui se signent avant les matchs. (ex : Tifos avec le Christ). Le sport est-il une école de sainteté ?



St Paul : La vie chrétienne comme une course ou un combat


C’est saint Paul, qui compare la vie chrétienne au sport. C’est très explicite dans la première lettre aux Corinthiens.


1 Corinthiens 9   24 Ne savez-vous pas que, dans les courses du stade, tous courent, mais un seul obtient le prix ? Courez donc de manière à le remporter.


En réalité, il fait la comparaison de manière implicite dans toutes ses lettres. A son époque, ce n’est pas très original, les philosophes, en particulier les stoïciens, comparent souvent les exercices philosophiques qui élèvent l’âme, aux exercices sportifs qui permettent de maîtriser le corps. Les deux sports dont il parle le plus, ce sont la course à pied et la lutte. 


Ainsi, il vit sa mission d’annoncer l’Evangile parfois comme une course (1 Co 9,26 ; Ga 2,2 ; Ph 2,16[1]) et parfois comme un combat (1 Th 2,2 ; 1 Co 9,26[2]).


Il vit aussi la foi comme un combat : Il y a un « bon combat » à mener, et c’est celui de la foi (1 Tm 6,12) :


1 Timothée 6:12 : Combats le beau combat de la foi, conquiers la vie éternelle à laquelle tu as été appelé, comme tu l'as reconnu dans une belle profession de foi en présence de nombreux témoins.


Enfin, pour lui, il y a une lutte contre le mal, qui est plutôt une lutte spirituelle. C’est ce qu’il écrit dans la lettre aux Ephésiens.


Ephésiens 6, 12 : Car ce n'est pas contre des adversaires de sang et de chair que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes.


Le point commun avec le sport, c’est la ténacité et le renoncement. La vie chrétienne, comme le sport, est un combat fatiguant et dur, mais je lutte avec l’énergie du Christ qui agit en moi (Col 1,29-2,1[3]).

1er parallèle : se connaître soi-même.


Souvent, pour les sportifs, le point de départ, c’est à la foi une passion et une physionomie. Beaucoup de sportifs professionnels parlent de leur sport comme d’une vocation, d’une passion, d’une activité pour laquelle ils sont faits. Et puis, ils ont parfois un corps adapté au sport qu’ils pratiquent : les footballeurs sont plutôt grands, les coureurs de fond plutôt sveltes…


Cette diversité des points de départ peut nous faire penser à la diversité des dons reçus dans la vie chrétienne. Saint Paul présente là différents dons reçus comme autant de vocations.


Romains 12, 6-8   6 Mais, pourvus de dons différents selon la grâce qui nous a été donnée, si c'est le don de prophétie, exerçons-le en proportion de notre foi ;  7 si c'est le service, en servant ; l'enseignement, en enseignant ;  8 l'exhortation, en exhortant. 


Que celui qui donne le fasse sans calcul ; celui qui préside, avec diligence ; celui qui exerce la miséricorde, en rayonnant de joie.


La connaissance de soi est ainsi indispensable, aussi bien dans le sport que dans la vie chrétienne. Il s’agit à la fois de connaître ses dons, et de connaître ses limites.


Pour chaque don, il y a une attitude à avoir pour développer ce don. Un peu comme en sport, où chacun va développer son corps de manière particulière pour réussir dans le sport qu’il pratique. On peut reconnaître la silhouette d’un nageur, celle d’un lanceur de poids…


En sport, mieux vaut maitriser une technique à fond que plein de techniques un tout petit peu. La répétition permet d’agir, même sous la pression et le stress : ça passe dans le cerveau reptilien. La répétition d’actes millimétrés : on sait combien de pas il faut faire : on connait l’acte par cœur.


On retrouve un peu de cela dans la vie chrétienne avec des saints « spécialisés ». Des saints proches des plus pauvres comme Mère Térèsa, des saints proches des autres religions, comme Charles de Foucauld, des saints dénonciateurs des injustices, comme Oscar Roméro.

2e parallèle : l’exercice


Le sportif le sait, pour réussir, il donne le meilleur de lui-même. Et c’est aussi le cas du chrétien. Comme nous le rappelle le Deutéronome.


Deutéronome 6:5 Tu aimeras le SEIGNEUR ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta force.


L’entrainement sportif n’est pas seulement physique, il est aussi stratégique : il y a tous les exercices à planifier. Et il est mental. Il s’agit de persévérer dans l’épreuve. Pour faire face à l’épreuve, le sportif visualise la difficulté. Il visualise le combat et la victoire.


Dans le sport, on apprend dans la défaite plus que dans la victoire. De même, saint Jacques nous dit que c’est l’épreuve qui apporte la constance.


Jacques 1, 2-3   2 Tenez pour une joie suprême, mes frères, d'être en butte à toutes sortes d'épreuves.  3 Vous le savez : bien éprouvée, votre foi produit la constance.

3e parallèle : la gratuité


Le sport a quelque chose de complètement gratuit. La plupart des sportifs sont des amateurs. Mais justement, c’est pareil dans l’Eglise, la plupart des chrétiens qui s’engagent sont des bénévoles. 


La pratique sportive, comme la liturgie par exemple, ont quelque chose de complétement gratuit. 


D’où la célèbre formule de Pierre de Coubertin  : « L’important c’est de participer ! ». Pour la petite histoire, cette formule aurait été inventée en 1908, lors des IVe Jeux olympiques à Londres, par Mgr Ethelbert Talbot, évêque de Pennsylvanie. 


Après quelques conflits entre athlètes et arbitres, il affirme dans son homélie :
« Le plus important aux Jeux olympiques n’est pas de gagner mais de participer, car l’important dans la vie ce n’est point le triomphe mais le combat ; l’essentiel, ce n’est pas d’avoir vaincu mais de s’être bien battu. »[4]

4e parallèle : la motivation


En sport, on le sait, l’effort physique provoque du plaisir. C’est la dopamine, qui se libère quand on a produit un effort physique. 


Alors, y a-t-il une dopamine de la charité ? 


Pour saint Thomas, c’est par l’entrainement que le chrétien peut développer de bons traits de caractères en lui. 


C’est ce qu’il appelle les vertus, c’est-à-dire, ces bonnes habitudes, qui permettent de réaliser de bonnes actions[5]. Le chrétien trouve son plaisir dans la prière et l’amour du prochain.


