Les catholiques doivent-ils suivre l'enseignement du pape et des évêques sans le remettre en question ou bien doivent-ils le critiquer, voire s'en éloigner s'ils l'estiment erroné ?
Question classique dont ont débattu récemment quelques blogueurs catholiques par billets interposés.
Tout est parti d'un premier billet publié par la blogueuse Marietropique sur Cahiers Libres. Elle y exposait le tiraillement ressenti entre l'enseignement de l'Eglise et l'expérience humaine sur les questions de morale, notamment sexuelle. « Cette tension se vit de manière tout particulière dans le domaine moral, où l’on a parfois l’impression de devoir tenir sur une ligne de crête infiniment fragile. Le magistère de l’Église, dépositaire du message du Christ, nous propose une voie à la fois contradictoire aux sirènes du siècle et à nos tripes. » Elle concluait : « Si l’Église est notre mère, elle sait ce qui est bon pour nous, même si les rebellions adolescentes sont tentantes. L’Esprit-Saint ne peut l’abandonner, au-delà des erreurs des pécheurs de ceux qui la constituent. La troisième corde, c’est s’efforcer de comprendre le plus sincèrement et le plus profondément possible ce que l’Église nous propose. Qui a lu par exemple entièrement la théologie du corps avant d’aller décréter que l’Église ne connaît rien au sexe ? »
Sur son blog Aigreurs administratives, le blogueur Darth Manu répondait avec un témoignage plus personnel intitulé « Pourquoi je suis resté catholique ». Il explique pourquoi il reste attaché à l'Eglise catholique malgré des désaccords avec sa doctrine. Sur la magistère, il rappelle que « les mères font aussi des erreurs de jugement, peuvent aussi être étouffantes ou aveuglées par des souvenirs d'une autre génération que la nôtre, et nous sommes nombreux à avoir atteint notre majorité, et surtout, à connaitre au moins un peu l'histoire de l'Église. Elle s'est trompée (…) et l'a reconnu à plusieurs reprises... (...)Si elle s'est trompée, comment soutenir qu'elle ne peut pas se tromper, qu'elle connait forcément mieux que nous, alors qu'elle nous voit de loin et de l'extérieur, ce qui est bon pour nous? Confiance n'est pas déni, et n'est pas un argument contre la critique justifiée. »
Par ailleurs, estime Darth Manu « dans le cas d'un conflit entre conscience et obéissance, par exemple mon désaccord avec le Magistère catholique concernant l'homosexualité, c'est la conscience qui est première, et non l'obéissance, et c'est donc celle-ci que le contradicteur catholique fidèle à l'enseignement de l'Eglise doit tenter d'éclairer, plutôt que d'en appeler sans cesse, et quel que soit le ton, à la seconde. »
Le bloggeur Skro soutient, lui, une ligne médiane. « Quelque part entre les deux, dans une position que je qualifierais d’ « obéissance critique ». Je suis très attaché à cette vision de l’Eglise « mater et magistra », aussi vais-je avoir tendance à prendre ses préceptes de façon positive, tout en en creusant les fondements pour les éprouver, et en sachant que l’Eglise n’impose pas grand-chose pour croire à part le Credo et une grosse demi-douzaine de dogmes. Le reste, ce sont des lois ou des positions morales qui peuvent être débattues et modifiées… »
Sur Cahiers Libres encore, Fol Bavard rappelle : « L’Eglise ne demande pas d’obéir sans discuter, car le Canon 212 comporte deux autres paragraphes. Canon 212 § 2. Les fidèles ont la liberté de faire connaître aux Pasteurs de l’Église leurs besoins surtout spirituels, ainsi que leurs souhaits. L’Eglise laisse à ses fidèles la possibilité de faire remonter leurs soucis concrets, pour que les pasteurs en tiennent compte. Le récent synode sur la famille en est l’expression. Donc quand un besoin se fait sentir, il faut l’exprimer, mais tenir compte ne veut pas dire obtempérer. »
Et de conclure : « Dire “Ta Gueule, c’est le Magistère” ou tout autre variante de cet impératif, c’est être à côté de la plaque. C’est très tentant parfois, quand le débat s’enlise et que les arguments s’épuisent. Mais s’ils s’épuisent, c’est que le sujet doit être approfondi par celui qui parle d’abord, et par l’Église ensuite, si le besoin se fait sentir. Mais l’Église ne peut le faire seule. (...)Tout le monde n’est pas appelé à faire une nouvelle réforme grégorienne, pour autant, on peut tous, à notre niveau, tenter de réfléchir pour réformer nos vies. Si on croit que chaque chrétien est une partie de l’Église, par capillarité, réformer sa vie c’est aussi faire du bien à l’Église. (...) Et si le besoin d’innover se fait sentir, peut-être prendre le risque d’essayer, de tomber, de demander pardon et de se laisser relever pour porter du fruit. »
« Oui, ta gueule, c’est le Magistère » lui répond ironiquement le bloggeur PEG. « Croyez-moi, j’y crois, à la liberté de conscience, au débat, à la discussion, tout-ça tout-ça. Vraiment. Mais parfois, parfois, ça me ferait tant plaisir, ça me soulagerait tant, que nous tous (moi y compris!) nous faisons au moins semblant de croire ce que nous sommes censés croire en tant que catholiques: que l’Eglise n’est pas simplement une institution humaine, mais divine, dont les organes officiels (donc le Magistère) sont habilités par le Christ lui-même, Dieu fait homme, à enseigner sa vérité. (…) Et que donc, parfois, parfois, parfois, l’un ou l’autre soit capable d’entendre un “Ta gueule, c’est le Magistère” et de répondre tout simplement, voire même de le penser, “Oui, c’est vrai, tu as raison, merci.”»
La Vie