L'expression Fils de ... et l'expression le Fils de ...

Après avoir fait sa première année de formation en théologie dans la ville du Diocèse dont nous dépendons, un proche revient avec le cours dispensé par le Père MERCIER qui a livré dans son analyse : "dix entrées pour exprimer une partie de la substance intérieure de la Bible", notamment comme les expressions composées de Fils de et le Fils de.

Tout d'abord, une présentation du Père MERCIER :

» Le Décalogue : il n’est pas interdit d’interdire….. «
Une conférence du Père Philippe Mercier -  Publié le 24 janvier 2022

Dans le cadre du Dimanche de la Parole de Dieu célébrée le lendemain, la communauté de paroisses du centre ville Saint jean Baptiste a organisé une conférence à la salle des libertés. Le Père Philippe Mercier est venu présenter le décalogue sous ce titre quelque peu provocateur : il n'est pas interdit d’interdire. Prêtre depuis 52 ans, après avoir étudié plusieurs années à Rome puis à Athènes et enfin à Jérusalem. Il a enseigné dans divers Instituts de formation catholique. C’est aujourd’hui un bibliste renommé du diocèse de Montpellier.

Plus souvent connues sous le vocable des « dix commandements », ces 10 paroles apparaissent dans deux textes différents de la Bible : le livre de l’Exode où elles sont dites par des lèvres divines puis le Deutéronome où elles sont portées par des lèvres humaines.

La terre est donnée. Dieu établit une relation avec le monde créé et les 10 paroles sont faites pour y vivre harmonieusement en évitant 5 violences envers Dieu et 5 violences envers son prochain. Ces règles de vie sont données avec une formulation négative : mieux vaut éloigner le mal. Ceci est porteur de liberté car dire ce qu’il faut faire emprisonne et sous-entend souvent récompense. Le Sabbat y est central à la charnière entre ce qui concerne le divin et ce qui concerne le prochain. Il ne s’agit pas d’un jour de repos mais du jour où Dieu met un terme à sa puissance pour passer dans l’infinie miséricorde.

Le Père Mercier a invité l’assistance à changer son angle de vue. Plutôt que d’interroger la Bible, laissons la Bible nous interroger en la fréquentant pour la découvrir sans cesse comme on fréquente ses voisins pendant des années où l’on apprend à les connaître. En ce qui concerne le 7ème jour où l’on s’arrête, le concevoir comme une pause pour se faire imitateur de Dieu en se tournant vers son prochain.

Chacun a pu repartir avec matière à réflexions !

Spoiler:

II. Les expressions composées de fils de ... suivie d'un complément de nom

[10] L'expression fils de ...

1. l'expression fils de ... est utilisée pour dire l'âge d'une personne
"Abrâm était fils de soixante-quinze années lors de sa sortie de Hâran" (Genèse 12,4)

"Et Abraham tomba sur sa face ; il rit. Il dit en son coeur :
Est-ce qu'à un fils de cent années, il sera enfanté ?
Et Sarah, est-ce que, fille de quatre-vingt-dix années, elle enfantera" (Genèse 17, 17).

2. En culture sémitique, l'expression fils de indique une intime proximité avec une personne ou une réalité. Elle n'implique pas, uniquement ni exclusivement, une relation biologique :
De quelqu'un à qui on peut se fier, qui est vrai, on dira : c'est un fils, une fille de vérité, sinon ce sera : un fils, une fille de mensonge. Dans l'intime proximité de Dieu, on dira : un fils de Dieu, une fille de Dieu. Pour désigner la région d'origine du personnage, le livre de Job dit : "Cet homme était le plus riche de tous les fils de l'Orient" (Job 1,3).

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Ayant aucune envie de faire un "monologue" Si cela intéresse des intervenants, j'écrierai la suite ...

Dans le Cantique de Moïse en Deutéronome ch. 32,1-44. Selon la traduction de la Liturgie des Heures, qui est celle du Psautier, version oeucuménique texte liturgique, Paris, le Cerf, 1977.

"8 Quand le Très-Haut dota (nahél) les nations (gôyîm), quand il sépara les fils d'Adam (beney ' adâm), il fixa les frontières des peuples ('ammîm) d'après le nombre des fils de Dieu".
certains manuscrits, selon d'autres : "d'après le nombre des fils d'Israël",
9 Mais le lot (hélèq) du Seigneur, ce fut son peuple, Jacob, sa part d'héritage (nahalâh)."

