Télégramme (22) : Un chercheur et les OGM. Au rivage de l'irréversible
Date: Wed, 27 Sep 2006 08:46:17 +0200
Un chercheur et les OGM. Au rivage de l'irréversible. Gilles-Eric Seralini, professeur de biologie moléculaire, expert à Bruxelles dans le dossier qui oppose l'Europe aux Etats-Unis, sur les organismes génétiquement modifiés (OGM), était, hier, l'un des invités du conseil général des Côtes-d'Armor, chargé d'éclairer l'avenir de l'agriculture costarmoricaine à l'horizon 2020. Ses propos font froid dans le dos.
Nous serions arrivés aux limites de l'environnement ? Tout occupés à développer la croissance, depuis 50 ans, on n'a jamais autant modifié les écosystèmes, pollué nos milieux de vie ni tué d'espèces. Les ressources en eau douce ont diminué considérablement. On a gagné en espérance de vie qui, toutefois, commence à baisser aux USA, depuis trois ans - mais, dans le même temps, on épuise les ressources naturelles et on néglige les effets des pollutions chimiques.
Quel est l'ampleur du phénomène ? Les indicateurs sont au rouge : 50 polluants ont été trouvés dans le sang des députés européens. On trouve des résidus de gaz de moteurs dans les gènes des fotus; le sperme diminue chez les humains et les malformations sexuelles sont en hausse. On doit aussi faire face à la flambée des cancers, dont 80 % ont une origine environnementale.
Les OGM constituent-ils une menace supplémentaire ? Ce serait une catastrophe pour la diversité des espèces, qui est une nécessité vitale. Avec les OGM, c'est le pouvoir alimentaire mondial qui s'instaure avec des risques de pollution généralisée mais aussi de conflit. Quant à l'impact sur la santé, on a découvert, avec effarement, que les meilleurs tests sur les mammifères ne durent que trois mois, sans cahier des charges ! Pour un médicament ou un pesticide, il faut deux ans de laboratoire. Le plus révoltant est que ces tests ont démontré des effets significatifs (sur le foie et les reins) et que les sociétés ont inventé le postulat selon lequel ces effets n'auraient aucune conséquence sur la santé ! Ce serait une erreur écologique, sociale et historique de ne pas ouvrir le débat sur ces modifications du patrimoine génétique de l'Humanité.
N'y aurait-il pas des utilisations positives des OGM ? Depuis dix ans, ils ne sont utilisés que pour permettre à des plantes (colza, soja) de supporter la présence de désherbants. Le reste - fabriquer des aliments idéaux riches en vitamines - n'est que de la publicité. De toute façon, maîtriser plus d'un gène, on ne sait pas faire. Si l'on veut mieux nourrir l'Humanité, il existe la diététique, l'hybridation classique ou la possibilité de réintroduire des semences anciennes, riches en vitamines et oligo-éléments, abandonnées parce que d'un rendement moindre. La situation est-elle irréversible ? Les OGM ne représentent que 6 % de l'agriculture mondiale (soja et maïs à 84 %) et à 98 % sur le soaméricain où il n'y a ni étiquetage ni études. On est au rivage de l'irréversible mais nous ne l'avons pas encore franchi.
Que demandez-vous aux pouvoirs publics ? Des laboratoires de recherche indépendants et des normes. Il suffit d'un simple cahier des charges pour que les OGM ne soient plus rentables.
Propos recueillis par Hervé Queillé
Hier, devant les conseillers généraux du département, Gillles-Eric Seralini a dénoncé l'impact de la pollution et des OGM sur la santé humaine.