En sport, ce qui motive souvent, c’est de se reconnecter avec son corps, de se sentir mieux.


 Cela rappelle l’unité intérieure recherchée par les mystiques. 


En effet, c’est avec son corps que l’on prie et que l’on pratique la charité. Vivre connecté avec son corps, c’est profondément nécessaire pour vivre en chrétien.


En sport, ce qui motive, c’est aussi le goût de la difficulté : la compétition, la difficulté, l’objectif ambitieux. 


N’est-ce pas ce qu’ont su faire les grands saints qui se sont donnés des objectifs très ambitieux, comme d’aller évangéliser au loin, d’écrire des sommes de théologies, de motiver des diocèses entiers, de fonder des congrégations…



Mais… la vie chrétienne est plus qu’un sport


Mais saint Paul est loin d’assimiler la vie chrétienne au sport. Seuls les exercices spirituels méritent d’être travaillés car ils visent des biens spirituels, des biens éternels, alors que la compétition sportive ne vise que des lauriers qui se fanent (1 Co 9,24-27 ; 1 Tm 4,8[6]). 


La victoire qu’il recherche, est éternelle : c’est la couronne de justice, qu’il partagera avec tous ceux qui auront attendu le Christ :


2 Timothée 4:7-8  


7 J'ai combattu jusqu'au bout le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi.  


8 Et maintenant, voici qu'est préparée pour moi la couronne de justice, qu'en retour le Seigneur me donnera en ce Jour-là, lui, le juste Juge, et non seulement à moi mais à tous ceux qui auront attendu avec amour son Apparition.


Finalement, l’espérance de la victoire réside en Dieu car c’est de Dieu que tout dépend, et non de notre volonté (Rm 9,16) :


TOB Romains 9:16 Cela ne dépend donc pas de la volonté ni des efforts de l'homme, mais de la miséricorde de Dieu.


Alors, aujourd’hui, un coach sportif peut-il nous aider à vivre en chrétien ?
 
 
 
 
Pour aller plus loin :

Jean-Noël Aletti. « Les métaphores sportives dans les lettres pauliniennes », Transversalités, vol. 149, no. 2, 2019, pp. 7-23.


[1] FBJ Galates 2, 2 : « J'y montai à la suite d'une révélation ; et je leur exposai l'Évangile que je prêche parmi les païens - mais séparément aux notables, de peur de courir ou d'avoir couru pour rien. »


 - Philippiens 2, 16 : « en lui présentant la Parole de vie. Vous me préparez ainsi un sujet de fierté pour le Jour du Christ, car ma course et ma peine n'auront pas été vaines. »


[2] FBJ 1 Thessaloniciens 2, 2 : « Nous avions, vous le savez, enduré à Philippes des souffrances et des insultes, mais notre Dieu nous a accordé de prêcher en toute hardiesse devant vous l'Évangile de Dieu, au milieu d'une lutte pénible. » 


1 Corinthiens 9, 26 : « Et c'est bien ainsi que je cours, moi, non à l'aventure ; c'est ainsi que je fais du pugilat, sans frapper dans le vide. »

[3] Colossians 1:29 - 2:1  Et c'est bien pour cette cause que je me fatigue à lutter, avec son énergie qui agit en moi avec puissance. Oui, je désire que vous sachiez quelle dure bataille je dois livrer pour vous, pour ceux de Laodicée, et pour tant d'autres qui ne m'ont jamais vu de leurs yeux ;


[4] Girard, Pascal. « Donner le meilleur de soi-même. Les enjeux de la pastorale du sport dans nos diocèses », Revue Lumen Vitae, vol. lxxiv, no. 4, 2019, pp. 393-402.


[5] « Aussi la vertu humaine, qui est un habitus d'action, est-elle un habitus foncièrement bon et qui opère le bien. » (saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, Ia IIae, Qu. 55, art. 3)


[6] 1 Corinthiens 9:24-27   24 Ne savez-vous pas que, dans les courses du stade, tous courent, mais un seul obtient le prix ? Courez donc de manière à le remporter.  
25 Tout athlète se prive de tout ; mais eux, c'est pour obtenir une couronne périssable, nous une impérissable.  
26 Et c'est bien ainsi que je cours, moi, non à l'aventure ; c'est ainsi que je fais du pugilat, sans frapper dans le videFBJ 


1 Timothée 4:8 Les exercices corporels, eux, ne servent pas à grand-chose : la piété au contraire est utile à tout, car elle a la promesse de la vie, de la vie présente comme de la vie future.



Jérémie Stadler



Jérémie Stadler est un jeune sportif professionnel, féru de spiritualité.
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MessageSujet: Re: La force des vertus par Théodom   La force des vertus par Théodom Empty29/1/2023, 10:52




6. Les vertus théologales, ou le désir de Dieu


Presque toujours, quand on veut illustrer ce qu’est une vertu, on retrouve l’exemple du musicien qui a conquis la maîtrise de son instrument en faisant ses gammes ou l’exemple du sportif qui a développé la maîtrise de sa discipline par un entraînement rigoureux. J’ai utilisé un autre exemple, celui du joueur de cartes qui, lui aussi, a acquis un véritable savoir-faire à force d’exercer sa mémoire et par l’apprentissage des techniques de jeu.


Introduction


Dans l’Antiquité, on tenait pour premier modèle de l’homme vertueux le guerrier noble et valeureux, tout à la fois courageux et prudent, capable de faire usage de la force, mais aussi capable d’une intelligence des situations, pour retenir sa force par exemple en certaines circonstances. Ce guerrier, tout comme le musicien, le sportif ou le joueur de tarot, tient la maîtrise de son art d’un processus de croissance où l’entraînement joue un rôle décisif.


Si je cherche une figure héroïque d’aujourd’hui, le correspondant contemporain du vaillant guerrier d’autrefois, on pourrait penser par exemple aux spationautes ! Pour diriger l’équipage de la station spatiale internationale, comme l’a fait Thomas Pesquet en 2021, il faut rassembler en un seul bonhomme une foule de compétences, de connaissances, de qualités physiques, intellectuelles, humaines, relationnelles, du courage, de l’endurance, etc. Thomas Pesquet avait certainement des aptitudes initiales dès l’enfance, mais on sait que ces aptitudes ne sont pas devenues de véritables compétences d’un claquement de doigts. Il a fallu s’entraîner, et s’entraîner beaucoup.


