Perlimpimpim
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| Sujet: La déclaration commune de l'Eglise catholique et de la fédération luthérienne mondiale sur la justification Jeu 9 Mai - 3:44 | |
| 1° Présentation au Bureau de presse du Saint-Siège de Son Eminence le Cardinal Edward Idris Cassidy, Président du Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, 25 juin 1998 - Spoiler:
1. C'est pour moi un plaisir et un motif de satisfaction de présenter aujourd'hui un document déclarant qu'un consensus sur des vérités fondamentales concernant la doctrine de la justification a été atteint au cours du dialogue entre L'ÉGLISE CATHOLIQUE ET LA FÉDÉRATION LUTHÉRIENNE MONDIALE.
2. Ce document est le résultat d'un long processus de dialogue intense qui s'est déroulé sous les auspices du Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens et de la Fédération luthérienne mondiale. Il doit sans aucun doute être considéré comme un résultat exceptionnel du mouvement œcuménique et comme un jalon sur le chemin du rétablissement de la pleine unité visible parmi les disciples de l'unique Seigneur et Sauveur Jésus Christ.
3. Pour nous situer dans la perspective du résultat obtenu, il est nécessaire de rappeler que la doctrine de la justification représenta un point crucial du conflit entre Martin Luther et les autorités de l’Église au XVIe siècle. Les divergentes présentations et compréhensions de cette doctrine chrétienne fondamentale furent l'objet de condamnations de la part tant du Concile de Trente que des Confessions luthériennes. En outre, le consensus désormais obtenu aura une importance non seulement pour les relations catholiques-luthériennes et pour le dialogue futur, mais aussi pour le progrès de la recherche de l'unité entre les catholiques et d'autres communautés issues des controverses de la Réforme.
4. Le dialogue théologique entre catholiques et luthériens, au niveau international, a débuté peu après la clôture du deuxième Concile du Vatican, en 1967. Trois phases du dialogue ont été menées à terme et une quatrième est en cours. Pendant la première phase de ce dialogue international, il devenait de plus en plus clair qu'un accord sur la doctrine de la justification commençait à émerger des études et du dialogue entre experts catholiques et luthériens. Ainsi, le rapport de la première phase, en 1972, appelé Rapport de Malte, déclarait "qu'actuellement... est en train de se développer un consensus de vaste portée concernant l'interprétation de la justification" (n° 26). La Déclaration de dialogue rédigée en 1980 et intitulée Tous sous un seul Christ, s'exprimait en termes encore plus forts: "Un large consensus émerge sur la doctrine de la justification, qui fut d'une importance décisive pour la Réforme" (n° 4). Pour le dialogue, la doctrine de la justification constituait "un point central de controverse au XVIe siècle" (Le ministère dans l’Église, 1981, n° 9). Toute la troisième phase a été consacrée à un examen plus approfondi de cette doctrine, également par rapport à l’Église (Église et justification: la compréhension de l'Église à la lumière de la doctrine de la justification, 1994).
D'importantes études furent menées par un certain nombre de dialogues luthériens/catholiques nationaux, puis utilisées lors de la préparation du rapport de la troisième phase, que nous venons de mentionner. Celles-ci comprenaient une étude réalisée aux États-Unis et intitulée Justification by Faith, ainsi qu'une étude préparée en Allemagne : The Condemnations of the Reformation Era, Do They Still Divide ? Toutes ont contribué à préparer le chemin de la Déclaration commune. Celle-ci, en fait, n'est pas une nouvelle étude, mais réunit, de façon concise, les conclusions essentielles des études effectuées antérieurement et que l'on trouve en particulier dans les rapports qui viennent d'être cités.
5. En 1994, un groupe de théologiens, nommés respectivement par le Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens et par la Fédération luthérienne mondiale, a rédigé une première version d'un projet de déclaration commune sur la doctrine de la justification. C'est ainsi qu'a commencé un travail de réflexion qui a duré près de quatre ans, au cours desquels cette version a subi deux révisions, en 1996 et en 1997, avant d'être officiellement soumise au Saint-Siège et aux membres de la Fédération luthérienne mondiale pour approbation.
