Betancourt exige six millions de dollars de Bogota pour son enlèvement La Franco-Colombienne Ingrid Betancourt lors de son dernier passage à Bogota, le 2 juillet 2010 © AFP/Archives Eitan Abramovich |
BOGOTA (AFP) - Ingrid Betancourt a déclenché vendredi une nouvelle
polémique autour de sa personne en Colombie, après avoir déposé une
requête dans laquelle elle exige de l'Etat 6,5 millions de dollars de
réparation pour son enlèvement par les Farc, estimant que sa sécurité a
été négligée.
L'ex-candidate à l'élection présidentielle en
Colombie, enlevée en pleine campagne en février 2002 et otage de la
guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc,
marxistes) jusqu'à sa libération le 2 juillet 2008 lors d'une opération
militaire, a déposé cette requête le 30 juin, a annoncé vendredi le
ministère de la Défense.
Deux jours plus tard, elle avait
participé à une cérémonie officielle au ministère de la Défense, en
hommage aux soldats qui avaient participé à l'opération "Jaque", durant
laquelle quinze des plus précieux otages de la guérilla avaient été
libérés.
Elle avait alors évoqué "l'héroïsme" des militaires et
même exprimé son soutien à ce type d'opération, mais sur cette demande,
elle n'avait rien dit.
Les autorités militaires présentes se
sont également tues jusqu'à vendredi, lorsque l'information a été
révélée par la presse locale.
Selon le ministère de la Défense,
la requête appelle le gouvernement à accepter une conciliation
extrajudiciaire avant que l'ex-otage ne saisisse la justice
administrative pour les dommages économiques et moraux subis par elle,
ses enfants Mélanie et Lorenzo Delloye, sa mère Yolanda Pulecio et sa
soeur Astrid, soit 12,5 milliards de pesos colombiens (environ 6,5
millions de dollars).
Selon Radio Caracol, qui a pu se procurer
la requête de 55 pages, Ingrid Betancourt considère que les membres des
forces de l'ordre en charge de sa sécurité dans le département de
Caqueta (sud-est), où elle a été enlevée, sont responsables de son
enlèvement.
Selon elle, plusieurs militaires en charge de sa
sécurité lui avaient garanti, le 23 février, jour de son enlèvement,
qu'elle ne courait pas de risque sur la route empruntée.
L'ex-sénatrice
franco-colombienne de 48 ans réclame de ce fait une indemnisation
couvrant les dommages psychologiques entraînés par ses six ans de
captivité, mais aussi le tort causé à son père, mort pendant celle-ci
ou encore le manque à gagner lié à l'absence de salaire pendant son
enlèvement.
Face à cette requête, le ministère de la Défense a
fait part de sa "surprise" et de son "chagrin", soulignant l'effort
déployé pour la planification et l'exécution de l'opération "Jaque",
"durant laquelle des femmes et des hommes ont risqué leur vie afin de
sauver les otages", une opération que Mme Betancourt elle-même avait
jugée "parfaite".
Le ministère déclare en outre que l'ex-otage a
passé outre les recommandations des forces de l'ordre qui, avec
"insistance", avaient tenté de la dissuader de se rendre à San Vicente
del Caguan (département de Caqueta), voyage terrestre durant lequel
elle a été enlevée.
Il estime enfin que la requête, sans
précédent en Colombie, n'a pas de fondement "objectif", laissant ainsi
entendre qu'il n'y fera pas droit.
La demande a soulevé dans le
pays un vent de critiques provenant de tous les secteurs de la société.
Le vice-président Francisco Santos a ainsi évoqué un "coup de
poignard", tandis que le sénateur Gustavo Petro (Pôle démocratique
alternatif, gauche), ex-candidat à la présidentielle, jugeait qu'elle
était "injuste" car les Farc étaient les véritables responsables de
l'enlèvement.
Ingrid Betancourt, qui publiera en septembre un
livre sur son enlèvement, "Même le silence a une fin", ne s'est pour sa
part pas exprimée.
Son avocat en Colombie, que l'AFP a tenté de joindre à plusieurs reprises, n'a pas répondu à ces appels.
Mise
à jour le 9 juillet 2010 à 23h26
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