| | Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. | |
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Claude Coowar
Messages : 357 Inscription : 25/11/2013
| Sujet: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 5/12/2016, 08:19 | |
| RAPPEL.Causes de doctorat qui sont à l'étude. Les dossiers concernant les nouveaux docteurs de l'Église sont examinés conjointement par la congrégation pour les causes des saints et celle pour la doctrine de la foi. La proclamation de Bernardin de Sienne comme docteur pourrait être très proche, puisqu'il ne manque que l'approbation finale du pape. Parmi les autres causes de doctorat actuellement examinées, on compte cinq femmes : - Véronique Giuliani, Gertrude de Helfta, Brigitte de Suède, Marguerite-Marie Alacoque et Julienne de Norwich, - et neuf hommes : Jean Bosco, Cyrille et Méthode, Laurent Justinien, Antonin de Florence, Thomas de Villeneuve, Ignace de Loyola, Vincent de Paul, et Louis-Marie Grignion de Montfort. D'autres noms sont parfois proposés par des conférences épiscopales, c'est ainsi le cas de la sainte polonaise Faustine Kowalska le dimanche 2 octobre 2011 à l'occasion du deuxième congrès mondial de la divine miséricorde. Saint Bernardin de Sienne. Biographie. http://hodiemecum.hautetfort.com/archive/2008/05/19/20-mai-saint-bernardin-de-sienne-franciscain-1444.html 20 mai. Saint Bernardin de Sienne, Franciscain. 1444. " On pressait un jour Jean d'Avila, l'apôtre de l’Andalousie, de donner des règles pour enseigner l'art de prêcher : " Je ne connais d'autre art que l'amour de Dieu et le zèle pour Sa gloire". Il avait coutume de dire aux jeunes ecclésiastiques "qu'un mot prononcé par un homme de prière toucherait plus que des discours éloquents". Bernardin Albizesca, issu d'une noble famille de Sienne, donna dès son enfance des marques éclatantes de sainteté. Elevé dans des habitudes honnêtes par ses parents qui étaient vertueux, il négligea les jeux de l'enfance, et dès ses premières études sur la grammaire on le vit se livrer aux Oeuvres de la piété, au jeune, à l'oraison, et particulièrement au culte de la très sainte Vierge. La charité envers les pauvres éclatait en lui. Après quelques années, dans le but de mieux pratiquer encore toutes ces vertus, il voulut être du nombre des confrères qui servent Dieu à Sienne dans l'hôpital de Notre-Dame de la Scala, d'où sont sortis plusieurs personnages célèbres par leur sainteté. Il s'y exerça avec une ferveur et une charité incroyables à la mortification de son corps et au soin des malades, durant une peste qui sévissait cruellement sur la ville, si bien qu’on lui confia la direction de l'établissement. Entre autres vertus, il garda inviolablement la chasteté, malgré les dangers que pouvait lui susciter la rare beauté de ses traits ; et tel fut le respect qu'il inspira, que les plus licencieux n'auraient osé prononcer un mot déshonnête en sa présence. Après une grave maladie qu'il avait endurée avec la plus héroïque patience pendant quatre mois, il conçut le dessein d'embrasser la vie religieuse. Afin de s'y disposer, il loua une petite maison à l'extrémité de la ville, où il vécut inconnu, menant la vie la plus austère, et priant Dieu continuellement de lui faire connaître le parti qu'il devait prendre. En 1402, il entra chez les Franciscains de l’Étroite-Observance ; y fit profession le 8 septembre 1403 et fut ordonné prêtre le 8 septembre 1404. Il excella en humilité, en patience et en toutes les autres vertus religieuses. Le gardien du couvent ayant remarqué cette haute vertu, et connaissant d'ailleurs la science à laquelle ce religieux était arrivé dans les saintes lettres, lui imposa le devoir de la prédication. Le saint accepta humblement cet emploi, bien qu'il s'y reconnût peu propre, à cause de la faiblesse et de l'enrouement de sa voix. Mais ayant imploré le secours de Dieu, il se trouva délivré miraculeusement de cet obstacle.Il se consacra donc à la prédication, surtout dans l’Italie du Nord . A cette époque, un débordement de crimes était répandu en Italie, et de sanglantes factions y foulaient aux pieds toutes les lois divines et humaines. Bernardin parcourut les villes et les villages au nom de Jésus qu'il avait toujours à la bouche et dans le coeur, et vint à bout par ses discours et ses exemples de rétablir presque partout la piété et les bonnes mœurs qui avaient disparu. Plusieurs villes considérables le demandèrent au pape pour leur évêque ; mais Bernardin refusa constamment cette dignité par une humilité invincible.Il résidait, de préférence, dans les ermitages. À partir de 1417, ayant prêché à Milan, sa renommée de prédicateur devint manifeste et on l’appelait donc de toutes les villes de l’Italie, pour des auditoires de plusieurs milliers de personnes. Il était contraint de prêcher sur les places publiques, car aucune église ne pouvait contenir ces foules. Il prêchait essentiellement la pénitence, l’invitation à la conversion des moeurs et s’adressait aussi bien au peuple qu’aux responsables des cités, provoquant parfois des réformes des législations locales, notamment en ce qui concerne les pratiques usuraires qui pesaient lourdement sur le pauvre peuple. Le saint Nom de Jésus. Il invitait les édiles à inscrire le nom de Jésus sur les murs des édifices, au moins les 3 lettres IHS (Iesus humani salvator, Jésus sauveur des hommes). Il prêchait en montrant aux foules un panneau portant le monogramme du Christ IHS peint en lettres d'or dans un soleil symbolique. En effet sa prédication était centrée sur le nom de Jésus dont il recommandait la dévotion. Quelques religieux, jaloux de ses succès, le dénoncèrent à Rome, l’accusant de déviation doctrinale. Saint Jean de Capistran prit sa défense auprès du pape Martin V. Celui-ci approuva la dévotion au Nom de Jésus et voulut faire de Bernardin l’évêque de Sienne. Mais Bernardin refusa, préférant continuer ses prédications en Italie. Le 7 janvier 1432, malgré de nouvelles attaques contre Bernardin, le pape Eugène IV imposa le silence à ses détracteurs. En 1530, la fête du Saint Nom de Jésus fut accordée aux Frères mineurs, et étendue à l’Église universelle en 1722. Le réformateur. En 1438, Bernardin devint vicaire général de l’Ordre franciscain, et y développa la réforme dont il devint l’ardent promoteur, y gagnant de nombreux couvents et ermitages d’Italie. Il envoya des missionnaires en Orient, dans l’espoir de permettre un rapprochement avec les chrétiens séparés, ce qui devint la visée du Concile de Florence où il eut l’occasion de s’adresser lui-même aux pères Grecs (1439). Le pape Eugène IV, en 1443, le désigna comme prédicateur d’une croisade contre les Turcs, mais il ne semble pas avoir eu l’occasion de s’acquitter de cette charge. Ayant résigné sa charge de Vicaire de l’Ordre, il reprit ses tournées de prédication vers le Royaume de Naples, mais il était très fatigué et usé. Il attrapa une fièvre maligne, à Aquila où il mourut, le 20 mai 1444, dans le couvent de cette ville, tandis que les frères chantaient l’antienne : " Père, j’ai fait connaître votre nom aux hommes que vous m'avez donné ; maintenant je prie pour eux et non pour le monde, parce que je viens à vous". Il fut inhumé dans l’église du couvent. De nombreux miracles lui furent attribués, si bien que le pape Nicolas V le canonisa le 24 mai 1450. Notons que jeune, saint Bernardin avait assisté à un sermon de saint Vincent Ferrier à Alexandrie en Lombardie et que ce dernier avait prédit sa sainteté sans le connaître puisqu'il avait dit : " Il y a un personnage en cet auditoire qui sera la lumière de l'Ordre de Saint-François, de toute l'Italie et de l'Eglise, et qui sera déclaré Saint". Son saint corps est conservé dans une double-châsse au couvent des Franciscain d'Aquila. L’Italie le considère comme son plus grand prédicateur. Dès sa canonisation, les peintres et les sculpteurs les plus illustres le représentèrent très fréquemment. Bernardin prêchait habituellement en langue vulgaire, dans un style populaire et plein d’images et d’interpellations des auditeurs. Mais les sermons écrits en latin que nous possédons sont certainement des recompositions, un peu savantes, qui laissent mal transparaître la verve de l’orateur. Ils furent publiés à partir de 1501, à Lyon, puis à Paris en 1536, enfin à Venise en 1745. Les éditions franciscaines de Quaracchi en ont fait une édition critique entre 1950 et 1965. PRIERE. " Qu'ils sont beaux, Ô Bernardin, les rayons qui forment le nom de Jésus ! Que leur lumière soit douce, au moment où le Fils de Dieu reçoit ce nom sauveur, le huitième jour après sa naissance ! Mais quel œil mortel pourrait supporter leur éclat, lorsque Jésus opère notre salut, non plus dans l'humilité et la souffrance, mais par le triomphe de sa résurrection ? C'est au milieu des splendeurs pascales du nom de Jésus que vous nous apparaissez, Ô Bernardin ! Ce nom que vous avez aimé et glorifié vous associe désormais à son immortelle victoire. Maintenant donc répandez sur nous, plus abondamment encore que vous ne le faisiez sur la terre, les trésors d'amour, d'admiration et d'espérance dont ce divin nom est la source, et purifiez les yeux de notre âme, afin que nous puissions un jour contempler avec vous ses magnificences. Apôtre de la paix, l'Italie, dont vous avez si souvent apaisé les factions, a droit de vous compter au rang de ses protecteurs. Voyez-la en ces jours livrée en proie aux ennemis du Sauveur des hommes, rebelle à la voix de la sainte Eglise, et tristement abandonnée à son sort. Ne vous souviendrez-vous pas que c'est dans son sein que vous avez pris naissance, qu'elle fut docile à votre voix, et que longtemps votre mémoire lui fut chère? Intervenez en sa faveur ; arrachez-la à ceux qui l'oppriment, et montrez qu'au défaut des armées de la terre, les milices célestes peuvent toujours sauver les villes et les provinces. Illustre fils du grand patriarche d'Assise, l'Ordre séraphique vous vénère comme l'une de ses principales colonnes. Vous avez ravivé dans son sein l'observance primitive ; continuez du haut du ciel à protéger l'œuvre commencée par vous ici-bas. La famille de saint François est l'un des plus fermes appuis de la sainte Eglise ; faites-la fleurir toujours, soutenez-la dans les tempêtes, multipliez-la en proportion des besoins du peuple fidèle ; car vous êtes le second père de cette famille sacrée, et vos prières sont puissantes auprès du Rédempteur dont vous avez confessé le nom glorieux sur la terre". SERMON SUR LE NOM GLORIEUX DE JESUS. « Le nom de Jésus est la gloire des prédicateurs, parce qu’il fait annoncer et entendre sa parole dans une gloire lumineuse. Comment crois-tu que se soit répandue dans le monde entier une clarté de foi si grande, si rapide et si fervente, sinon parce qu’on a prêché Jésus ? N‘est-ce pas par la clarté et la saveur de ce nom que Dieu nous a appelés à son admirable lumière ? A ceux qui ont été illuminés et qui voient la lumière dans cette lumière, l’Apôtre peut bien dire : Autrefois, vous n’étiez que ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes devenus lumière ; vivez comme des fils de la lumière. Par conséquent, il faut faire connaitre ce nom pour qu’il brille, et ne pas le passer sous silence. Cependant, il ne doit pas être proclamé dans la prédication par un cœur impur ou une bouche souillée, mais il doit être conservé puis proclamé par un vase choisi. C’est pourquoi le Seigneur dit au sujet de saint Paul : " Cet homme est le vase que j’ai choisi afin qu’il porte mon Nom auprès des nations païennes, auprès des rois, et des fils d’Israël. Le vase que j’ai choisi, dit-il, est celui où se montre un liquide très doux et de grand prix, pour qu’on ait envie de le boire parce qu’il brille et resplendit dans des vases de choix : afin qu’il porte mon nom, dit le Seigneur ». Lorsqu’on allume un feu pour nettoyer les champs, les buissons et les épines, sèches et stériles, se mettent à brûler ; lorsque les ténèbres sont chassées par les rayons du soleil levant, les voleurs, les vagabonds nocturnes, les cambrioleurs vont se cacher. C’est ainsi que la prédication de saint Paul, comme un fracas de tonnerre, comme un incendie violent, comme le soleil à son aurore, faisait disparaître l’incroyance, dissipait l’erreur, mettait en lumière la vérité, à la manière dont la cire se liquéfie sous un feu intense. En effet, il mettait partout le nom de Jésus : dans ses paroles, ses lettres, ses miracles et ses exemples. Il louait le nom de Jésus continuellement, il le chantait dans son action de grâce. De plus, l’Apôtre portait ce nom auprès des rois, des nations païennes et des fils d’Israël, comme une lumière dont il illuminait les nations du monde, et partout il s’écriait : La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. Rejetons les activités des ténèbres, revêtons-nous pour le combat de la lumière. Conduisons-nous honnêtement, comme on fait en plein jour. Il montrait à tous la lampe ardente, posée sur le lampadaire, annonçant en tout lieu Jésus, le crucifié. Aussi l’Église, épouse du Christ, toujours appuyée sur son témoignage, exulte-t-elle en disant avec le Prophète : Mon Dieu, tu m’as instruit dès ma jeunesse et je redirai tes merveilles jusqu’à présent, c’est-à-dire toujours. Le prophète y exhorte aussi en disant : « Chantez le Seigneur en bénissant son nom, de jour en jour proclamez son salut, c’est-à-dire Jésus le Sauveur » . Saint Bernardin de Sienne. Nom de Jésus, Gloire des prédicateurs. http://www.vatican.va/spirit/documents/spirit_20010518_bernardino_fr.html Le nom de Jésus, gloire des prédicateurs. « Le nom de Jésus est la gloire des prédicateurs, parce qu’il fait annoncer et entendre sa parole dans une gloire lumineuse. Comment crois-tu que ce soit répandue dans le monde entier une clarté de foi si grande, si rapide et si fervente, sinon parce qu’on a prêché Jésus ? N’est-ce pas par la clarté et la saveur de ce nom que Dieu nous a appelés à son admirable lumière ? À ceux qui ont été illuminés et qui voient la lumière dans cette lumière, l’Apôtre peut bien dire : Autrefois, vous n’étiez que ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes devenus lumière ; vivez comme des fils de la lumière. Par conséquent, il faut faire connaître ce nom pour qu’il brille, et ne pas le passer sous silence. Cependant, il ne doit pas être proclamé dans la prédication par un cœur impur ou une bouche souillée, mais il doit être conservé puis proclamé par un « vase choisi ». C’est pourquoi le Seigneur dit au sujet de saint Paul : "Cet homme est le vase que j’ai choisi pour qu’il porte mon Nom auprès des nations païennes, auprès des rois et des fils d’Israël. Le vase que j’ai choisi, dit-il, est celui où se montre un liquide très doux et de grand prix, pour qu’on ait envie de boire parce qu’il brille et resplendit dans des vases de choix : afin qu’il porte mon nom, dit le Seigneur".
Lorsqu’on allume un feu pour nettoyer les champs, les buissons et les épines, sèches et stériles, se mettent à brûler, lorsque les ténèbres sont chassées par les rayons du soleil levant, les voleurs, les vagabonds nocturnes, les cambrioleurs vont se cacher. C’est ainsi que la prédication de saint Paul, comme un fracas de tonnerre, comme un incendie violent, comme le soleil à son aurore, faisait disparaître l’incroyance, dissipait l’erreur, mettait en lumière la vérité, à la manière dont la cire se liquéfie sous un feu intense. En effet, il mettait partout le nom de Jésus : dans ses paroles, ses lettres, ses miracles et ses exemples. Il louait le nom de Jésus continuellement, il le chantait dans son action de grâce. De plus, l’Apôtre portait ce nom auprès des rois, des nations païennes et des fils d’Israël, comme une lumière dont il illuminait les nations du monde, et partout il s’écriait : La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. Rejetons les activités des ténèbres, revêtons-nous pour le combat de la lumière. Conduisons-nous honnêtement, comme on fait en plein jour. Il montrait à tous la lampe ardente, posée sur le lampadaire, annonçant en tout lieu Jésus, le crucifié. Aussi l’Église, épouse du Christ, toujours appuyée sur son témoignage, exulte-t-elle en disant avec le Prophète : Mon Dieu, tu m’as instruit dès ma jeunesse, et je redirai tes merveilles jusqu’à présent, c’est-à-dire toujours. Le prophète y exhorte aussi en disant : Chantez le Seigneur en bénissant son nom, de jour en jour proclamez son salut, c’est-à-dire Jésus le Sauveur". De l’Homélie sur le nom de Jésus-Christ, de saint Bernardin de Sienne, Serm. 49, 2 (Opera omnia, 4, 505-506). PRIERE. "Dieu qui as mis au cœur de saint Bernardin de Sienne un amour admirable pour le nom de Jésus, permets qu’à sa prière et par ses mérites le feu de la charité nous envahisse. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Amen". Préparé par le Département de Théologie Spirituelle de L’Université Pontificale de la Sainte-Croix
Dernière édition par Claude Coowar le 19/12/2016, 21:46, édité 5 fois | |
| | | Claude Coowar
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 5/12/2016, 10:02 | |
| http://www.mariedenazareth.com/qui-est-marie/st-bernardin-de-sienne-1380-1444 Saint Bernardin de Sienne. 01 St Bernardin de Sienne, un franciscain amoureux de Marie. (1380 – 1444).
Saint Bernardin est franciscain, prédicateur populaire, et très amoureux de la mère du Seigneur. On ne peut pas ignorer que certaines affirmations de saint Bernardin de Sienne sur la Vierge sont exagérées, étranges et inacceptables [1] si on ne tient pas compte du contexte de sa doctrine et des circonstances dans lesquelles elles furent prononcées. Saint Bernardin de Sienne était un prédicateur populaire, attentif et sensible à la mentalité et à la religiosité de ses auditeurs. C'est pourquoi ses intempérances de pensée et d'expression abondent dans les sermons en langue vulgaire ; mais dans ses sermons en langue latine, saint Bernardin se révèle plus disposé à l'usage d'un langage plus rigoureux. De toute façon, pour connaître saint Bernardin, il n'est pas correct de se limiter aux assertions exagérées ou étranges. Mère incomparable, montée au ciel. « Elle est devenue Notre Dame à l'Assomption, quand elle "fut exaltée au-dessus des chœurs des anges dans les royaumes célestes » [2] ; et elle devint "reine des cieux et reine des anges". Mais elle fut déjà admirablement illuminée à l'instant de l'infusion de son âme dans le corps ; en mesure plus admirable encore au moment de la conception du Fils de Dieu ; et de manière admirable superlativement au moment de son Assomption et de sa glorification ». Médiatrice des dons de l'Esprit Saint. " A partir du jour où la Vierge Marie conçut le Verbe divin elle acquit comme un droit spécial sur toutes les processions temporelles du Saint-Esprit, c'est-à-dire sur tous les dons que l'Esprit-Saint communique aux hommes, en sorte que depuis lors personne n'a reçu de Dieu aucune grâce, si ce n'est par l'entremise et des mains de Marie, notre bonne et tendre Mère". "Depuis le moment où elle est devenue la Mère du Fils de Dieu qui est celui qui donne l'Esprit Saint, tous les dons, les vertus et les grâces du même Esprit Saint sont accordés à travers ses mains, elle les donne à qui elle veut, quand elle veut et dans la mesure qu'elle veut".
. http://www.saintjosephduweb.com/Saint-Joseph-par-Saint-Bernardin-de-Sienne_a24.html http://www.vatican.va/spirit/documents/spirit_20010319_bernardino_fr.html Saint Bernardin de Sienne. 01 Saint Joseph par Saint Bernardin de Sienne Joseph, gardien fidèle...
« C’est une loi générale, dans la communication de grâces particulières à une créature raisonnable : lorsque la bonté divine choisit quelqu’un pour une grâce singulière ou pour un état sublime, elle lui donne tous les charismes nécessaires à sa personne ainsi qu’à sa fonction, et qui augmentent fortement sa beauté spirituelle. Cela s’est tout à fait vérifié chez saint Joseph, père présumé de notre Seigneur Jésus Christ, et véritable époux de la Reine du monde et Souveraine des anges. Le Père éternel l’a choisi pour être le nourricier et le gardien fidèle de ses principaux trésors, c’est-à-dire de son Fils et de son épouse ; fonction qu’il a remplie très fidèlement. C’est pourquoi le Seigneur a dit : Bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton maître. Si tu compares Joseph à tout le reste de d’Eglise du Christ, n’est-il pas l’homme particulièrement choisi, par lequel et sous le couvert duquel le Christ est entré dans le monde de façon régulière et honorable ? Si donc toute la sainte Eglise est débitrice envers la Vierge Marie parce que c’est par elle qu’elle a pu recevoir le Christ, après elle, c’est à saint Joseph qu’elle doit une reconnaissance et un respect sans pareil. Il est en effet la conclusion de l’Ancien Testament : c’est en lui que la dignité des patriarches et des prophètes reçoit le fruit promis. Lui seul a possédé en réalité ce que la bonté divine leur avait promis. Certes, il ne faut pas en douter : l’intimité, le respect, la très haute dignité que le Christ pendant sa vie humaine portait à Joseph, comme un fils à l’égard de son père, il n’a pas renié tout cela au ciel, il l’a plutôt enrichi et achevé. Aussi le Seigneur ajoute-t-il bien ; Entre dans la joie de ton maître. Bien que la joie de l’éternelle béatitude entre dans le coeur, le Seigneur a préféré dire : Entre dans la joie de ton maître, pour faire comprendre mystérieusement que cette joie ne sera pas seulement en lui, mais qu’elle l’enveloppera et l’absorbera de tous côtés, qu’elle le submergera comme un abîme infini. Souviens-toi de nous, bienheureux Joseph, intercède par le secours de ta prière auprès de ton Fils présumé ; rends-nous propice également la bienheureuse Vierge, ton épouse, car elle est la mère de celui qui, avec le Père et le Saint-Esprit, vit et règne pour les siècles sans fin. Amen ». Sermon de St Bernardin de SiennePRIERE. Notre Père, puis. " Dieu tout-puissant, à l’aube des temps nouveaux, tu as confié à saint Joseph la garde des mystères du salut ; accorde maintenant à ton Eglise, toujours soutenue par sa prière, de veiller sur leur achèvement". Saint Bernardin de Sienne. 01 http://www.salve-regina.com/salve/La_Pr%C3%A9%C3%A9minence_de_saint_Joseph_sur_tout_autre_saint La Prééminence de saint Joseph sur tout autre saint. http://www.salve-regina.com/salve/La_Pr%C3%A9%C3%A9minence_de_saint_Joseph_sur_tout_autre_saint La Prééminence de saint Joseph sur tout autre saint Vies de saints Auteur : P. Garrigou-Lagrange, O.P. Source : In La Vie Spirituelle, t.19, pp. 662-683 Difficulté de lecture : ♦♦ Moyen Sommaire.1 Une mission divine exceptionnelle requiert une sainteté proportionnée 2 La mission tout exceptionnelle de Joseph 3 Les vertus surnaturelles et les dons de saint Joseph. « Qui minor est inter vos, hic major est : Celui d’entre vous qui est le petit, c’est celui-là qui est le plus grand ». (Luc., ix, 48.)
