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| Sujet: Haïti : Une foi forgée par le tremblement de terre Dim 5 Juin 2011 - 17:38 | |
| Belle leçon de courage venant de ce peuple éprouvé ! Pendant ce temps, en Occident, on abandonne la foi, on va vers les sectes, les psychologues... - Citation :
- Haïti : Une foi forgée par le tremblement de terre
Interview de l’évêque auxiliaire de Port-au-Prince
ROME, Dimanche 5 juin 2011 (ZENIT.org) – La souffrance fait partie de l’histoire et de l’être même du peuple haïtien, affirme l’évêque auxiliaire Mgr Joseph Lafontant.
Une souffrance qui amène les Haïtiens à s’identifier au Christ souffrant et à développer une dévotion particulière pour le Chemin de Croix.
Cette dévotion et cette foi du peuple haïtien ont été ravivées et renforcées après le tremblement de terre de janvier 2010. Un an après le séisme, l’évêque a accordé cet entretien à l’émission télévisée « Là où Dieu pleure ».
Q – Avec toute cette destruction, quelles ont été les conséquences psychologiques ?
Mgr Lafontant : Les gens ont pensé que c’était la fin de Haïti. Cela a été la première réaction. Mais le peuple haïtien porte en lui la volonté de vivre. Ils disent : « Bon, d’accord, ceci a été détruit. Nous devons reconstruire ». Ils n’ont pas pensé d’abord aux lieux publics, mais à leurs petites maisons, même si toutes ces petites maisons n’ont pas été détruites. Ils sont pris de panique quand ils voient qu’on remet des toits en brique aux maisons. C’est pourquoi ils vivent sous des tentes, sous des bâches en plastique, de peur des répliques sismiques. Il y a eu de nombreuses répliques, pas du même impact, mais suffisantes pour blesser les gens.
Les gens se demandent-ils : pourquoi nous ?
Cette question, ils n’ont cessé de se la poser : « Pourquoi nous ? Nous sommes un pays tellement pauvre. Nous vivons dans des conditions si misérables ». Mais pour finir, ils acceptent : « C’est ainsi. C’est la Mère Nature. Nous devons garder notre foi en Dieu, car Dieu est celui qui nous guide, c’est Lui qui commande. Nous maintiendrons donc notre foi en Dieu. Nous sommes en vie ; alors que beaucoup sont morts. S’Il nous a maintenus en vie, c’est qu’Il avait quelque chose à nous dire ». Dès le début, la solidarité a été exceptionnelle dans le pays.
Entre les gens ?
Oui, par exemple : les gens qui savaient où et comment téléphoner, interpellaient les gens dans les rues : « Ici, il y a un téléphone, appelez vos proches ». D’autres emportaient les corps gisant dans la rue au milieu des décombres ; la solidarité fait à nouveau partie de notre culture. La solidarité a fait partie de notre culture, mais à présent elle est encore plus forte.
Pour approfondir un peu le sujet : les gens ne se demandent-ils pas si ce n’est pas la colère de Dieu, si d’une certaine façon nous ne le méritons pas ou encore si Dieu nous punit pour quelque chose. Ce sentiment existe-t-il aussi, et quelle est votre réponse ?
Cela a été dit par des membres d’autres Eglises. Nous, catholiques, avons une réponse : « Dieu n’est pas quelqu’un qui se venge, qui punit. Au contraire, il sauve. Il n’arrête pas les lois de la nature ». Après le séisme, les gens ont commencé à revenir dans leurs églises. Ce que nous avons fait, à travers une station radio, Radio Soleil – a été de faire venir un prêtre chaque jour pour expliquer le phénomène sur les ondes et ne pas laisser les gens croire ou accepter l’explication d’un châtiment de Dieu. A cette occasion, ils ont au contraire expliqué à la population que « nous devons être de meilleures personnes, parce que tout le monde est dans la même situation ».
Les riches et les pauvres...
Les riches et les pauvres ; pas de funérailles, pas de cercueils, tous au même niveau. Cela a conduit les gens à réfléchir et certains sont venus me parler directement : « Vous savez Monseigneur, depuis le tremblement de terre je suis une autre personne parce que je suis vivante et j’ai réalisé que mes biens ne sont rien. Etre vivant vaut bien plus que tout ce que je possède, aussi dorénavant je ne veux plus porter de bijoux. Je ne veux plus me soucier de mon apparence. Je ne veux plus m’inquiéter de l’aspect de ma maison, de ma manière de vivre, parce que la vie doit être différente ». C’est en quelque sorte un Haïti renouvelé qui est né après le séisme.
Constatez-vous un renouveau de la foi ?
Pas seulement un renouveau, mais un renforcement de la foi. C’est assez curieux quand on songe à toutes les paroisses dont les églises se sont effondrées, les gens qui vivent sous la tente ou à la belle étoile. Ils sont venus prier tout spécialement pendant le carême. Vous savez, le peuple haïtien aime faire le Chemin de croix tous les vendredis de Carême. Et c’est amusant de voir que quand ils viennent se confesser le Jeudi saint pour communier, ils s’accusent d’avoir sauté trois stations du Chemin de croix, mais ils ne disent rien s’ils ont manqué trois fois la messe.
Pourquoi les stations du Chemin de croix sont-elles si importantes ?
Parce que dans le Chemin de croix, ils se revoient eux-mêmes. Ils peuvent s’identifier aux souffrances du Christ : calomnié, méprisé, couvert de crachats, broyé. La souffrance fait partie de leur histoire, de leur être, de leur singularité, de sorte qu’ils s’identifient à ce qui leur arrive. Certains même ont des larmes dans les yeux pendant le Chemin de croix.
