Prêtre du Prado, qui a passé 40 ans en Iran et, à Paris depuis quelques années, anime le Centre St Jean qui discrètement regroupe des Iraniens, amis des chrétiens.
Chers amis,
Joyeuses fêtes de Pentecôte à tous !
Peut-être vous êtes vous demandés pourquoi aucune rencontre de l’Association ne s’est tenue après Pâques comme à l’habitude. La raison en est simple : Ramzi, notre évêque, ne pense venir qu’en Septembre. De plus deux amis reviendront eux aussi d’Iran à cette époque. J’ai donc proposé à notre Président d’attendre la fin de l’été pour qu’en une intéressante Assemblée, nous puissions profiter de nouvelles toutes fraiches de l’Iran, de son évolution et des amis qui y demeurent et continuent à témoigner de l’Evangile.
Pourtant, je désire ne pas vous laisser partir en vacances – ce que je souhaite pour chacun – sans vous envoyer un signe d’amitié et de Vie. Or la Vie bouillonne parmi les iraniens émigrés autour de nous. Outre un converti devenu séminariste en Allemagne et un autre en Suède, en ce qui concerne le Centre St Jean et son avenir qui pourrait poser question, voici que trois convertis se proposent de se donner totalement au service des iraniens et de témoigner par toute leur vie. Il s’agit de deux séminaristes que vous connaissez quelque peu, Timothée qui sera sans doute ordonner l’année prochaine et Simon qui vient de se décider à demander de devenir prêtre après deux ans d’initiation à la théologie. Mais il en est un troisième que vous connaissez moins, Mohsen, qui collabore depuis quatre ans au travail du Centre et m’écrivait ceci il y a un mois :
<< En prière, je me suis décidé à servir le Centre et l’Eglise d’Iran toute ma vie,et à être disponible à tout appel correspondant à mes capacités. Quand j’aurai atteint votre âge, je souhaite me sentir comblé de ma vie passée et, comme vous, de trouver ma joie dans ce service du Christ et des croyants iraniens… J’espère que l’Esprit Saint ne m’abandonnera pas et, comme toujours, dans chaque tempête, il fera taire la peur en moi…>>
Mais qui est Mohsen et comment a-t-il été conduit à prendre cette décision ?
Voici son témoignage :
<< Au nom de Dieu !
Je m’appelle Mohsen FADAEE, j’ai trente huit ans. En l’an 2000, j’ai obtenu le diplôme d’architecte dans une université d’Iran.
Mais dès l’âge de treize ans, une première touche de la grâce, un premier contact avec le Christ est survenu de façon inopinée car ma famille était musulmane. Mon oncle a fait un grave accident de voiture au cours duquel un homme est mort. C’était un chrétien. Trois jours après, mon oncle était en prison et la famille endeuillée nous a accueillis à l’église pour les funérailles. Nous nous attendions à une rencontre très tendue avec éventuellement des coups dangereux de vengeance, comme souvent en de telles occasions… Mais ils nous ont simplement expliqué ceci : « Notre frère est aujourd’hui dans le maison du Père. Pour nous, chrétiens, le pardon est un acte important. »
Au cours des années, cette surprise m’est restée au fond du cœur comme une question quelque peu troublante… Mais je continuais mes années de jeunes musulmans conformément aux traditions familiales.
Avec mon diplôme d’architecte, j’ai fait mon service militaire à la section d’ingénierie de la police et, en 2002, j’ai commencé à travailler dans une entreprise pour le métro de Téhéran. Un an plus tard, le projet était déjà terminé. A la suite d’une autre proposition, j’ai été retenu comme architecte dans la section d’ingénierie de la police : je me suis retrouvé officier chargé d’établir des plans pour divers bâtiments !
Entre temps, je me suis marié avec Miad et ma fille. Sarina est née en 2007.
Après rois années au service de la section d’ingénierie, je fus transféré dans un commissariat de quartier : c’est là que Dieu m’attendait pour me rappeler cet ancien accident de voiture et ce premier contact avec des chrétiens. C’était en Mai 2008, à 21 heures. Je suis envoyé rue Bahar à Téhéran : un rapport de police signale une « église de maison » qui rassemble des convertis, « renégats de l’Islam ». Une première patrouille est intervenue et a découvert un groupe de quelque dix-huit personnes, hommes, femmes et jeunes filles. Certains cherchent à s’enfuir et notre seconde équipe d’intervention devait faire feu sur les fuyards. Mais pour quelle raison ? Ces gens étaient en train de prier ! Je n’ai pas obéi à l’ordre de tirer et certains ont pu nous échapper.
Après les arrestations, j’ai inspecté les lieux : il s’agissait d’une très simple « église de maison » où je découvre de nombreux livres ? J’en prends un au hasard : l’Evangile en persan ! Aujourd’hui - quinze ans après, - je l’ai encore dans ma chambre… J’étais bouleversé. J’ai refusé d’accompagner comme il se doit au commissariat les personnes arrêtées. C’est moi qui, au commissariat, fut enfermé pendant deux jours, interrogé et battu pour avoir désobéi. Ensuite, libéré provisoirement je me suis rendu directement chez moi pour lire. J’étais impatient de savoir pourquoi ces chrétiens prenaient le risque de se réunir ainsi secrètement la nuit. Et j’ai découvert que le chemin des chrétiens c’était la souffrance et l’amour. Comme Jésus-Christ mort pour nous.