La doctrine selon laquelle saint Joseph, après Marie, a été et est toujours plus uni à Notre-Seigneur que tout autre saint tend à devenir de plus en plus une doctrine communément reçue dans l’Église. Elle ne craint pas de déclarer l’humble charpentier supérieur en grâce et en béatitude aux Patriarches, à Moïse, le plus grand des prophètes, à saint Jean-Baptiste, et aussi aux Apôtres, à saint Pierre, à saint Jean, à saint Paul, à plus forte raison supérieur en sainteté aux plus grands martyrs et aux plus grands docteurs de l’Église. Cette doctrine a été enseignée par Gerson [1], par saint Bernardin de Sienne [2]. Elle devient de plus en plus courante à partir du XVIe siècle : elle est admise par sainte Thérèse, par saint François de Sales, par Suarez [3], plus tard par saint Alphonse de Liguori et beaucoup d’autres [4]. Enfin S. S. Léon XIII, dans l’encyclique Quanquam pluries, a écrit : « Certes, la dignité de Mère de Dieu est si haute qu’il ne peut être créé rien au-dessus. Mais comme Joseph a été uni à la bienheureuse Vierge par le lien conjugal, il n’est pas douteux qu’il ait approché, plus que personne, de cette dignité suréminente par laquelle la Mère de Dieu surpasse de si haut toutes les autres créatures. L’union conjugale est en effet la plus grande de toutes ; à raison de sa nature même, elle s’accompagne de la communication réciproque des biens des deux époux. Si donc Dieu a donné à la Vierge Joseph comme époux, bien certainement il ne le lui a pas seulement donné comme soutien dans la vie, comme témoin de sa virginité, gardien de son honneur, mais il l’a fait aussi participer par le lien conjugal à l’éminente dignité qu’elle avait reçue [5] ». De ce que par cette dignité Marie « surpasse toutes les autres créatures », comme il vient d’être dit en cette Encyclique, s’ensuit-il que la prééminence de Joseph doive s’entendre non seulement sur tous les autres saints, mais encore sur les anges ? On ne saurait l’affirmer avec certitude. Contentons-nous d’exprimer la doctrine de plus en plus reçue dans l’Église en disant : De tous les saints, Joseph est le plus élevé au ciel après Jésus et Marie, il est parmi les anges et les archanges. Sa mission à l’égard de la sainte Famille a fait de lui le Patron de l’Eglise universelle, son protecteur et défenseur ; à lui, en un sens, est particulièrement confiée la multitude des chrétiens dans toutes les générations qui se succèdent, comme le montrent les belles litanies qui résument ses prérogatives. Nous voudrions rappeler ici le principe sur lequel repose cette doctrine, de plus en plus admise depuis cinq siècles, de la prééminence de saint Joseph sur tout autre saint. Une mission divine exceptionnelle requiert une sainteté proportionnée.Le principe général par lequel la théologie, expliquant la révélation, montre qu’elle devait être, dès ici-bas, la plénitude de grâce créée en la sainte âme du Sauveur, quelle devait être la sainteté de Marie et aussi la foi des Apôtres, repose sur la mission divine exceptionnelle qu’ils avaient reçue, mission qui demandait une sainteté proportionnée. Il y a quelque chose de semblable pour saint Joseph. Les œuvres de Dieu sont parfaites, surtout celles qui relèvent immédiatement et exclusivement de Lui ; on ne saurait trouver en elles de désordre, de disproportion. Il en fut ainsi de l’œuvre divine dans son ensemble, au jour de la création[6]. Il en est encore ainsi des grands serviteurs de Dieu, exceptionnellement et immédiatement suscités par lui pour restaurer l’œuvre divine troublée par le péché. « Creavit Deus hominem ad imaginem suam » (Gen., I, 27). « Proposuitin dispensatione plenitudinis temporum, instaurare omnia in Christo”. (Ephes., I, 10). On saisit mieux la vérité et l’importance de ce principe révélé et de soi évident, en considérant par contraste ce qui arrive trop souvent dans la direction des choses humaines. Il n’est pas rare que des incapables et des imprévoyants y occupent de très hautes fonctions, au grand détriment de ceux qu’ils gouvernent. Ce serait même à certaines heures singulièrement irritant, si l’on ne pensait que le Seigneur compense ces choses par les actes souvent héroïques de la sainteté cachée, et si l’on ne se rappelait que chacun de nous doit faire son mes culpa au sujet de ses négligences dans l’exercice des charges ou emplois qui nous sont confiés. Ces manquements sont si fréquents, qu’on finit par n’y plus prendre garde. Mais enfin le désordre est le désordre, l’insuffisance est l’insuffisance, et il ne saurait se trouver rien de pareil en ceux qui sont immédiatement choisis par Dieu lui-même, et préparés directement par lui, pour être ses ministres exceptionnels dans l’œuvre de la rédemption. Le Seigneur leur donne une sainteté proportionnée, car il opère tout avec mesure, et le désordre ou la disproportion ne sauraient se trouver dans les œuvres proprement divines, dont lui seul est l’auteur. C’est ainsi surtout que la sainte âme de Jésus a reçu, dès le premier instant de sa création, la plénitude absolue de grâce, parce qu’elle était unie aussi intimement que possible au Verbe de Dieu, source de toute vie surnaturelle, et parce qu’elle devait nous communiquer cette vie divine par la lumière de l’Évangile, et par les mérites infinis du sacrifice de la Croix : « De plenitudine ejus nos omnes accepimus… Deum nemo vidit unquam ; unigenitus Filius, qui est in sinu Patris, ipse enarravit » (Joan., I, 16-18). Saint Thomas voit dans ce texte de l’Évangile et en d’autres semblables non seulement la plénitude de grâce, mais la gloire ou la vision béatifique dont jouissait dès ici-bas le Sauveur, pour nous conduire, comme le Maître des maîtres, vers la vie éternelle [7]. En vertu du même principe, Marie, pour être la digne Mère de Dieu, devait être la pleine de grâce » (Luc, I, 28), préservée du péché originel, associée à toutes les souffrances et à toutes les gloires de Jésus. De par sa mission unique au monde de Mère de Dieu, elle devait approcher plus intimement que personne le Verbe de Dieu fait chair, dans les deux grands mystères de l’Incarnation et de la Rédemption. Plus près de la source de toute grâce, elle devait recevoir plus qu’aucune autre créature grâce sur grâce, plus que tous les saints et tous les anges[8]. C’est enfin pour la même raison que la théologie enseigne que les Apôtres, étant plus près de Notre-Seigneur que les saints venus dans la suite, ont plus parfaitement connu les mystères de la foi[9]. Aux yeux de saint Thomas, il serait téméraire de le nier, mais il compare seulement les Apôtres aux saints venus après eux, et non pas à saint Joseph, ni à saint Jean-Baptiste[10]. Or la mission de Joseph n’a-t-elle pas été supérieure à celle des Apôtres, supérieure aussi à celle du Précurseur ? Sa vocation n’est-elle pas unique au monde comme celle de Marie ? Et en vue de sa destinée exceptionnelle, n’a-t-il pas approché davantage de la source de toute grâce, n’a-t-il pas été uni plus intimement à Notre-Seigneur ? La mission tout exceptionnelle de Joseph. Saint Jean-Baptiste était chargé d’annoncer la venue immédiate du Messie. On peut dire dès lors qu’il fut le plus grand précurseur de Jésus dans l’Ancien Testament. C’est ainsi que saint Thomas entend la parole de Jésus en saint Matthieu, XI, 11 : « En vérité, je vous le dis, parmi les enfants des femmes, il n’en a point paru de plus grand que Jean-Baptiste[11] ». Mais Notre-Seigneur ajoute aussitôt : « Cependant le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui ». Le royaume des cieux, c’est l’Église de la terre et du ciel : c’est le Nouveau Testament, plus parfait comme état que l’Ancien, quoique certains justes de l’Ancien aient été plus saints que beaucoup du Nouveau[12]. Et qui dans l’Église est le plus petit ? Paroles mystérieuses, qui ont été diversement interprétées. Elles font penser à celles-ci prononcées plus tard par Jésus : « Celui d’entre vous qui est le plus petit, c’est celui-là qui est le plus grand » (Luc., IX, 48). Le plus petit, c’est-à-dire le plus humble, le serviteur de tous [13], c’est, de par la connexion et la proportion des vertus, celui qui a la plus haute charité [14]. Et qui dans l’Église est le plus humble ? Celui qui ne fut ni Apôtre, ni Évangéliste, ni martyr extérieurement du moins, ni pontife, ni prêtre, ni docteur, mais qui connut et aima le Christ Jésus non moins certes que les apôtres, que les évangélistes, que les martyrs, que les pontifes et les docteurs, l’humble artisan de Nazareth, l’humble Joseph. Les Apôtres étaient appelés à faire connaître aux hommes le Sauveur, à leur prêcher l’Évangile pour les sauver. Leur mission, comme celle de saint Jean-Baptiste, est de l’ordre de la grâce nécessaire à tous pour le salut. Nais il y a un ordre supérieur encore à celui de la grâce. C’est celui constitué par le mystère même de l’Incarnation, l’ordre de l’union hypostatique ou personnelle de l’Humanité de Jésus au Verbe même de Dieu. A cet ordre supérieur confine la mission unique de Marie, la maternité divine, et aussi, en un sens, la mission cachée de Joseph. Cette raison a été exposée sous diverses formes par saint Bernard[15], par saint Bernardin de Sienne[16], par le dominicain Isidore de Isolanis[17], par Suarez[18] et par plusieurs auteurs récents[19]. C’est ce que Bossuet exprime admirablement dans le premier panégyrique de ce grand saint (3e point) lorsqu’il nous dit : « Entre toutes les vocations, j’en remarque deux, dans les Écritures, qui semblent directement opposées : la première, celle des Apôtres, la seconde, celle de Joseph. Jésus est révélé aux Apôtres, pour l’annoncer par tout l’univers ; Il est révélé à Joseph pour le taire et pour le cacher. Les Apôtres sont des lumières, pour faire voir Jésus-Christ au monde. Joseph est un voile pour le couvrir ; et sous ce voile mystérieux on nous cache la virginité de Marie et la grandeur du Sauveur des âmes. Celui qui glorifie les Apôtres par l’honneur de la prédication glorifie Joseph par l’humilité du silence. » L’heure de la manifestation du mystère de Noël n’est pas en effet encore venue ; cette heure doit être préparée par trente ans de vie cachée. La perfection consiste à faire ce que Dieu veut, chacun selon sa vocation, mais la vocation tout exceptionnelle de Joseph ne dépasse-t-elle pas dans le silence et l’obscurité celle même des plus grands Apôtres, ne touche-t-elle pas de plus près au mystère de l’Incarnation rédemptrice ? Joseph après Marie ne fut-il pas plus rapproché que personne de l’Auteur même de la grâce ? S’il en fut ainsi, il reçut dans le silence de Bethléem, pendant le séjour en Égypte et dans la petite maison de Nazareth, plus de grâces que n’en recevra jamais aucun saint. Quelle fut sa mission spéciale par rapport à Marie ? Elle consista surtout à préserver la virginité et l’honneur de Marie, en contractant avec la future Mère de Dieu un mariage véritable, mais absolument saint. Comme le rapporte l’Évangile de saint Matthieu, I, 20 : L’ange du Seigneur qui apparut en songe à Joseph lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains point de prendre avec toi Marie, ton épouse ; car ce qui est formé en elle est l’ouvrage du Saint-Esprit. » Marie est bien son épouse. II s’agit d’un mariage véritable[20], mais tout céleste, et il devait avoir une fécondité toute divine[21]. La plénitude initiale de grâce donnée à la Vierge en vue de la maternité divine appelait en un sens le mystère de l’Incarnation [22] . Comme le dit Bossuet : « C’est la virginité de Marie qui a attiré Jésus du ciel. Si c’est sa pureté qui la rend féconde, je ne craindrai plus d’assurer que Joseph a sa part à ce grand miracle. Car si cette pureté angélique est le bien de la divine Marie, elle est le dépôt du juste Joseph [23] » . C’était l’union sans tache la plus respectueuse avec la créature la plus parfaite qui fut jamais, dans le cadre le plus simple, celui d’un pauvre artisan de village. Joseph a ainsi approché plus intimement qu’aucun autre saint de celle qui est Mère de Dieu, de celle qui est aussi la Mère spirituelle de tous les hommes, de lui-même Joseph, de celle qui est Co rédemptrice, Médiatrice universelle, distributrice de toutes les grâces. Joseph, à tous ces titres, a aimé Marie de l’amour le plus pur et le plus dévoué ; c’était même un amour théologal, car il aimait la Vierge en Dieu, et pour Dieu, pour toute la gloire qu’elle lui donnait. La beauté de tout l’univers n’était rien à côté de la sublime union de ces deux âmes, union créée par le Très-Haut qui ravissait les anges et réjouissait le Seigneur Lui-même. Quelle fut la mission exceptionnelle de Joseph auprès du Seigneur ? En toute vérité le Verbe de Dieu fait chair lui fut confié, à lui Joseph, plutôt qu’à tout autre juste parmi les hommes de toutes les générations. Si le saint vieillard Siméon a tenu quelques instants l’enfant Jésus et a vu en lui le salut des peuples, « lumen ad revelationem gentium », Joseph a veillé toutes les heures, nuit et jour, sur l’enfance de Notre-Seigneur. Souvent il a tenu en ses mains celui en qui il a vu son Créateur et son Sauveur. II a reçu de lui grâces sur grâces pendant les longues années où il a vécu avec lui dans la plus grande intimité quotidienne. Il l’a vu grandir, il a contribué à son éducation humaine. Jésus lui a été soumis[24]. On l’appelle communément le « père nourricier du Sauveur », mais il fut en un sens plus encore, car, comme le note saint Thomas [25], c’est accidentellement que tel homme devient, après son mariage, « père nourricier » ou « père adoptif » d’un enfant ; tandis que ce n’est point du tout d’une façon accidentelle que Joseph fut chargé de veiller sur Jésus. Il a été créé et mis au monde dans ce but. Ce fut sa prédestination. C’est en vue de cette mission toute divine que la Providence lui avait accordé toutes les grâces reçues depuis son enfance, grâce de piété profonde, de virginité, de prudence, de fidélité parfaite. Surtout, dans les desseins éternels de Dieu, toute la raison d’être de l’union de Joseph avec Marie était la protection et l’éducation du Sauveur, et il reçut de Dieu un coeur de père pour veiller sur l’enfant Jésus. C’est là la mission principale de Joseph, celle en vue de laquelle il a reçu une sainteté proportionnée, proportionnée en un sens, à son rang, au mystère de l’Incarnation, qui domine l’ordre de la grâce et dont les perspectives sont infinies [26]. Ce dernier point a été bien mis en lumière par Mgr Sinibaldi dans son récent ouvrage La Grandezza di San Giuseppe, p. 33-36. Il montre que saint Joseph a été éternellement prédestiné à devenir l’époux de la sainte Vierge, et explique avec saint Thomas la triple convenance de cette prédestination. Le Docteur angélique l’a établie en se demandant (IIIa, q. 29, a. 1) si le Christ devait naître d’une Vierge ayant contracté un véritable mariage. Il répond qu’il devait en être ainsi, pour le Christ lui-même, pour sa Mère et pour nous. Cela convenait grandement pour Notre-Seigneur lui-même, pour qu’il ne fût pas considéré, avant l’heure de la manifestation du mystère de sa naissance, comme un fils illégitime, et pour qu’il fût protégé dans son enfance. Pour la Vierge ce n’était pas moins convenable, pour qu’elle ne fût pas considérée comme coupable d’adultère et à ce titre lapidée par les Juifs, comme l’a noté saint Jérôme, aussi pour qu’elle fût protégée elle-même au milieu des difficultés et de la persécution qui allait commencer avec la naissance du Sauveur. Ce fut aussi, ajoute saint Thomas, très convenable pour nous, car nous avons ainsi appris par le témoignage non suspect de Joseph la conception virginale du Christ ; selon l’ordre des choses humaines, ce témoignage appuie admirablement pour nous celui de Marie. Enfin c’était souverainement convenable pour que nous trouvions à la fois en Marie le parfait modèle des Vierges et celui des épouses et mères chrétiennes. On s’explique ainsi que, selon plusieurs auteurs, le décret éternel de l’Incarnation, portant sur ce fait tel qu’il devait être réalisé hic et nunc en telles circonstances déterminées, comprenne non seulement Jésus et Marie, mais Joseph lui-même. De toute éternité en effet il était décidé que le Verbe de Dieu fait chair naîtrait miraculeusement de Marie toujours vierge, unie au juste Joseph par les liens d’un véritable mariage. L’exécution de ce décret providentiel est ainsi exprimée en saint Luc, I. 27 : « Missus est Angelus Gabriel a Deo, in civitatem Galileae, cui nomen Nazareth, ad virginem desponsatam viro, cui nomen erat Joseph, de domo David, et nomen Virginis Maria ». Saint Bernard appelle saint Joseph « magni consilii coadjutorem fidelissimum ». C’est pourquoi Mgr Sinibaldi, après Suarez et plusieurs autres, affirme, ibid., que le ministère de Joseph confine, en un sens, à son rang, à l’ordre de l’union hypostatique[27]. Non pas que Joseph ait intrinsèquement coopéré, comme instrument physique de l’Esprit-Saint, à la réalisation du mystère de l’Incarnation ; de ce point de vue son rôle est très inférieur à celui de Marie, Mère de Dieu ; mais enfin il a été prédestiné à être, dans l’ordre des causes morales, le gardien de la virginité et de l’honneur de Marie, en même temps que le protecteur de Jésus enfant. Il faut se garder ici de certaines exagérations qui fausseraient l’expression de ce grand mystère[28] ; le culte dû à saint Joseph ne dépasse pas spécifiquement celui de dulie rendu aux autres saints, mais tout porte à penser que ce culte de dulie, plus que tous les autres saints, il mérite de le recevoir[29]. C’est ainsi que l’Église, dans ses oraisons, le nomme immédiatement après Marie et avant les Apôtres, par exemple dans l’oraison A cunctis. Si saint Joseph n’est pas nommé dans le Canon de la messe, il a aujourd’hui une préface spéciale, et le mois de mars lui est consacré. Récemment, en un discours prononcé dans la Salle Consistoriale[30], le jour de la fête de saint Joseph, 19 mars 1928, S. S. Pie XI comparait ainsi la vocation de saint Joseph à celle de saint Jean-Baptiste et à celle de saint Pierre : « Fait suggestif, que de voir surgir si voisines et briller, presque contemporaines, certaines figures si magnifiques : saint Jean-Baptiste, qui s’élève du désert avec sa voix tantôt grondante et tantôt suave, comme le lion qui rugit et comme l’ami de l’Époux, qui se réjouit de la gloire de l’Époux, pour offrir enfin à la face du monde la merveilleuse gloire du martyre ; Pierre, qui s’entend dire par le divin Maître ces sublimes paroles, prononcées elles aussi à la face du monde et des siècles : « Tu es Pierre, et sur « cette pierre je bâtirai mon Église ; allez et prêchez au « monde entier », mission grandiose, divinement éclatante. Entre ces deux missions, apparaît celle de saint Joseph, mission recueillie, tacite, presque inaperçue, inconnue, qui ne devait s’illuminer que quelques siècles plus tard, un silence auquel devait succéder sans doute, mais bien longtemps après, un retentissant chant de gloire. Et de fait, là où est plus profond le mystère, plus épaisse la nuit qui le recouvre, plus grand le silence, c’est justement là qu’est plus haute la mission, plus brillant le cortège des vertus requises et des mérites appelés, par une heureuse nécessité, à leur faire écho. Mission unique, très haute, celle de garder le Fils de Dieu, le Roi du monde, la mission de garder la virginité, la sainteté de Marie, la mission unique d’entrer en participation du grand mystère caché aux yeux des siècles et de coopérer ainsi à l’Incarnation et à la Rédemption ! Toute la sainteté de Joseph est précisément dans l’accomplissement, fidèle jusqu’au scrupule, de cette mission si grande et si humble, si haute et si cachée, si splendide et si entourée de ténèbres »; Les vertus surnaturelles et les dons de saint Joseph.Ce sont surtout les vertus de la vie cachée et à un degré correspondant à celui de la grâce sanctifiante [31] : une profonde humilité, une foi pénétrante, qui ne se déconcerte jamais, une espérance inébranlable, par-dessus tout une immense charité, grandissant sans cesse au contact de Jésus, la bonté la plus délicate du pauvre, riche, en sa pauvreté, des plus grands dons de Dieu, des sept dons de l’Esprit-Saint, au même degré que sa charité. Les litanies disent : « Joseph très juste, très chaste, très prudent, très fort, très obéissant, très fidèle, miroir de patience, ami de la pauvreté, modèle des ouvriers, honneur de la vie domestique ». Sa foi vive fut à certains jours douloureuse à cause de son obscurité, obscurité dans laquelle il pressentait quelque chose de trop grand pour lui : en particulier lorsqu’il ignorait encore le secret de la conception virginale, que l’humilité de Marie tenait caché[32]. La parole de Dieu transmise par l’ange fit la lumière, en annonçant la naissance miraculeuse du Sauveur. Joseph aurait pu hésiter à croire une chose si extraordinaire ; il y croit fermement dans la simplicité de son cœur, et cette grâce insigne, loin de l’enorgueillir, le confirme pour toujours dans l’humilité. Pourquoi, se dit-il, à moi Joseph, plutôt qu’à tout autre homme, le Très-Haut a-t-il