22/04/2010 15:56
PARIS (AFP) - L'Eyjafjöll, une "grande claque" à notre société, selon
philosophes et scientifiques
[Image satellite de l'éruption du volcan Eyjafjöll, le 17 avril 2010 -
2010 AFP - Nasa]
Les conséquences de l'éruption du volcan Eyjafjöll sur le transport
aérien européen montrent l'extrême vulnérabilité de notre société qui a
pris "une grande claque" durant ces huit jours de crise, ont expliqué
des philosophes et des scientifiques interrogés jeudi par l'AFP.
Evénement
Cette affaire révèle "la vulnérabilité de nos systèmes extrêmement
complexes. Nous sommes dans une société dans laquelle on ne peut plus
encaisser la moindre anomalie", analyse Dominique Bourg, philosophe,
universitaire, spécialiste de l'écologie industrielle.
"C'est comme la métaphore d'une fragilité plus générale qu'on ne veut
pas voir. Il n'y a plus de trafic aérien, c'est le bazar partout mais
ce n'est rien à côté de ce qui nous attend! Le jour où il n'y aura plus
de pétrole les conséquences en terme de dérégulation de nos sociétés
seront infiniment plus fortes", poursuit-il.
"Ce type de société présuppose une disponibilité de la nature qu'on n'a
pas et elle ne fonctionne qu'avec un degré extrêmement important de
rapines et de razzias. Le jour où ça n'est plus possible, c'est
l'effondrement général", ajoute-t-il.
Dominique Bourg dénonce ensuite le "+n'importe quoi+ du débat public".
"L'arrêt du transport aérien, assure-t-il, ce n'est en aucun cas
l'utilisation du principe de précaution qui ne s'applique que dans un
contexte d'incertitude scientifique".
"Là on est confronté à une incertitude technique: quelle densité de
poussière pour bloquer un réacteur, on l'a déjà vécu. La responsabilité
humaine elle est dans le fait de prendre ou pas un avion, c'est de la
prudence", conclut-il.
Le constat fait par le philosophe et naturaliste Yves Paccalet est du
même ordre: "avec notre société de technique et de consommation
d'énergie à haute dose nous avons l'impression que nous dominons tout,
mais en fait pas du tout".
"Avec ce volcan, la nature nous donne une grande claque. Il nous
apprend ce que c'est de vivre sans avions pendant plusieurs jours, il
nous apprend ce que certains haïssent et dont ils ne veulent pas
entendre parler: la décroissance", poursuit-il.
"On n'aura jamais assez de tout pour faire face à tous les aléas de la
petite planète terre et le volcan est un très bon pédagogue de ce point
de vue. La décroissance, estime-t-il, est une fatalité: on ne peut pas
continuer à ce rythme. Il faudrait six planètes terre avec un niveau de
vie à l'américaine pour tous. Il y a des choses que la nature nous
interdit".
Pour Patrick Viveret, philosophe et essayiste altermondialiste,
l'événement "nous oblige à réfléchir aux limites de notre société à
flux tendus, de plus en plus insoutenable pour des raisons écologiques
mais aussi sociales et à imaginer des alternatives".
Nier la nature "conduit à l'échec mais il serait absurde de revenir à
une pure dépendance" à son égard. "C'est toute la question du débat sur
la modernité", estime-t-il.
"A nous de ne pas nous rendre dépendants de ce qui est aléatoire !",
commente l'astrophysicien Hubert Reeves, président de la Ligue ROC pour
la Nature, bloqué un temps à Tanger d'où il communique "par internet".
Rappelant que "la fin du pétrole pourrait conduire à une paralysie
durable des transports aériens", il appelle à "anticiper en favorisant
la recherche pour trouver des solutions non tributaires de l'énergie
fossile par nature non renouvelable".