France-États-Unis. Comment le département d'État attise le communautarisme dans nos banlieues. La diplomatie de l'éléphant Roland Hureaux le lundi, 28/02/2011
C’est à un jeu dangereux que se livre l’ambassade des États-Unis en France
en invitant systématiquement les jeunes leaders issus de l’immigration
dans les banlieues “sensibles” à rencontrer un de ses agents. Une
partie d’entre eux se verront proposer un séjour aux États-Unis.
Tous entreront dans un fichier qui est, paraît-il, le plus complet
qui soit sur les immigrés de France – sans beaucoup de mal, puisque les
fichiers religieux et ethniques sont interdits dans notre pays.
Le rapport du Département d’État du 17 novembre 2010 publié par
WikiLeaks confirme que ces agissements entrent dans une stratégie
d’ensemble visant les
« minorités », spécialement
« les musulmans », cela par
« un programme agressif de mobilisation de la jeunesse ».
«
Notre but est d’engager la population française, à tous les niveaux,
en vue d’amplifier les efforts de la France pour réaliser ses idéaux
égalitaires, et, par là, de promouvoir les intérêts nationaux
américains. » L’ambassade ambitionne même de rectifier notre mémoire nationale :
«
De plus, nous continuerons notre travail avec les musées français et
les enseignants pour réformer les programmes d’histoire enseignés dans
les écoles françaises, pour qu’ils prennent en compte le rôle et les
perspectives des minorités dans l’histoire de France. »L’intérêt des États-Unis pour les immigrés de France ne s’arrête pas là. La
multinationale Yahoo appuie le Bondy Blog, très influent chez les
jeunes de Seine-Saint- Denis. Le Département d’État émet une critique
sévère de la France pour avoir interdit la burqa.
La “stratégie d’engagement pour les minorités” est sous-tendue par
le préjugé largement répandu outre-Atlantique que la France est un pays
raciste, incapable de résoudre lui-même ses problèmes d’intégration.
Un préjugé que, n’en doutons pas, l’ambassade ne manque pas de nourrir
chez les
young leaders qu’elle reçoit.
Pourtant, le taux de mariages mixtes, indicateur décisif de
l’intégration, comme le rappelle Emmanuel Todd, est bien supérieur en
France à ce qu’il est dans les autres pays d’Europe et aux États-Unis.
Grâce au sang-froid de la police, les émeutes de banlieue de 2005 et
2007 n’ont fait aucun mort (deux morts accidentelles ont chaque fois
déclenché les émeutes mais on ne saurait les compter parmi les victimes
de celles-ci). On mettra en regard les émeutes raciales de Los Angeles
de 1992 : 55 morts et 2 300 blessés, ou encore l’ordre donné en 2005
aux unités de la garde nationale et de l’armée de tirer à vue pour
empêcher les pillages consécutifs à l’ouragan Katrina à La
Nouvelle-Orléans ; on devine de quelle couleur furent les nombreuses
victimes. Ce n’est pas en France mais aux États-Unis que des citoyens
volontaires ont le droit de partir en tenue de guerre à la chasse aux
immigrants clandestins traversant la frontière.
Pendant que le riche et puissant gouvernement américain se mêle de
sauver nos banlieues, un vieux missionnaire fait la quête dans sa
paroisse natale, en Vendée, pour venir en aide aux enfants sioux du
Dakota dont il s’occupe et qui se trouvent dans la déréliction la plus
extrême.
« Comment vas-tu dire à ton frère :“Attends que j’enlève la paille de ton oeil”, alors qu’il y a une poutre dans le tien ? » (Matthieu VII, 4). Le pharisaïsme est plus que jamais d’actualité !
Curieusement, une partie des médias français trouvent normales ces
ingérences, qui ne vont que trop dans son sens. Comme si Rhône-Alpes
était Haïti, Jean-Jack Queyranne, président socialiste de cette région,
signe avec le consulat des États-Unis un accord de coopération pour
venir en aide aux banlieues de Lyon.
Mais dès que l’affaire, encore peu connue, s’ébruitera, beaucoup de
Français comprendront mal que les États-Unis qui nous demandent de
faire avec eux la guerre à l’islamisme dans les vallées les plus
reculées d’Afghanistan viennent en même temps, dans notre dos,
encourager l’affirmation communautaire, notamment musulmane, à la
périphérie de nos villes.
La profonde spécificité du contexte français est ignorée de cette
diplomatie peu subtile. La société américaine est, depuis l’origine,
obsédée par la différence raciale. Y compris quand elle prétend
combattre le racisme, elle met sans cesse en avant la couleur de la
peau. Jusqu’à ce que certains idéologues importent chez nous cette
obsession, elle était étrangère à la culture française.
Il est vrai que la société française est aujourd’hui fragilisée par l’immigration qui
pose d’ailleurs, si les mots ont un sens, un problème plus religieux
et culturel que racial puisque les Arabes sont de “race” blanche. Mais
que dirait l’Amérique si elle avait 25 ou 30 millions de musulmans sur
son sol ? Il se peut d’ailleurs que le but de la diplomatie américaine
soit d’utiliser cette fragilité pour mieux tenir la France à sa merci.
Raison de plus pour récuser le zèle importun d’un tel médecin.
Nous savons comment, avec la délicatesse d’un éléphant dans un
magasin de porcelaine, l’Amérique a mis à feu et à sang l’Irak ou
l’Afrique centrale, plongé le Kosovo dans le chaos. Nous serions tentés
de dire – ou plutôt c’est le gouvernement français qui devrait dire :
“bas les pattes !”, et que chacun s’occupe de ses affaires !
Roland Hureauxhttp://www.valeursactuelles.com/parlons-vrai/parlons-vrai/diplomatie-de-l039%C3%A9l%C3%A9phant20110228.html