- Le moine a écrit:
Caïphe condamne à mort JÉSUS, car Il c'est fait l'égal de DIEU
Un point reste hors de conteste : Jésus de Nazareth a été condamné par un préfet romain à être crucifié pour le motif politique qu'il a prétendu être le "roi des juifs".
Mais un problème demeure : quel rôle a joué le Sanhédrin (ou les autorités juives) dans les derniers événements qui ont amené la crucifixion de Jésus ?
À cela s'ajoute un problème secondaire : la responsabilité de cette crucifixion incombe-t-elle à toute la nation juive de cette époque et même à toutes les générations juives subséquentes ?
On doit reconnaître que cette idée pourrait s'autoriser dans une certaine mesure :
- de généralisations sur les Juifs que l'on trouve parfois dans le Nouveau Testament (encore que Jean valorise toujours Israël en tant que peuple, et Moïse) ;
1 Th 2,14-16 …ces gens-là ont mis à mort le Seigneur Jésus et les prophètes, ils ne plaisent pas à Dieu, ils sont ennemis de tous les hommes quand ils nous empêchent de prêcher aux païens pour leur salut.
À vrai dire, dans ces textes, l'hostilité venait d'une polémique Synagogue/Église ; mais souvent, si les chrétiens ont espéré éveiller un sentiment de culpabilité chez les Juifs, c'était pour amorcer une conversion.
En fin de compte, ce ne serait pas une solution que de couper les passages difficiles, ou de dire que les auteurs du NT n'ont pas pensé ce qu'ils disaient. La solution est de lire les textes dans le contexte de l'époque, et de toute façon, c'est plus un problème théologique qu'historique,
Les motivations juives (mélange de motivations politiques et religieuses)1. Jn 11,47-53 donne la description d'une séance du Sanhédrin qui contient plus d'un élément intéressant pour comprendre les motivations des chefs juifs. Le Sanhédrin craint le prestige de Jésus sur les masses ; un mouvement lancé par lui pourrait amener une réaction romaine non seulement locale, contre le temple de Jérusalem, mais au niveau du pays tout entier.
On peut supposer que ce motif a effectivement joué dans la décision de collaborer avec les Romains pour l'arrestation de Jésus.
2. Selon beaucoup d'auteurs chrétiens, tous les responsables juifs étaient conscients que Jésus n'était pas vraiment un révolutionnaire en puissance, et que leur grief politique n'était qu'un rideau de fumée pour marquer leur antipathie religieuse contre Jésus.
Mais la situation n'est pas si simple. Act 5,33-39 présente Gamaliel, l'un des leaders du Sanhédrin, comme un honnête homme au jugement droit, cherchant la volonté de Dieu. Or ce même Gamaliel croit possible que le mouvement chrétien soit un mouvement révolutionnaire analogue à ceux de Theudas et de Judas le Galiléen. Ce discours des Actes, même s'il n'est pas nécessairement historique, peut refléter correctement les doutes que beaucoup avaient au sujet de Jésus.
3. En tout cas, aux ordres des Romains et peut-être avec l'aide de troupes romaines, les chefs des prêtres du Sanhédrin peuvent fort bien avoir arrêté Jésus dans un endroit solitaire de peur qu'il ne provoque un soulèvement dans les foules rassemblées à Jérusalem.
4. Apparemment la troupe envoyée pour l'arrestation était bien armée et craignait des troubles. En fait un seul des partisans de Jésus s'est défendu.
5. Jésus s'aperçut qu'on l'arrêtait comme révolutionnaire, et il protesta : rien dans son comportement n'autorisait à le traiter ainsi comme un bandit de guérilla (lèstès, Mc 14,48).
6. On ne peut dire dans quelle mesure exactement l'interrogatoire (ou les interrogatoires) par les Juifs, sont historiques, mais ils consistent tous en questions religieuses qui ont des harmoniques politiques, cherchant à sonder la position révolutionnaire ou non de Jésus.
- Jn 18,19 : la question de Hanne insinue peut-être que Jésus est subversif.
- Mc 14,58 et Mt 26,61 : détruire le temple eût été un acte révolutionnaire. Que la question ait été ou non posée lors de l'interrogatoire, c'est un fait que Jésus avait parlé dans ce sens.
- les 3 synoptiques : le grand prêtre demande à Jésus s'il est le Messie (= le roi davidique, le libérateur).
Là encore, souvent les auteurs chrétiens supposent que les autorités juives comprenaient que Jésus parlait au figuré de la destruction du temple et prônait un messianisme non politique ; mais cela est assez improbable, car, d'après les données du Nouveau Testament, même les disciples de Jésus ont mis bien du temps à comprendre les paroles de Jésus dans un sens figuré.
Donc en livrant aux Romains Jésus comme le prétendu "roi des Juifs", les autorités juives, ou au moins certains de ces hommes, ont pu penser sincèrement que Jésus et son mouvement étaient politiquement dangereux.
les motivations de Pilate1.Les sources non chrétiennes (juives et romaines) ne sont pas tendres pour lui.
2.Il y avait collusion entre Caïphe et les Romains. En effet Caïphe a tenu la charge de 18 à 37 : le plus long pontificat depuis l'accession d'Hérode le Grand jusqu'à la chute de Jérusalem (environ 100 ans), et dix de ces années avec Ponce Pilate comme procurateur. Ce qui suppose qu'ils ont su … travailler ensemble ! D'ailleurs, dès que Pilate a été révoqué, Caïphe a été déposé également
3.La durée du mandat de Pilate a été marquée par des flambées de nationalisme juif ; Pilate avait donc toutes raisons d'être sensible aux prétentions d'un "roi des Juifs".
4.Selon Josèphe (Ant.Jud. XVII, X,8) la Judée foisonnait de guerilleros (lèstai). N'importe qui pouvait se proclamer roi à la tête d'une bande de rebelles, et amener des représailles sur toute la nation.
5.Jésus était galiléen, et Pilate avait eu des troubles avec les Galiléens (Lc 13,1).
6.Les prophéties apocalyptiques de Jésus contenaient des références à des guerres imminentes.
7.Parmi les disciples il y avait un zélote (=révolutionnaire), Lc 6,15.
8.L'entrée de Jésus à Jérusalem avant la Pâque avait fait sensation ; beaucoup de gens l'avaient acclamé roi.
9. À l'approche de la Pâque, Jésus était une source possible de troubles dans la cité surpeuplée, qui avait connu récemment une insurrection et où les prisons étaient remplies de lèstai (bandits, guerilleros, Mc 15,7; Lc 23,19).
10.Certains partisans de Jésus portaient des armes en cas de troubles (Lc 22,38; Mt 26,51; Jn 18,10).
Même si ces détails n'ont pas tous la même valeur historique, quelques-uns suffiraient à expliquer pourquoi Pilate ne voulait pas prendre de risques, et pourquoi il pouvait faire pression sur les Juifs pour arrêter Jésus avant la fête.
Cela ne signifie pas que Pilate avait l'intention de crucifier Jésus ; il voulait seulement avoir des informations sur les intentions et les prétentions de Jésus, afin de l'écarter de la route durant une période explosive ("internement préventif").