Du côté catholique, le projet a été surtout étudié par la Congrégation pour la doctrine de la foi et le Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, et le résultat final que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui est le fruit d'une intense collaboration entre ces deux dicastères. Le Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens a été considérablement aidé dans son examen de la première version du projet par les commentaires de plusieurs Conférences épiscopales de régions où un nombre important de luthériens et de catholiques vivent côte à côte, et surtout par les Conférences épiscopales engagées au niveau national dans un dialogue avec les Eglises luthériennes présentes dans la même région.
6. Comme on peut le constater en lisant le texte de la Déclaration commune, le consensus atteint est exprimé dans un style particulier. Pour chaque question discutée, l'affirmation commune est suivie d'un commentaire de chacun des partenaires du dialogue, indiquant comment les interprétations traditionnelles du point en question sont en harmonie avec l'affirmation commune. La Déclaration compte 44 affirmations communes, qui traitent des vérités fondamentales sur la justification. L'accord atteint sur ces points nous permet de dire qu'un haut degré de consensus existe ; par conséquent, là où ce consensus est réalisé, les condamnations prononcées réciproquement au XVIe siècle ne s'appliquent plus au partenaire respectif aujourd'hui.
Au sujet de ces condamnations, je devrais peut-être signaler que nous ne pouvons évidemment pas les effacer de l'histoire. Nous pouvons toutefois dire à présent que, dans la mesure où un consensus a été atteint sur la compréhension de vérités fondamentales indiquées dans la Déclaration commune, les condamnations qui s'y rapportent, prononcées par les Confessions luthériennes et le Concile de Trente, ne s'appliquent plus.
7. Dans le même temps, cette Déclaration commune a des limites. Elle constitue un important pas en avant, mais elle n'a pas la prétention de résoudre tous les problèmes que luthériens et catholiques doivent affronter ensemble sur le chemin où ils se sont engagés pour dépasser leur séparation et avancer vers la pleine unité visible. La Déclaration commune elle-même parle de "certaines questions d'importance diverse [qui] demeurent et exigent une clarification complémentaire : elles concernent entre autre le rapport entre la Parole de Dieu et la doctrine de l’Église ; l'ecclésiologie et l'autorité au sein de l’Église ; le ministère, les sacrements et enfin le rapport entre justification et éthique sociale" (DC n° 43).
8. En affirmant qu'un consensus sur des vérités fondamentales concernant la doctrine de la justification a réellement été atteint, l’Église catholique publie une Note explicative dans laquelle certains points relatifs au document sont précisés à l'intention des fidèles de l’Église catholique ; cette note entend constituer une contribution au dépassement des divergences qui existent encore.
Vous avez reçu une copie de cette Note ; j'aimerais cependant en indiquer brièvement le contenu et fournir quelques explications à son sujet.
Sous le titre Déclaration, il est dit clairement qu'"un haut degré d'accord a été réalisé" sur une question tellement controversée pendant des siècles. En fait, précise encore ce document, "il est dit à juste titre qu'il existe un consensus sur des vérités fondamentales de la doctrine de la justification". En même temps, l'Eglise catholique estime que l'on ne peut pas encore parler d'un consensus de nature à éliminer toute différence, entre catholiques et luthériens, dans la compréhension de la justification. Et, de fait, la Déclaration commune fait elle-même référence à quelques-unes de ces différences.
Sous le second titre, Éclaircissements, l’Église catholique énumère plusieurs points qui nécessitent une étude ultérieure. Les principales difficultés concernent le paragraphe 4.4 de la Déclaration, relatif à l'homme justifié en tant que pécheur. On voit difficilement comment l'explication donnée au n° 29 de la Déclaration, à propos de la compréhension luthérienne de la personne justifiée comme pécheresse, pourrait être pleinement compatible avec la doctrine catholique indiquée au n° 30. L'explication luthérienne semble par conséquent en contradiction avec la compréhension catholique du baptême par lequel tout ce que l'on peut, à juste titre, appeler péché, est effacé. La concupiscence reste évidemment dans le justifié, mais pour les catholiques elle ne peut, à proprement parler, être qualifiée de péché, tandis qu'au n° 29, il est dit que pour les luthériens, celle-ci représente réellement un péché. En outre, l'affirmation du n° 22, "Dieu n'impute plus au justifié ses péchés", ne semble pas expliquer de manière adéquate la compréhension catholique de la transformation intérieure qui a lieu dans la personne justifiée. L'expression "opposition à Dieu", utilisée aux numéros 28-30, est comprise de façon différente par catholiques et luthériens et devient ainsi ambiguë. Pour ces raisons, et sur la base de la présentation faite dans la Déclaration, on voit difficilement comment on peut affirmer que la doctrine luthérienne du "simul iustus et peccator" ne tombe pas sous les anathèmes des décrets de Trente sur le péché originel et la justification.