donné ce trésor infini à garder ? Il voit avec évidence qu’il n’a certes pas pu mériter un pareil don. II comprend toute la gratuité de la prédilection divine à son égard, c’est le bon plaisir souverainement libre, qui est à lui-même sa raison ; en même temps s’éclairent les prophéties, et la foi du charpentier grandit dans des proportions prodigieuses. Pourtant l’obscurité ne tarde pas à reparaître, Joseph doit cheminer à travers les rayons et les ombres. Il était déjà pauvre avant d’être l’objet des prédilections divines, avant d’avoir reçu le secret de Dieu ; il devient plus pauvre encore, remarque Bossuet, lorsque Jésus vient au monde. II n’y a point de place pour le Sauveur dans la dernière des auberges de Bethléem, il faut se retirer dans une étable. Dans la délicatesse de son cœur, Joseph dut souffrir de n’avoir rien à donner à Marie et à son fils. Lorsque Jésus vient dans une âme, disent les saints, il y entre avec sa croix, il la détache de tout pour l’unir à lui. Joseph et Marie le comprirent dès le premier jour, et la prophétie du vieillard Siméon vint confirmer leur pressentiment. Déjà la persécution commence. Hérode cherche à faire mourir le Messie. Le chef de la sainte Famille, averti par un ange, est contraint de fuir en Égypte avec Marie et l’enfant Jésus. Pauvre artisan, sans autre ressource que son travail, il part pour ce pays lointain, où nul ne le connaît ; il part, fort de sa foi en la parole de Dieu transmise par l’ange. C’est là sa mission : il doit cacher Notre Seigneur, le soustraire aux persécuteurs, et il ne reviendra à Nazareth que lorsque le danger aura disparu. Joseph est le ministre et le protecteur de la vie cachée de Jésus, comme les apôtres sont les ministres de sa vie publique. En cette vie cachée, au milieu même des épreuves, la nuit obscure de la foi s’éclaire à la lumière toujours plus radieuse et plus douce, qui vient de la sainte âme du Verbe fait chair. De retour à Nazareth, pendant les années qu’y vécut la sainte Famille, le recueillement et le silence ont régné dans la petite maison du charpentier, véritable sanctuaire, plus sacré que le saint des saints du temple de Jérusalem. C’était un silence plein de douceur, la contemplation toute aimante du mystère infini de Dieu venu parmi nous et encore ignoré de tous. De temps en temps quelques paroles traduisaient l’état profond des âmes ; mais dans cette atmosphère d’innocence et d’amour les âmes étaient transparentes l’une à l’autre et se comprenaient d’un regard sans avoir besoin de paroles. Après la contemplation de la bienheureuse Vierge, y en eut-il ici-bas de plus simple et de plus aimante que celle de l’humble charpentier, lorsqu’il regardait Jésus ? Par grâce il avait reçu pour lui les sentiments du père protecteur le plus dévoué et le plus délicat, et il était aimé par Jésus, enfant et adolescent, avec une tendresse, une reconnaissance et une force qui ne se peuvent trouver que dans le cœur même de Dieu. Un regard de Joseph sur Jésus rappelait à l’humble artisan le mystère de Bethléem, l’exil d’Égypte, le grand mystère du salut du monde. L’action incessante du Verbe de Dieu fait chair sur Joseph était l’action créatrice, qui conserve la vie après l’avoir donnée : « amor Dei infundens et creans bonitatem in rebus [33] », l’action surnaturelle, féconde en grâces toujours nouvelles. Impossible de trouver plus de grandeur en une si parfaite simplicité.Comme dans le prophète Joseph de l’Ancien Testament, Joseph vendu par ses frères et figure du Christ, c’était la plus haute contemplation dans les formes les plus simples, la contemplation divine, toute pénétrée du pur amour de charité. Il portait en son cœur le secret le plus grand, celui de l’Incarnation rédemptrice ; l’heure n’était pas encore venue de le révéler. Les Juifs n’auraient pas compris, n’y auraient pas cru ; beaucoup d’entre eux attendaient un Messie temporel couvert de gloire, et non un Messie pauvre et souffrant pour nous. La présence de Joseph voilait ce mystère : on appelait Jésus le fils du charpentier. Le pauvre artisan avait dans sa maison le Verbe de Dieu fait chair, il possédait le Désiré des nations, annoncé par les prophètes, et il n’en disait mot. Il était témoin de ce mystère, et il le goûtait en secret en se taisant. Cette contemplation très aimante était très douce pour Joseph, mais elle lui demandait aussi la plus grande abnégation, abnégation qui allait jusqu’au plus douloureux sacrifice, lorsqu’il se rappelait ces paroles de Siméon : « Cet enfant sera un signe en butte à la contradiction », et celles dites à Marie : « et vous un glaive vous transpercera la poitrine ». L’acceptation du mystère de la Rédemption par la souffrance apparaissait à Joseph comme la consommation douloureuse du mystère de l’Incarnation, et il avait besoin de toute la générosité de son amour pour offrir à Dieu, en sacrifice suprême, l’enfant Jésus et sa sainte Mère, qu’il aimait incomparablement plus que sa propre vie. Il n’a pas offert le sacrifice eucharistique, mais il a souvent offert l’enfant Jésus à son Père pour nous. Comme le dit l’abbé Sauvé, « ne voyant que la volonté de Dieu, saint Joseph reçoit d’elle, avec la même simplicité, et les joies les plus profondes et les épreuves les plus cruelles ». A peine pouvons-nous soupçonner ce que furent en l’âme de Joseph les progrès admirables de la foi, de la contemplation et de l’amour. Autant l’humble charpentier a eu une vie cachée sur la terre, autant il est glorifié dans le ciel. Celui à qui le Verbe de Dieu a obéi ici-bas conserve au ciel sur le cœur sacré de Jésus une puissance d’intercession incomparable. Comme il veillait sur la maison de Nazareth, il veille aujourd’hui sur les foyers chrétiens, sur les communautés religieuses, sur les vierges consacrées à Dieu, il est leur guide, dit sainte Thérèse, dans les voies de l’oraison ; il est aussi, comme le disent les litanies, la consolation des malheureux, l’espoir des malades, le soutien des mourants, la terreur des démons, le Protecteur de la sainte Église, grande famille de Notre-Seigneur. Demandons-lui de nous faire connaître le prix de la vie cachée, la splendeur des mystères du Christ, et l’infinie bonté de Dieu, telle qu’il l’a vue lui-même dans l’Incarnation rédemptrice. Rome. Angelico.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 6/12/2016, 11:47 | |
| Saint Bernardin de Sienne. 01 LES FRANCISCAINS ET LE LIBERALISME . http://abimopectore.over-blog.com/article-30768366.html Les franciscains et le libéralisme. Publié le 28 Avril 2009 Vu cet entretien passionnant (qui rejoint, dans l'idée, cet ouvrage) dans les Echos. Là encore, il y aurait quelques petites remarques à faire, mais on ne va pas bouder notre plaisir. On lira avec intérêt également, la revue de presse, en bas de cette page. Enjeux-Les Échos : Depuis Max Weber, on associe le succès du capitalisme à l’éthique protestante. Mais les Franciscains en auraient jeté les bases dès le Moyen Âge… Giacomo Todeschini : En 1904, Max Weber suggère en effet que le protestantisme a développé une éthique financière fondée sur la prédestination : l’« esprit du capitalisme » résulte d’un choix religieux, le succès économique est une preuve du salut. Mais à son époque – il meurt en 1920 –, la doctrine économique des ordres mendiants, à l’exception des écrits de saint Thomas d’Aquin, n’était pas connue, ni leurs textes édités. On redécouvre saint Bernardin de Sienne dans les années 1950. Ce célèbre Franciscain du XV-XVIe siècle a écrit un véritable traité sur les contrats et le prêt sur gages. Dans les années 1970, il est encore considéré comme une sorte de « primitif » de l’analyse économique. En réalité, sa pensée est profondément enracinée dans une tradition économique franciscaine déjà formalisée au XIIIe siècle. Cela étant, il est très clair pour Max Weber que le discours économique de la société occidentale est très proche de celui de la théologie chrétienne. Massimo Amato, économiste de l’université Bocconi (Milan), parle même encore aujourd’hui de l’économie politique comme d’une « science théologique qui s’ignore en tant que telle ». (L’Énigme de la monnaie, à paraître). Ce lien transcendance-capitalisme est en effet capital pour comprendre l’attachement de la majorité des Occidentaux au marché, au-delà de son utilité individuelle ou collective et des profits vérifiables et réels qu’il produit. Comment les Franciscains, un ordre mendiant, en sont-ils arrivés à concevoir ce qui allait devenir le langage de l’économie moderne ?L’ordre franciscain, fondé par saint François d’Assise, qui rédigera la règle de l’ordre en 1241, « découvre » le marché et l’échange avec la nécessité de mettre en pratique une règle qui prescrit la pauvreté comme critère de vie quotidienne juridiquement rationnel.Cette pauvreté évangélique envisage la privation comme une forme d’usage des biens énonçable juridiquement. L’échange des biens leur permet d’évaluer cette notion subjective qu’est la nécessité. La valeur des choses, et donc leur prix, leur apparaît alors comme une quantité qu’on doit calculer pour distinguer le nécessaire du superflu.Le traité sur les contrats du franciscain Pierre de Jean Olieu (vers 1294) se présente ainsi comme une théorie de la valeur-prix des biens commercialisables et de la valeur-prix du travail des hommes. Le marché devient l’espace social par excellence dans lequel on peut et l’on doit contracter et calculer la valeur relative des choses et des hommes. Ce qui fait de l’école franciscaine une sorte de laboratoire à la fois économique et mystique. En somme, les Franciscains légitiment le commerce, l’artisanat et surtout la banque et le profit, à la condition qu’ils servent un « bien collectif » ?L’échange profitable est en effet admis et valorisé s’il est mis au service de la société chrétienne avançant sur la voie du salut. La pauvreté et le refus de toute thésaurisation improductive entraînent les Franciscains dans une logique d’appréciation des valeurs en tant que ces valeurs circulent. Apprendre l’art de l’évaluation, c’est-à-dire de l’échange profitable, et le pratiquer (en s’enrichissant ou en se privant) manifeste l’appartenance au monde de ceux qui reconnaissent le mystère du Christ : richesse infinie dans un corps pauvre et mortel. Les monnaies et l’argent sont à la fois des objets réels et virtuels : il faut savoir s’éloigner de l’argent tangible pour apprendre à calculer la valeur monétaire des choses, en prévision d’une utilité sociale et collective future. Le discours économique franciscain n’est pas une découverte abstraite des lois de l’économie moderne, mais plutôt le début d’un langage occidental du marché et du profit construit avec la syntaxe théologique du salut. L’économie se révèle comme la dimension dans laquelle on vérifie l’appartenance civique et la compétence politique des sujets aspirant à participer à la communauté, au « bien commun ». Sur cette base, entre les XIVe et XVe siècles, les Franciscains affirment la rationalité du prêt public et fondent les monts-de-piété. La ville médiévale, puis l’État chrétien, deviendront par la suite les théâtres d’un marché dans lequel on définit la valeur des choses et des hommes. L’Etat providence et la justice sociale seraient-ils les avatars séculiers du mont-de-piété et de la justification de l’enrichissement de quelques-uns à condition qu’ils contribuent au bien de la communauté ?L’État providence est la conséquence institutionnelle d’un discours très ancien qui définit la richesse en termes d’attribut du pouvoir des « élus ». Le marché, d’un côté, et l’État providence, de l’autre, traduisent en termes modernes et bourgeois (oublieux de leurs antécédents linguistiques et symboliques) la dialectique entre marchés en tant que manifestation de la puissance des États, et protection élargie par cette puissance aux fidèles incapables de participer au progrès du corps civique. Q uel statut et quel rôle occupent donc le marchand et le banquier dans la société des Franciscains ?Le marchand, c’est-à-dire l’expert des échanges et de la valeur, devient un acteur emblématique de la vie sociale et religieuse : son aptitude à évaluer et à calculer (pour son profit personnel aussi) fonde la capacité à distinguer le nécessaire du superflu, qui doit caractériser les chrétiens en général. Le profit du marchand découle de son intelligence, reconnue par la majorité des contractants, à comprendre le « vrai » prix du marché dans la fourchette des probabilités. En complément d’une compétence en matière de pauvreté, l’école franciscaine définit ainsi une aptitude des professionnels du marché à manier la richesse. Cette découverte a pour conséquence fondamentale une nouvelle définition du crédit et de la productivité de l’argent. Dès lors que celui-ci appartient à des marchands reconnus comme « fidèles » par les théologiens de la pauvreté, il a un prix (à la différence de l’argent « inutile » et stérile de l’usurier) et le banquier peut, à certaines conditions, l’anticiper, le prêter à intérêt, le faire fructifier. Le marchand devient légitimement banquier si son argent est déclaré utile à la communauté chrétienne. Que sont devenus aujourd’hui la place, le rôle et l’éthique des banquiers ?Le banquier, voire le professionnel de l’économie financière, encadré par la banque (institution charismatique s’il en est) assume de l’ancien modèle franciscain un charisme qui le définit comme expert des jeux du marché et implicitement du bonheur social. Mais, à la différence du marchand-banquier des Franciscains, il n’est plus fidèle qu’à lui-même , c’est-à-dire à l’idée d’une croissance infinie et indéterminée de la richesse dont il est l’administrateur et/ou le propriétaire. La confiance que les gens ont en lui dépend désormais de la certitude – historiquement compréhensible mais qui n’est plus fondée sur une expérience réelle – que le banquier est le représentant laïc de la communauté économique et, donc, le garant d’une socialité quotidienne fondée sur les échanges grands ou petits, proches ou lointains, entre voisins ou entre inconnus. En quoi tes Franciscains et leurs successeurs éclairent-ils ta crise générale du crédit et de ta confiance dont souffre aujourd’hui ta planète ?Cette crise de confiance dans le marché – provoquée par la dépréciation brutale des investissements des individus – procède de la croyance de la majorité des Occidentaux (et des non-Occidentaux qui ont pris le marché occidental pour modèle d’organisation politique) dans le charisme économique des initiés aux mystères du marché. La globalisation a transformé le marché de la ville et des États en une arène totalement libre, c’est-à-dire en un espace contrôlé par des « experts » incontrôlables. La foi/confiance dans la capacité d’évaluation des marchands « fidèles » est graduellement devenue une fois dans la capacité magique d’entrepreneurs et financiers inconnus et invisibles. D’où cette contradiction dramatique, à laquelle on aboutit, entre une idée de marché et de finance civique (garantie, croyait-on, par les fonctionnaires de la banque d’à côté ou par le ministre qu’on voyait sur la place de la ville, du village et à la télé) et une réalité, découverte peu à peu, de marchés financiers totalement incompréhensibles et trompeurs. Le familier/fiable s’est révélé étranger, autre, infidèle. Les Franciscains ont fondé le « capitalisme » en séparant très clairement ceux qui étaient dignes de foi des autres. Quelle est aujourd’hui la version séculière de cette séparation à partir de laquelle on pourrait « refonder » le capitalisme ?La « refondation du capitalisme » sur des bases éthiques demeurera une utopie si par capitalisme on entend une recherche du profit individuel et collectif déterminée par un marché organisé autour d’une fiabilité totalement arbitraire et subjective, c’est-à-dire sanctionnée librement par les sujets économiques les plus forts et les plus violents. Dans cette perspective, classiquement libérale, qui n’a pas encore été vraiment rediscutée à la lumière de la crise actuelle, on peut exclure du cercle de la crédibilité, voire du droit de connaître le fonctionnement effectif des jeux économiques, donc de participer à la redistribution de la richesse, chaque individu ou groupe économique qui n’est pas « élu » à participer au marché par l’autorité de ceux qui le font en le possédant. Cette participation ou exclusion ne dépend pas aujourd’hui, comme chez les théologiens du Moyen Age, d’une participation à un système de valeurs, à une culture, mais plutôt du fait d’être fort ou faible, d’appartenir à la société sans frontières des économiquement puissants ou, au contraire, à la majorité de ceux qui ignorent totalement ou partiellement les secrets des liturgies financières. Si l’économie ne doit plus être sous la loi des plus forts et des mieux initiés, quel système de valeurs/droit/culture peut-il l’encadrer ? On ne va tout de même pas mettre un Franciscain derrière chaque banquier américain, saoudien, chinois ou européen… Ce ne serait pas une solution, en effet. L’hypothèse théologique franciscaine du marché était fondée sur l’idée d’une séparation claire et visible entre l’espace productif de la fidélité et l’espace stérile des « autres ». L’univers financier globalisé et autoréférentiel d’aujourd’hui établit que la force est la seule forme d’appartenance civique et d’identité, ou encore de fidelitas. Dans cet univers, il n’y a pas les « autres », les « infidèles », mais seulement des victimes. Pour en sortir, il faudrait reconnaître enfin le droit des gens à participer aux richesses du monde selon leurs besoins et nécessités. Un marché éthique n’est possible qu’à cette condition. Si saint François d’Assise et saint Bernardin de Sienne avaient assisté au G20 à Londres, qu’auraient-ils dit ?On pourrait imaginer un petit dialogue de ce genre : — Français d’Assise : « Souvenez-vous qu’ici on discute du sort de la fraternité humaine dont nous faisons ou devrions tous faire partie ». — Bernardin de Sienne : « Faites d’abord la distinction entre économie productive, et donc éthique, et économie improductive, c’est-à-dire immorale. Ensuite, demandez-vous quel type de communauté vous voulez édifier. »
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 6/12/2016, 12:30 | |
| http://crc-resurrection.org/toute-notre-doctrine/renaissance-catholique/mystique/ste-marguerite-marie/ SAINTE MARGUERITE-MARIE ALACOQUE. 02 PRESENTATION.
SAINTE MARGUERITE-MARIE ALACOQUE. Jésus, révélant les secrets de son Cœur à sainte Marguerite-Marie, lui dit un jour : « Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes… » . Et en une autre occasion, Il ajoutait : « … mais ils n’ont que des froideurs et du rebut pour tous mes empressements à leur faire du bien. Mais, du moins, donne-moi ce plaisir de suppléer à leurs ingratitudes autant que tu pourras en être capable » . Cette confidence du Cœur de Jésus, à Paray-le-Monial, prépare celle du Cœur Immaculé de Marie à sœur Marie-Lucie de Jésus et du Cœur Immaculé, la dernière voyante de Fatima, comme si le Cœur de Jésus s’effaçait devant le Cœur de sa Mère : « Vois ma fille, mon Cœur entouré d’épines que les hommes ingrats m’enfoncent à chaque instant par leurs blasphèmes et leurs ingratitudes. Toi, du moins, tâche de me consoler… » . Ces deux dévotions ont trouvé, d’ordre du Ciel, la même manière de s’exprimer : elles doivent être « amende honorable », c’est-à-dire que nous sommes appelés à faire de petites prières, de petits actes, par compassion pour ces Cœurs tout déchirés par le péché. Sainte Marguerite-Marie a eu pour vocation propre de revivre la Passion de Notre-Seigneur, par compassion pour son Cœur souffrant : « Je veux ton cœur et un amour non partagé ». En retour, Jésus l’a établie dispensatrice des trésors infinis de son Cœur et lui a révélé ses desseins de miséricorde pour la France, tout particulièrement pour son Roi que Jésus appelle « le fils aîné de mon Sacré-Cœur », pour l’Église, et pour chacun d’entre nous, à condition de correspondre à ses Volontés. Il fait bon, en ces temps d’apostasie, se rappeler la promesse du Sacré-Cœur à sa disciple bien-aimée : « Je régnerai malgré mes ennemis… » , parole pleine d’espérance, indissociable de celle du Cœur Immaculé de Marie, à Fatima : « A la fin, mon Cœur Immaculé triomphera ! ». • I. Une enfance de grâce prédestinée • II. La victoire de la miséricorde • III. Profession religieuse • IV. Apparitions du Sacré-Cœur • V. Consécration à la sainteté de Justice • VI. L’immolation pour le salut des âmes mortes • VII. Communion à la sainteté de Miséricorde • VIII. L’intercession pour les âmes du Purgatoire • Intermède – Psychodrames • IX. Le Mariage eucharistique • X. Le triomphe du Sacré-Cœur • XI. Le grand dessein du Sacré-Cœur • XII. L’œuvre contrariée, inachevée Abbé Georges de Nantes Résumé de la retraite d’automne 1985 : S 86 : Le secret de Paray-le-Monial. http://crc-resurrection.org/toute-notre-doctrine/renaissance-catholique/mystique/ste-marguerite-marie/une-enfance-de-grace-predestinee/ I. Une enfance de grâce prédestinée.