Mais maintenant se pose une question ! Si les théologiens se sont intéressés et s’intéressent encore à l’idée de « vertu », vous vous doutez bien que ce n’est pas pour adjoindre au chapitre sur la loi morale ou au chapitre sur le péché un autre chapitre qui serait seulement consacré à la science de l’éducation ou au développement personnel ! Alors pourquoi ? Pourquoi s’attacher en théologie à cette notion de « vertu » ?

Les vertus et Dieu ?


Oui, il est bien vrai que la doctrine philosophique des vertus aide à comprendre comment on peut progresser dans le bien, cheminer vers une forme d’excellence, d’accomplissement, par la pratique des vertus morales de prudence, de justice, de force et de tempérance (ce sont les vertus dites « cardinales », nous y reviendrons)… 


MAIS là n’est pas l’essentiel.


La tradition chrétienne a en effet repris à son compte la doctrine aristotélicienne des vertus, mais elle a greffé sur cette doctrine un élément tout à fait propre à la pensée chrétienne, qui vient subvertir, transformer tout l’ensemble.


La tradition chrétienne dit ceci : la foi, l’espérance et la charité sont des vertus, et des vertus d’un genre très particulier (on les appelle vertus théologales), qui n’entrent dans la grande famille des vertus qu’au prix d’une extension et même d’une distortion – voire d’une disruption – du concept de vertu. Je m’explique.

Les vertus théologales visent Dieu


Une vertu est une disposition intérieure à agir excellemment dans un registre d’action. L’homme généreux par exemple a une facilité à prodiguer ses biens, son temps, son attention en faveur d’autrui. En général !


L’homme généreux va exercer concrètement sa générosité de manière particulière en direction de telle association et des SDF de son quartier, par exemple. Mais si cet homme est vraiment généreux, sa générosité aurait pu tout aussi bien bénéficier à d’autres. D’ailleurs, au gré des circonstances de la vie, les bénéficiaires de cette générosité vont changer, sans doute ! La générosité, elle, demeurera.


Rien de tel pour les vertus théologales. La vertu de foi n’est pas une disposition intérieure à croire en général. La vertu de charité n’est pas une disposition intérieure à aimer en général. 


La vertu d’espérance n’est pas une disposition intérieure à espérer en général. Les vertus théologales nous mettent au contraire en relation directe avec un objet parfaitement déterminé : le Dieu de la révélation chrétienne, le Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, tel qu’il s’est dévoilé lui-même par la Révélation. 


Cette détermination des vertus théologales à un objet entre en dissonance avec ce que nous disons des autres vertus.

Dieu, la source des vertus


Une vertu en général est le fruit d’une aptitude naturelle qui s’est développée en habitus, en disposition stable, selon un processus de croissance organique, un processus d’acquisition (on parle de vertu acquise). 


Nous sommes nés avec certaines capacités, nous avons grandi, nous avons réagi à l’environnement dans lequel nous avons été placés, nous avons reçu de nos éducateurs une formation, nous nous sommes exercés à vivre et tout cela fait ce que nous sommes : des hommes et des femmes adultes capables d’entrer en relation (en général), d’agir, de faire face à la diversité des circonstances de la vie.


Ce processus d’acquisition ne s’applique par aux vertus théologales. Nous pouvons le comprendre aisément puisqu’une vertu théologale consiste essentiellement en une relation avec un objet extérieur à nous, un autre que nous-mêmes… 


Nous ne pouvons pas être maîtres d’une relation qui nous lie à un autre que nous-mêmes ! Pour établir une relation, il faut être deux, et il faut un événement qui est de l’ordre d’une rencontre.


La foi, l’espérance et la charité ne naissent en moi qu’à la faveur d’un événement dont je ne suis pas seul maître, mais dont Dieu lui-même est l’instigateur. 


Et, en fait, c’est Dieu lui-même qui est la source des vertus théologales. Les vertus théologales ne sont pas des vertus acquises, mais des vertus qui trouvent leur origine hors de nous : en Dieu. On parle de vertu infuse. De ce point de vue aussi, les vertus théologales sont de drôles de vertus.

Dieu, seul témoin


Troisième aspect par lequel les vertus théologales diffèrent des vertus morales bien connues des philosophes : elles ont un caractère proprement surnaturel. Tant et si bien d’ailleurs qu’il n’est pas possible de les discerner avec un regard seulement naturel.


Les vertus morales sont repérables. En voyant un homme agir, on voit s’il est courageux, s’il est généreux, s’il est cruel ou s’il est glouton. En observant bien, on arrive même à démasquer la fausse vertu, c’est-à-dire la fausse générosité de celui qui ne donne que pour être vu, la fausse tempérance de l’ascète qu’on découvre la nuit devant un réfrigérateur ouvert.


Avec la foi, l’espérance et la charité, ça ne marche pas. Ça ne se voit pas. Les actes propres de ces vertus se situent entièrement dans l’ordre surnaturel. Il y a des actes naturels que nous posons, qui soutiennent et qui expriment notre foi, notre espérance, notre charité : prier dans une église, professer publiquement la foi de l’Église catholique, etc. 


Mais ces actes ne sont que des annexes aux actes propres des vertus théologales, qui échappent à l’ordre du sensible. 


Ai-je la foi ? Suis-je en état de grâce ? Est-ce que j’aime Dieu d’un amour de charité ? 


À ces questions je me garderai d’apporter une réponse définitive, et surtout de recourir à mon sentiment ou à mes impressions. Pour mon propre compte et plus encore pour autrui ! J’espère, simplement… et je pose les actes capables de me rétablir dans la foi, l’espérance et la charité si jamais je m’étais égaré : c’est le rôle des sacrements.
 
Décidément les vertus théologales ne sont pas des vertus tout à fait comme les autres ! Loin de là. 


Elles nous établissent en relation directe avec un objet déterminé qui est Dieu, elles nous sont données par Dieu et elles ont un caractère proprement surnaturel.
 