Un des points les plus débattus de la Déclaration a été la question examinée au n° 18, concernant la compréhension luthérienne de la justification qui constitue pour les luthériens le critère sur lequel se base la vie et la praxis de l’Église. Pour eux, cette doctrine a pris un sens tout à fait spécial. La Déclaration commune dit clairement que, pour les catholiques également la doctrine de la justification "est un critère indispensable qui sert constamment à orienter vers le Christ l'ensemble de la doctrine et de la pratique de nos Églises". Les catholiques toutefois "se savent liés à plusieurs critères" qui sont énumérés dans la Note : "pour l'Eglise catholique, le message de la justification selon l’Écriture sainte, et dès l'époque des Pères, doit être organiquement intégré dans le critère fondamental de la regula fidei, c'est-à-dire la confession du Dieu un et trine, christologiquement centrée et enracinée dans l’Église vivante et dans la vie sacramentelle de celle-ci".
L’Église catholique a pris acte avec satisfaction que le n° 21, en conformité avec le canon 4 du Décret sur la justification du Concile de Trente, affirme que l'homme peut refuser la grâce; toutefois, on doit affirmer également qu'avec cette liberté de refuser, existe dans la personne justifiée une nouvelle capacité d'adhérer à la volonté divine, capacité appelée à juste titre cooperatio. Compte tenu de cette compréhension, et prenant note du fait qu'au n° 17, luthériens et catholiques partagent la conviction selon laquelle la vie nouvelle vient de la miséricorde divine et non d'un mérite qui nous est propre, on voit difficilement comment l'expression mere passive peut être utilisée à ce sujet par les luthériens, et comment cette expression peut être compatible avec l'affirmation des luthériens, au n° 21, d'un engagement personnel total dans la foi. Un éclaircissement semblerait donc nécessaire pour déterminer plus exactement le degré de consensus atteint à cet égard.
L’Église catholique soutient également avec les luthériens que les bonnes œuvres du justifié sont toujours fruit de la grâce. Mais, en même temps, et sans diminuer en rien l'initiative totalement divine, elle considère qu'elles sont le fruit de l'homme justifié et intérieurement transformé. Nous pouvons donc affirmer que la vie éternelle est à la fois grâce et récompense accordée par Dieu pour les bonnes œuvres et les mérites.
Dans l'étude qui sera faite ultérieurement sur ce sujet, il sera nécessaire de traiter également la question du sacrement de pénitence, au moyen duquel le pécheur peut être à nouveau justifié.
Dans une troisième section, la Note indique quelques Perspectives pour le travail futur. On y exprime l'espoir que l'important pas en avant qui vient d'être accompli vers un accord sur la justification puisse être suivi d'autres études qui permettront de clarifier de manière satisfaisante les divergences qui subsistent, dont certaines concernent des aspects substantiels et ne sont donc pas mutuellement compatibles, contrairement à ce qui est affirmé au n° 40 de la Déclaration commune. A cet égard, une réflexion plus approfondie sur le fondement biblique qui, pour les luthériens comme pour les catholiques, est la base commune de la doctrine de la justification, serait particulièrement souhaitable.
Enfin, la Note exprime le souhait que luthériens et catholiques puissent s'efforcer de trouver un langage susceptible de rendre la doctrine de la justification plus compréhensible, également pour les hommes et les femmes de notre temps.
9. En conclusion, je voudrais souligner le fait qu'au terme du vingtième siècle, et à la veille du nouveau millénaire, le consensus atteint sur la doctrine de la justification, malgré ses limites, résout virtuellement une question longuement débattue. Il fait écho à l'appel du Pape Jean-Paul II qui rappelle dans Tertio millennio adveniente que "l'approche de la fin du deuxième millénaire nous invite tous à un examen de conscience et à d'utiles initiatives œcuméniques, afin que nous puissions nous présenter, lors du grand Jubilé, sinon totalement unis, du moins beaucoup plus près de surmonter les divisions du deuxième millénaire" (n° 34). Le consensus atteint sera d'immense encouragement pour les catholiques et les luthériens qui continueront à travailler dans les prochaines années pour l'unité visible à laquelle le Seigneur nous appelle. En fait, il représentera aussi un encouragement pour tout le mouvement œcuménique. Cet accord montrera en effet que le travail patient accompli par le dialogue pour surmonter les difficultés peut donner des résultats qui dépassent de loin tout ce que l'on pouvait espérer lorsque le dialogue a débuté.