MARGUERITE Alacoque naît au territoire de Verosvres en Charolais (où son père est notaire royal), le 22 juillet 1647. A maintes reprises Notre-Seigneur lui rappellera comment Il l’a prédestinée, comment Il s’est occupé d’elle dès le berceau. Il l’a purifiée et sanctifiée en vue de l’œuvre qu’elle aurait à accomplir : revivre la Passion du Christ. « [Mon Amour] a tant eu de patience et de peine à te cultiver et ajuster à ma mode dès ta plus tendre jeunesse : t’attendant doucement sans me rebuter parmi toutes tes résistances ». L’enfant de quatre ans, touchée de tant de miséricorde, conçoit une sainte horreur du péché et un attrait instinctif, surnaturel vers la chasteté : « Ô mon unique Amour, combien vous suis-je redevable de m’avoir prévenue dès ma plus tendre jeunesse, en vous rendant le Maître et le possesseur de mon cœur, quoique vous connussiez bien les résistances qu’il vous ferait ». Dans l’âme de cette enfant, la grâce est déjà victorieuse des répugnances naturelles : « Aussitôt que je me sus connaître, vous fîtes voir à mon âme la laideur du péché, qui en imprima tant d’horreur dans mon cœur, que la moindre tache m’était un tourment insupportable. (…) Et sans savoir ce que c’était, je me sentais continuellement pressée de dire ces paroles : “ Ô mon Dieu, je vous consacre ma pureté, et je vous fais vœu de perpétuelle chasteté ” ». On ne peut s’empêcher, en lisant de tels textes, de penser à la Sainte Vierge dans sa prime enfance. D’ailleurs, la petite Marguerite constate que ces grâces tissent une alliance particulière entre elle et la Mère de Dieu : « La Très Sainte Vierge a toujours pris un très grand soin de moi qui y avais mon recours en tous mes besoins ». Ces paroles sont d’une fraîcheur étonnante. Elles nous la font voir, nous font aimer cette petite fille se mettant à genoux à chaque Je vous salue Marie et baisant la terre. Tout cela ne peut être que l’œuvre du Saint-Esprit. Les mystères douloureux commencent en 1655 par la mort de son père. Sa mère est obligée de la mettre chez les Clarisses de Charolles où elle fait sa première Communion, « et cette communion répandit tant d’amertume pour moi sur tous les petits plaisirs et divertissements que je n’en pouvais goûter aucun, encore que je les cherchasse avec empressement ». Elle a 11 ans lorsqu’elle tombe gravement malade : « On ne put jamais trouver aucun remède à mes maux que de me vouer à la Sainte Vierge, lui promettant que, si elle me guérissait, je serais un jour une de ses filles ». Après ce vœu, elle guérit et la Sainte Vierge la regarde comme sienne et se rend la maîtresse de son cœur « me reprenant de mes fautes et m’enseignant à faire la volonté de mon Dieu. Et il m’arriva une fois que, m’étant assise en disant notre rosaire, elle se présenta devant moi, et me fit cette réprimande qui ne s’est jamais effacée de mon esprit, quoique je fusse encore bien jeune : « Je m’étonne, ma fille, que tu me serves si négligemment ! » . Ces paroles laissèrent une telle impression en mon âme, qu’elles m’ont servi toute ma vie ». En 1661, la maison brûle. Madame Alacoque et sa fille sont alors contraintes de loger à la ferme familiale où elles subissent une véritable servitude de la part de la grand-mère et de deux tantes. Soumises au caprice de ces trois femmes dont elles dépendent absolument en tout, elles en viennent à travailler avec les domestiques, n’osant même plus prendre de pain sur la table, ou sortir sans leur consentement. « Du moment que j’entrais à la maison, la batterie recommençait plus fort, sur ce que je n’avais pas pris soin du ménage et des enfants » . Marguerite à son rocher. On empêche même notre sainte d’aller à la messe, et sa seule consolation est de pouvoir se cacher sous un rocher d’où elle aperçoit l’église, pour prier. L’enfant qui commençait à se laisser aller à des mouvements de coquetterie et vanité, voit en cette croix, une volonté du Bon Dieu : « Je passais les nuits comme j’avais passé le jour, à verser des larmes au pied de mon Crucifix, lequel me fit voir, sans que je n’y comprisse rien, qu’il voulait se rendre le Maître absolu de mon cœur et qu’il voulait me rendre conforme en tout à sa vie souffrante » . Et il la configure si bien à lui, se rendant présent à son âme « sous la figure du Crucifix ou d’un Ecce Homo portant sa Croix » , qu’elle en vient non seulement à pardonner à ses persécutrices, qu’elle appelle désormais « les chères bienfaitrices de mon âme », mais à désirer leurs coups, voulant par ses souffrances, sauver leurs âmes et ressembler davantage à Jésus. Aimer Jésus, pour cette enfant, c’est le recevoir dans la Sainte Communion et souffrir pour se conformer à lui. Cependant, Notre-Seigneur devra user encore d’une miséricordieuse et divine persévérance dans la poursuite de cette âme qu’il s’est choisie et qui résiste à son Amour. II - La Victoire de la Miséricorde. SAINTE Marguerite-Marie va sur ses 18 ans et les affaires de famille s’arrangent tout doucement. Tandis que son entourage la pousse à se marier, afin de sortir sa mère de la misère, et que des partis flatteurs se présentent, « le désir que j’avais d’être religieuse me persécutait sans cesse, et l’horreur que j’avais de l’impureté ». Elle est dans une sorte d’agonie, luttant à la fois contre son Dieu et contre la tentation. Suivant le penchant naturel de son humeur aimable, elle prend goût à « voir le monde et à me parer pour lui plaire ». Mais Jésus, jaloux de son pauvre cœur, ne tolère pas ses infidélités : Jésus apparaissant flagellé à Marguerite « Le soir, quand je quittais ces maudites livrées de Satan – je veux dire ces vains ajustements, instruments de sa malice – mon souverain Maître se présentait à moi, comme il était en sa flagellation – tout défiguré – me faisant des reproches étranges : que c’était mes vanités qui l’avaient réduit en cet état et que je perdais un temps si précieux, et dont il me demanderait un compte rigoureux à l’heure de la mort (…). « Tout cela s’imprimait si fortement en moi, et faisait de si douloureuses plaies dans mon cœur, que je pleurais amèrement (…).
« Mais Vous, mon Dieu, seul témoin de la grandeur et longueur de cet effroyable combat que je souffrais au-dedans de moi-même, et auquel j’aurais mille et mille fois succombé sans un soutien extraordinaire de votre miséricordieuse bonté, (…) fîtes bien connaître [à mon cœur] qu’il lui serait bien dur et difficile de regimber contre l’aiguillon puissant de votre amour ». Le divin Cœur de Jésus lui rappelle le vœu de chasteté prononcé solennellement par elle à l’âge de quatre ans : « Je t’ai choisie pour mon épouse et nous nous sommes promis la fidélité lorsque tu m’as fait vœu de chasteté ». Notre-Seigneur avait enregistré cet acte de don total d’elle-même. Cela avait été un contrat de mariage entre eux : « C’est moi qui te pressais de le faire avant que le monde y eût aucune part dans ton cœur, car je le voulais tout pur et sans être souillé des affections terrestres ». Et pour conserver intact le cœur de sa petite épouse, Il l’a confiée au soin de sa sainte Mère. « Aussi m’a-t-elle toujours servi d’une bonne mère et ne m’a jamais refusé son secours. Et j’y avais tout mon recours dans toutes mes peines ». La pauvre Marguerite avait bien besoin de cette maternelle protection. Ne pouvant plus résister aux larmes de sa mère qui la suppliait de se marier afin de se trouver une situation, elle était sur le point de céder « mais [la sainte Vierge] me reprit sévèrement lorsqu’elle me vit derechef prête à succomber au terrible combat que je sentais dans moi ». Enfin, Notre-Seigneur lui apporte sa paix en se manifestant à elle plus intimement et se présentant comme « le plus beau, le plus riche, le plus puissant, le plus parfait et accompli de tous les amants ». En 1668, elle éconduit gentiment les prétendants et demande à entrer dans un couvent « où je n’aurai ni parente, ni connaissance, afin d’être religieuse pour l’amour de Dieu ». Elle est si attachante que sa famille ne veut pas se séparer d’elle. On consent toutefois à l’envoyer chez les Ursulines de Mâcon où se trouve déjà sa cousine. « Plus on m’en pressait jusqu’à me vouloir faire entrer, plus j’en sentais de dégoût. Et une secrète voix me disait : “ Je ne te veux point-là, mais à Sainte-Marie ” ». Ce n’est qu’en 1671, lors du Jubilé, qu’elle obtient par l’entremise d’un bon père franciscain, le consentement de son frère et la dot nécessaire pour entrer au couvent. La Très Sainte Vierge lui avait donné l’assurance qu’elle entrerait dans une maison qui lui serait consacrée : « Ne crains rien, tu seras ma vraie fille, et je serai toujours ta bonne Mère ». Aussi notre sainte réclame avec assurance : « Je veux aller aux Sainte-Marie » . [C’est ainsi qu’étaient désignées les maisons de la Visitation]. On lui propose plusieurs monastères « mais aussitôt qu’on me nomma Paray, mon cœur se dilata de joie et j’y consentis d’abord ». Et elle est confortée dans ce sentiment lorsque, venant pour la première fois se présenter au parloir, elle entend distinctement cette voix intérieure : « C’est ici que je te veux ! ». Nous verrons à quel point elle est préparée, purifiée, sanctifiée. Elle est l’hostie de l’offertoire et le calice rempli de vin excellent prêt à la consécration, au Sacrifice dont elle sera la victime. http://crc-resurrection.org/toute-notre-doctrine/renaissance-catholique/mystique/ste-marguerite-marie/profession-religieuse/ III - La Victoire de la Miséricorde.
SAINTE MARGUERITE-MARIE III. Profession religieuse LE 20 juin 1671, Marguerite entre au monastère et s’écrie pleine de joie : « C’est ici où Dieu me veut ! » . Depuis son enfance prédestinée, Notre-Seigneur n’a cessé de la combler de grâces extraordinaires, qu’Il poursuit après son entrée au postulat : « Tous les matins pendant quelques jours, l’on me réveillait avec ces paroles que j’entendais distinctement sans les comprendre : « dilexisti justitiam », et le reste du verset ; et d’autre fois : « Audi filia et vide ». Ce qui signifie : « Ecoute, ma fille, et prête l’oreille, quitte la maison de ta mère, oublie la maison de ton père et le Roi sera ravi de ta beauté ». Par obéissance, elle va répéter cela à sa mère Supérieure et à sa Maîtresse des novices, les plongeant dès le premier jour dans la perplexité à son égard. Toute brûlante du désir d’apprendre à faire oraison, sœur Marguerite demande à sa Maîtresse de le lui enseigner. La Mère s’étonna que, « à 23 ans, je ne la susse point faire », et lui répond : « Allez-vous mettre devant Notre-Seigneur comme une toile d’attente devant un peintre ». Notre sainte n’ose demander plus d’explication : « Et d’abord que je fus à l’oraison, mon Souverain Maître me fit voir que mon âme était cette toile d’attente sur laquelle Il voulait peindre tous les traits de sa vie souffrante ». Le 25 août 1671, en la fête de saint Louis, roi de France, Marguerite-Marie revêt l’habit de la Visitation : « Mon divin Maître me fit voir que c’était là le temps de nos fiançailles. (…) Il me fit comprendre, qu’à la façon des amants les plus passionnés, Il ne me ferait goûter pendant ce temps que ce qu’il y avait de plus doux dans la suavité des caresses de son amour qui, en effet furent si excessives qu’elles me mettaient souvent toute hors de moi-même et me rendaient incapable de pouvoir agir ». Ces dons extraordinaires la laissent tout étourdie et cela se voit. Sainte Marguerite-Marie devient donc, du même coup, l’objet d’une conduite très sévère de la part de ses Supérieures, qui vont s’employer vigoureusement à la ramener à la voie commune de la Visitation, toute de docilité et de discrétion. On mortifie surtout son grand attrait pour la contemplation en l’envoyant balayer le cloître à l’heure de l’oraison. « On me faisait rendre compte de mon oraison, ou plutôt de celle que mon souverain Maître faisait en moi et pour moi ». Le conflit s’aggrave : même durant le travail, il lui arrive d’être transportée en extase… Sa Supérieure cherche continuellement à éprouver la vertu de cette jeune novice, d’une trop ostensible perfection. Et c’est la fameuse « affaire du fromage » : « C’est une chose pour laquelle toute notre famille avait une si grande aversion naturelle que mon frère retint, en passant le contrat de ma réception, que l’on ne me contraindrait jamais à faire cela ». Mais « mon Souverain voulait ce sacrifice », et Il permet qu’une sœur, probablement mal intentionnée, lui en serve une portion… « Mon Seigneur voulant pousser à bout la fidélité de mon amour envers lui (…), prenait plaisir de voir combattre en son indigne esclave l’amour divin contre les répugnances naturelles. Mais enfin, Il fut victorieux », et « sans autre consolation ni armes que ces paroles : il ne faut point de réserve à l’amour ” (…), je le fis quoique je n’aie jamais senti une telle répugnance, laquelle recommençait toutes les fois qu’il me fallait le faire, ne laissant de le continuer pendant environ huit ans ». Jésus-Christ, l’auteur de ce “ psychodrame ”, conduit les personnages de telle manière que le déroulement du drame mène à l’avantage de Marguerite-Marie, lui enseignant le détachement des choses terrestres afin de pratiquer à la perfection son vœu de pauvreté. Il en sera de même pour le vœu de chasteté, avec le sacrifice qu’elle devra faire d’une affection naturelle, et pour le vœu d’obéissance. C’est alors que « l’on m’attaqua encore, proche le temps de ma profession, me disant que l’on voyait bien que je n’étais pas propre à prendre l’esprit de la Visitation ». Ses Supérieures, hésitent à la recevoir à la profession, à cause de tout ce qu’il y a d’extraordinaire dans sa vie. Sainte Marguerite-Marie s’en plaint à son Époux divin : Apparition du Sacré-Cœur à sainte Marguerite-Marie « Hélas ! Mon Seigneur, vous serez donc la cause que l’on me renverra ? ». Sur quoi il me fut répondu : « Dis à ta Supérieure, qu’il n’y a rien à craindre pour te recevoir, que je réponds pour toi et que, si elle me trouve solvable, je serai ta caution. (…) Désormais, j’ajusterai mes grâces à l’esprit de ta règle, à la volonté de tes supérieures et à ta faiblesse ” ». Les effets en paraissent si sensiblement que sa Supérieure, Mère de Saumaise, admirablement formée et qui fit toujours preuve d’une sagesse remarquable, finit par l’accepter à la profession religieuse. Durant la Retraite qui précède sa profession, la jeune novice est tenue de garder un ânon et une ânesse ; et tout en courant après ses bêtes, elle reçoit de Notre-Seigneur de grandes confidences, la préparant à la mission qui lui sera donnée et au sacrifice qui va lui être demandé en victime. Elle émet ses vœux perpétuels le 6 novembre 1672 : « Mon divin Maître (…) me parait et me traitait comme une épouse du Thabor, ce qui m’était plus dur que la mort, ne me voyant point de conformité avec mon Epoux, que j’envisageais tout défiguré et déchiré sur le Calvaire. Mais il me fut dit : “ Laisse-moi faire chaque chose en son temps… ” » Tandis que le Sacré-Cœur l’attire peu à peu à sa grande vocation par des communications incessantes, sainte Marguerite-Marie est en butte à des contradictions et des humiliations de la part de ses sœurs et de ses supérieures. Ces amertumes la disposent à l’immolation qui la configurera à Jésus souffrant. http://crc-resurrection.org/toute-notre-doctrine/renaissance-catholique/mystique/ste-marguerite-marie/apparitions-du-sacre-coeur/ IV. Apparitions du Sacré-Cœur. En cette fin d’année 1673, notre sœur Marguerite-Marie est prête à recevoir la grande révélation de Dieu, ce « dernier effort de son amour » pour les hommes ingrats. De nombreuses âmes mystiques avaient eu, bien avant Paray-le-Monial, le privilège de s’ouvrir à cette dévotion au Cœur de Jésus, mais avec sainte Marguerite-Marie, ce culte se précise et s’universalise. Le 27 décembre, jour de saint Jean l’Évangéliste, Jésus lui fait une grâce semblable à celle que reçut le disciple bien-aimé au soir de la Cène : Apparition du Sacré-Cœur « Après m’avoir fait reposer plusieurs heures sur cette sacrée poitrine, je reçus de cet aimable Cœur des grâces dont le souvenir me met hors de moi-même ». Son expérience ne s’arrête pas à cette impression intime, mais elle est l’ouverture d’une révélation. Elle voit ce divin Cœur « environné d’une couronne d’épines qui signifiait les piqûres que nos péchés lui faisaient. Et une Croix au-dessus qui signifiait que, dès les premiers instants de son Incarnation, c’est-à-dire que dès lors que ce Sacré-Cœur fut formé, la Croix y fut plantée ». Ce Cœur est blessé par les « humiliations, pauvreté, douleurs et mépris » que cette Sacrée Humanité a soufferts durant sa vie et en sa Passion. « Et il me fit voir que l’ardent désir qu’il avait d’être aimé des hommes et de les retirer de la voie de perdition où Satan les précipite en foule, lui avait fait former ce dessein de manifester son Cœur aux hommes », afin qu’ils lui rendent « tout l’honneur, l’amour et la gloire qui seraient à leur pouvoir ». Pour sauver les âmes de l’enfer, Dieu veut établir dans le monde la dévotion au Cœur de Jésus, ultime miséricorde précédant la dévotion au Cœur Immaculé de Marie qui sera demandée à Fatima, dans l’apparition du 13 juin 1917. Jésus désire être honoré « sous la figure de ce Cœur de chair » et que cette sainte image « soit exposée et portée sur moi, sur le cœur pour y imprimer son amour (…). Partout où cette sainte image serait exposée pour y être honorée, Il y répandrait ses grâces et bénédictions ». Ces promesses se monnaient donc par des actes précis. Cette sainte image est « en ces derniers siècles », notre moyen de salut. En 1674, Marguerite-Marie quitte l’infirmerie où elle avait été placée comme aide-infirmière l’année précédente, auprès d’une sœur fort zélée qui la fit beaucoup souffrir par ses rudesses et ses reproches continuels. On la nomme maîtresse des sœurs du Petit-Habit, c’est-à-dire des fillettes confiées à la Visitation. « Elle était indulgente et bonne pour les fautes de son petit troupeau (…). Un ange du ciel n’aurait pas inspiré plus de vénération à ce petit groupe d’enfants que l’humble sœur Alacoque ». Ce sera une occasion nouvelle de souffrance pour notre sainte, qui se voit l’objet d’un culte et d’une admiration continuelle de la part de ces enfants. Cette même année, « Jésus-Christ, mon doux Maître, se présenta à moi tout éclatant de gloire, avec ses cinq plaies brillantes comme cinq soleils ». Notre sainte a réellement vu le Corps de Jésus-Christ, sa chair transfigurée, resplendissante, d’où « sortaient des flammes de toute part », dont le Cœur était « la vive source. Il me découvrit les merveilles inexplicables de son pur amour » auquel ne répond que « l’ingratitude des hommes ...Ils n’ont que des froideurs et du rebut pour tous mes empressements à leur faire du bien ». Et Jésus demande à l’humble visitandine, et par elle à chacun d’entre nous, quelque retour d’amour manifesté par des pratiques de dévotion : Il veut - La communion fréquente,
- Une heure de veille toutes les nuits du jeudi au vendredi pour apaiser la divine colère et pour consoler Jésus dans son agonie,