 
Pour aller plus loin :
frère Servais Pinckaers, Les sources de la morale chrétienne, sa méthode, son contenu, son histoire, Fribourg, Presse Académique, Paris, Cerf, (1985) 2007




frère Lionel Gentric

Frère Lionel Gentric s'est spécialisé en morale chrétienne. En 2023, il vit au couvent de Strasbourg. Après avoir remplis des missions importantes au pèlerinage du Rosaire, il s'investit aux éditions du Cerf.
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MessageSujet: Re: La force des vertus par Théodom   La force des vertus par Théodom Empty29/1/2023, 11:02



7. La prière métamorphose : Rencontre avec un sage



Mon inspiration me vient du mot « respiration ». Je crois que prier, c’est respirer. Je vais surtout insister sur la respiration comme signe de vie. D'un bébé, on salue son premier souffle, d'un mourant on vénère et on redoute aussi son dernier souffle.



La prière comme conversation


Prier, ce n'est pas seulement « prier pour », comme l'on dit souvent, c'est « prier avec ».


Le premier exemple dont je voudrais parler, ce sont les disciples qui, à l'époque, sont encore les pauvres bougres qui ne connaissent pas grand-chose, sinon leurs filets de pêche. Eh bien, ce sont ceux-là qui demandent à Jésus d’apprendre à prier. Ils en ont besoin. Ils l'ont vu faire. Ils savent que, Lui sait et que, eux, ne savent pas. Et donc ils veulent être avec Lui. C'est eux qui font appel à Lui pour être avec Lui, avec sa prière.


La deuxième occasion, c'est du côté de Jésus, cette fois, à l'inverse. C'est Jésus dans la Transfiguration.


 Au début, les apôtres sont apeurés. Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que c'est que cet homme qui change d'aspect ? 


Et il est dit dans Saint Matthieu, cette phrase extraordinaire, que « Jésus va vers eux ». Il sait qu'ils souffrent, il les touche et il leur dit : « C'est moi, c'est bien moi !». Il se fait reconnaître. Ils sont avec Lui. 


Et Jésus va parler aussi à Élie et à Moïse et va recevoir les paroles de son Père dans la nuée, la nuit qui indique le mystère. Jésus, malgré tout cela, n'est pas loin de ses disciples. Il va les voir, les toucher, les retrouver, les reconnaître. Jésus est avec eux. Ils l'ont vu et, enfin, Jésus écoute la parole que son Père dit de Lui : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez- le ! » Il est avec Dieu.


Avec ces deux exemples, je veux laisser entendre que toute prière est une conversation. Toute prière est un échange, un dialogue entre deux, d'où sortira un souffle unique, si possible réconcilié, pacifié, une seule vérité qui était à la fois celle de Jésus en nous, et celle de nous en Lui.
 

Le Notre Père, un échange entre nos désirs et nos besoins


La deuxième manière de dire que la prière est une conversation, c’est de prendre le Notre Père, que nous disons 20 fois par jour. Il est fait, là aussi, d'un échange entre nos désirs et nos besoins.


La prière commence par 3 désirs :


« Que ton nom soit sanctifié !», ça s’adresse plutôt au Père. Le nom, c'est la manière unique de peser dans le cœur de quelqu'un. Le nom, c'est l'origine. Dieu a pris l'immense risque fondamental de l'origine.
La deuxième c'est :


 « Que ton règne vienne ! ». C'est le temps. Le temps qui est à la fois la préparation et la venue de Jésus, sa visite parmi nous au moment de l'incarnation.


La troisième prière, c'est 


« Que ta volonté soit faite !». Ta volonté, c'est le lieu de Ton vouloir, c'est Ton désir profond, c'est ce que Tu as envisagé pour nous, ce que Tu as décidé de faire avec nous.


 « Que Ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel !», c'est- à- dire que notre cœur à tous, change. Nous avons tous à passer d’un cœur de pierre à un cœur de chair.


C’est la base de nos désirs, ces trois désirs que nous sommes en droit aussi d'exposer, de proposer, de suggérer à Dieu.


Et puis, il y a ces deux grands besoins que sont le manque et le mal. Le manque, à la fois des choses matérielles, comme on dit le mot en termes culturels et spirituels : tout ce dont nous avons besoin. Et le mal, c'est évidemment autant le mal que nous subissons seul ou avec d'autres, et le mal que nous commettons.
 

J’ai maintenant trois petites métaphores :



 le matin, la mer et la marche.


Le matin


Rappelez-vous l'Ecriture. « Il y eu un soir, il eut un matin, et ce fut le premier jour ! »


 Il n'est pas dit l'inverse, il n'est pas dit, « Il y eut un matin, il y eut un soir !», ce qui montre que pour les croyants en Dieu, le temps marche dans ce sens. 


Il y a certes le temps qui va vers la fin des choses, celui -là, il existe dans les Psaumes,  par exemple dans le Psaume 89, où il est question de ce temps qui a fait le vieillard, de ce temps aussi qui fait qu’on peut être malade, fragile, etc… qu'on a peur du soir de la vie.


Mais il y a aussi cette deuxième manière de concevoir le temps : nous allons vers le matin. 


Lors du grand matin, un jour nouveau commence. Une communauté va vers le matin, l’univers entier va vers le matin de Dieu, quand l'astre du matin se lève dans nos cœurs.


C’est donc la prière du matin qui est la plus belle, c'est celle où l’on va essayer d'ajouter le poids, les chances et les fruits de cette journée, à cette ultime préparation du matin final.

La mer


Il y a le matin, il y a ensuite la mer. Avez-vous vu la mer ? 


Cet échange entre le sol et l'eau. C’est un échange extraordinaire ! Quelquefois il y a de la résistance entre eux, comme dans la prière.


La mer se donne, et la mer se retire. 
C'est une respiration. 


La mer, c'est aussi le face-à-face entre la terre et l'eau pour aller vers l'autre et pour se retirer et laisser l'autre être pleinement soi-même. 


C'est comme ça la prière.

La marche


Je crois qu’il y a aussi dans nos pas, une respiration. Il y a le pas qui signifie le risque pris, le partir, l'aller vers l'autre, vers les autres, vers ce qui n'a pas encore de relief et d’existence. Et puis il y a la retombée, le retour en soi, la force du sol qui résiste, qui en principe m'aide à ne pas tomber.


Voilà ce qu'est la marche. Et je crois que la marche est bien une respiration. Entre les deux pas, il y a une parole. Il y a une recherche. Heureusement qu'il y a les deux, l'un pour sauter et l’autre pour revenir.
 
Eh bien je pense que la prière pour moi, c'est d'abord et fondamentalement, la rencontre entre deux langages, entre deux mondes, qui cherchent à ne faire plus qu'un. 