La signature officielle de la Déclaration commune et la célébration du consensus atteint auront lieu à l'automne prochain, à une date non encore établie. Dans l'avenir proche, selon le processus de réception et de diffusion du document, le Conseil pontifical enverra le texte de la Déclaration commune, ainsi que d'autres documents qui s'y rapportent, aux Conférences épiscopales pour information, examen et étude.
2° Note explicative du Cardinal Edward Idris Cassidy, Président du Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, 25 juin 1998. - Spoiler:
Réponse de l'Église catholique à la Déclaration commune du 16 juin 1998 de l'Église catholique et de la Fédération luthérienne mondiale sur la doctrine de la justification. La « Déclaration commune de l'Église catholique et de la Fédération luthérienne mondiale sur la doctrine de la justification » (« Gemeinsame Erklärung ») représente un progrès important pour la compréhension mutuelle et le rapprochement des partenaires du dialogue ; elle montre qu'il existe de nombreux points de convergence entre les positions catholique et luthérienne sur une question tellement controversée pendant des siècles. On peut certainement affirmer qu'un haut degré d'accord a été réalisé, aussi bien en ce qui concerne la manière d'aborder la question que le jugement qu'elle mérite (1). La constatation qu'il existe « un consensus sur des vérités fondamentales de la doctrine de la justification » est exacte (2).
L'Église catholique estime toutefois qu'on ne peut pas encore parler d'un consensus de nature à éliminer toute différence, entre catholiques et luthériens, dans la compréhension de la justification. La Déclaration commune fait elle-même allusion à quelques-unes de ces différences. En fait, sur certains points les positions sont encore divergentes. Par conséquent, en partant de l'accord déjà réalisé sur de nombreux aspects, l'Église catholique veut contribuer au dépassement des divergences qui subsistent encore en présentant, ci-après, une liste de points, par ordre d'importance, qui sur ce thème empêchent encore une entente sur toutes les vérités fondamentales entre l'Église catholique et la Fédération luthérienne mondiale. L'Église catholique espère que les indications qui suivent pourront servir de stimulant pour poursuivre l'étude de ces questions dans le même esprit fraternel qui a caractérisé le dialogue entre l'Église catholique et la Fédération luthérienne mondiale dans les derniers temps.
1. Les majeures difficultés que l'on rencontre pour pouvoir affirmer qu'il existe un consensus total entre les parties sur le thème de la justification se trouvent au paragraphe 4.4, L'être pécheur du justifié (28-30). Même en tenant compte des différences, en elles-mêmes légitimes, découlant de diverses approches théologiques du donné de foi, le titre suscite déjà des perplexités du point de vue catholique. Selon la doctrine de l'Église catholique, en effet, tout ce qui est vraiment péché est effacé par le baptême, et Dieu ne hait donc rien en ceux qui sont nés à nouveau (3). Il s'ensuit que la concupiscence qui demeure dans le baptisé n'est pas à proprement parler un péché. Aussi, pour les catholiques, la formule « à la fois juste et pécheur », telle qu'elle est expliquée au début du n° 29 (« Il est entièrement juste car Dieu lui pardonne son péché par la parole et le sacrement... Face à lui-même cependant il reconnaît... qu'il demeure aussi totalement pécheur, que le péché habite encore en lui... »), n'est pas acceptable. En effet, cette affirmation ne semble pas compatible avec la rénovation et la sanctification de l'homme intérieur dont parle le Concile de Trente (4). L'expression « opposition à Dieu » (Gottwidrigkeit), qui est utilisée aux numéros 28-30, est comprise de façon différente par les luthériens et les catholiques et devient ainsi, en réalité, une expression équivoque. En ce même sens, la phrase du n° 22, «... Dieu ne lui impute pas son péché et opère en elle (la personne humaine), par l'Esprit Saint en amour agissant », peut également être ambiguë pour un catholique parce que la transformation intérieure de l'homme n'apparaît pas clairement. Pour toutes ces raisons, il est donc difficile de voir comment on peut affirmer que cette doctrine sur le « simul iustus et peccator », dans l'état actuel de la présentation qu'on en fait dans la Déclaration commune, ne tombe pas sous les anathèmes des décrets de Trente sur le péché originel et la justification.