- Ainsi que la communion, chaque premier vendredi du mois.Cette apparition la laisse tout hors d’elle-même, ce qui crée un nouveau scandale dans la communauté : « L’on me fit parler à quelques personnes de doctrine, lesquelles, bien loin de me rassurer dans ma voie, augmentèrent encore plus mes peines » . Ces théologiens, perfides, l’ont jugée d’après les apparences, sans rien examiner réellement. On pourrait facilement les comparer à Caïphe, Hérode et Pilate condamnant Jésus. « L’on crut que j’étais possédée, et l’on me jetait force eau bénite dessus avec des signes de croix, avec d’autres prières pour chasser le malin esprit. Mais Celui dont je me sentais possédée, bien loin de s’enfuir, me serrait tant plus fort à lui, en me disant : « J’aime l’eau bénite et je chéris si fort la croix, que je ne peux m’empêcher de m’unir étroitement à ceux qui la portent comme moi, et pour l’amour de moi ». Marguerite-Marie et Claude La Colombière.Alors elle se plaint à Notre-Seigneur et demande à être dirigée par quelqu’un. Jésus lui envoie en février 1675, un saint homme, extraordinairement distingué, cultivé, très brillant. Il s’agit de saint Claude La Colombière. Nommé depuis peu Supérieur de la résidence et confesseur du couvent de la Visitation afin qu’il s’occupe du cas de sainte Marguerite-Marie, il arrive à Paray, se rend tout de suite au couvent et « comme il parlait à la communauté, j’entendis intérieurement ces paroles : “ Voilà celui que je t’envoie ” ». Et lui-même confie à Mère de Saumaise, en apercevant, sans la connaître, cette jeune religieuse qui se tient parmi les autres : « C’est une âme de grâce ». Après que la mystique se soit ouverte à lui sur ordre de ses Supérieures, il reconnait en elle l’authenticité de toutes ses grâces. Mais la consolation que tire notre sainte de ces entretiens lui coûte par ailleurs « bien des humiliations » , « et lui-même eut beaucoup à souffrir à cause de moi : car l’on disait que je voulais le décevoir par mes illusions ». « Une fois qu’il vint dire la sainte messe à notre église, Notre-Seigneur lui fit de très grandes grâces et à moi aussi ». Elle voit le cœur du Père La Colombière et le sien se plongeant dans le Cœur de Jésus. Celui-ci fait entendre à sa confidente que « cette union était toute pour la gloire de son Sacré-Cœur, dont Il voulait que je lui découvrisse les trésors, afin qu’il en fît connaître et en publiât le prix… »Cette même année a lieu le grand Message de juin 1675 : « Étant une fois devant le Saint-Sacrement, un jour de son octave » , Jésus apparaît à celle qu’Il nomme “ la disciple bien-aimée de mon Sacré-Cœur ” : « Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu’Il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour. Et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et mépris qu’ils ont pour moi dans ce Sacrement d’amour ». Il lui demande la diffusion de la dévotion au Sacré-Cœur ainsi qu’une fête spéciale en son honneur, « en lui faisant réparation d’honneur par une amende honorable, pour réparer les indignités qu’Il a reçues pendant le temps qu’Il a été exposé sur les autels » . En retour, Son Cœur répandra « avec abondance les influences de son divin amour sur ceux qui Lui rendront cet honneur ». Dès le lendemain, le Père La Colombière et elle-même se consacrent au Sacré-Cœur. En septembre 1676, le saint jésuite est envoyé en Angleterre, et notre sainte perd son seul ami et défenseur sur la terre. Elle lui restera cependant toujours très attachée, dans le Cœur de Jésus. http://crc-resurrection.org/toute-notre-doctrine/renaissance-catholique/mystique/ste-marguerite-marie/consecration-a-la-saintete-de-justice/ V. Consécration à la sainteté de Justice. Toute la vie de sainte Marguerite-Marie, à l’imitation de celle de son Époux Jésus, a été orientée vers la Croix. Même les mystères joyeux paraissent perpétuellement troublés par les annonces du sacrifice qui doit venir. Ainsi, durant sa Retraite de profession, Notre-Seigneur « m’a donné tant d’amour pour la croix, que je ne peux vivre un moment sans souffrir. Mais souffrir en silence, sans consolation, soulagement ni compassion, et mourir avec ce Souverain de mon âme, accablée sous la croix de toute sorte d’opprobres… ». Durant son noviciat, elle entend cet appel de son divin Maître : « Je cherche une victime pour mon Cœur, laquelle se veuille sacrifier comme une hostie d’immolation à l’accomplissement de mes desseins ». Puis, de 1673 à 1675, une suite de visions prémonitoires la prépare encore à gravir la montagne escarpée du Calvaire. La Révélation de la Majesté infinie de Dieu s’impose à elle : Agonie de Marguerite-Marie. « Il me fit voir en Lui deux saintetés : l’une d’amour et l’autre de justice » . Cette sainteté de justice « s’imprime dans l’âme d’une manière si terrible, qu’elle voudrait se précipiter dans toutes les peines imaginables et s’immoler à souffrir celles des damnés plutôt que de paraître devant la sainteté de Dieu avec un seul péché ». Jésus lui fait entendre, au sujet de Son Agonie au jardin des oliviers : « C’est ici où j’ai plus souffert qu’en tout le reste de ma Passion… » . Et la mystique comprend que « C’est cette même douleur que l’âme criminelle ressent lorsque, étant présentée devant le tribunal de la Sainteté divine qui s’appesantit sur elle, la froisse et l’opprime et l’abîme en sa juste rigueur ». Le Sauveur demande à son épouse de se mettre « comme un rempart et un fort assuré entre sa justice et les pécheurs, afin d’obtenir miséricorde… ». Sainte Marguerite-Marie va revivre l’agonie de Notre-Seigneur et sera comme écrasée sous le poids de la justice de Dieu. Elle va d’abord souffrir pour ses propres péchés : « Je confesse que ce m’est un tourment insupportable de paraître devant cette sainteté, lorsque je me suis laissée aller à quelque infidélité ». Puis, Notre-Seigneur lui fait connaître qu’Il est prêt d’appesantir sa justice sur une personne, en voie de damnation. « Aussitôt je me jetai à ses pieds, disant : “ Consommez-moi plutôt jusques à la moelle des os que de perdre cette âme qui vous a coûté si cher… ” ». Elle souffre alors pour expier les fautes de cette âme, et bientôt pour le salut de toutes les âmes, par compassion pour Jésus : « … tant de pécheurs l’offensent et l’abandonnent ». « Je ne peux voir ni goûter que mon Jésus souffrant et délaissé, en compatissant à ses douleurs ». Enfin le Cœur de Jésus lui demande de s’immoler pour l’Ordre de la Visitation, infidèle à l’esprit de son fondateur. Saint François de Sales lui-même apparait à notre sainte puis lui révèle les désordres et fautes de ses sœurs, principalement contre les vertus de charité et d’humilité : « C’est ce qui me fait beaucoup de peine [dit saint François de Sales] voyant qu’elles résistent à la grâce et aux moyens que Dieu leur donne pour un parfait amendement ». En 1676, à l’occasion d’un jubilé, les religieuses reçoivent les sacrements avec abondance, afin de remplir toutes les conditions pour obtenir l’indulgence plénière ; et Jésus se plaint à la confidente de Son Cœur : « Pleure et soupire sans cesse mon Sang répandu inutilement sur tant d’âmes qui en font un si grand abus dans ces indulgences ; qui se contentent de couper les mauvaises herbes qui sont crûes dans leurs cœurs sans jamais en vouloir ôter la racine. Mais malheur à ces âmes qui demeurent souillées et altérées au milieu de la source des eaux vives, puisqu’elles ne seront jamais ni purgées ni désaltérées ! ». Pourtant, les plus fidèles, celles que saint François de Sales reconnaît comme ses “ vraies filles ”, peuvent « suppléer aux imparfaites » : « Une âme juste peut obtenir le pardon pour mille criminelles ». Jésus demande à l’élue de son Cœur de « satisfaire à la tiédeur de tant d’âmes lâches » de son peuple choisi, c’est-à-dire de la Visitation. Elle devra être co-rédemptrice, présentant les mérites de l’Agonie et de la Passion du Christ à Dieu son Père, et y unissant son propre sacrifice pour la conversion de ses sœurs. http://crc-resurrection.org/toute-notre-doctrine/renaissance-catholique/mystique/ste-marguerite-marie/immolation-pour-le-salut-des-ames-mortes/ VI. L’immolation pour le salut des âmes mortes. En cette année 1677, Notre-Seigneur est fort en colère contre la Visitation de Paray-le-Monial, où tant de religieuses lui sont infidèles. Il désire que sainte Marguerite-Marie s’interpose pour le salut de ces âmes qu’Il est en train de réprouver, comme lui, Jésus, s’est interposé devant son Père, prenant sur Lui nos péchés et mourant sur une Croix pour nous sauver. Sacré-Cœur. « M’ayant, une fois, montré les châtiments qu’Il voulait exercer sur quelques âmes, je me jetai à ses pieds sacrés, en lui disant : “ Ô mon Sauveur, déchargez plutôt sur moi toute votre colère, et m’effacez du livre de vie, plutôt que de perdre ces âmes qui vous ont coûté si cher ! ” ».Et Il me répondit : « Mais elles ne t’aiment pas et ne cesseront de t’affliger . – Il n’importe, mon Dieu ; pourvu qu’elles vous aiment, je ne veux cesser de vous prier de leur pardonner… ” » Saint François de Sales apparaît aussi à sa fille de prédilection, mais c’est pour se plaindre de l’absence de charité de ce couvent, contre lequel Dieu est très courroucé. Le 2 juillet 1677, la divine Bonté se montre inflexible à la prière de notre sainte pour son Institut : « Ne m’en parle plus. Ils font la sourde oreille à ma voix [ce “ ils ” désignent pourtant les religieuses] et ils détruisent le fondement de l’édifice. S’ils pensent de l’élever sur un étranger, je le renverserai ». La Sainte Vierge intercède alors pour « les filles de son Cœur « : « Déchargez sur moi votre juste courroux… » Sainte Marguerite-Marie assiste alors à un dialogue pathétique entre la justice divine et la miséricorde du Cœur de la Vierge Marie, toute-puissante sur le Cœur de son Fils : « … je leur serai un manteau de protection qui recevra les coups que Vous leur donnerez. – Ma Mère, vous avez tout pouvoir de leur départir mes grâces comme il vous plaira… » La « Reine de bonté « , ayant obtenu un délai, provoque la rage de Satan : « chassé honteusement par celle qui nous défendait, il rompit deux fois les rideaux de notre grille ». A la Retraite d’automne, sainte Marguerite-Marie se prépare à se confesser. Elle est affligée de douleur et de peine à la vue de ses propres péchés : « je ne cessais de pleurer pendant l’espace de cinq ou six heures » « Et après cela, mon pur Amour venant à se présenter devant moi, me dit : “ Ma fille, veux-tu bien me sacrifier les larmes que tu as versées pour laver les pieds de ma bien-aimée [la Visitation] qui s’est souillée en poursuivant un étranger ? ” ». Jésus recueille les larmes de l’élue de son Cœur et arrose les âmes des visitandines afin de les purifier. Mais “ le Seigneur se lasse d’attendre ” : « Mon amour cédera enfin à ma juste colère pour les châtier (…). Leur cœur étant vide de charité, il ne leur reste plus que le nom de religieux ». Sainte Marguerite-Marie intercède sans cesse pour les âmes des cadavres spirituels qu’elle trouve sur son chemin et qui font tant horreur à la justice et à la sainteté de Dieu, surtout quand ce sont des âmes religieuses qui sont en cause : « Tous religieux séparés et désunis de leurs supérieurs se doivent regarder comme des vases de réprobation (…). Ces âmes sont tellement rejetées de mon Cœur que plus elles tâchent d’en approcher par le moyen des sacrements, oraison et autres exercices, plus je m’éloigne d’elles pour l’horreur que j’en ai (…) Et après tout, c’est en vain qu’il [le religieux] gémira à la porte de la miséricorde, il ne sera point écouté, si je n’entends la voix du supérieur ».Notre-Seigneur se plaint un jour de l’infidélité d’une sœur, « qui me perce le cerveau d’autant d’épines, autant de fois que par orgueil elle se préfère à moi » , et prie notre sainte de retirer ces épines « par autant d’actes d’humilité pour honorer Ses humiliations ».C’est vers cette époque que notre Père situe “ deux gestes fous d’une excessive mortification ” qui la préparent au physique à revivre ce grand Mystère de la Rédemption, où elle prendra sur elle les ordures spirituelles de toutes ses sœurs : « Elle se livra à un acte si répugnant à la nature que personne au monde n’aurait pu le conseiller ni le permettre. Notre-Seigneur même dut arrêter son héroïque servante, puis il lui dit : “ Tu es bien folle de faire cela ! ”. « Oh ! Mon Seigneur , reprit-elle, je le fais pour vous plaire et pour gagner votre divin Cœur… ».Mais l’Époux divin demande encore davantage : « Il faut que tu te rendes la victime d’immolation de mon Cœur afin que, par son entremise, tu détournes les châtiments que la justice irritée de mon Père veut exercer contre ta communauté ». L’Agonie.A moitié tremblante, notre sainte diffère. N’osant se sacrifier, elle résiste durant plusieurs jours, provoquant la colère de Dieu : « Il t’est bien dur de regimber contre les traits de ma justice ! » . Et il lui demande alors un sacrifice public de tout son être. Mère de Saumaise avertie, ordonne à la pauvre sœur d’obéir à cette exigence de Dieu. La Passion.Dans la nuit du 20 au 21 novembre, juste avant de réciter les Matines de la Présentation, notre sainte dut déclarer devant toutes les sœurs réunies, que Notre-Seigneur Jésus-Christ lui avait donné ordre de s’offrir en victime pour expier les péchés de la communauté… La supérieure avait prescrit en sus à toutes les religieuses de prendre la discipline après l’office de nuit, en réparation des péchés qui offensent Dieu. « Cet ordre subit parut fâcheux à toutes les religieuses qui n’étaient ni mortifiées ni obéissantes. Le nombre en était grand et elles se mutinèrent aussitôt contre celle qu’elles jugèrent être la cause de cette alarme ». Après les Matines, « au mépris du silence et encore plus de la charité, elles commencèrent à faire à la servante de Dieu toutes sortes d’insultes. Elles se mirent à lui faire des reproches, à la railler, à la questionner avec indiscrétion, mais elle ne répondait rien et se tenait immobile à genoux, les mains jointes… ». C’était le grand silence religieux de la nuit monastique que nul ne doit troubler… Notre sainte a charitablement atténué tout cela dans son récit, écrit par ordre de ses supérieurs, mais elle avoue cependant : « je puis assurer que je n’avais jamais tant souffert… ». On peut logiquement en conclure qu’elle fut frappée au visage et brutalisée. Le lendemain, la mère supérieure « lui envoya ordre d’aller à la Messe et d’y communier (…). Dans la communion, Notre-Seigneur lui fit entendre ces paroles : “ Enfin, la paix est faite et ma sainteté de justice est satisfaite par le sacrifice que tu m’as fait ” ». Cependant cette paix « ne la tira pas de l’état souffrant et humilié où il l’avait réduite » , et cet acte qui avait été d’un si grand mérite devant Dieu « fut longtemps, aux yeux des sœurs qui ignoraient les mystères de Dieu, une matière de reproche et un sujet de confusion pour la sœur Marguerite ». Mais ce sacrifice consenti pour leur salut, leur obtint la grâce de la conversion. http://crc-resurrection.org/toute-notre-doctrine/renaissance-catholique/mystique/ste-marguerite-marie/communion-a-la-saintete-de-misericorde/ VII. Communion à la sainteté de Miséricorde.
Par une prédisposition divine, la vie spirituelle de sainte Marguerite-Marie change de tonalité en même temps que ses supérieurs se succèdent. De 1678 à 1684, sous le supériorat de Mère Greyfié, notre sainte entre dans une nouvelle étape, plus douce. La sainteté de justice s’était révélée à l’âme de la sainte religieuse de manière implacable, exigeant le châtiment des pécheurs ou, du moins, une victime de substitution pour expier leurs fautes : « Si tu ne veux supporter le poids de ma sainteté de justice, je suis prêt de l’appesantir sur cette personne ». Cette sainteté fait barrage à nos illusions d’une religion facile, d’un Dieu accommodant et mou. Elle exige la purification de l’âme et une réparation pour les péchés que la sainteté de Dieu ne peut tolérer. Après avoir été une hostie d’immolation avec Jésus, s’offrant sur le calvaire pour le salut des pécheurs, cette fidèle épouse va maintenant connaître la consolation de souffrir afin de prouver son amour à Celui qu’elle aime, « toutes mes délices n’étaient que de me voir conforme à mon Jésus souffrant ».Cette étape de sa vie correspond à la Communion dans le Saint-Sacrifice de la Messe, c’est-à-dire l’union au Bien-Aimé dans un amour exclusif : « Epoux jaloux, Il ne veut pas d’un cœur partagé ». « Notre cœur ne se repose pleinement que dans cet amour ». Sainte Marguerite-Marie est prête à tous les sacrifices, pourvu que la volonté de Dieu se fasse : « Vous m’êtes suffisant, ô mon Dieu ! Contentez-vous et cela me suffit ! ». Et Jésus ne se laisse pas vaincre en générosité. Il lui montre que cette union mystique, dans la souffrance, est enviable…des anges mêmes ! « Comme l’on travaillait à l’ouvrage commun du chanvre, je me retirai dans une petite cour – proche du Saint-Sacrement – où, faisant mon ouvrage à genoux, je me sentis d’abord toute recueillie intérieurement et extérieurement, et me fut en même temps représenté l’aimable Cœur de mon adorable Jésus plus brillant qu’un soleil ». « Il était au milieu des flammes de son pur amour, environné de Séraphins, qui chantaient d’un concert admirable : “ L’amour triomphe, l’amour jouit, l’amour du saint Cœur réjouit ! ” ». Vision dans la petite courCes esprits bienheureux lui dirent « qu’ils tiendraient ma place devant le saint Sacrement, afin que je le puisse aimer sans discontinuation par leur entremise, et que, de même, ils participeraient à mon amour : souffrant en ma personne comme je jouirais en la leur ». Les anges, ses “ divins associés ” , éprouvent toute la douceur et la jouissance d’un amour brûlant pour le Sacré-Cœur de Jésus et sont remplis d’une sainte jalousie pour la disciple bien-aimée de Jésus qui, elle, manifeste une communion dans l’amour plus parfaite, plus pure, plus généreuse, par sa fidélité à accepter toutes les souffrances qu’il plaît à Dieu de lui envoyer. « Notre-Seigneur, comme Souverain Sacrificateur, lui commanda de faire en sa faveur un TESTAMENT ou DONATION sans réserve et par écrit de tout ce qu’elle pourrait faire et souffrir, de toutes les prières et biens spirituels que l’on ferait pour elle pendant sa vie et après sa mort » . « Comme je te l’ai promis, tu possèderas les trésors de mon Cœur en échange et je te permets d’en disposer à ton gré en faveur des sujets disposés. N’en sois pas chiche car ils sont infinis ». En fait, notre sainte appartient, comme toute religieuse, à sa supérieure par son vœu de pauvreté, et non plus à elle-même. C’est donc Mère Greyfié, la propriétaire, qui va faire donation de cette âme héroïque au Sacré-Cœur de l’adorable Jésus « afin que la volonté de ce Cœur divin en dispose à son gré et selon son bon plaisir, et en faveur de quiconque il lui plaira, soit vivant ou trépassé ». Mère Greyfié ne perd pas de vue son intérêt et spécifie, en se désignant elle-même « de laquelle ma sœur Marguerite-Marie demandera tous les jours la conversion à ce Cœur divin et adorable avec la grâce de la pénitence finale » ! Elle mourra en odeur de sainteté… Notre-Seigneur « témoigna un grand agrément » de cet écrit : « Je te constitue héritière de mon Cœur et de tous ses trésors pour le temps et pour l’éternité, te permettant d’en user selon ton désir et te promets que tu ne manqueras de secours que lorsque mon Cœur manquera de puissance. Tu en seras pour toujours le disciple bien-aimé, le jouet de son bon plaisir et l’holocauste de ses désirs… »Sainte Marguerite-Marie est ainsi établie dispensatrice des trésors du Cœur de Jésus et nous n’avons qu’à y puiser à notre tour, nous étant bien mis en état de grâce. C’est la communion des saints… « Ayant tout donné au Sacré-Cœur sans rien me réserver, je ne puis vous faire part que de ses trésors infinis », écrit-elle au père Croiset. A ces grandes consolations sont mêlées de grandes épreuves, peines et combats, ainsi que de terribles tentations du démon. Mais Jésus soutient sa petite épouse et lui montre un amour de prédilection : « Ma fille, j’ai choisi ton âme pour m’être un ciel de repos sur la terre et ton cœur sera un trône de délice à mon divin Amour ». http://crc-resurrection.org/toute-notre-doctrine/renaissance-catholique/mystique/ste-marguerite-marie/intercession-pour-les-ames-du-purgatoire/ VIII. L’intercession pour les âmes du Purgatoire. Après avoir obtenu le salut des âmes de sa Communauté en s’offrant comme victime expiatrice à la sainteté de justice, sainte Marguerite-Marie connaît maintenant les rigueurs de la sainteté de miséricorde. Saint Claude La Colombière. Mais ce “ Souverain de mon âme ” prodigue aussi “ de très grandes consolations ” en lui envoyant le secours d’amitiés tout à fait remarquable, comme celle du Père La Colombière : « Mon Souverain Maître me promit, quelque temps après m’être consacrée à lui, qu’il m’enverrait un sien serviteur (…) pour me rassurer dans Sa voie et pour lui départir de grandes grâces de Son Sacré Cœur : qui les répandrait abondamment dans nos entretiens ». La mystique est immédiatement comprise, éclairée et réconfortée par ce saint jésuite. Le Père La Colombière, nommé chapelain de la reine Marie-Béatrice d’Este, épouse de Jacques II, part pour Londres où il continue d’encourager sa petite sœur spirituelle : « … vous devez marcher avec confiance et ne songer qu’à être reconnaissante de la conduite que Dieu tient sur vous ». Arrêté le 24 novembre 1678, il est enfermé en prison malgré de nombreuses crises de phtisie et rentre à Paray où il meurt, dans la nuit du 15 février 1682. Avertie, sainte Marguerite-Marie répond d’une voix très triste : « Priez et faites prier partout pour lui ” » . Quelques heures après, elle écrivait un billet : « Cessez de vous affliger, invoquez-le, ne craignez rien. Il est plus puissant pour vous secourir que jamais ! ». Cette amitié fut une des grandes consolations de notre sainte. Mère Greyfié, sa supérieure, malgré une apparente mésestime à son égard, lui manifesta aussi une amitié sincère : « Votre âme est chère à la mienne » , lui écrit-elle un jour. Et une autre fois : « Il faut que l’union de nos deux cœurs en Jésus-Christ dure tout le temps de nos vies ». On voit naître petit à petit dans ses billets la dévotion au Sacré-Cœur et on comprend que notre sainte se soit attachée à elle ! On sait aussi l’affection qui l’unit à Mademoiselle de L’Yonne. Cette jeune fille très élégante et très orgueilleuse de Paray, depuis longtemps sollicitée par la grâce, fut conquise par l’Epoux divin grâce au Père La Colombière qui l’interrogea un jour avec un air tout céleste : « Si Jésus-Christ vous demandait pour son épouse, le refuseriez-vous, ma fille ? ». Un an après, elle hésitait encore, retenue par sa mère. Sainte Marguerite-Marie demande alors à Mère Greyfié un entretien avec Mademoiselle de L’Yonne : « Ma Mère, Notre-Seigneur veut cette âme ! Il m’a dit : « Je la veux, Je la veux à quelque prix que ce soit ». La jeune fille céda et, « faisant un effort surhumain » elle franchit la porte de la clôture « avec l’impression qu’elle aimerait mieux se jeter tout de suite au purgatoire », mais « à peine avait-elle franchit la porte qu’elle entrait dans une joie qui ne l’a plus jamais quittée ». Sainte Marguerite-Marie témoigna toute sa vie d’une véritable affection pour cette religieuse qui lui devait sa vocation et qui vécut et mourut saintement. Notre sainte s’est interposée devant la sainteté de justice pour obtenir le salut de ses persécutrices. Sa puissance d’intercession est particulièrement visible lors de la mort, très impressionnante de la sœur de Sirot, en 1684 : « Après sa mort, il ne se passa guère de temps avant que l’âme de cette malheureuse vienne hanter la sœur qu’elle avait le plus méprisée (…) : “ Le Cœur de Jésus me voit souffrir sans compassion parce que je n’avais pas pitié de ceux que je voyais souffrir ” » . Mais enfin, elle est sauvée, grâce à sa compagne. L’humble visitandine souffre aussi, mais de manière beaucoup plus consolante, par charité pour les âmes du purgatoire, dans une sainteté d’amour et de miséricorde : c’est la communion des saints qui s’exerce. Elle est ainsi appelée à prier et se sacrifier pour l’âme du Père La Colombière et pour plusieurs autres religieux : Une défunte « gît sur un lit de flammes à cause de sa paresse et de ses négligences à observer la Règle. (…) « Ah ! Que je voudrais, gémit la défunte, que toutes les âmes consacrées me pussent voir dans cet horrible tourment ! Sans doute qu’elles marcheraient avec une autre ardeur dans l’exacte observance et se garderaient bien de tomber dans les défauts qui me font tant souffrir ». (…) Après que la sainte eût fait pour elle la communion demandée, la malheureuse religieuse l’avertit que ses supplices étaient bien diminués… » Notre sainte est aussi invitée à prier pour des personnes séculières : « Un gentilhomme, père d’une novice – Marguerite-Marie en est alors la directrice – étant décédé, le monastère pria pour lui et sa fille, quelques jours plus tard, implora tout spécialement les suffrages de la sainte ». Celle-ci assura la jeune novice que son père était au Ciel, à cause d’une action qui « lui a rendu le jugement de Dieu favorable ». S’étant réconcilié avec un de ses ennemis juste avant sa mort, il s’est rendu le « maître absolu du Cœur de Dieu » qui ne peut rien refuser à ceux qui pardonnent pour son amour, tant cet acte Lui rappelle celui de Son Fils mourant sur la Croix.À plusieurs reprises, le Divin Maître permet à des âmes défuntes de recourir à la trésorière de ses grâces pour faire l’appoint, souffrant « une peine à peu près comme la leur, ne trouvant de repos ni jour ni nuit » pour atténuer les souffrances de ces pauvres âmes, abréger leur purgatoire et les conduire au Ciel. | |