La prière, c'est ce moment où je Le cherche et je Le trouve et je sais que Lui aussi me cherche et me trouve.



frère Dominique Motte



Frère Dominique Motte est dominicain depuis 1951 et a exercé de nombreuses missions : aumônier d'étudiant, chercheur en sociologie, provincial, responsable d'un centre de recherche au Pérou et il a vécu plusieurs années en Algérie avant de revenir à Lille où il vit toujours en 2023.
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MessageSujet: Re: La force des vertus par Théodom   La force des vertus par Théodom Empty5/2/2023, 11:25



8. Aimer forge le caractère


Jeanne d’Arc n’a jamais fréquenté les bancs des facultés de théologie… et elle n’a jamais suivi les modules de Théodom. Et pourtant, sur le sujet des vertus théologales et de l’économie de la grâce, elle en connaissait un rayon.

Pendant son procès, en 1431, on lui a posé la question : « Savez-vous si vous êtes en la grâce de Dieu ? » La question aurait pu être posée ainsi : « Avez-vous la charité ? » Et Jeanne de répondre : « Si je n’y suis, Dieu m’y mette ; et si j’y suis, Dieu m’y tienne. »


Ne voyons pas dans la réponse de Jeanne seulement la marque de son humilité : voyons-y aussi la marque d’une grande intelligence des choses de Dieu. Elle avait compris que la présence du Saint-Esprit en elle rejoint le domaine du plus intime, du plus secret et du plus insaisissable. Nous parlons là de choses qui se situent sur un autre plan que celui de la nature !


Vertus humaines et vertus théologales


Mais alors se pose une nouvelle question ! S’il est vrai que les vertus théologales sont si différentes des vertus morales, s’il est vrai que les vertus théologales échappent pour ainsi dire à bien aux lois qui gouvernent les vertus en général, pourquoi avoir rassemblé vertus théologales et vertus morales sous une seule tête de chapitre, dans un unique édifice de pensée ?

Ce serait finalement beaucoup plus simple de diviser les choses en deux parties. D’une part les vertus morales, qui sont les bonnes vieilles vertus, les vraies vertus, et on va faire de la morale ; d’autre part on traitera ailleurs, autrement, de la foi, de l’espérance et de la charité, de la présence de Dieu dans le cœur des hommes, ces choses spirituelles qui trouveront place dans un exposé ou un cours de théologie spirituelle, de spiritualité. Et c’est d’ailleurs comme ça qu’on a procédé pendant longtemps. Et on comprend très bien pourquoi. C’est beaucoup plus facile.

Pour rassembler en un seul ensemble ces pièces qui semblent si disparates, il faut faire un effort. Et comme on n’aime pas faire des efforts pour rien, on peut s’interroger sur la motivation qui porte cet effort, sur le but poursuivi. 

Qu’est-ce que ça apporte, finalement, de construire cet édifice de vertus morales et théologales ? 

Cet effort n’est pas vain. Ce n’est pas seulement un jeu intellectuel. En fait c’est en faisant cet effort qu’on met en lumière le visage singulier de la morale et de la spiritualité chrétienne, tel que le concevait S. Thomas d’Aquin.

Une seule finalité


Il s’agit d’abord – premier enjeu – de mettre en lumière la finalité propre de la vie chrétienne. La tradition chrétienne a assumé l’héritage de la philosophie grecque, en accueillant l’idée que la réflexion éthique est fondamentalement une réflexion sur le chemin du bonheur, le chemin de la sagesse, le chemin de l’accomplissement personnel. 
Soit. 

Et l’exercice de la vertu est le moyen par excellence de cheminer dans la liberté vers un accomplissement de soi. 


Seulement les chrétiens ne donnent pas le même contenu à l’idée du bonheur ou à l’idée de l’accomplissement personnel que les philosophes stoïciens par exemple. 

En christianisme, le vrai bonheur porte un nom propre : le nom de béatitude

Le chrétien aspire plus que tout à voir Dieu, à le connaître, à vivre de Lui, avec Lui, en Lui. Il sait, il croit que Dieu seul est capable de répondre pleinement, parfaitement, à l’aspiration de l’homme au bonheur. « Ton amour vaut mieux que la vie », chante le psalmiste. « Comme par un festin je serai rassasié. »

Si le chrétien aspire à voir Dieu et à le connaître et que c’est ça le but ultime de son existence, c’est donc que les vertus qui se rapportent à Dieu vont jouer un rôle pré-éminent, un rôle fondateur. 


Je peux aspirer comme chrétien à vivre dans la tempérance, c’est-à-dire dans un usage raisonné et maîtrisé des appétits de la chair… très bien, mais c’est pas du tout la finalité de ma vie. Ça n’est pas l’essentiel. 

C’est important, et nécessaire sans doute, mais : devenir libre à l’égard des mouvements de la chair vers les biens terrestres n’a de sens que pour aimer, connaître et servir Dieu. 

Le triptyque des vertus théologales n’est donc certainement pas un appendice à l’édifice des vertus morales. 

Comme si on avait ajouté un étage à une construction déjà existante. 

Au contraire les vertus théologales constituent les fondations d’un nouvel édifice. C’est ce qu’exprime le Catéchisme quand il dit : 


« Les vertus théologales fondent, animent et caractérisent l’agir moral du chrétien » (Catéchisme de l’Eglise Catholique, §1813).


 Le chrétien est appelé à être un homme (ou une femme) de foi, d’espérance et de charité. Le catéchisme ajoute : 

« Les vertus humaines s’enracinent dans les vertus théologales » (Catéchisme de l’Eglise Catholique, §1812). 


Rien d’étonnant, donc, saint Thomas inaugure son exposé détaillé sur les vertus en considérant les vertus théologales.
 

Des modèles


Une deuxième chose : en reprenant à son compte l’éthique grecque des vertus, le christianisme accueille l’idée que la question morale par excellence est une question de caractère : 

la question de la formation du caractère.

 Autrement dit une question biographique.

 Comment devenir celui (ou celle) que je suis appelé à être ? Comme la philosophie grecque, l’éthique chrétienne de la vertu va offrir des modèles à imiter : des modèles de vertu. Alors non pas le modèle du valeureux guerrier, non pas le modèle du sage stoïcien ou du spationaute… 

mais une foule de modèles – les saints – rassemblés autour du modèle par excellence : Jésus, le Christ. 

