https://www.dailymotion.com/video/xa2va3_taslima-nasreen-et-son-combat-contr_news
Être une icône se paie souvent au prix fort, Taslima Nasreen en sait quelque chose. « Je n'ai pas d'endroit où vivre, pas de maison, pas de pays », répète celle que l'on a coutume de présenter comme la « Salman Rushdie au féminin ». Taslima Nasreen, bangladaise, vit avec une fatwa au-dessus de la tête. Un livre publié il y a dix-sept ans, Lajja (La honte) dénonçant les persécutions commises contre les hindous au Bangladesh, lui a valu cette sentence de mort prononcée par des extrémistes musulmans.
Rien d'une dangereuse passionaria
La menace n'a pas calmé Taslima Nasreen, qui a continué à multiplier les brûlots anti-intégristes et féministes, comme son dernier ouvrage, Libres de le dire. Mais elle lui a fait prendre les chemins de l'exil, qui semblent parfois bien durs à arpenter.
De passage à Paris, où elle accompagne la sortie de ce livre d'entretiens avec la chercheuse et polémiste Caroline Fourest, Taslima Nasreen n'a rien de la dangereuse passionaria qui met le feu aux poudres en Asie. Dans le jardinet de son hôtel parisien où elle fume cigarette sur cigarette, elle paraît fatiguée, voire un peu déprimée. Ses gardes du corps, fournis par le ministère français de l'Intérieur, ne sont pas loin.
À l'horizon du mois d'août se profile la perspective d'une nouvelle errance. L'Inde, où elle se cache sous haute protection à Delhi, ne renouvellera pas son permis de séjour. Il va lui falloir partir de son pays d'élection, le seul où elle retrouve les sensations de son Bangladesh natal.
Son effigie brûlée
Le géant indien ne souhaite plus s'encombrer de sa présence. Le pays a déjà fort à faire avec les heurts qui opposent musulmans et hindous. Sans parler de ses relations plus que tendues avec son voisin musulman, le Pakistan. L'Inde ne veut plus voir l'effigie de Taslima Nasreen brûlée par des fondamentalistes. Elle ne veut plus entendre parler d'émeutes provoquées par ses écrits, comme il y a peu dans l'État du Karnataka.
Taslima Nasreen, elle, en a assez que l'attention se cristallise sur ses critiques de l'Islam. Ses écrits, dit-elle, visent surtout à dénoncer les religions en tant qu'instruments servant aux hommes à opprimer les femmes. Elle en a presque autant contre l'hindouisme que contre l'islam. « La religion musulmane est la plus étouffante, car les femmes n'y ont pas les mêmes droits que les hommes. Mais chez les hindous, les femmes souffrent du système des castes, des problèmes de dot. » Elle résume : « Quand les hommes sont opprimés, c'est de l'oppression. Quand les femmes le sont, c'est la tradition ! »
Les burqas, ces prisons mobiles
Avant tout, Taslima Nasreen se proclame féministe. Le métier qu'elle s'était choisi, toute jeune femme issue de la bourgeoisie musulmane bangladaise, n'était pas anodin : gynécologue. « Les femmes venaient à l'hôpital au stade terminal, se souvient-elle. Elles n'avaient pas de temps pour s'y rendre, elles n'étaient pas supposées être malades ! »
Ce métier, elle a dû l'abandonner, bannie du Bangladesh à la suite de nouveaux écrits ayant provoqué des scènes d'hystérie. Ont suivi dix ans d'exil en Suède, avant le retour en Inde où des livres comme Brûlons les burqas, ou Les femmes n'ont aucune patrie, ont à nouveau provoqué des violences.
Après trente-trois livres publiés, elle veut vivre au plus près de ses lectrices et des femmes qu'elle défend, celles de l'Asie, du Moyen-Orient, « souvent transformées en esclaves sexuelles, en machines à fabriquer les enfants. »
Son expulsion d'Inde est imminente, son retour en Occident aussi. Certaines femmes vivent sous des burqas, qu'elle désigne comme des « prisons mobiles ». Sa prison à elle, c'est l'Occident. « C'est là que les intégristes vont réussir à me faire enfermer. »
Une courageuse mécréante, celle qui remet les cœurs et les cervelles à l'heure....