| | | Claude Coowar
Messages : 357 Inscription : 25/11/2013
| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 6/12/2016, 21:17 | |
| http://crc-resurrection.org/toute-notre-doctrine/renaissance-catholique/mystique/ste-marguerite-marie/intermede-psychodrames/ Intermède – Psychodrames. La Visitation Sainte-Marie à Paray est semblable à un théâtre où est donnée une représentation tragique : Le premier rôle, c’est notre sœur Marguerite-Marie ; et l’Auteur de la pièce, le metteur en scène, le personnage vraiment central, c’est le divin Cœur de Jésus. Il est le Maître et Il désire que son épouse soit pressée de « L’aimer d’un amour de conformité à sa vie souffrante » . Comme sur le Saint-Suaire, Jésus veut imprimer sur cette “ toile d’attente ” les traits douloureux de Sa Passion. Les humiliations.Mère Greyfié dira plus tard que « pour satisfaire à cette sainte fille qui n’aspirait qu’au mépris et à la souffrance », elle ne lui épargnait pas « les corrections, prenant de toute occasion de l’humilier ». Et Jésus se plait à multiplier « les psychodrames » … Marguerite-Marie (Montmartre)Un jour qu’elle était malade, notre sœur Alacoque confia à l’infirmière « qu’elle souhaiterait bien rester à jeun afin de pouvoir communier ». L’infirmière la leva donc plus tôt que prévu et « sortit par une porte pour aller prévenir la Mère Greyfié, tandis que celle-ci entrait par une autre. Trouvant la sœur levée et apprenant qu’elle était à jeun dans l’intention de communier [alors que Mère Greyfié n’avait pas été mise au courant, et pour cause !]. « Sans m’informer de plus de raison, je lui fis une verte correction, lui exagérant les défauts de sa conduite ” ». La supérieure ordonna à sa fille de quitter l’infirmerie malgré son état de santé et de suivre tous les exercices de communauté cinq mois de suite. Sainte Marguerite-Marie reçut cette correction « à genoux, les mains jointes, avec un visage doux et tranquille (…). Notre-Seigneur voulut qu’elle obéît en tout et lui promit la santé pour cela, qu’elle eut bonne dès ce jour-là ». Et passés les cinq mois, Jésus « lui renouvela en titre de grâces tous ses maux passés ». « Elle devait plus d’une fois encore être favorisée de guérisons soudaines et absolument en dehors du cours de la nature », toujours sur ordre de sa supérieure. Pendant ces six années de supériorat, Mère Greyfié pourra témoigner que la mystique n’ayant aucune volonté propre s’est toujours soumise à ses ordres et contre-ordres, Notre-Seigneur prenant systématiquement le parti de l’autorité contre celui de sa privilégiée… La couronne d’épines.Sainte Marguerite-Marie a un jour la vision de Notre-Seigneur « tenant une couronne d’épines qu’il me mit sur la tête, un peu après que je l’eus reçu en me disant : “ Reçois, ma fille, cette couronne, en signe de celle que je te donnerai bientôt par conformité avec moi ” ». Peu après, notre sainte est victime de plusieurs accidents dont le récit tire des larmes… La douleur est si atroce qu’il lui semble depuis « avoir tout le tour de la tête entouré de très poignantes épines de douleur » . Cette “ couronne précieuse ” « me met souvent dans l’heureuse nécessité de veiller et m’entretenir avec cet unique objet de mon amour, ne pouvant appuyer ma tête sur le chevet : à l’imitation de mon bon Maître qui ne pouvait appuyer la sienne adorable sur le lit de la Croix » « J’ai soif ! ».« Son Époux divin l’assura qu’il aurait comme très agréable qu’elle passa cinquante jours sans boire, pour rendre hommage à la soif que son Cœur sacré a du salut des pécheurs » . Tant que Mère Greyfié lui en accorda la permission, notre sainte « habituellement travaillée d’une soif dévorante », pris l’habitude d’offrir ce genre de pénitence au Cœur de Jésus…jusqu’à ce que Mère Greyfié « lui donnât l’obéissance de boire trois ou quatre fois entre les repas tous les jours » . Alors, « pour obéir et souffrir tous ensemble, sœur Marguerite-Marie s’avisa de boire de l’eau où on lavait la vaisselle » , afin de plaire, par ce sacrifice, à son Époux et d’aider au salut des âmes. La supérieure avertie, gratifia « l’innocente coupable d’une énergique réprimande » ! La douleur au côté.Mais Jésus est le Maître et Il montre bien à Mère Greyfié que c’est Lui qui gouverne les événements… « Il est question de la mystérieuse douleur de côté que la sainte portait continuellement et que Notre-Seigneur lui avait prédit ne pouvoir être soulagée que par la saignée » . Mère Greyfié avoue : « Une fois, je m’obstinais à ne pas vouloir qu’elle fût saignée » . La servante de Dieu se soumet. « Le mal l’ayant réduite dans l’état de ne pouvoir presque plus respirer ni parler », la supérieure est obligée de céder et d’accorder à notre sainte ce remède qui lui apporte pourtant « plus d’humiliation et de souffrance que de soulagement », selon la prédiction de Jésus, désirant que cette saignée soit une manière pour elle de revivre sa Passion, mêlant son sang au Sang Précieux de son Époux sur la Croix. A l’Ascension 1684, Mère Greyfié a achevé son temps de supériorat à la Visitation de Paray et se rend à celle de Semur-en-Auxois dont elle aura la charge. Convaincue de l’authenticité des Apparitions et de la sainteté de la voyante, elle pourra répandre et développer autant qu’il lui sera possible la dévotion au Sacré-Cœur. http://crc-resurrection.org/toute-notre-doctrine/renaissance-catholique/mystique/ste-marguerite-marie/le-mariage-eucharistique/ IX. Le Mariage eucharistique. « Une épouse qui T’aime, mon Fils, J’aimerais Te donner, Qui grâce à Toi, vivre avec Nous puisse mériter, Et manger à la même table du même pain dont Je Me nourris… » ; Saint Jean de la CroixA l’Ascension 1684, Mère Greyfié achève son supériorat et Mère Melin, plus douce et pacifique, est élue. Elle réussit à faire admettre par l’ensemble des sœurs comme assistante, celle qui prendra désormais le nom de mère Marguerite-Marie. Confuse d’être ainsi à l’honneur, celle-ci se plaint à son ancienne supérieure : « Vous ne me pouviez donner de plus effective marque d’une parfaite amitié qu’en m’humiliant et me mortifiant, […] maintenant, je m’en vois privée, cela me comble de douleur ». Marguerite-Marie (Maison Saint-Joseph).Mais Dieu a ses vues sur sa privilégiée : Il ne l’a purifiée et ne se l’est toute consacrée dans le sacrifice que pour l’unir à Lui dans une communion, un mariage eucharistique, unissant à jamais leurs deux cœurs : « Dans ma solitude de l’année 1684, mon souverain maître me fit la miséricorde de me départir ses grâces avec tant de profusion qu’il me serait difficile de m’en exprimer… ». « Le premier jour, il me présenta son sacré Cœur comme une fournaise ardente où je me sentis jetée, d’abord pénétrée et embrasée de ses vives ardeurs qu’il me semblait m’aller réduire en cendres. Ces paroles me furent dites : “ Voici le divin purgatoire de mon amour où il te faut purifier le temps de cette vie purgative ; puis, je t’y ferai trouver un séjour de lumière et ensuite d’union et de transformation ” ». « La nuit du jour de ma confession je me sentis réveiller, et d’abord tous mes péchés me furent représentés comme tout écrits que je n’eus qu’à les lire, en me confessant, mais avec tant de larmes et de contrition qu’il me semblait que mon chétif cœur allait se fendre de regret d’avoir offensé cette bonté infinie… ». Après trois jours de vie purgative, elle est mise “ en un séjour de gloire et de lumière ” . L’âme de cette vierge très pure s’abandonne alors à son Dieu : « Il épousa mon âme en l’excès de sa charité, mais d’une manière et union inexplicables, changeant mon cœur en une flamme de feu dévorant de son pur amour… » . Jésus lui fait entendre qu’Il la destine « à rendre un continuel hommage à son état d’hostie et de victime au très Saint-Sacrement » et qu’elle doit pratiquer ses vœux religieux « sur ce sacré modèle » : « Qu’y a-t-il de plus obéissant que mon Jésus en la sainte Eucharistie ? (…) Je veux donc obéir jusqu’au dernier soupir de ma vie pour rendre hommage à l’obéissance de Jésus en l’Hostie, dont la blancheur m’apprend qu’il faut être une pure victime pour lui être immolée sans tache… ». Les moindres gestes humains ne sont plus pour elle qu’une figure, qu’une évocation bien imparfaite de son union au Corps de son Bien-Aimé : « Lorsque j’irai prendre ma réfection, je l’unirai à cette nourriture divine dont il sustente nos âmes dans la sainte Eucharistie, lui demandant que tous les morceaux soient autant de communions spirituelles qui m’unissent et me transforment toute en lui-même ». Jésus imprime en son cœur la vie « toute cachée et anéantie aux yeux des hommes » qu’Il mène en l’Eucharistie, en même temps qu’elle jouit de grandes grâces mystiques, comme d’une épouse caressée et baisée par son époux. Elle est pénétrée d’une faim de plus en plus ardente pour Jésus-Hostie, au point que Jésus vient lui-même la consoler : « Ma fille, ton désir a pénétré mon Cœur si avant que si je n’avais pas institué ce Sacrement d’amour, je le ferais maintenant pour me rendre ton aliment. Je prends tant de plaisir d’y être désiré, qu’autant de fois que le cœur forme ce désir, autant de fois je le regarde amoureusement pour l’attirer à moi ». L’union de ces deux cœurs est telle que l’humble visitandine avoue : « Je souffrais une grande peine de voir mon Jésus si peu désiré dans cet auguste Sacrement ; surtout quand on en parlait avec froideur et indifférence, ce m’était une peine insupportable ». Elle va donc chercher à répandre dans tous les cœurs ce feu qui la brûle et lui fait tant aimer le Cœur de Jésus : « (…) pourvu que ce divin Cœur soit content, aimé et glorifié, cela nous doit suffire », écrit-elle à Mère de Soudeilles, l’engageant à « faire à son sacré Cœur un entier sacrifice de vous-même et de tout ce qui dépend de vous, sans réserve ». Cet incomparable don du mariage mystique la transforme et lui donne une fécondité telle qu’il sera à l’origine de l’extension du culte et de la dévotion au Sacré-Cœur dans son petit couvent et dans le monde entier. http://crc-resurrection.org/toute-notre-doctrine/renaissance-catholique/mystique/ste-marguerite-marie/le-triomphe-du-sacre-coeur/ X. Le triomphe du Sacré-Cœur. Après avoir scellé avec Notre-Seigneur un mariage tout eucharistique, vivant dans une union de volonté indissoluble avec son Époux divin, sainte Marguerite-Marie se trouve remplie du désir de diffuser partout le culte du Sacré-Cœur. En décembre 1684, elle se voit confiée la charge de maîtresse des novices : « Je ne trouvais encore point de moyen de faire éclore la dévotion du sacré Cœur, qui était tout ce que je respirais. Et voici la première occasion que sa bonté m’en fournit. C’est que sainte Marguerite s’étant trouvée un vendredi, je priai nos sœurs novices, dont j’avais le soin pour lors, que tous les petits honneurs qu’elles avaient dessein de me rendre en faveur de ma fête, elles les fissent au sacré Cœur de Notre-Seigneur-Jésus-Christ ». Pleines d’ardeur, les novices dressent de nuit un petit autel pour une reproduction du Cœur adorable de Jésus, dessiné par notre sainte : Celle-ci « parut fort contente de notre autel » et lut une consécration toute à l’honneur de ce divin Cœur. C’était la première fois, ce 20 juillet 1685, qu’une image du Sacré-Cœur recevait les hommages de quelques saintes filles, répondant au désir singulier qu’a Notre-Seigneur « d’être honoré sous la figure de ce Cœur de chair, dont il voulait que l’image fût exposée en public afin de toucher par cet objet le cœur insensible des hommes » et promettant de répandre par ce moyen, ses bénédictions. Mais ce culte ne va pas sans « beaucoup d’humiliations, de contradictions et de mortifications » de la part des sœurs, mais aussi des “ théologiens ” et religieux ou laïcs de Paray et des environs, « d’autant que l’on m’accusait de vouloir introduire une dévotion nouvelle ! ». Le Sacré-Cœur soutient le courage de sa zélatrice : « Je règnerai malgré mes ennemis et tous ceux qui se voudront opposer ! » . Et c’est par le moyen de nouveaux petits psychodrames provoquant l’humiliation, voire la persécution de sa messagère, que Notre-Seigneur vaincra petit à petit toute opposition. En mai 1696, c’est la lecture au réfectoire de la retraite spirituelle du père La Colombière, où celui-ci relate la vision si émouvante de Jésus, découvrant son divin Cœur à sa confidente, se plaignant de l’ingratitude des hommes et demandant réparation : « Mais ce qui m’est encore le plus sensible est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi… ».À partir de ce moment, un grand nombre de sœurs se retournent en faveur de notre sainte et lorsque arrive la fête du Sacré-Cœur, le 20 juin 1686, c’est une des sœurs les plus opposées qui se rétracte, invitant elle-même « toutes les épouses du Seigneur à venir rendre leurs hommages à son Cœur adorable » , après avoir dressé un petit autel en son honneur ! Dans ces années 1686-1687, notre sainte peut écrire à Mère de Soudeilles : « Il faut vous dire une chose qui me donne bien de la joie : notre Communauté a pris dévotion de se mettre particulièrement sous la protection de l’adorable Cœur de Jésus, et on lui fait édifier une chapelle toute dédiée à son honneur ».« Nos sœurs de Semur-en-l’ Auxois (…) en ont fait faire un tableau par un peintre et lui ont érigé un autel ». L’enthousiasme apostolique de l’humble visitandine la pousse à une grande activité extérieure, toujours dans l’obéissance la plus stricte à ses supérieurs : elle, si timide, si effacée, rédige maintenant de nombreuses lettres, se rend au parloir, fait imprimer des images, s’occupe de faire demander à Rome une fête en l’honneur du Sacré-Cœur, afin d’étendre son Règne dans le monde entier. http://crc-resurrection.org/toute-notre-doctrine/renaissance-catholique/mystique/ste-marguerite-marie/le-grand-dessein-du-sacre-coeur/ XI. Le grand dessein du Sacré-Cœur. Par une volonté de Dieu, la dévotion au Cœur Sacré de Jésus a commencé à se répandre dans ce petit couvent de la Visitation de Paray, produisant des fruits de conversion et de sanctification. Le Sacré-Cœur avait en effet promis à notre sainte « qu’Il répandrait la suave onction de son ardente charité dans toutes les Communautés où serait honorée cette divine image ; qu’Il en détournerait les coups de la juste colère de Dieu, en les remettant en sa grâce lorsque par le péché, elles en seraient déchues ». Cette restauration du bon ordre et du bon esprit que sainte Marguerite-Marie a mérité à sa propre Communauté, est promise à tous les monastères qui honoreront le Sacré-Cœur. Mais de magnifiques promesses s’adressent aussi aux pécheurs, leur donnant « l’esprit de contrition, de pénitence » ; aux fidèles “ qui tendent à la perfection ” et qui trouveront dans cette dévotion « de quoi vaincre les obstacles » ; aux parfaits amis du Sacré-Cœur : « la Sainte Vierge sera la spéciale protectrice de ceux-ci, pour les faire arriver à la vie parfaite. De plus, ce divin Cœur se rendra l’asile et le port assuré à l’heure de la mort de tous ceux qui l’auront honoré pendant leur vie, et les défendra et protégera ». Et Notre-seigneur met le comble à sa bonté en promettant à sa confidente, « dans l’excessive miséricorde de mon cœur, que mon amour tout-puissant accordera à tous ceux qui communieront neuf premiers vendredis du mois, de suite, la grâce de la pénitence finale, ne mourant point en ma disgrâce et sans recevoir les sacrements, mon divin Cœur se rendant leur asile assuré au dernier moment ». « Ce divin Cœur est si passionné d’amour pour les hommes » qu’Il veut leur donner « les grâces sanctifiantes et salutaires nécessaires pour les retirer de l’abîme de perdition ». Grâce à cette très grande promesse, les âmes les plus faibles et même les pécheurs les plus endurcis, mais ayant accomplis les neuf premiers vendredis du mois, peuvent encore avoir un petit point d’espérance en pensant que, à la fin de leur vie, le Bon Dieu dans son excessive miséricorde, leur donnera des grâces de conversion pour les sauver du feu de l’enfer, malgré leur vie de péché. Pour répandre cette dévotion, il faut de bons instruments : en 1675-1676, Notre-Seigneur avait laissé entrevoir ses desseins à notre sainte, lui faisant entendre que son union d’âme avec le Père La Colombière « était toute pour la gloire de son sacré Cœur, dont Il voulait que je lui découvrisse les trésors [au Père La Colombière], afin qu’il en fit connaître et en publiât le prix et l’utilité ». C’est déjà une annonce de la mission confiée à l’Ordre de la Visitation et à la Compagnie de Jésus, lors de cette vision du 2 juillet 1688, où notre sainte en prière devant le Saint-Sacrement vit le Cœur de Jésus ainsi que la Sainte Vierge, saint François de Sales, le Père La Colombière et les sœurs de la Visitation : « Alors, montrant le divin Cœur : “ Voilà , dit Notre-Dame aux visitandines, ce précieux trésor qui vous est particulièrement manifesté, par le tendre amour que mon Fils a pour votre institut qu’il regarde et aime comme son cher Benjamin. [La Visitation était alors l’Ordre le plus récent qui ait été créé] (…) Il faut que non seulement elles s’enrichissent de ce trésor, mais encore, qu’elles distribuent cette précieuse monnaie… ” ». Se tournant vers le Père la Colombière, Elle ajoute : « … s’il est donné aux Filles de la Visitation de le connaître et distribuer aux autres, il est réservé aux Pères de votre Compagnie d’en faire voir l’utilité et la valeur », promettant que les Pères fidèles à cette mission " produiront des fruits au-delà de leurs travaux et de leurs espérances, et même pour le salut et la perfection de chacun d’eux en particulier ". Dans une lettre à Mère de Saumaise, notre sainte écrit, enthousiaste : « Il règnera cet aimable Cœur, malgré Satan. Ce mot me transporte et fait toute ma consolation ! ». L’Eglise n’est cependant pas la seule institution qui doit être le ressort de la dévotion universelle au Sacré-Cœur. Le Christ veut en effet instaurer Son Royaume sur terre par l’entremise de Son “ lieutenant ”, le Roi de France : « Fais savoir au fils aîné de mon sacré Cœur que, comme sa naissance temporelle a été obtenue par la dévotion aux mérites de ma sainte Enfance, de même il obtiendra sa naissance de grâce et de gloire éternelle par la consécration qu’il fera de lui-même à mon Cœur adorable qui veut triompher du sien, et par son entremise de celui des grands de la terre » ; Le Sacré-Cœur « veut régner dans son palais, être peint dans ses étendards et gravé dans ses armes pour les rendre victorieuses de tous ses ennemis, en abattant à ses pieds ces têtes orgueilleuses et superbes, pour le rendre triomphant de tous les ennemis de la Sainte Église ».Il veut « être honoré autant qu’il y a été outragé, méprisé et humilié en sa Passion, et qu’il reçoive autant de plaisir de voir les grands de la terre abaissés et humiliés devant lui, comme il a senti d’amertume de se voir anéanti à leurs pieds ». Et pour cela, Louis XIV doit « faire autoriser la messe en son honneur par le Saint-Siège apostolique… ».