Oui, il y a une forme particulière d’excellence qui fait la marque du chrétien, un caractère propre au chrétien.

En mars 2022, dans les colonnes du journal La Croix, on lisait la tribune d’Éric Morain, avocat des parties civiles au procès de l’attentat de S. Étienne-du-Rouvray, qui a coûté la vie au P. Hamel. 
Un procès hors-normes pendant lequel les parties civiles ont bouleversé la cour. 


Roseline Hamel, Mgr Lebrun, à plusieurs reprises, ont manifesté en actes une active charité à l’égard des accusés et de leurs familles. 

« Tous les acteurs de ce procès hors norme, écrit Me Morain, de l’escorte policière aux juges, en passant par les avocats et les procureurs antiterroristes, ont été littéralement saisis par ces moments. Moments de grâce assurément. » 

Ce qui s’est manifesté à ce moment-là, c’est une manière particulière de vivre, une manière de vivre qui tient sa particularité d’une relation vivante à Dieu.

Être et agir


L’éthique des vertus, enfin, présente un autre trait qui mérite d’être souligné, parce qu’il est assumé par la tradition chrétienne. 

Cette éthique propose une articulation forte entre l’être et l’agir. C’est en forgeant qu’on devient forgeron, dit le dicton. C’est en s’exerçant à agir bien qu’on grandit en vertu. C’est en posant des actes de charité qu’on se dispose à recevoir la grâce de la charité. 

Je ne suis pas seulement ce que je fais, mais pour connaître quelqu’un, c’est plutôt un bon début que de commencer par regarder comment il agit. 

Nos actions sont l’expression de notre être et ont un retentissement sur ce que nous sommes. 
Nous sommes pour une bonne part ce que nous faisons et ce que nous faisons fait ce que nous sommes. 
Ça peut nous arriver à tous de poser des actes en dissonance avec ce que nous sommes profondément. Nous pouvons agir de manière aberrante, mais nous ne pouvons pas agir habituellement de manière aberrante. 

Si nous agissons mal de manière habituelle, c’est que nous avons laissé un vice prospérer en nous.

L’éthique chrétienne des vertus assume cette exigence de cohérence entre l’être et l’agir. Et c’est d’ailleurs pour cela que nous aimons les histoires des saints ou les récits des Évangiles.

 Je n’ai aucun accès au for intérieur de S. Dominique. Je ne dispose que de récits biographiques, qui font état de sa manière d’être, sa manière d’agir… de ce qu’il a dit et de l’empreinte qu’il a laissée dans le monde et dans les cœurs, par son action. 


La morale des vertus me dit que ces récits sont une porte d’entrée sûre pour comprendre
qui était saint Dominique, quel apôtre, quel  prêcheur, quel disciple il a été. 


La voie de l’imitation est aussi une voie de conformation, qui rend ma propre vie un peu plus ressemblante à la sienne.



frère Lionel Gentric

Frère Lionel Gentric s'est spécialisé en morale chrétienne. En 2023, il vit au couvent de Strasbourg. Après avoir remplis des missions importantes au pèlerinage du Rosaire, il s'investit aux éditions du Cerf.
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MessageSujet: Re: La force des vertus par Théodom   La force des vertus par Théodom Empty7/2/2023, 18:51



9. Nos choix nous forment : Rencontre avec un juge

Je m'appelle Damien, j'ai 36 ans, je suis magistrat depuis maintenant un peu plus de 10 ans. J'ai exercé des fonctions comme juste d'instruction dans deux tribunaux différents en France.



La justice juge des actes, mais c'est quoi un acte ?


Premièrement, un acte c'est d'abord un fait, c'est-à-dire quelque chose qu’on peut prouver, qu'on peut établir.

Comment fait-on le lien entre un acte et une personne ?


Pour le juge, je dirais que le lien va se faire d'abord parce que justement pour prouver l'acte, on aura peut-être parfois besoin d'aller se pencher sur la personnalité de l'auteur. Est-ce que ce qu'on nous affirme qu'il a commis, correspond à son comportement habituel ? sa manière de penser, sa manière d'agir habituellement ? Voilà le premier point.


Et puis on va faire un lien aussi surtout au moment de déterminer la peine, la sanction. Parce que là, on va évidemment se projeter un petit peu dans l'avenir.

Est-ce qu'un acte doit être libre pour être jugé ?


La première condition pour déclarer quelqu'un coupable, c'est qu'il ait commis les faits librement.

Pour juger un acte est-ce que c'est l'intention qui compte ?


Traditionnellement la justice pénale moderne est fondée sur la notion d'intention. Cela peut paraître peut-être un peu surprenant aujourd'hui mais il n’y a pas si longtemps que ça, que le code pénal sanctionne des infractions involontaires, c'est-à-dire le fait par exemple de causer la mort par une simple imprudence. Ce n'était pas du tout une infraction jusque dans les années 1990. Ce sont des choses qui ont été créées assez récemment, sous le coup de l'évolution de notre société.


Il n’y a pas de crime sans intention, c'est le principe. Même aujourd'hui, quand on s'intéresse à ces questions d'infraction involontaire par manquement, la loi est assez prudente dans les termes. Il faut quand même relever des manquements un peu répétés, un peu caractérisés à des règles de prudence, au minimum, pour déterminer une culpabilité.


Déterminer l'intention de l'auteur, c'est peut-être à la fois le plus grand mystère de la justice des hommes et la plus grande difficulté, parce que effectivement on travaille a postériori. On a quelques moyens d'interroger l'esprit de l'auteur a posteriori, mais avec toutes les limites, toutes les incertitudes que ça comporte. L'enseignement un peu traditionnel du droit pénal là-dessus, c'est aussi de dire que les actes traduisent l'intention.
Les exemples un peu classiques qu'on donne c'est – pour prendre quelque chose d'assez dramatique et d’un peu trivial – quand on tire à bout portant à hauteur du cœur, a priori ça révèle bien une intention de tuer.

A force de poser des actes on est transformé par eux, on prend des habitudes, notre caractère évolue…


Le fait que l'acte délinquant pèse sur l'avenir de son auteur, et a fortiori que la répétition des actes de délinquance pèse sur l'avenir et finalement probablement sur la personnalité de l'auteur, est quelque chose qui est assez évident, enfin je crois que l'expérience le démontre.