Traduction TOB 1975, 2010
"8 Quand le Très-Haut donna aux nations leur patrimoine, quand il sépara les humains, il fixa le territoire des peuples d'après le nombre des fils d'Israël.
9 Car l'apanage (hélèq) du Seigneur (Yhvh) c'est son peuple,
et Jacob est le patrimoine (nahalâh, l'héritage) qui lui revient."

Traduction liturgique BTOL 2013 (5)
"8 Quand le Très-Haut dota les nations, quand il sépara les fils d'Adam,
il fixa les frontières des peuples d'après le nombre des fils d'Israël.
9 Mais le lot du Seigneur, ce fut son peuple, Jacob, sa part d'héritage."

Dans la Première lettre aux Thessaloniciens ch. 5
Traduction (BTOL 2013) (5)
"1 Pour ce qui est des temps et des moments de la venue du Seigneur,
vous n'avez pas besoin, frères que je vous en parle dans ma lettre.
2 Vous savez très bien que le jour du Seigneur vient comme un voleur dans la nuit.
3 Quand les gens diront : "Quelle paix ! Quelle tranquillité !", c'est alors que , tout à coup, la catastrophe s'abattra sur eux, comme les douleurs sur la femme enceinte :
ils ne pourront pas y échapper.
4 Mais vous, frères, comme vous n'êtes pas dans les ténèbres,
ce jour ne vous surprendra pas comme un voleur.
5 En effet, vous êtes tous des fils de la lumière, des fils du jour ;
nous n'appartenons pas à la nuit et aux ténèbres" (1 Th 5, 1-5).
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(5) La Bible. Traduction officielle liturgique. Texte intégral publié par les évêques catholiques francophones (= BTOL),
Paris, Mame, 2918p. Approuvée par la Congrégation pour le Culte Divin le 17 juillet 2013. En chantier depuis 1996. Après dix sept années de travail, est sortie des presses le 21 novembre 2013
https://bibletraditions.org/

[11] L'expression Le fils de ...

Pour l'exprimer d'abord brièvement :
L'expression, le fils de Dieu, le messie/christ, est la titulature officielle des rois d'Israël et de Juda. Elle s'applique à quarante personnages avant Jésus.
Quand l'expression désigne Jésus, elle le caractérise comme messie promis. Donc, aussi étonnant que cela paraisse, l'expression le rapproche de l'humanité.
En revanche, l'expression le fils de l'homme, héritée du livre de Daniel et du livre d'Hénok rapproche Jésus de la condition divine.

1. Conclusion à éviter

L'usage courant de l'expression : "fils d'homme" , comme "fils d'Adam", signifie simplement un homme, un humain. Ezéchiel le prophète est interpellé comme "fils d'homme" (93 fois).
L'expression est à distinguer de : "Le Fils de l'homme" accompagnée des deux articles.

2. Fréquence de l'expression Le Fils de l'homme

Matthieu                                            31 fois
Marc                                                 15 fois
Luc                                                   25 fois
Jean                                                  12 fois

Soit un TOTAL de                             83 fois

L'expression : "le Fils de l'homme" est la traduction littérale de l'état construit araméen bar'enasha.
L'expression vient du livre de Daniel (7, 13-14) ; cette partie du livre, à savoir, 2,5 à 7,28 est écrite en araméen, l'expression ne comporte pas encore l'article, le texte dit :

"13 Je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais venir, avec les nuées du ciel,
comme un fils d'homme (k bar 'ènâsh)
il parvint jusqu'au Vieillard, et on le fit avancer devant lui.
14 Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite" (Daniel 7, 13-14).

En dehors des évangiles, on ne trouve l'expression que quatre fois (Ac 7, 56 ; Hé 2,6 ; Ap 1,13 et 14,14). Jamais dans Saint Paul.
"Le Fils de l'homme", le titre est placé exclusivement sur les lèvres de Jésus, à l'exception d'Ac 7, 56 où Etienne l'emploie pour désigner Jésus :

"Voici que je contemple les cieux ouverts, et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu".