Jésus-Christ sollicite le cœur de ce grand roi de se livrer à Lui sans partage et Il entoure cette offre de promesses non seulement merveilleuses, mais utiles, indispensables à ce roi qui est mal pris à cette époque, tant à la fois avec le Pape qu’avec son opposition intérieure, avec les hérésies qui ravagent le royaume, et cette coalition de ses ennemis dans toute l’Europe. Or, nous savons maintenant avec certitude, grâce aux révélations de Notre-Seigneur à sœur Lucie de Fatima, que Louis XIV a été averti de ce dessein grandiose de Dieu, mais qu’il refusa sur les conseils de son confesseur, le Père de la Chaise (Jésuite !), de s’humilier devant le Sacré-Cœur. Notre-Seigneur se plaignit à cette sainte religieuse, en 1931 et lui communiqua ce terrible avertissement qui visait surtout le Pape régnant et ceux qui, dans la suite, feront obstacle aux demandes du Cœur Immaculé de Marie : « Ils n’ont pas voulu écouter ma demande ! … Comme le roi de France, ils s’en repentiront, et ils le feront, mais ce sera tard » ; « Fais savoir à mes ministres, étant donné qu’ils suivent l’exemple du roi de France en retardant l’exécution de ma demande, qu’ils le suivront dans le malheur. Jamais il ne sera trop tard pour recourir à Jésus et à Marie ». Le grand dessein de Dieu qui est d’établir dans le monde la dévotion au Cœur de Son divin Fils et au Cœur Immaculé de Marie a été comme authentifié par la vie héroïque de ces deux humbles messagères, sainte Marguerite-Marie et sœur Marie-Lucie de Jésus et du Cœur Immaculé de Marie, constamment mises à l’épreuve, humiliées, écrasées. Pour obtenir le salut, il revient aux visitandines et aux jésuites, au roi de France et au Pape de mettre leur dévotion, leur science, leur puissance et leur autorité au service de ces divins Cœurs. http://crc-resurrection.org/toute-notre-doctrine/renaissance-catholique/mystique/ste-marguerite-marie/oeuvre-contrariee-inachevee/ XII. L’œuvre contrariée, inachevée. Notre sainte arrive à la fin de sa vie. Nommée assistante, elle rayonne sur son entourage. Une petite sœur converse, s’étant blessée gravement « pensa qu’en touchant seulement le bas de sa robe, elle guérirait ». Sa foi fut récompensée par un miracle : « Dès ce moment, elle alla beaucoup mieux, et fut entièrement guérie en peu de temps ». Sainte Marguerite-Marie manifeste en communauté comme au parloir, un esprit de discernement, accompagné d’un don de prophétie assez remarquable et « la vénération générale lui faisait malgré elle, comme un cortège d’honneur », ce qui lui fait dire : « Je mourrai cette année parce que je ne souffre plus rien ». Le 8 octobre 1690, elle tombe malade et s’alite : « Une des sœurs s’aperçut qu’elle souffrait beaucoup, et elle voulut s’empresser de lui donner quelque soulagement. La courageuse mourante la remercia de ses bons offices en lui disant que “ tous les moments qui lui restaient à vivre étaient trop précieux pour n’en pas profiter ” ». Elle eut une grande attention durant sa maladie à faire de tout ce qu’elle pouvait, un sacrifice : « Elle était toujours contente de ce qu’on lui ordonnait, de ce qu’on lui présentait. Les remèdes, quelquefois plus à charge à un malade que la maladie même, n’arrachèrent d’elle ni aucune plainte ni aucune marque de répugnance ni de dégoût ». Aussi chacun pensait qu’elle parviendrait à vaincre son mal. Mort de sainte Marguerite-Marie.« Elle n’eut d’empressement que pour recevoir le saint viatique ; elle le demanda avec insistance ». Mais « on crut devoir différer ». Et elle reçut la Sainte communion, sachant que « c’était pour la dernière fois ». La servante de Dieu consola aussi son infirmière avec qui elle avait été très liée et, persuadée que sa propre indignité était un obstacle à l’extension de cette dévotion, elle répétait que « sa mort était nécessaire à la gloire du Cœur de Jésus-Christ » , sans se douter que ses paroles avaient un autre sens et qu’elles étaient une prédiction de l’avenir car sa mort « donna occasion au Père Croiset d’ajouter au livre qu’il faisait imprimer l’abrégé de la vie de la servante de Dieu » et « ce fut par le récit des merveilles que Dieu a opérées en elle et par elle que cette dévotion se répandit ». A plusieurs reprises, la mourante demanda que l’on brûle ses écrits : « elle désirait de rester inconnue dans le tombeau comme elle avait voulu l’être pendant sa vie. Mais comment aurait-on pu cacher ce que Dieu veut manifester pour sa gloire et pour l’édification des saints ? » . Souvent, elle répétait : « Misericordias Domini in aeternum cantabo ! ». A la fin, « elle ne pouvait plus prononcer que les noms de Jésus et de Marie, parce que l’ardeur de sa poitrine étouffait sa respiration. Ce fut en prononçant ces sacrés noms et dans le temps qu’on faisait sur son corps la quatrième onction qu’elle expira doucement, selon sa prédiction, entre les bras de sœur Françoise-Rosalie Verchère et de sœur Péronne-Rosalie de Farges, dont elle avait été maîtresse au noviciat et à chacune desquelles elle avait prédit séparément (…) qu’elles lui rendraient ce charitable office ».C’était le 17 octobre 1690, entre 7 et 8 heures du soir. « Toutes les sœurs étaient unies dans un singulier sentiment de douceur et de paix. Une religieuse dont la vie intérieure n’avait été jusqu’alors faite que de sécheresses et de désolations, éprouva une pause de consolations célestes. Une de ses novices qui, dans sa cellule, la pleurait désespérément fut soudain pénétrée de l’impression que Marguerite lui disait de remercier Dieu de toutes les humiliations qu’elle avait souffertes puisqu’elles l’avaient amenée à une si grande gloire ».
Et bientôt, la foule envahit la chapelle du monastère, les enfants ayant clamé partout la nouvelle : « La sainte des Sainte-Marie est morte ! ». Chacun réclame des reliques et de nombreuses guérisons sont obtenues par son intercession. Mais si l’épouse chérie du Cœur de Jésus jouit enfin de ses délices dans le Ciel, les offres du Sacré-Cœur transmises par elle aux grands de ce monde sont toujours dédaignées… Cette vie est tellement surprenante, folie pour les hommes, scandale pour les dévots ! Ce sont donc des années d’incurie, d’inertie des Pères Jésuites et de la hiérarchie : le Pape Benoît XIV se moque de cette dévotion à « un cœur de chair », un cœur physique dont pourtant saint Jean, sainte Gertrude avaient « senti le charme de ces battements d’amour », après avoir reposé réellement sur son sein béni ! Sainte Marguerite-Marie (Amiens)Les rois se succèdent sur le trône de France sans répondre aux demandes pressantes de leur Seigneur et Maître et Louis XVI attendra d’être emprisonné au temple pour se consacrer enfin à ce Cœur Royal et tout divin. Mais il est déjà bien tard… Les jansénistes et les francs-maçons ont répandu leurs erreurs à travers tout le Royaume, provoquant des émeutes et des persécutions contre la Monarchie et contre l’Eglise : cette Révolution éclate cent ans jour pour jour après la grande Révélation du Sacré-Cœur à sainte Marguerite-Marie ! Les bons sont martyrisés : les monastères de la Visitation et la Compagnie de Jésus sont sévèrement châtiés de leur infidélité, Louis XVI est guillotiné et le petit roi Louis XVII, après avoir gravi la montagne escarpée du Calvaire, mourra au Temple, victime expiatrice pour le salut de la France. Cette dévotion, sous le coup de la Révolution, va renaître dans le peuple mais sans entraîner les élites et le Sacré-Cœur n’a toujours pas recouvré cette royauté à laquelle Il a droit sur la France en même temps que sur l’Église, par un culte vraiment public. Alors en ces derniers temps, Il met en avant “ avec une certaine crainte ” le Cœur de sa Mère. Ne confiait-Il pas à sœur Lucie : « Je désire très ardemment la propagation du culte et de la dévotion au Cœur Immaculé, parce que ce Cœur est l’aimant qui attire les âmes à moi, le foyer qui irradie sur la terre les rayons de ma lumière et de mon amour, la source intarissable qui fait jaillir sur la terre l’eau vive de ma Miséricorde » ? Prions afin de hâter le triomphe du Sacré-Cœur de Jésus par le règne du Cœur Immaculé de Marie et par l’intercession du cœur très humble et tout aimable de sainte Marguerite-Marie, disciple bien-aimée du Christ et héritière de Ses trésors divins, fille chérie de Marie Immaculée « la conductrice de mes pas… l’Étoile de ma navigation, le port assuré de mon salut et de mon éternité ». | |
| | | Claude Coowar
Messages : 357 Inscription : 25/11/2013
| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 7/12/2016, 00:48 | |
| http://voiemystique.free.fr/ecole_francaise_t3_04.htm Avertissement Quelques conseils concernant le discernement des esprits.
Première partie. Ô mon unique Amour ! Combien vous suis-je redevable de m’avoir prévenue dès ma plus tendre jeunesse, en Vous rendant le Maître et le possesseur de mon cœur, quoique Vous connussiez bien les résistances qu’il Vous ferait. (Marguerite-Marie (1647-1690).) Avant d’aborder la vie de Sainte Marguerite-Marie et de remercier le Seigneur pour le don qu’il nous a fait, à travers elle, de la révélation de son Amour et de son Sacré-Cœur, il convient de se demander si ces révélations viennent vraiment de Dieu ou si elles ne sont que le résultat d’un esprit imaginatif plus ou moins déréglé. C’est le Seigneur lui-même qui nous éclairera, car Marguerite-Marie, inquiète face aux phénomènes étranges dont elle était l’objet, se posait déjà les mêmes questions que nous et craignait toujours d’être trompée par Satan dans les faveurs qu’elle recevait. Aussi, pour la rassurer, Jésus récapitule-t-il les marques qu’il lui donne pour reconnaître les grâces qui viennent de Lui. Voici les signes qui permettent de vérifier que les grâces en question sont des dons gratuits de Dieu : – En premier lieu, ces faveurs doivent toujours être accompagnées de quelque humiliation, contradiction ou mépris de la part des créatures.
– Après avoir reçu ces grâces, l’âme doit se sentir plongée dans un abîme d’anéantissement et de confusion intérieure qui lui fait reconnaître son indignité.
– Ces grâces et connaissances ne doivent produire en elle aucune pensée de mésestime envers le prochain quelle que soit l’étendue de ses misères, mais cela ne doit la porter qu’à des sentiments de compassion et de charité. – Ces grâces doivent également conduire l’âme qui en est favorisée à toujours plus d’obéissance à ses supérieurs. [1] 1 La vie de Sainte Marguerite-Marie.1-1-La jeunesse.La vie de Sainte Marguerite-Marie est de celles dont on dit qu’elles sont admirables, mais non imitables, ou du moins très difficilement imitables. Marguerite Alacoque, plus connue sous le nom de Marguerite-Marie, son nom religieux de Visitandine de Paray-le-Monial, naquit le 22 juillet 1647, dans le Charolais, d’une famille de notaires. Elle appartenait donc à la bourgeoisie aisée. Malheureusement son père mourut très jeune, à l’âge de quarante ans, le 11 décembre 1651. Marguerite n’avait que huit ans. Elle est alors placée en pension chez les Clarisses de Macon où elle fit sa première communion vers l’âge de neuf ans. De 1657 à 1661 elle est atteinte d’une maladie osseuse qui la tient paralysée pendant près de quatre ans. Après s’être consacrée à Marie, pour toujours, elle retrouva subitement la santé. Marie devient alors véritablement sa Maîtresse. Mais une nouvelle épreuve attendait Marguerite. Sa mère, Madame Alacoque, qui ne connaissait rien à la gestion des affaires, et particulièrement de ses biens fonciers importants, signa, en faveur de son beau-frère, Toussaint Delaroche, une renonciation à ses revenus, en échange de laquelle son entretien et celui de ses cinq enfants devait être assuré. Malheureusement la famille Delaroche s’installa dans la maison, confisqua tout usage des biens de la maison et relégua la propriétaire au rang de domestique. Ce fut, pour Marguerite et sa mère, une douloureuse et longue période de persécutions. Démunie de tout, Marguerite est formée, au plan spirituel, par le Seigneur Lui-même, qui lui fit comprendre que sa vie, ce serait la Croix.1-2-La vie d’oraison de la jeune MargueriteÀ cette époque, la plus rude des croix de Marguerite-Marie était de ne pouvoir adoucir celles de sa mère. Cependant le Seigneur continuait à la former régulièrement, et, tout particulièrement, à lui enseigner l’oraison : « Mon Souverain Maître m’apprit comme il voulait que je la fisse ; ce qui m’a servi toute ma vie. Il me faisait prosterner humblement devant Lui, pour Lui demander pardon de tout en quoi je L’avais offensé, et puis, après L’avoir adoré, je Lui offrais mon oraison sans savoir comment il m’y fallait prendre. Ensuite, Il se présentait Lui-même à moi dans le mystère où Il voulait que je Le considérasse, et Il appliquait si fort mon esprit en tenant mon âme et toutes mes puissances englouties dans Lui-même, que je ne sentais point de distraction, mais mon cœur se sentait consommé (sic) [2] du désir de L’aimer, et cela me donnait un désir insatiable de la Sainte Communion et de souffrir ». 1-3-La vie religieuse.La première fois que Marguerite Alacoque vint à Paray-le-Monial, chez les Visitandines, il lui fut dit intérieurement : “C’est ici que je te veux” . Et le Seigneur lui fit cet amoureux reproche : “Regarde, ma fille, si tu trouveras un père blessé d’amour pour son fils unique, qui ait pris autant de soin de lui donner des marques de son amour que je t’en ai donné du mien jusques à présent, que j’ai eu tant de peine à diriger ton cœur et le cultiver selon mes desseins, t’attendant doucement sans me rebuter de toutes tes résistances. Souviens-toi donc que si tu oubliais de la reconnaissance que tu me dois, ne me déférant la gloire de tout, ce serait le moyen de tarir pour toi cette source ineffable de tout bien”. [3] Plus tard le Seigneur lui dit : “Reconnais donc que tu ne peux rien sans moi qui ne t’abandonnerai point, pourvu que tu tiennes toujours ton néant et ta faiblesse abîmés dans ma force” . Après bien des vicissitudes, Marguerite put enfin entrer, en 1671, au monastère de la Visitation de Paray-le-Monial. Après son postulat elle fut admise avec difficulté au noviciat : ”La petite mystique entrait en extase trop fréquemment... Si elle voulait rester dans la congrégation, elle devait abandonner tous ces phénomènes insolites” ; [4] Comme cela ne dépendait pas d’elle, elle se plaignit au Seigneur qui l’orienta vers l’obéissance à ses supérieures. Lui, Jésus, « se réservant la conduite de son intérieur et particulièrement de son coeur, dans lequel, ayant établi l’empire de son pur Amour, il ne le cèdera jamais à d’autres ». Elle fut enfin admise au noviciat le 25 août 1671. C’est alors que le Seigneur lui fit connaître le mystère de sa mort et de sa Passion, ce qui lui donna tant d‘amour pour la Croix qu’elle ne pouvait plus vivre un moment sans souffrir, mais, dit-elle, « souffrir en silence, sans consolation, sans soulagement ni compassion; et mourir avec ce Souverain de mon âme, accablée sous la Croix de toutes sortes d’opprobres, de douleur, d’humiliations, d’oublis et de mépris; ce qui m’a duré toute ma vie, laquelle par sa miséricorde, s’est toute passée dans ces sortes d’exercices, qui sont ceux du pur Amour... » . Le Seigneur lui dit quelques jours plus tard : « Tu ne dois plus avoir de volonté que comme n’en ayant plus, en me laissant vouloir pour toi en tout et partout... Vouloir comme ne voulant plus, sans jugement, sans désir, sans affection et sans volonté que celle de mon bon plaisir qui doit faire tous tes délices » . [5] Marguerite-Marie vécut dès lors une expérience d’amour absolu de Dieu, d’un amour plus fort que la mort, plus fort que la souffrance, de la puissance de l’amour brûlant du Christ, dans la paix et dans la joie. Jésus prépare celle qui sera sa messagère aux grandes apparitions de son Sacré-Cœur. 1-4-Voici les résolutions que le Seigneur lui dicta lors de sa retraite de profession.Après que la jeune professe eut reçu Jésus dans son cœur, ce dernier lui dit : “ Voici la plaie de mon Côté pour y faire ta demeure actuelle et perpétuelle. C’est où tu pourras conserver la robe d’innocence dont j’ai revêtu ton âme, afin que tu vives désormais de la vie d’un homme-Dieu : vivre comme ne vivant plus, afin que je vive parfaitement en toi ; ne pensant plus à ton corps et à tout ce qui t’arrivera, comme s’il n’était plus ; agissant comme n’agissant plus, mais moi seul en toi. Il faut pour cela que tes puissances et tes sens demeurent ensevelis dans moi et que tu sois sourde, muette, aveugle et insensible à toutes les choses terrestres : vouloir comme ne voulant plus, sans jugement, sans désir, sans affection et sans volonté que celle de mon bon plaisir qui doit faire toutes tes délices, ne cherchant rien hors de moi, si tu ne veux faire injure à ma puissance, et m’offenser grièvement, puisque je te veux être toutes choses. Sois toujours disposée à me recevoir, je serai toujours prêt à me donner à toi, parce que tu seras souvent livrée à la fureur de tes ennemis. Mais ne crains rien, je t’environnerai de ma puissance et serai le prix de tes victoires. Prends garde de ne jamais ouvrir les yeux pour te regarder hors de moi ; et qu’aimer et souffrir à l’aveugle soit ta devise. Un seul cœur, un seul amour, un seul Dieu ! ”. Marguerite-Marie a-t-elle vraiment eu des révélations sur la Passion de Jésus ?On ne peut en douter en lisant ce qui suit, et ce qui se passa également pendant sa retraite de profession : “C’est dans ce temps que je reçus de si grandes grâces que je n’en avais point encore eu de semblables, surtout ce qu’il me fit connaître particulièrement sur le mystère de sa Passion. Mais je supprime tout, étant trop long à écrire. Je dirai seulement que c’est ce qui m’a donné tant d’amour pour la Croix, que je ne peux vivre sans souffrir, mais souffrir en silence, sans consolation ni soulagement, et mourir avec ce Souverain de mon âme, accablée sous la croix de toutes sortes de souffrances...”. Et voici plus étonnant encore. Marguerite-Marie connaissait aussi la plaie de Jésus à l’épaule qui porta sa Croix. Dans une de ses lettres, on peut lire, parmi les conseils qu’elle donne à sa correspondante, quelques pratiques pour aider les âmes distraites à se tenir en présence de Dieu. Puis Marguerite-Marie continue : “Le samedi, il faut honorer la plaie sacrée de l’épaule, regardant Notre-Seigneur comme un vrai et parfait ami, qui s’est chargé de nos péchés en se rendant notre caution envers son Père éternel... “. 1-5-L’époque des grandes révélations du Sacré-Cœur de Jésus1-5-1-Le “beau” Cœur de JésusQuelques mois après sa profession, Marguerite-Marie écrivit : “Une veille de communion, je demandai à Jésus d’unir mon cœur au sien... mais je me disais en moi-même comment se pourrait-il faire d’unir le néant au tout. Je sais que cela ne se peut que par votre amour. Il me fit voir, par la suprême pointe de mon entendement, ce beau Cœur, plus éclatant que le soleil et d’une grandeur infinie, et un petit point qui ne semblait qu’un atome et qui était tout noir et défiguré, qui faisait tous ses efforts pour s’approcher de cette belle lumière, mais c’était en vain, si ce Cœur amoureux ne l’eût attiré lui-même en disant : – Abîme-toi dans ma grandeur et prends garde de n’en jamais sortir, parce que si tu en sors, tu n’y entreras plus...”. 