Je précise ensuite que ça ne veut pas dire qu'il n’y a pas moyen de s'en sortir, parce que ça peut être aussi la tentation, vue de l'extérieur.


Pour la justice, l'habitude peut aussi être prise en compte comme une forme d'aggravation. La loi prévoit même que le fait de commettre habituellement certains actes peut être une cause d'aggravation de la peine. Donc on risque une peine plus forte s’il y a récidive. C'est le premier exemple qu'on a en tête, d'aggravation de la peine. La peine est doublée lorsque l'auteur se trouve en état de récidive. Il y a des infractions, par exemple le recel.


La peine du receleur est plus importante, dit le code pénal, dans le cas de l'habitude, parce que la loi entend d'abord sanctionner une forme de mode de vie. Quand la délinquance s'installe comme un mode de vie, on peut comprendre.


On a plus de tolérance à l'égard d'un acte isolé qui peut être une sortie de route finalement, qu’à l'égard de quelqu'un qui peut-être plus ou moins libre.


Je pense que la justice n’a pas encore tout à fait développé les moyens pour prévenir cette installation. C’est sans doute aussi parce qu’on peine sociologiquement à comprendre ce qui se joue pour prévenir l'installation de ces habitudes.


La justice s'intéresse beaucoup aujourd'hui à ce qu'on appelle la désistance c'est à dire le fait de justement sortir du parcours de délinquance. Là on commence à développer des moyens.

Comment resituez vous ces actes dans la vie des accusés ?


La question du « récit de vie », pour le dire avec ces mots-là, c'est quelque chose qui n'est pas du tout nouveau dans l'histoire judiciaire. Autrefois ce travail sur la personnalité sur l'histoire, sur les antécédents au sens large, était quand même réservé aux dossiers les plus importants, donc les dossiers, en gros, qui passaient aux assises, pour des gens qui ont commis des crimes graves. 
Aujourd'hui dans l'optique de prévention de la récidive, dans l'optique de réinsertion, on développe aussi ces outils. Alors évidemment, à des échelles un peu moins importantes : dans la justice du quotidien, dans la justice correctionnelle, pour des délits aussi basiques que des vols, des violences moyennes, on fonctionne presque systématiquement aujourd'hui avec des enquêtes de personnalité. 
Il y a des travailleurs sociaux qui vont interroger l'auteur en amont du procès pour que le juge ait entre les mains des éléments vérifiés qui lui permettent d'établir s'il y a une addiction, s'il y a une problématique sociale particulière, où en est-on de l'insertion professionnelle…


Dans une audience, certes, il va peut-être y avoir l'enquêteur de personnalité, aux assises, qui viendra témoigner et exposer ce rapport, mais ça me paraît quand même important et utile d'interroger l'auteur justement, parce qu’il y a parfois un décalage, ou au contraire des choses extrêmement utiles qui peuvent resurgir, en voyant comment lui, pose un regard sur cette existence.


L'enquêteur de personnalité va éventuellement recueillir des déclarations des autres, il va aussi établir des éléments purement factuels, sur le parcours scolaire, sur les déménagements, les ruptures, les éléments saillants de l'histoire de vie, mais, comment ils ont été vécus par celui qu'on juge, ça c'est toujours à lui de nous le dire.

Finalement donc malgré nos actes, malgré nos mauvaises habitudes, on pourrait dire nos vices, on reste une personne.


Je crois que pour un juge, l'idée qu’il ne faut pas réduire la justice à l'acte, c’est assez évident. Pour les professionnels que nous sommes, il y a d'abord un aspect assez pratique, c'est le fait que dans beaucoup de dossiers, aujourd'hui, la question de la culpabilité ne fait pas vraiment débat. 
D'abord on a beaucoup de délinquants qui reconnaissent assez spontanément qu’ils sont les auteurs de ce qu'on leur reproche. Et les éléments de preuve qu'on va nous apporter au dossier, emportent assez facilement la conviction. La question de savoir si la personne dépasse l'acte, je pense que c'est vraiment un prérequis, quand on veut juger quelqu'un.


Si on réduit celui qu'on juge à un acte, à la limite, le procès n’est presque pas nécessaire. Enfin l'enjeu du procès, si ce n'est pas la culpabilité, c'est plutôt la peine, c'est à dire comment, ou quelle réponse, la société doit apporter à ce comportement-là. Et pour ça, on ne peut pas réduire un auteur à son acte, parce que, encore une fois, sinon le code pénal crée un barème, il dit « le vol c'est puni de 3 ans, le vol aggravé c’est 5 ans »… Mais, ça, un algorithme peut le faire. On sent tout de suite quelles problématiques ça soulèverait.



Damien

En 2023, Damien est juge d'instruction au tribunal de grande instance de Dunkerque.
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MessageSujet: Re: La force des vertus par Théodom   La force des vertus par Théodom Empty12/2/2023, 14:56




DERNIERE VIDEO DE CETTE SERIE

10. Vertus cardinales : la grâce ne détruit pas la nature



Dans sa lettre aux Éphésiens, au chapitre 4, S. Paul fixe le cap : il s’agit, pour les chrétiens de la toute première génération, de parvenir « tous ensemble à l’unité dans la foi et la pleine connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa plénitude ». Paul poursuit : « En vivant dans la vérité de l’amour, nous grandirons pour nous élever en tout jusqu’à celui qui est la Tête, le Christ. Et par lui, dans l’harmonie et la cohésion, tout le corps poursuit sa croissance, grâce aux articulations qui le maintiennent, selon l’énergie qui est à la mesure de chaque membre. Ainsi le corps se construit dans l’amour. »

Paul emploie ici tout un vocabulaire très proche de celui qu’on utilise en éthique des vertus : il parle de la croissance d’un corps qui doit parvenir de manière harmonieuse à une certaine plénitude, à un accomplissement. Paul parle ici d’un corps communautaire : tous les membres de l’Église sont appelés à contribuer, chacun pour sa part, à la croissance de ce corps qu’est l’Église. Et on mesure bien que ce corps reçoit le principe de son unité, de sa cohésion et de sa croissance de Dieu lui-même. C’est ce que saint Thomas d’Aquin exprime pour sa part lorsqu’il désigne les vertus théologales comme les éléments de fondation de la vie chrétienne. « Le corps se construit dans l’amour », écrit saint Paul. Ailleurs, l’apôtre du Ier siècle et le théologien du XIIIe soutiendront tous les deux que la charité, c’est aussi ce qui seul demeurera pour l’éternité.


