Egypte : le pire serait l'arrivée des Frères musulmans au pouvoir
Le père Antonio est Egyptien et copte. A Rome, il est en charge de la communauté copte. Il répond à Minute. Extraits :
"Voilà plusieurs années que les chrétiens subissent au quotidien des discriminations en matière d’études ou de travail. Par exemple, un chrétien ne peut pas suivre certains parcours universitaires, notamment la gynécologie… Dans l’armée, il ne peut pas devenir officier, du fait de sa religion. Il n’y a aucune politique d’«intégration» des chrétiens, devenus minoritaires au fil des siècles, mais plutôt une volonté de les exclure de la société musulmane. Au sud de l’Egypte, les persécutions étaient – et demeurent – régulières. De nombreux villages sont privés d’églises et lorsque les musulmans voient des chrétiens se réunir pour prier, ils les agressent, cassent leurs vitres, leur lancent des pierres, les insultent, les agressent en pleine rue… Le gouvernement de Moubarak a toujours traité ces attaques comme des «accidents individuels», non pas comme des discriminations et des persécutions religieuses. La police ne défendait pas les chrétiens, prenant systématiquement le parti des agresseurs musulmans, même en dépit du bon sens.
On ne peut pas dire, alors, que Moubarak, dont la femme est copte, protégeait les chrétiens et que ceux-ci soutenaient le gouvernement?
On peut dire qu’il les protégeait un peu dans le sens où il n’a pas permis aux Frères musulmans d’arriver au gouvernement, car ceux-ci auraient imposé la charia et les choses auraient considérablement empiré. Mais c’est à peu près tout. [...]
Que peut-il se passer maintenant ?
C’est difficile à dire… Le pire serait évidemment l’arrivée au pouvoir d’un régime islamique dirigé par les Frères musulmans. Mais le pire n’est pas toujours certain. Nous avons l’espoir qu’arrive un gouvernement civil – jusqu’alors, les dirigeants étaient tous des militaires –, respectant les principes démocratiques et assurant la cohésion socioreligieuse de l’Egypte, notamment en protégeant les minorités persécutées. C’est possible, car beaucoup de manifestants étaient favorables à cette évolution et, pour l’instant, il semble qu’il sera interdit à des partis religieux de se présenter aux élections. [...]
Je ne pense pas qu’il soit bon que la diplomatie du Saint-Siège intervienne directement car cela peut rapidement devenir pire que mieux. Les islamistes, sans doute suivis par une bonne partie de la population, accuseraient alors les chrétiens de constituer un Etat dans l’Etat, une minorité de traîtres, de vendus à l’Occident, etc. Il vaut mieux que les chrétiens d’Egypte règlent leurs problèmes en interne avec les autorités égyptiennes. [...] Vivre dans un pays musulman est très dur, pour un non musulman, car l’islam est une totalité. Le système est ainsi conçu que les minorités ont vocation à disparaître au fil des siècles – l’islam a tout son temps. Si les gens veulent vivre normalement, ne plus subir de brimades, d’injures, d’exclusion, bénéficier de la plénitude de leurs droits, ils doivent peu à peu renoncer à leur identité et devenir musulmans. C’est ainsi qu’en quatorze siècles, les chrétiens du Proche-Orient sont passés de 100% de la population à 8% en moyenne."
Michel Janva
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