Dans l’avion du retour, le pape s’explique sur son discours économique
Dans le vol retour d’Amérique latine, lundi 13 juillet, le pape François a justifié sa proximité avec les mouvements populaires : « J’ai appliqué la doctrine sociale de l’Église à leur situation ».
Interrogé sur son discours devant les mouvements populaires, qui a marqué son voyage en Amérique latine, le pape François s’est expliqué devant la presse durant le vol retour d’Asuncion (Paraguay) à Rome, lundi 13 juillet. « Ce n’était pas la première mais la deuxième (intervention devant eux) », a-t-il rappelé, en référence à son premier discours devant ces mouvements le 28 octobre au Vatican.
« Je suis très près d’eux parce que c’est un phénomène dans le monde entier », a-t-il fait valoir énumérant divers pays. « Ce sont des mouvements qui s’organisent entre eux pas seulement pour protester mais pour aller de l’avant et vivre. Ce sont des mouvements qui ont une force. Ils sont nombreux mais ne se sentent pas représentés par les syndicats qui, pour eux, ne défendent pas les droits des pauvres. »
« PAS UNE VOIE ANARCHIQUE »
« L’Église ne peut pas être indifférente (à ces mouvements). Elle a une doctrine sociale et dialogue avec ces mouvements », a-t-il poursuivi : « L’Église ne fait pas le choix de la voie anarchique. Ce ne sont pas anarchistes, ces travailleurs œuvrent avec les exclus ».
« Ce n’est pas une main tendue à un ennemi, ce n’est pas un geste politique mais catéchétique », a-t-il encore justifié : « Si vous lisez ce que j’ai dit dans ce discours, c’est un résumé de la doctrine sociale de l’Église appliquée à leur situation. Je le fais aussi avec le monde de l’entreprise ». À la question si le reste de l’Église le suivra, il répond : « C’est moi qui suit l’Église. Je prêche simplement la doctrine sociale de l’Église. »
Conscient de « quelques critiques dans certaines parties des États-Unis » sur ses prises de position économiques, le pape n’a pas voulu riposter. « Chaque critique doit être reçue et étudiée puis il faut dialoguer », a-t-il indiqué. « Ce que j’ai dit (à Santa Cruz) n’est pas nouveau », s’est-il défendu, rappelant qu’il avait déjà exprimé que « l’économie tue » dans son exhortation Evangelii gaudium puis dans l’encyclique Laudato si’.
Le pape a aussi mis en garde plusieurs fois la presse contre le danger de sortir une phrase de son contexte.
GRÈCE : PAS LA FAUTE QUE D’UN BORD OU DE L’AUTRE
Alors que son discours critique les politiques d’austérité, le pape a aussi été interpellé sur le cas de la Grèce. « Ce serait simple de dire ‘la faute est seulement de ce bord’! Les gouvernements grecs, qui ont créé cette situation de dette internationale, ont leur responsabilité », a-t-il répondu, estimant aussi nécessaire « une voie de surveillance pour ne pas recréer le même problème dans d’autres pays et que cela aide à aller de l’avant car ces histoires de créances et de débits ne finissent jamais ».
À un journaliste qui lui demandait si en opposant pauvres et riches, il n’oubliait pas les classes moyennes, le pape a répondu humblement : « Vous avez raison. Belle correction. Merci beaucoup. Je crois que je dois approfondir ce point dans le magistère ». « Ce n’est pas pour me justifier mais le monde est polarisé », a-t-il toutefois souligné : « La classe moyenne se réduit, la polarisation entre riches et pauvres est grande. »
« LA FRANCE A UNE BELLE POLITIQUE POUR AIDER LES FAMILLES »
Impressionné par « la grande jeunesse de l’Église d’Amérique latine », les familles entières qui se pressaient pour le saluer, le pape a estimé : « C’est une leçon pour l’Europe ». Déplorant les bas taux de natalité sur le Vieux continent, il a salué l’exception française avec deux enfants par femme. « Il faut des politiques pour aider les familles nombreuses, la France a une belle politique pour les aider. »
Hormis l’économie sociale, le pape a répondu aux questions de la presse sur divers aspects de son voyage. Questionné sur sa capacité à tenir physiquement durant ces huit jours au programme dense, il a plaisanté : « Vous me demandez quelle est votre drogue ? » « Le maté (NDLR : boisson argentine) m’a aidé. Je n’ai pas mâché de la coca, que ce soit clair », a-t-il précisé.
À propos de la controverse sur le cadeau d’un crucifix avec le Christ sur un marteau et une faucille, que lui a offert le président bolivien, Evo Morales, il a reconnu que l’objet était « curieux ». « Je ne connaissais pas. Ce fut pour moi une surprise », a-t-il dit, voyant dans la sculpture un « art de la protestation » à resituer dans son contexte.
La presse bolivienne a voulu savoir s’il serait prêt à faire une médiation entre le Chili et leur pays afin que ce dernier ait un accès à la mer, un contentieux évoqué durant sa visite. « La médiation est une chose très délicate », a-t-il répondu, rappelant les conditions de celle que le Saint-Siège avait faite entre l’Argentine et le Chili sous Jean-Paul II. « Il existe d’autres moyens diplomatiques qui aident. En ce moment, je dois être respectueux du fait que Bolivie a fait recours à un tribunal international. »
CUBA ET ÉTATS-UNIS : « LE MÉRITE, C’EST EUX »
Il n’envisage pas non plus de médiation vaticane ou des évêques pour les conflits en Colombie et au Venezuela, tout en restant « disposé à aider » sur ces sujets qui le préoccupent.
Interrogé sur son rôle entre Cuba et les États-Unis, il a minimisé : « Je n’ai pas fait de médiation entre les États-Unis et Cuba (..) J’ai prié pour cela ». Le rapprochement s’est réalisé « avec la bonne volonté des deux pays. Le mérite, c’est eux. On n’a presque rien fait, de petites choses. »
À la presse du Paraguay qui lui demandait pourquoi leur pays n’avait jamais eu de cardinal, le pape a rassuré : « Ne pas avoir de cardinal n’est pas un péché. La majorité des pays dans le monde n’en ont pas. » Et de rappeler comment « il y a des évêques qui ont fait l’histoire du Paraguay sans être cardinaux »
Recueilli par Sébastien Maillard (à bord du vol papal)
http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Dans-l-avion-du-retour-le-pape-s-explique-sur-son-discours-economique-2015-07-13-1334138