Pour autant, ni saint Paul ni saint Thomas n’oublient qu’il faut aussi considérer les contingences les plus immédiates de notre vie, concrète, terrestre, charnelle. Car : (i) si la foi, l’espérance et la charité sont données gracieusement par Dieu à la faveur d’un événement qui est de l’ordre d’une rencontre, d’une conversion, (ii) s’il est vrai aussi que les vertus théologales donnent à notre vie une forme différente, une nouvelle orientation… la chair demeure. Les jalousies, la colère, toutes sortes de comportements désordonnés… Bref : il y a encore du travail. Et un travail bien humain, qui se plie aux lois les plus ordinaires qui régissent les vertus morales, les vertus humaines.


Et c’est ce que saint Paul expose aux Éphésiens dans le même chapitre 4 de sa lettre : « Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté. Débarrassez-vous donc du mensonge… Si vous êtes en colère, ne tombez pas dans le péché ; que le soleil ne se couche pas sur votre colère… Que le voleur cesse de voler… Amertume, irritation, [etc.], tout cela doit être éliminé de votre vie, ainsi que toute espèce de méchanceté. Soyez entre vous pleins de générosité et de tendresse.



 Pardonnez-vous les uns aux autres, comme Dieu vous a pardonné dans le Christ. » Bref : après l’événement de la conversion fondamentale, reste le labeur de la conversion morale, par lequel nous sommes appelés à faire grandir en nous un caractère chrétien. La grâce de Dieu ne détruit pas la nature. Adage fondamental de la théologie de saint Thomas d’Aquin. La grâce de Dieu perfectionne la nature, mais sans la détruire.



Prendre soin de notre nature


Notre nature a été assumée par le Verbe de Dieu. Il a revêtu notre humanité pour nous revêtir de sa divinité. Ce revêtement – ce survêtement pourrait-on dire – est porteur de guérison. Une guérison nécessaire parce que le péché nous affaiblit et nous abîme. Mais cette guérison ne s’opère pas sans le concours de notre liberté. Si Dieu en est le premier acteur, il convoque aussi notre liberté pour que, par nos actions, nous collaborions à son œuvre de salut.


Et c’est pourquoi les théologiens ont aussi développé une réflexion sur les simples vertus humaines, ou disons les vertus humaines ordinaires, communes. Une réflexion qui s’appuie sur une tradition philosophique, mais aussi aujourd’hui sur les données des sciences, de la psychologie par exemple.


Un exemple de vice : l’addiction


Un chrétien s’est-il laissé emporter par une addiction par exemple ? On lui portera secours, certainement, par des moyens surnaturels (la prière, les sacrements) MAIS on n’omettra pas de mettre en œuvre tout ce que nous savons mettre en œuvre dans l’ordre naturel pour tendre activement vers la guérison, contribuer pour notre part à rétablir dans sa liberté et dans sa santé celui qui est tombé. Cette contribution peut prendre éventuellement la forme d’un traitement médical, d’un suivi psychologique et/ou d’une réflexion morale sur la vertu de tempérance.


 En empruntant ce chemin naturel, nous ne faisons pas obstacle à la grâce de Dieu. Au contraire, nous nous y disposons. Et ne pas le faire, c’est-à-dire omettre délibérément de recourir à la sagesse des anciens, à la médecine, à la science, au nom de notre foi, ce serait je crois s’opposer au projet de Dieu.


« Tu ne mettras pas l’épreuve le Seigneur ton Dieu » se rappelle Jésus à l’heure de la tentation au désert, alors que le diable lui suggère de se jeter dans le vide, du sommet du Temple.

C’est pourquoi il convient, en plus de tout ce que j’ai pu dire précédemment sur le rôle fondamental des vertus théologales et sur leur caractère proprement surnaturel, de développer aussi une réflexion morale qu’on pourrait qualifier de naturelle et qui rejoint la réflexion commune de tous ceux – chrétiens ou non – qui s’interrogent sur la santé, sur les conditions du bonheur, sur l’accomplissement de la vie humaine.

Un lieu pour développer les vertus : le couple


Lorsqu’un couple se prépare au mariage, on va leur parler de la grâce de Dieu – la grâce spécifique aux époux chrétiens – on va souligner à quel point leur amour doit être reçu et honoré comme un don de Dieu, on va évoquer la mission particulière des époux chrétiens au sein de ce corps qu’est l’Église. MAIS on va aussi leur parler de choses beaucoup plus terre à terre : les moyens concrets, ordinaires, de nourrir la fidélité conjugale ; les questions concrètes sur lesquelles le couple peut achopper s’il n’a pas pris le temps de se poser les bonnes questions. L’argent, la place des beau-parents, la sexualité, et jusqu’à la répartition des tâches ménagères ! Réfléchir aussi à ces questions-là n’est pas indigne de la théologie. C’est au contraire honorer la nature, cette nature que le Christ a revêtue, et honorer les dons de Dieu. Dieu, qui nous convoque à exercer notre liberté pour nous disposer à sa grâce et à son œuvre de salut.

La vertu chrétienne : un aller/retour avec le ciel


J’ai seulement voulu exprimer ceci : quand nous parlons de la vertu ou des vertus en général, de la vie morale en général, on peut être
surpris de voir arriver sur scène ces « drôles de vertus » que sont les vertus théologales ; et quand on expose comment les vertus théologales donnent forme à la vie chrétienne au plan surnaturel, on est surpris, ensuite, de « redescendre » au niveau naturel pour traiter en détail des vices et des vertus morales de la vie ordinaire. Dans la doctrine chrétienne des vertus les plans se superposent sans cesse : le plan surnaturel et le plan naturel. La grâce divine, avec sa soudaineté, sa radicalité, son excessivité, se conjugue avec l’effort de l’homme, avec ses lenteurs et sa progressivité. En bref, la doctrine chrétienne des vertus nous oblige à penser en même temps ce que la vie chrétienne a d’excessif, de radical et ce qu’elle a de nuancé, d’équilibré. Parce que le chrétien est fils d’homme et fils de Dieu.




frère Lionel Gentric

Frère Lionel Gentric s'est spécialisé en morale chrétienne. En 2023, il vit au couvent de Strasbourg. Après avoir remplis des missions importantes au pèlerinage du Rosaire, il s'investit aux éditions du Cerf.
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