2. Une autre difficulté se trouve au n° 18 de la Déclaration commune, qui met en évidence une nette différence sur l'importance que la doctrine de la justification a pour les catholiques et les luthériens en tant que critère pour la vie et la praxis de l'Église. Alors que pour les luthériens cette doctrine a pris un sens tout à fait spécial, pour l'Église catholique, le message de la justification, selon l'Écriture sainte et dès l'époque des Pères de l'Église, doit être organiquement intégré dans le critère fondamental de la regula fidei, c'est-à-dire la confession du Dieu un et trine, christologiquement centrée et enracinée dans l'Église vivante et dans la vie sacramentelle de celle-ci.
3. Ainsi que l'affirme le n° 17 de la Déclaration commune, luthériens et catholiques partagent la conviction que la vie nouvelle vient de la miséricorde divine et non d'un mérite qui nous est propre. Il faut toutefois rappeler, comme il est dit dans 2 Co 5,17, que cette miséricorde divine opère une nouvelle création et rend ainsi l'homme capable de répondre au don de Dieu, de coopérer avec la grâce. À ce propos, l'Église catholique prend acte avec satisfaction du n° 21, qui, en conformité avec le can. 4 du Décret sur la justification du Concile de Trente ( DS 1554), affirme que l'homme peut refuser la grâce ; toutefois, on devrait affirmer également qu'à cette liberté de refuser correspond aussi une nouvelle capacité d'adhérer à la volonté divine, capacité justement appelée cooperatio. Cette nouvelle capacité, donnée dans la nouvelle création, ne permet pas d'employer l'expression « mere passive » (n° 21). D'autre part, le fait que cette capacité a le caractère d'un don est très bien exprimé au chap. 5 ( DS 1525) du Décret de Trente, lorsqu'il dit : « ita ut tangente Deo cor hominis per Spiritus Sancti illuminationem, neque homo ipse nihil omnino agat, inspirationem illam recipiens, quippe qui illam et abicere postest, neque tamen sine gratia Dei movere se ad iustitiam coram illo libera sua voluntate possit ».
En réalité, même du côté luthérien, une pleine participation personnelle dans la foi est affirmée au n° 21 (« sein volles personales Beteiligung im Glauben »). Toutefois, une clarification sur la compatibilité de cette participation avec l'accueil de la justification « mere passive » serait nécessaire, afin de déterminer plus exactement le degré de coïncidence avec la doctrine catholique. Quant à la phrase finale du n° 24 : « le don divin de la grâce demeure, dans la justification, indépendant de la coopération humaine », elle doit être comprise dans le sens que les dons de grâce de Dieu ne dépendent pas des œuvres de l'homme, mais non dans le sens que la justification puisse se faire sans la coopération de l'homme. De manière analogue, la phrase du n° 19, selon laquelle la liberté de l'homme « n'est pas une liberté en vue de son salut », doit être reliée à l'impossibilité de l'homme d'accéder à la justification par ses propres forces.
L'Église catholique soutient également que les bonnes œuvres du justifié sont toujours fruit de la grâce. Mais en même temps, et sans rien ôter à l'initiative totalement divine (5), elles sont le fruit de l'homme justifié et transformé intérieurement. Aussi peut-on dire que la vie éternelle est à la fois une grâce et une récompense donnée par Dieu pour les bonnes œuvres et les mérites (6). Cette doctrine est la conséquence de la transformation intérieure de l'homme mentionnée au point 1 de cette « Note ». Ces éclaircissements aident à acquérir une juste compréhension, du point de vue catholique, du paragraphe 4.7 (numéros 37-39) sur les bonnes œuvres du justifié.
4. En continuant l'étude, il faudra également traiter la question du sacrement de pénitence, dont parle le n° 30 de la Déclaration commune. En effet, selon le Concile de Trente (7), par ce sacrement le pécheur peut être à nouveau justifié (rursus iustificari) ; ce qui implique la possibilité, au moyen de ce sacrement, distinct de celui du baptême, de récupérer la justice perdue (8). Ces aspects ne sont pas tous suffisamment soulignés au n° 30 mentionné ci-dessus.
