Jérôme Lejeune, une vie dédiée à la vie
Aboutissement de l'enquête diocésaine
Antonio M. Battro
ROME, vendredi 6 avril 2012 (ZENIT.org) – Dans ce témoignage sur le Prof. Jérôme Lejeune (1926-1994), Antonio M. Battro MD, PhD, membre de l’Académie pontificale des Sciences et de l’Academia Nacional de Educación, d’Argentine, rend hommage au savant, ami de Jean-Paul II, alors que la cérémonie de clôture de l’enquête diocésaine pour sa cause de béatification et canonisation aura lieu à Paris mercredi prochain, 11 avril (cf. article ci-dessous).
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Médecin des corps, médecin des coeurs
Savant, Jérôme Lejeune a ouvert un nouveau champ dans la génétique des "maladies de l’intelligence" comme il les appelait. Sa découverte en 1958, avec Marthe Gautier et Raymond Turpin, de la trisomie 21, un chromosome en plus qui est la cause du syndrome de Down, a lancé une nouvelle discipline médicale dont il est devenu une autorité incontestable.
Médecin, Lejeune était un modèle de sagesse et de douceur, de rigueur et de piété et ses consultations à l’Hôpital des Enfants Malades à Paris étaient célèbres. Pour l'enfant malade et sa famille le médecin devenait un ange lumineux. Pour ses collègues et étudiants sa consultation était une sorte de dialogue socratique, un contrepoint des questions et des réponses pertinentes mené avec le plus grand respect. Ces milliers de consultations de petits malades venant du monde entier sont un véritable monument de la médecine du XXe siècle.
Il voyait toujours plus loin
Visionnaire, il voyait toujours plus loin. Il imaginait même que sa Chaire à la Faculté serait un jour occupée par un médecin, guéri d’une maladie chromosomique. Nous sommes encore très loin de cela mais les récentes recherches avec des traitements génétiques offrent déjà quelques espoirs pour améliorer les conditions des malades X-fragiles. Le rêve de Jérôme Lejeune est partagé par de prestigieux experts.
Un jour, au milieu du congrès du Conseil Œcuménique des Eglises qui se passait au Massachusetts Institute of Technology (MIT) où j’ai connu Jérôme en tant que membre de la délégation des observateurs du Vatican, je lui demande de venir voir ce qui se passait au Laboratoire d’Intelligence Artificielle où un jeune paralysé cérébral avait pu programmer un ordinateur. Nous arrivions juste pour parler avec son assistant et constater qu’un nouveau monde de possibilités venait de s’ouvrir pour les personnes handicapées. Jérôme m’invita à Paris pour tenter d’introduire cette technologie avec des enfants malades, ce que j’ai fait avec quelques enfants trisomiques et X-fragile au commencement des années 80. La suite est connue. Tous les ordinateurs maintenant sont accessibles aux personnes handicapées ce qui leur donne des possibilités d’éducation et de travail inimaginables à l’époque.
Science et amitié
La science se base sur la confiance et la générosité. Malgré les nombreux cas de rupture, par envie, ignorance ou idéologie, de ce délicat treillis d’amitié qui nous permet de poursuivre en groupe une recherche sur plusieurs années sur un sujet précis, l’énorme édifice des sciences est bien le résultat d’un effort collectif permanent et parfois aussi héroïque. Poursuivre un idéal comme l’a fait Jérôme Lejeune pendant des décennies, signifie un combat constant, parfois héroïque qu’il est impossible de mener en solitaire mais qui exige la participation de plusieurs. Surtout quand il s’agit de la vie naissante en péril. Jean-Paul II avait bien compris cette exigence quand il invita Lejeune pour devenir le premier président de l’Académie Pontificale pour la Vie, peu avant sa mort un jour de Pâques...
Porté par les deux ailes de la vérité
Fides et Ratio, la Foi et la Raison sont comme les deux ailes que nous permettent de poursuivre la vérité. Ce merveilleux document de Jean-Paul II éclaire la vie d’un savant chrétien, comme Jérôme Lejeune. Son témoignage infatigable comme "diacre de la vérité" a illuminé la vie d’innombrables familles dans les plus diverses cultures et pays. La lumière qui est le premier don de Dieu, Fiat Lux, se transforme en lumière spirituelle par les dons de l’Esprit. Jérôme Lejeune avait reçu ce don de la lumière dans les plus variés aspects de sa vie. Il n’a jamais gardé ces dons pour lui mais il les a repartis généreusement autour de lui en commençant par ses petits malades.
Sa devise était la parole de Jésus: "Ce que vous avez fait aux plus petits d’entre les miens, c'est à moi que vous l’avez fait". C’est à nous maintenant de suivre son exemple.
http://www.zenit.org/article-30563?l=french