3. L'expression fait l'objet d'un développement dans le livre d'Hénok (écrit aussi Hénoch)

Le livre d'Hénok éthiopien (7), ou Premier livre d'Hénok, est attribué au patriarche Hénok (voir Genèse 5,24 ; Ben Sirac 44,16 ; Hébreux 11,4). C'est un recueil de traditions apocalyptiques, divisé en cinq parties, la deuxième nommée le Livre des paraboles ( 37-71), montre le Fils de l'Homme exerçant le jugement. Il séjourne auprès de Dieu, il possède la justice. Il doit venir à la fin des temps où il siègera sur son trône de gloire, juge universel, sauveur et vengeur des justes qui viendront auprès de lui après la résurrection.
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La suite plus tard ... .

4. L'expression le Fils de Dieu s'applique d'abord au roi d'Israël

C'est à n'en pas douter l'une des expressions les plus surprenantes pour le lecteur. Chaque roi d'Israël ou de Juda (après la chute de Samarie en 722), reçoit, le jour de son intronisation, l'onction d'huile. Elle signifie qu'il est fils de Dieu par adoption, de manière que chacune et chacun se reconnaisse en lui comme fille, fils de Dieu, par conséquent, comme il a été dit plus haut, dans l'intime proximité de Dieu. Ce qui est en conformité avec une des premières paroles du récit biblique, l'homme : "est créé à l'image de Dieu". Ainsi, il devient un "oint", si on le dit en hébreu, transcrit en langage française, cela donne messie (du verbe mashiah, oindre). Une fois la langue grecque introduite dans le Moyen-Orient, on emploiera le participe passé du verbe chriô (prononcer kriô) oindre, ce qui donne christos, christ.
Si on compte 20 rois d'Israël (entre 931 et 722) et 20 rois de Juda (entre 722 et 587), il y a un total de 40 messies ou christs avant Jésus. En raison de la promesse faite par le Seigneur à la maison de David, entre le dernier roi de Juda, Joaquin, et la venue de Jésus, il y a 600 années d'attente !

Voici quelques emplois de l'expression le Fils de l'homme, tels qu'ils se présentent en contexte, ils laissent entendre que les attributions du Fils de l'homme ne relèvent pas de la simple humanité.

- Dans le discours qui suit la rencontre avec Nicodème (Jn 3, 11-21)
Dans la partie de discours ou Jésus passe du "je" au "nous" et au "vous" (3, 11-15)
11 Amen, amen, je te le dis :
c'est de ce que nous savons que nous parlons
et de ce que nous avons vu que nous témoignons.
12 Si quand je vous ai dit les choses de la terre, vous ne croyez pas,
comment croirez-vous quand je vous dis les choses du ciel ?
13 Et nul n'est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel,
le Fils de l'homme qui est au ciel.
14 Et de même que Moïse éleva le serpent dans le désert,
ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l'homme,
15 afin que tout [homme] qui croit en lui ait la vie éternelle(Jn 3, 11-15).

Dans le discours après la guérison du paralytique de la piscine de Bethesda (Jn 5, 19-47)
26 Comme le Père, en effet, a la VIE en lui-même,
de même Il a également donné au Fils d'avoir la VIE en lui-même.
27 Et l'autorité Il lui a donnée de faire le JUGEMENT
parce qu'il est le Fils de l'homme (Jn 5, 26-27).

Dans le long enseignement après que Jésus a rendu grâce sur les pains (Jn 6, 1-72)
Il y a trois mentions du Fils de l'homme
27 Tranvaillez (ergazomai) non la nourriture (brôsis) qui se perd
mais la nourriture (brôsis) qui demeure en vie éternelle,
celle que le Fils de l'homme vous donnera (Jn 6, 27).

52 Les juifs alors se querellaient entre eux en disant :
"Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger(esthiô) ?"
Réponse de Jésus : le Fils de l'homme (6, 53-59)
53 Jésus leur dit alors : "Amen, amen, je vous le dis,
si vous ne mangez (esthiô) la chair du Fils de l'homme et ne buvez son sang,
vous n'aurez pas la vie en vous (Jn 6, 62-63)

62 Et quand vous verrez le Fils de l'homme monter là où il était auparavant !
63 C'est l'esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. (Jean 6, 62-63)