5. Ces observations ont pour but de préciser l'enseignement de l'Église catholique concernant les points sur lesquels un accord total n'a pas été trouvé et de compléter quelques-uns des paragraphes qui exposent la doctrine catholique, pour mieux faire ressortir le degré de consensus auquel on est parvenu. Le haut degré d'accord réalisé ne permet pas encore d'affirmer que toutes les différences qui séparent les catholiques et les luthériens sur la doctrine de la justification, sont de simples questions d'accentuation ou de langage. Certaines d'entre elles portent sur des aspects de contenu et ne sont donc pas toutes réciproquement compatibles, contrairement à ce qui est affirmé au n° 40.
En outre, s'il est vrai que les condamnations du Concile de Trente ne s'appliquent plus aux vérités sur lesquelles un consensus a été réalisé, en revanche les divergences qui concernent d'autres points doivent encore être surmontées avant de pouvoir affirmer, comme il est dit de manière générique au n° 41, que ces points ne tombent plus sous les condamnations du Concile de Trente. Cela est vrai, en premier lieu, pour la doctrine sur le « simul iustus et peccator » (cf. n° 1, supra).
6. Enfin, il faut constater le caractère différent, du point de vue de la représentativité, des deux signataires qui ont paraphé cette Déclaration commune. L'Église catholique reconnaît l'effort considérable fait par la Fédération luthérienne mondiale pour parvenir au « magnus consensus » à travers la consultation des Synodes, afin de donner une vraie valeur ecclésiale à sa signature ; reste cependant la question de l'autorité réelle, aujourd'hui et même demain, d'un tel consensus synodal dans la vie et la doctrine de la communauté luthérienne.
7. L'Église catholique tient à confirmer qu'elle souhaite que cet important pas en avant vers un accord sur la doctrine de la justification soit suivi d'autres études en vue de clarifier de façon satisfaisante les divergences qui subsistent encore. En particulier, un approfondissement du fondement biblique qui constitue la base commune de la doctrine de la justification, tant pour les catholiques que pour les luthériens, serait souhaitable. Cet approfondissement devrait s'étendre au Nouveau Testament tout entier et non seulement aux textes pauliniens. En effet, s'il est vrai que saint Paul est l'auteur néotestamentaire qui a parlé le plus longuement sur ce sujet, ce qui requiert une certaine attention préférentielle, il ne manque pas de substantielles références à ce thème dans les autres textes du Nouveau Testament également. Quant aux diverses façons dont Paul décrit la nouvelle condition de l'homme, mentionnées dans la Déclaration commune, on pourrait y ajouter les catégories de la filiation et de l'hérédité (Ga 4, 4-7 ; Rm 8, 14-17). L'attention à tous ces éléments pourra être très utile à la compréhension mutuelle et pourra permettre de résoudre les divergences qui subsistent encore concernant la doctrine de la justification.
8. Enfin, la recherche d'un langage capable de rendre la doctrine de la justification plus compréhensible, également pour les hommes de notre temps, devrait être une préoccupation commune des luthériens et des catholiques. Les vérités fondamentales du salut offert par le Christ et accueilli par la foi, de la primauté de la grâce sur toute initiative humaine, du don de l'Esprit Saint qui nous rend aptes à vivre conformément à notre condition d'enfants de Dieu, etc., sont des aspects essentiels du message chrétien qui devraient éclairer les croyants de tous les temps. Cette Note, qui constitue la Réponse catholique officielle au texte de la Déclaration commune, a été élaborée de commun accord par la Congrégation pour la Doctrine de la foi et le Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, et est souscrite par le Président de ce Conseil pontifical, directement chargé du dialogue œcuménique.
Le 25 juin 1998. (*) Texte original italien. Traduction de la Salle de Presse du Saint-Siège. Titre de la DC. (1) Cf. Gemeinsame Erklärung, 4 : « Ein hohes Mass an gemeinsamer Ausrichtung und gemeisamem Urteil ». (2) Ibib., 5 : « Einen Konsens in Grundwahrheiten der Recht- fertigungslehre » (cf. 13 ; 40 ; 43). (3) Cf. Concile de Trente, Décret sur le péché originel (DS 1515).
3° Déclaration commune, texte rédigé le 16 juin 1998 et signé par l’Église catholique en la personne du Cardinal Edward Idris Cassidy, Président du Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, le 31 octobre 1999. http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/chrstuni/documents/rc_pc_chrstuni_doc_31101999_cath-luth-joint-declaration_fr.html | |
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