L’Eglise a vécu un Chemin de croix particulier. L’archevêque de Port-au-Prince, le vicaire général, le chancelier, des religieux, des prêtres et 14 séminaristes ont été tués. Comment arrivez-vous à surmonter ce coût humain ?
Nous devons le surmonter parce que ceux qui sont en vie doivent aller de l’avant. Prenons, par exemple, les séminaristes. Nous sommes en train de chercher à les aider à ne pas perdre leur année d’études, et au début du mois prochain, ils pourront reprendre leurs études, sous les tentes. Mais avant cela, nous leur faisons rencontrer un psychologue, car beaucoup ont été sortis des décombres ; dans notre diocèse, deux d’entre eux ont dû être amputés, un de la jambe, un autre du bras. Ils continuent de vouloir vivre, de vouloir étudier, ils veulent aller de l’avant.
Mais ont-ils besoin d’un soutien psychologique ?
Oui, absolument, et ils l’obtiennent. Nous avons un prêtre de la Congrégation de la Sainte-Croix. Il a passé deux heures avec eux à parler du traumatisme ; au bout de deux heures, il a déclaré qu’il devra suivre en particulier dix d’entre eux. D’autres diocèses ont fait la même chose ; ils ont organisé des réunions et des sorties avec eux afin de libérer leurs esprits.
Quel poids psychologique pèse sur ces jeunes gens ? Se sentent-ils coupables d’avoir survécu et d’avoir été retirés vivants des décombres ?
Non, ils ne se sentent pas coupables pour avoir survécu. Au contraire, ils se sentent privilégiés, et comme je leur ai dit : « Si vous vous sentez privilégiés, vous devez – pour vous-mêmes et pour les gens auprès de qui vous serez envoyés dans votre travail pastoral – être un séminariste différent, un prêtre différent ». Et aux prêtres, j’ai dit : « Maintenant vous vivez la situation des gens, sous des tentes, sans manger à votre faim, certains d’entre vous ont tout perdu, n’ont plus que ce qu’ils avaient sur eux ». Alors je leur ai dit : « A mon avis, c’est un appel de Dieu à changer, à devenir différents. A être un type de prêtre différent, qui vit un peu plus avec les gens et les comprend mieux ». C’est important.
Qu’est-ce qui vous a le plus frappé dans toute cette tragédie humaine à laquelle vous avez été confrontée ?
Personnellement, c’est bien sûr la mort de l’archevêque, Mgr Joseph Serge Miot. Nous avions travaillé si longtemps ensemble. Nous étions ensemble à la conférence épiscopale avant sa nomination comme évêque. Nous étions ensemble au séminaire quand j’étais recteur du grand séminaire. Après sa nomination, nous avons commencé à travailler ensemble jusqu’à sa mort, comme des frères. Nous étions très intimes et il se confiait beaucoup à moi. Même si j’étais plus ancien que lui dans l’épiscopat, dans le sacerdoce et en âge, je l’ai toujours considéré comme mon archevêque, mon supérieur. Et lui me considérait comme un bon collaborateur, et c’est pourquoi cela a été vraiment dur pour moi de le découvrir mort. Quand la première secousse s’est produite, les gens se sont mis à crier et à courir ; il est sorti sur le balcon pour les calmer : « Pas de panique, calmez-vous » ; la seconde secousse l’a projeté en avant et il est tombé du balcon. Voilà comment il est mort ; cela a été horrible.
Le peuple haïtien a un amour profond pour la Vierge Marie – Notre Dame du perpétuel secours. A-t-on constaté une augmentation des visites au sanctuaire national de Notre Dame du perpétuel secours ? Pourquoi cette Vierge est-elle si importante pour les gens et pourquoi à présent, en ce moment de crise, se tournent-ils vers elle ?
Tout d’abord je dois dire quelque chose qui m’a frappé, ainsi que d’autres : quand le sanctuaire s’est écroulé, des gens qui tentaient de le piller ont déclenché un incendie.
Haïti a toujours été sous la protection de la Vierge Marie, Notre Dame du perpétuel secours. Le pays a été consacré dans les années quarante et les évêques ont renouvelé cette consécration dans les années quatre-vingt-dix. La mère, dans notre culture, est très, très importante. Dans nombre de familles haïtiennes – même les familles de droit civil – la mère est tout. L'économie est supportée par les femmes. La mère est très importante dans cette culture – un Haïtien se tourne vers sa mère, car elle comprend. Une mère, même si elle perd la tête, viendra toujours en aide. Elle est toujours présente. Le père est toujours dehors, mais la mère est toujours présente. Quand ils ont besoin de quelque chose, ils s’adressent à leur mère. Elle est là pour eux.
C’est pourquoi ils se tournent vers la Vierge ?
Oui, et vous savez, dans les campements où les paroisses fonctionnent toujours, à la place des églises qui se sont effondrées, quasiment chaque semaine des centaines de personnes viennent demander des chapelets. J’en ai reçu des quantités, que j’ai donnés à un prêtre, qui m’a demandé si je n'en avais pas plus. Les gens viennent demander des chapelets pour prier la Sainte Vierge.
Propos recueillis par Mark Riedermann pour l'émission télévisée « La où Dieu pleure », conduite par la Catholic Radio and Television Network (CRTN), en collaboration avec l'association Aide à l'Eglise en Détresse (AED).
Sur le Net :
- Aide à l'Eglise en détresse France
www.aed-france.org
- Aide à l'Eglise en détresse Belgique
www.kerkinnood.be
- Aide à l'Eglise en détresse Canada www.acn-aed-ca.org
- Aide à l'Eglise en détresse Suisse www.aide-eglise-en-detresse.ch
http://www.zenit.org/article-28129?l=french |
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