Dès lors, ce message va bousculer toute ma vie. Pendant ce temps mon dossier fut envoyé au tribunal militaire… Pendant deux ans je fus sous surveillance, interrogé sans cesse et ma famille fut inquiétée. Entre autres difficultés ma jeune sœur chassée de l’université.. J’ai donc essayé de m’enfuir en févier 2011 mais je fus arrêté à l’aéroport et emprisonné pendant sept mois. Puis le tribunal révolutionnaire me condamna à cinq ans d’exil surveillé dans un petit village et à cinq ans de prison avec sursis.
Apprenant que cet exil dans un désert isolé de tout était un moyen de me faire disparaître définitivement, j’ai contacté un ami qui organisa le départ de ma famille vers la frontière de Turqie où je l’ai retrouvée. Traversant les montagnes, nous avons voyagé jusqu’à Istanbul d’où nous avons embarqué pour la Grèce dans une esquif pouvant transporter huit personnes. Mais nous avons embarqué avec vingt cinq autres émigrés, avec pendant la traversée, de l’eau jusqu’aux genoux.
Bref, nous nous sommes retrouvés en France avec deux faux passeports en France à Amiens en Octobre 2011. Là, nous avons commencé de multiples démarches administratives qui ne sont pas encore terminées…
Quelques mois notre arrivée, je faisais la connaissance avec une communauté de religieuses du Sacré Cœur qui habitaient le même immeuble : Sœur Brigitte, sœur Monique, sœur Claire. Aussitôt, je demandais à Sœur Brigitte comment rencontrer des chrétiens. Bien mieux comment puis-je devenir chrétien ? Fort bien conseillé, j’ai commencé ma formation chrétienne en Septembre 2012 et reçu je Baptême le 23 Décembre 2013 en la paroisse St François d’Assise à Amiens.
Oui, à première vue, ce parcours m’étonne moi-même : pendant des jours j’ai travaillé au service du Régime Islamique qui se bat contre toute conversion au Christ. Aujourd’hui j’ai reçu le baptême, j’habite avec ma famille dans un presbytère et je prépare la Messe de la paroisse, j’accueille les fidèles, j’ouvre les portes de l’église, je fais la lecture des textes de l’Ecriture, je porte le grand cierge en procession à la Vigile pascale… Je me suis engagé à servir Jésus dans son Église jusqu’à la mort. Et je vis dans la joie d’une communion à Dieu, ma Lumière qui m’a libéré des l’obscurité. J’ai découvert que la religion n’était pas un ensemble d’obligations et que je ne devais pas avoir peur de Dieu…
Un texte de l’Évangile de Saint Jean m’interpelle particulièrement ((10/16) :
« J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie. Celles-là aussi il faut que je les conduise : elles écouteront ma voix… »
Oui, je fus une brebis égarée. Mais beaucoup d’autres cherchent, dans mon pays et Jésus les appelle. Que faire pour les aider à trouver le chemin ?
Sœur Brigitte m’a mis en contact avec le Père Pierre Humblot et l’équipe des convertis du Centre St Jean. Ma connaissance de Jésus s’affermit et je me suis mis à collaborer au travail pour répondre aux multiples appels de nombreux jeunes iraniens en recherche. Mais j’ai ressenti le besoin de me préparer à mieux servir et le Père Pierre m’a mis en contact avec les Pères Dominicains qui animent une formation très sérieuse menant à la licence et au doctorat en théologie grâce à l’internet. Avec l’approbation de mon évêque, je me suis inscrit à ce cycle de formation en Septembre 2016. Ce fut difficile au début car la langue française garde pour moi quelques difficultés, surtout dans le domaine de la théologie. Mais, avec le soutien permanent de Sœur Brigitte et du Père Pierre, je persévère dans cette étude dont le cycle s’étale de tris à six ans.
Ma vie est donc bien remplie, avec ces études, le travail à la paroisse, la collaboration avec le Centre St Jean qui m’aide à vivre et ma recherche d’un travail professionnel, ce qui suppose un recyclage et la préparation à de sérieux examens.
Malgré bien des soucis, je suis heureux, très heureux et chaque matin au réveil, je parle avec mon Dieu, avec Jésus dans ma langue maternelle Je crois et j’ai confiance. Mon épouse est bien d’accord avec ma décision de servir l’Eglise. Elle aussi après mûre réflexion, a suivi ce chemin et a reçu le Baptême le 16 Avril dernier, en la fête de Pâques, alors que ma fille fut baptisée en Juin 2013..
Voici une prière de Saint Augustin que je dis volontiers :
« Seigneur, tard je t’ai aimé…
Beauté si ancienne et toujours nouvelle,
tard je T’ai aimée !
Tu étais au dedans de moi,
mais moi, j’étais au dehors…
Tu m’as appelé, tu as crié,
Tu as brillé, Tu as resplendi… »
ALLELUIA ! >>
Donc quelle est la vocation de Mohsen ? Une orientation très claire : toujours au service des iraniens et en langue persane : pour le moment, il envisage de rester laïc consacré à cet apostolat, libre ainsi de collaborer avec nous en Europe. Aujourd’hui, l’essentiel c’est ce que Dieu lui fait vivre au quotidien.
Oui, Alleluia !
Pierre
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