Il faut rétablir l'autorité
La question de l'enfant roi et des parents permissifs
Si mes ouvrages suscitent des réactions vives, c'est parce que je rappelle un ordre des choses dont on s'est éloigné. Alors que c'est précisément cet ordre des choses qui rend l'individu beaucoup plus solide. Ces réactions, je les retrouve dans tous les pays où je suis traduit puisque les sociétés européennes ont évolué sur le même modèle. Si mon livre se vend si bien, c'est parce qu'il fait reprendre confiance aux parents pleins de bonne volonté qui réalisent que leurs instincts en matière d'éducation sont les bons!
Le titre de votre livre, à lui tout seul, est une provocation. Il laisse entendre que les enfants d’aujourd’hui ne reçoivent plus d’éducation...
C’est la réalité. Les parents ne cherchent plus à éduquer leur enfant, mais à le séduire. Ils ont, comme d’ailleurs la société tout entière, versé dans une générosité excessive, un sentimentalisme débordant. Et une volonté louable d’effacer les inégalités, entre les sexes, entre les races. Mais on a confondu inégalités et différences. Le sort de l’enfant, dans ce mouvement, a été pensé comme inégal au sort de l’adulte et on a voulu supprimer cette différence, en commettant donc une erreur fondamentale : on est en effet passé de la verticalité de l’autorité parentale à l’horizontalité de la "démocratie" familiale.
Mais induire moins d’autoritarisme dans l’éducation, n'est-ce pas souhaitable ?
Il ne s’agit pas d’autoritarisme, mais d’autorité, ce qui n’a rien à voir. L’autoritarisme procède d'un caprice, l’autorité procède d'une volonté légitime. Ne confondons pas ! Et l’instauration d’une relation horizontale au sein de la famille (partant du principe que tous les membres sont égaux et que toutes les paroles se valent) ne nous fournit pas les moyens indispensables pour bloquer les pulsions de l’enfant. Or, ce dernier a absolument besoin, pour sa sécurité affective, son développement et sa tranquillité, que ses pulsions soient contenues. Lui laisser croire que tout lui est possible, c’est le laisser seul face à l'angoisse d’être submergé par ses pulsions.
Vous dites qu’il faut revenir au bon vieux "parce que c’est comme ça". Autrement dit, faut-il imposer sans expliquer ?
Parfois, oui. Il faut imposer sans expliquer... avant d’avoir été obéi. C’est là toute la différence avec une vision essentiellement autoritariste de l’éducation du XIXe siècle. L’autorité est une nécessité, elle procède de la loi de l’espèce, la loi fondamentale, celle de l’interdit de l’inceste. Et toute l’éducation en découle. En revanche, on explique après, si l’enfant le demande évidemment – ce qui n’est pas toujours le cas - une fois que l’ordre parental est observé. "Mets ton manteau". Lorsque c’est fait, on explique que ne pas le mettre expose par exemple à la maladie... mais pas avant ! D'autant qu'on risque de tomber dans la justification !
Et la punition ?
Il est fondamental, au cas où la détermination parentale est insuffisante, de produire un déplaisir qui vienne en quelque sorte armer la détermination. Ce n’est pas simple... c’est même parfois douloureux. Mais c’est salvateur. A condition que la punition soit proportionnelle, raisonnée et fondée.
Concrètement, pour les parents, comment s’en sortir dans la vie quotidienne ?
Ils doivent être solides. Ce n’est pas une question de force ni d’affrontement : ils doivent être sûrs d’eux dans leurs choix, dans leurs décisions et dans leurs demandes. C’est difficile, le mot d’ordre de nos sociétés étant "tu as droit à tout" ! Nous vivons dans un monde infantile dans lequel il faut introduire très tôt la frustration… Non, ce n’est pas un gros mot. Cette expérience, cette éducation-là est indispensable. La vie est faite de frustration, d’attente et on ne peut pas faire croire autre chose à nos enfants sans les mettre en grand danger pour leur vie d’adulte. Parfois, les parents doivent se mettre en position de ne pas être aimés, mais détestés et l’accepter, parce que cela fait partie aussi du développement de leur enfant. La séduction est destructrice. Un enfant à qui nos actes disent "tu peux tout avoir et tu as droit à tout", ne peut qu’exiger d’avoir ce tout !
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