Crise de la dette : "Il faudra briser la politique de change de la Chine" La crise conjointe des finances
publiques des pays occidentaux est due, selon Antoine Brunet, à la
stratégie de déstabilisation de la Chine à travers sa politique de
change non coopérative depuis 1989 comme à travers son appartenance à
l’OMC obtenue en 2001. La solution à la crise actuelle des finances
publiques occidentales imposerait une levée de boucliers mondiale contre
la politique du yuan manipulé et sous-évalué. Préambule : Antoine Brunet expliquait dans une tribune publiée hier dans Atlantico
comment la politique de change chinoise était à l'origine, selon lui,
de la crise de la dette occidentale qui aurait dû mener les économies
occidentales à tomber en récession prolongée dès 2002/2003.
A
deux reprises, les mêmes dirigeants occidentaux qui prêchaient à
tort une patience renouvelée à l’égard de la Chine et du yuan,
ont prétendu avoir découvert une parade qui permettait selon
eux d’assurer une croissance honorable et durable des économies
occidentales en dépit des dégâts colossaux que leur infligeait
la politique du yuan. Tout d'abord la dynamisation de leurs économies
par l'immobilier et l'envolée de ses prix, ensuite une dynamisation par
la relance.
Première parade, celle proposée et
appliquée aux Etats-Unis entre 2002 et 2006 par l’apprenti-sorcier
Greenspan, alors président de la Fed :
une politique prolongée de taux bas pour décourager les ménages de l’épargne et pour les inciter à l’achat de logement à crédit.
Expédient désastreux ! Pendant quatre ans, l’économie américaine connut certes une évolution
honorable du PIB et de l’emploi. Mais, après ce succès très limité et
très momentané, l’euphorie dans l’immobilier américain induisit des
excès qui aboutirent, comme on le sait, à des dégâts très supérieurs à
l’avantage initial :
à compter de mi-2007, éclatent aux
Etats-Unis et en Europe une crise immobilière qui s’avéra d’une ampleur
historique, une crise bancaire et une crise boursière, une récession et
une explosion du chômage qui toutes aussi s’avérèrent d’une ampleur
historique.Pire qu’un simple fiasco,
la première parade s’est donc en réalité retournée contre l’économie américaine pour lui infliger un redoutable effet-boomerang. Fin 2008, au cœur de
la crise occidentale, après avoir rétabli la confiance des ménages et
des investisseurs par quelques mesures exceptionnelles, les dirigeants
occidentaux renoncèrent une nouvelle fois à extraire de la Chine la
forte réévaluation du yuan qui aurait pourtant redressé durablement leur
commerce extérieur et leur croissance. D’autres bons apôtres surgirent
avec une autre proposition...
La dynamisation par la relance budgétaire : un désastreDeuxième
parade, celle proposée et pratiquée depuis fin 2008 par d’autres
apprentis-sorciers, Geithner, secrétaire au Trésor d’Obama, et Bernanke,
nouveau président de la Fed :
une politique de relance budgétaire massive (déficit égal à 10% du PIB en 2009, 2010 et 2011) assortie
de taux courts et de taux longs maintenus très bas. Et simultanément,
les autres pays occidentaux se livraient eux aussi à une relance massive
en 2009 et encoreen 2010.
Cette fois encore,
le succès fut de courte durée.
Cette relance budgétaire sortit certes les pays occidentaux de leur
récession franche à compter du troisième trimestre 2009. Mais, après
quelques trimestres, l’expérience montra que
cette relance
budgetaro-monétaire n’induisait qu’une reprise décevante, une reprise
trop molle pour embrayer une croissance autoentretenue.
Désormais il est vrai, la croissance se trouvait pénalisée non seulement
par le commerce extérieur et par l’investissement des entreprises mais
aussi par l’investissement immobilier et par une hausse inopportune de
l’épargnedes ménages. Face à de tels vents contraires, l’énorme relance
ne pouvait produire qu’une reprise décevante.
Mais
il y a pire. Cette relance budgétaire trop longtemps trop forte a fini
par enclencher une crise des finances publiques occidentales. Certes,
l’étincelle a surgi en Grèce en octobre 2009 après qu’un
nouveau gouvernement a avoué une sous-estimation antérieure majeure du
déficit budgétaire et de la dette publique. Mais si la crise grecque a
autant retenu l’attention, c’est parce que la Grèce n’est de loin pas le
seul pays occidental dont les finances publiques sont préoccuppantes :
depuis
2009, le Portugal et l’Irlande, l’Espagne et l’Italie, la Belgique,
l’Autriche, la France et par ailleurs le Royaume Uni et les Etats-Unis
partagent tous une dynamique très inquiétante de leurs finances
publiques (et par ailleurs une croissance très modeste de leur PIB).En accumulant les déficits budgétaires consécutifs,
tous
ces pays occidentaux en sont arrivés à ce que leurs ratios dette
publique/PIB viennent tangenter les seuils limites au-delà desquelles
les agences de rating viennent s’inquiéter publiquement de la
remboursabilité de la dette publique émise. En réponse, les
investisseurs réduisent leur expositionà ces dettes publiques en se
portant vendeurs des obligations d’Etat sur le marché secondaire. Cela
fait alors baisser les cours et monter les rendements de ces
obligations. La crise de confiance s’enclenche.
Cette deuxième parade s’avère donc, elle aussi être un fiasco et finit, elle aussi, par enclencher un effet boomerang, redoutable et déstabilisateur :une crise conjointe des finances publiques occidentales.
Briser la politique de change que mène la Chine depuis 1989On l’aura compris,
à
deux reprises, les dirigeants occidentaux ont pris le risque
d’entériner la politique de change de la Chine et de mener une politique
compensatoire aventuriste pour tenter de maintenir une croissance
honorable du PIB et de l’emploi en dépit de la politique dechange
anti-coopérative de la Chine.A chaque fois, les pays occidentaux en sont ressortis davantage affaiblis et déstabilisés : la politique aventuriste 2002-2006 de dynamisation de l’immobilier a
fait fiasco en 2007-2008 et a provoqué un effet-boomerang délétère, une
grave crise immobilière, bancaire et boursière ; la politique
aventuriste 2009-2011 de dynamisation par la relance budgétaire vient de
faire fiasco en 2011 et a provoqué à son tour un effet-boomerang
délétère, une crise ouverte des finances publiques occidentales.
Le moment est venu de tirer le bilan.
Les
politiques occidentales trop pacifiques qui entérinent la politique de
change unilatérale et agressive de la Chine et qui cherchent à s’en
accommoder ont à deux reprises échoué lamentablement. Et cela a déjà coûté très cher aux économies occidentales et à leurs populations.
L’heure n’est plus aux tergiversations.
La seule issue est une confrontation avec la Chine pour obtenir d’elle une modification substantielle de sa politique de change.
Si les dirigeants des pays occidentaux ne se ressaisissent pas et ne
constituent pas autour d’eux un large front face à la politique de
change de la Chine, ils s’enfermeront dans une spirale de déclin
économique et financier qui in fine les amènera à se
retrouverd urablement asservis à la Chine.
http://www.atlantico.fr/decryptage/chine-crise-dette-europe-usa-yuan-evalue-152960.html