1-5-2-Vision de Jésus couvert de plaies. Elle écrit encore, alors qu’il lui semblait qu’on lui disait sans cesse qu’elle était sur le bord d’un précipice, qu’elle s’adressât à Notre-Seigneur, en confiance en disant : “Unique Amour de mon âme, faites-moi connaître ce qui m’inquiète”.Alors, dès qu’elle fut en oraison, Jésus se présenta à son âme, tout couvert de plaies, “lui disant de regarder l’ouverture de son sacré Côté, qui était un abîme sans fond, qui avait été fait par une flèche sans mesure, qui est celle de l’amour; et que si elle voulait éviter cet abîme dont elle était dans l’ignorance, il fallait se perdre dans celui-ci, par lequel on évitait tous les autres; que c’était la demeure des amants où ils rencontraient deux vies, l’une pour l’âme et l’autre pour le cœur: l’âme y rencontrant la source des eaux vives pour se purifier et recevoir en même temps la vie de la grâce que le péché lui avait ôté; et le cœur y trouve une fournaise d’amour qui ne le laisse plus vivre que d’une vie d’amour. L’une s’y sanctifie et l’autre s’y consomme ; (sic) et comme l’ouverture est fort étroite, il faut être petit et dénué de toutes choses pour y pouvoir entrer” . [6] 1-5-3-L’échange des cœurs.Jésus lui demande son cœur, grâce mystique excessivement rare : “... Ensuite il me demanda mon cœur, lequel je le suppliai de prendre ; ce qu’il fit et le mit dans le sien adorable, dans lequel il me fit voir comme un petit atome qui se consumait dans cette ardente fournaise, d’où le retirant comme une flamme ardente en forme de cœur, il le remit à sa place, me disant : – Voilà, ma bien-aimée, un précieux gage de mon amour, qui renferme dans ton côté une petite étincelle de ses vives flammes, pour te servir de cœur et le consumer jusqu’au dernier moment de ta vie. L’ardeur ne s’éteindra jamais, ni ne pourra trouver de rafraîchissement que quelque peu dans la saignée, dont je marquerai tellement le sang de ma croix, qu’elle t’apportera plus d’humiliations et de souffrances que de soulagement. C’est pourquoi je veux que tu la demandes simplement, tant pour pratiquer ce qui vous est ordonné, que pour te donner la consolation de répandre ton sang sur la croix des humiliations. Et pour marque que la grande grâce que je viens de te faire n’est point une imagination, et qu’elle est le fondement de toutes celles que j’ai encore à te faire, quoique j’aie refermé la plaie de ton côté, la douleur t’en restera pour toujours, et si, jusqu’à présent, tu n’as pris que le nom de mon esclave, je te donne le nom du disciple bien-aimé de mon Sacré-Cœur” . [7] Cette douleur au côté dura jusqu’à la fin de la vie de Marguerite-Marie. Cependant cette douleur particulière était plus spécialement renouvelée les premiers vendredis du mois de cette manière : “ Ce Sacré-Cœur m’était représenté comme un soleil brillant d’une éclatante lumière, dont les rayons tout ardents donnaient à plomb sur mon cœur qui se sentait d’abord embrasé d’un feu si ardent, qu’il me semblait m’aller réduire en cendres, et c’était particulièrement en ce temps-là que ce divin Maître m’enseignait ce qu’il voulait de moi, et me découvrait les secrets de cet aimable Cœur “ . Une autre fois, Jésus lui redemanda son cœur : – “Ma fille, veux-tu bien me donner ton cœur pour faire reposer mon amour souffrant que tout le monde méprise ? – Mon Seigneur, vous savez bien que je suis toute à vous ; faites de moi selon vos desseins. Il me dit : – Sais-tu bien à quelle fin je te donne mes grâces si abondamment ? C’est pour te rendre un sanctuaire où le feu de mon amour brûle continuellement ; et ton cœur sera comme un autel où rien de souillé ne touche, l’ayant choisi pour offrir à mon Père éternel des sacrifices ardents, pour apaiser sa justice et lui rendre une gloire infinie, par l’offrande que tu lui feras de moi-même dans ces sacrifices, y unissant celui de ton être pour honorer le mien”. [8] 1-5-4-Autres visionsPlus tard le Seigneur lui montra “une grande croix dont elle ne pouvait voir le bout. Elle était toute couverte de fleurs”. Jésus lui dit : – Voilà le lit de mes chastes épouses, où je te ferai consommer les délices de mon pur amour. Peu à peu ces fleurs tomberont et il ne te restera que les épines qu’elles cachent à cause de ta faiblesse”. Se souvenant des grandes révélations, Marguerite-Marie dit aussi : “Une autre fois, allant à la sainte communion, la sainte Hostie me parut si resplendissante qu’elle paraissait comme un soleil dont je ne pouvais soutenir l’éclat. Notre Seigneur, au milieu, tenait une couronne d’épines...” [9] Un autre jour, Jésus lui découvrit son Cœur et dit : – Voici le lieu de ta demeure éternelle, où tu pourras conserver sans tache la robe dont j’ai revêtu ton âme”. Et depuis ce temps-là, “il ne me souvient pas, écrit Marguerite-Marie, d’être jamais sortie de cet aimable Cœur. Je m’y trouve toujours, mais d’une manière et avec des sentiments qu’il ne m’est pas possible d’exprimer”. [10] 1-5-5-Marguerite-Marie, et l’AngeMarguerite-Marie était dans une grande souffrance. Notre Seigneur la consola en disant : – “Ma fille, ne t’afflige pas car je te veux donner un gardien fidèle qui t’accompagnera partout et t’assistera dans tous tes besoins et qui empêchera que ton ennemi ne prévale point contre toi. Et toutes les fautes où il croira te faire tomber par ses suggestions retourneront à sa confusion ». Cette grâce, dit Marguerite-Marie, me donna une telle force qu’il me semblait n’avoir plus rien à craindre ; car ce fidèle gardien de mon âme m’assistait avec tant d’amour, qu’il m’affranchit de toutes mes peines. Mais, je ne le voyais sensiblement que lorsque mon Seigneur me cachait sa présence sensible pour me plonger dans des douleurs très rigoureuses de sa sainteté de justice. C’était alors qu’il me consolait par ses familiers entretiens. Il me dit une fois : – Je veux vous dire qui je suis, afin que vous connaissiez l’amour que votre Époux vous porte [11]. Je suis l’un de ceux qui sont plus proches du trône de la divine Majesté, et qui participent le plus aux ardeurs du Sacré-Cœur de Jésus-Christ, et c’est à dessein de vous les communiquer autant que vous serez capable de les recevoir ”. 1-6-Claude La Colombière dans la vie de Sainte Marguerite-Marie.Nota : Il y a dans ce qui suit des redites avec ce qui a été rapporté ci-dessus dans le chapitre consacré à saint Claude la Colombière. Ces redites sont volontaires afin que ce qui concerne Marguerite-Marie soit parfaitement clair et précis. Marguerite-Marie, comblée de telles grâces extraordinaires, ne pouvait qu’être incomprise, et même persécutée, y compris par ceux-là mêmes qui auraient dû la soutenir et la conseiller. Mais le Seigneur lui avait promis qu’Il lui enverrait “un sien serviteur”, spécialement préparé, pour la rassurer dans sa voie: “Mon souverain Maître me promit, quelque temps après m’être consacrée à lui, qu’il m’enverrait un sien serviteur, auquel il voulait que je manifestasse, selon l’intelligence qu’il m’en donnerait, tous les trésors et secrets de son Sacré-Cœur qu’il m’avait confiés, parce qu’il me l’envoyait pour me rassurer dans sa voie, et pour lui départir de grandes grâces de son Sacré-Cœur, qui les répandrait abondamment dans nos entretiens”. C’est au début de l’année 1675 que Claude de la Colombière, jeune Jésuite de trente-quatre ans, fut nommé supérieur de la Maison des Jésuites de Paray-le-Monial. Dès qu’il se présenta à la Visitation, Marguerite-Marie entendit clairement ces paroles intimes : “Voici celui que Je t’envoie” . Marguerite-Marie put ouvrir son cœur et le Père La Colombière la comprit immédiatement. Elle écrit : “Il me dit qu’il n’y avait rien à craindre en la conduite de cet esprit d’autant qu’il ne me retirait point de l’obéissance ; que je devais suivre ses mouvements en lui abandonnant tout mon être, pour me sacrifier et immoler selon son bon plaisir... Il m’apprit à estimer les dons de Dieu, et à recevoir avec respect et humilité les fréquentes communications et familiers entretiens dont il me gratifiait, dont je devrais être dans de continuelles actions de grâces envers une si grande bonté”. [12] Le Seigneur ordonna à Marguerite-Marie de rapporter ses paroles au Père de La Colombière qui fut immédiatement certain de la véracité des visions. Le Père La Colombière comprit que “ ce qui se passait en elle était du bon Esprit, assurant que les marques en étaient trop fortes pour en douter, surtout celle d’une sincère humilité”. [13] Jésus voulait montrer à sa confidente que ce prêtre était aussi, pour Lui, un instrument choisi pour la gloire de Dieu. C’est au cours d’une messe célébrée par le Père de La Colombière que la volonté de Dieu se manifesta : “Lorsque je m’approchai pour la sainte communion, Notre Seigneur me montra son Sacré-Cœur comme une ardente fournaise, et deux autres cœurs qui s’y allaient unir et s’abîmer, me disant : – C’est ainsi que mon pur amour unit ces trois cœurs pour toujours. « Et après, Il me fit entendre que cette union était toute pour la gloire de son Sacré-Cœur, dont Il voulait que je lui découvrisse les trésors, afin qu’il en fît connaître et en publiât le prix et l’utilité ; et que pour cela Il voulait que nous fussions comme frère et sœur, également partagés de biens spirituels ». Concernant le Père la Colombière, Jésus dira aussi : Le Père La Colombière a obtenu que la très sainte Compagnie de Jésus soit gratifiée, après notre cher Institut, (la Visitation) de toutes les grâces et privilèges particuliers de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus-Christ. Peu de temps avant son départ pour Londres, le Père La Colombière avait donné quelques consignes à la Sœur Alacoque : « Il faut vous souvenir que Dieu demande tout de vous et qu’il ne demande rien. Il demande tout parce qu’il veut régner sur vous et dans vous, comme dans un fonds qui est à lui en toutes manières, de sorte qu’il dispose de tout, que rien ne lui résiste, que tout plie, tout obéisse au moindre signe de sa volonté. Il ne demande rien de vous, parce qu’il veut tout faire en vous, sans que vous vous mêliez de rien, vous contentant d’être le sujet sur qui, en qui il agit, afin que toute la gloire soit à lui et que lui seul soit connu, loué et aimé éternellement » . [14] 1-7-Départ et mort du Père Claude La Colombière.Dès lors les apparitions et aussi les épreuves vont se multiplier pour Marguerite-Marie. Plusieurs de ses sœurs en religion la crurent possédée du démon et la traitèrent comme telle. En septembre 1676 le Père La Colombière est envoyé en Angleterre. Il ne reviendra à Paray, malade, qu’en août 1681. Il y mourut le 15 février 1682, à l’âge de 41 ans. Marguerite-Marie ayant appris sa mort, par une de ses correspondantes, vers cinq heures du matin, dit tristement : « Priez et faites prier partout pour lui ». Mais à dix heures elle écrivait : “Cessez de vous affliger ; invoquez-le ; ne craignez rien, il est plus puissant pour vous secourir que jamais ». Elle s’expliqua plus tard à sa supérieure qui s’étonnait que Marguerite-Marie ne priât pas pour lui : « Ma chère sœur, il n’en a pas besoin ; il est en état de prier Dieu pour nous, étant bien placé dans le ciel, par la bonté et miséricorde du Sacré-Cœur de Jésus, Notre-Seigneur. Seulement, pour satisfaire à quelque négligence qui lui était restée en l’exercice du divin amour, son âme a été privée de voir Dieu dès la sortie de son corps, jusques au moment où il fut déposé dans le tombeau ». 1-8-Les dernières années de Marguerite-Marie.En mai 1684, Marguerite-Marie, Soeur Alacoque, est élue assistante, et nommée directrice du noviciat le 31 décembre 1684. La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus se développe. Les apparitions continuent. 1-8-1-Le Père Croiset.À partir de 1689, un jeune Jésuite, le Père Croiset, devait recueillir les confidences de Marguerite-Marie. Une confiance profonde s’établit entre ces deux âmes que Jésus avait choisies pour faire connaître au monde la dévotion à son divin Cœur. Marguerite-Marie lui écrivit souvent pour lui découvrir les secrets de son cœur. Le Père Croiset, de son côté, s’activa à sa tâche. Mais les œuvres de Dieu ne peuvent s’accomplir que dans la souffrance, aussi le Père Croiset, comme Marguerite-Marie le lui avait prédit, eut-il à supporter de nombreuses contradictions et humiliations, dont, entre autres, la mise à l’index de son livre L’excellence de la dévotion au Cœur adorable de Jésus-Christ, dans lequel il cherchait à promouvoir la dévotion au Sacré-Cœur. Ce livre ne fut retiré de l’index qu’en 1888. Voici la dernière phrase de la dernière lettre de Marguerite-Marie au Père Croiset: « Je prie le divin époux de nos âmes que, puisqu’il nous a faits uniquement pour l’aimer, il vous consomme (sic) tout en son pur amour, afin que nous ne cessions pas un moment de l’aimer ». 1-8-2-La mort d’une sainte.Marguerite-Marie dut s’aliter neuf jours avant sa mort et se prépara longuement à sa Grande Rencontre avec l’Époux. Très oppressée, elle disait souvent: « Hélas ! je brûle, je brûle ; mais si c’était de l’amour divin, quelle consolation ! Mais je n’ai jamais su aimer mon Dieu parfaitement ». Et s’adressant à ses sœurs présentes : « Demandez-lui-en pardon pour moi et l’aimez bien de tout votre cœur, pour réparer tous les moments que je ne l’ai pas fait. Quel bonheur d’aimer Dieu ! Ah ! quel bonheur ! Aimez donc cet Amour, mais aimez-le parfaitement ! ». [15] Le 17 octobre 1690 elle mourait, comme elle l’avait prédit, entre les bras de deux de ses anciennes novices. Elle était âgée de quarante-trois ans. 1-9 Le don de la grâce et de l’Amour.Remarque : Le Seigneur avait longuement préparé Marguerite-Marie à devenir la confidente de son Sacré-Cœur de Jésus ; en particulier, il avait voulu qu’elle se fît Visitandine. Or, curieusement, voici ce que, de son vivant, Saint François de Sales disait déjà à ses filles : « Les religieuses de la Visitation qui seront si heureuses que d’observer leurs règles, pourront porter le nom de filles angéliques, établies particulièrement en ce siècle pour être les imitatrices des deux plus chères vertus du Sacré-Cœur du Verbe incarné : la douceur et l’humilité qui sont la base et le fondement de leur Ordre, et leur donnant ce privilège et la grâce incomparable de porter le nom de Filles du Cœur de Jésus ». Bibliographie consultable à http://voiemystique.free.fr/ecole_francaise_t3_04.htm A SUIVRE DANS LA DEUXIEME PARTIE.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 7/12/2016, 13:48 | |
| Avertissement Quelques conseils concernant le discernement des esprits.
Deuxième partie. 2 Le Sacré-Cœur de Jésus révélé à Sainte Marguerite-Marie. « La Croix est ma gloire, l’amour m’y conduit, l’amour me possède, l’amour me suffit ». . 2-1-La préparation.2-1-1-Sainte Marguerite-Marie et l’oraison.Dans Le Mémoire des contemporaines, il est écrit : « Le Saint-Esprit lui enseigna lui-même le principal point de la vie intérieure, en lui donnant l’esprit, car elle en eut dès lors un don très grand, et sans avoir jamais appris à faire méditation, ni en avoir aucun usage, elle se trouva tout d’un coup élevée au plus haut degré de la contemplation ». Marguerite-Marie se plaignit un jour de ce que le Seigneur permettait qu’elle restât sans rien faire en sa présence. Jésus lui fit ce reproche : « Si je te veux en ma présence, sourde, aveugle et muette, n’en dois-tu pas être contente ? ». Il lui dit aussi que : « Lorsqu’il fait sa demeure dans une âme, il voulait un entendement sans curiosité, un esprit sans jugement, un jugement sans volonté et un cœur sans autres mouvements que ceux de son amour... ». Voici plus étonnant, qui rejoint ce que Ste Thérèse d’Avila avait décrit, longtemps avant, dans son Livre des Demeures. Marguerite-Marie écrit en effet, à propos de son oraison : « Je me mets à ses pieds comme une hostie vivante, qui n’a d’autre désir que de lui être immolée et sacrifiée, pour me consumer comme un holocauste dans les pures flammes de son amour, où je sens mon cœur se perdre comme dans une fournaise ardente, sans que j’en aie plus la jouissance. Il me semble quelquefois que mon esprit s’éloigne de moi pour aller s’unir et se perdre dans l’immense grandeur de son Dieu... Mon entendement demeure dans un aveuglement, qu’il n’y a aucune lumière ni connaissance que celle que ce soleil de justice lui communique de temps en temps, dont je n’ai autre impression ni mouvement que celui de l’aimer... Le Seigneur fait jouir mon âme de sa divine présence et d’une si grande paix, qui me remet aussitôt dans ma première tranquillité, par ces paroles qu’il me répète souvent : que l’enfant ne périra pas entre les bras d’un Père tout-puissant ». Les oraisons lui paraissent alors généralement très courtes, bien que parfois « elle les passe à souffrir avec son Jésus souffrant ». 2-1-2-Jésus, la Croix et Marguerite-Marie.Jésus se présentera fréquemment à sa messagère à travers des épisodes de sa Passion : « Une autre fois, dans un temps de carnaval, cinq semaines avant le mercredi des Cendres, Il se présenta à moi après la sainte communion sous la figure d’un Ecce Homo, chargé de sa Croix, tout couvert de plaies et de meurtrissures. Son sang adorable découlait de toute part, disant d’une voix douloureusement triste : N’y aura-t-il personne qui ait pitié de Moi et qui veuille compatir et prendre part à ma douleur dans le pitoyable état où les pécheurs Me mettent, surtout à présent ?”. [16] Parlant à son épouse, Jésus dit: « Souviens-toi que c’est un Dieu crucifié que tu veux épouser; c’est pourquoi il te faut rendre conforme à Lui, en disant adieu à tous les plaisirs de la vie, puisqu’il n’y en aura plus pour toi qui ne soient traversés par la Croix ». [17] Et Marguerite-Marie écrit : « L’Amour pur ne peut rien souffrir de dissemblable aux amants et ne donne point de repos qu’il n’ait rendu l’amante conforme à son Bien-Aimé. Autrement jamais elle n’en viendrait à l’union qui ne se fait que par la conformité. Mon Dieu m’ayant donc fait connaître que je me devais étudier à devenir une vivante image de son Amour crucifié et que, pour cela, il fallait travailler à la destruction de mon être et effacer en moi la figure du vieil Adam, afin qu’il pût imprimer la sienne en moi, qui me ferait vivre d’une vie toute crucifiée, et que, lorsque cette image serait conforme à la sienne, il l’attacherait à la Croix ». [18] Un jour Jésus dit à Marguerite-Marie : « Mon Père Éternel m’a livré entre les mains cruelles des impitoyables bourreaux pour me crucifier : et moi, Je me sers à ton égard, des personnes qui me sont dévouées et consacrées, et au pouvoir desquelles Je t’ai livrée ». [19] Car le Seigneur voulait aussi d’elle des sacrifices de l’esprit, et qu’elle soit « dans un continuel état de sacrifice ». [20] Il est bien évident que les exigences imposées à Sainte Marguerite-Marie sont souvent exceptionnelles ; il est tout aussi évident que, parmi ces exigences, nombreuses sont celles qui relèvent d’une ascèse totalement oubliée de nos jours, mais qui, pourtant, s’adresse encore à tous les vrais chrétiens. 2-1-3-Quelques conseils de Jésus à Marguerite-Marie pour sa vie religieuse.Comme Marguerite-Marie s’affligeait de ce qu’elle ne se voyait pas en conformité avec son Époux, Jésus lui dit : « Laisse-Moi faire chaque chose en son temps, car je veux que tu sois maintenant le jouet de mon amour qui se veut jouer de toi, selon son bon plaisir, comme les enfants font de leurs poupées. Il faut que tu sois ainsi abandonnée, sans vue ni résistance, me laissant contenter à tes dépens, mais tu n’y perdras rien ». Une autre fois, Jésus lui fit cette leçon : « Apprends que je suis un Maître saint qui enseigne la sainteté. Je suis pur et ne peux souffrir la moindre tache. C’est pourquoi il faut que tu agisses en simplicité de cœur, avec une intention droite et pure en ma présence.... Je ne peux supporter les âmes tièdes et lâches. Même si je suis doux à supporter tes faiblesses, je ne serai pas moins sévère et exact à corriger et punir tes infidélités ». Jésus reprenait aussi sévèrement le manque de respect et d’attention devant le Très Saint Sacrement, surtout dans le temps de l’office et de l’oraison, les défauts de droiture et de pureté dans les intentions, et la vaine curiosité. Après sa profession, Jésus lui dit intérieurement :
« Laisse-moi faire chaque chose en son temps... Sois prête à me recevoir, car je veux désormais faire ma demeure en toi ». A l’occasion d’un jubilé (peut-être celui de 1675) le Seigneur lui fit connaître la prière qui lui serait la plus agréable pour ce temps, c’était de demander trois choses : « La première, d’offrir au Père éternel les amples satisfactions qu’il a faites à sa justice pour les pécheurs, sur l’Arbre de la Croix...
La seconde, lui offrir les ardeurs de son divin Cœur, pour satisfaire à la tiédeur et lâcheté de son peuple choisi...
La troisième, d’offrir la soumission de sa volonté au Père éternel, lui demandant par ses mérites, la consommation de toutes ses grâces et l’accomplissement de toutes ses volontés ». [21] Le Seigneur lui dit encore : « Je ne puis supporter les âmes tièdes et lâches... Je te ferai comprendre... que je suis un sage et savant directeur, qui sait conduire les âmes sans danger, lorsqu’elles s’abandonnent à moi, s’oubliant d’elles-mêmes ». 2-2-Les grandes révélations. 2-2-1-Premières apparitions.La première apparition eut lieu le 27 décembre 1673, devant le Saint Sacrement. Jésus fit d’abord reposer sa privilégiée longuement sur sa poitrine et lui découvrit les merveilles de son amour et les secrets inexprimables de son Coeur, secrets tenus jusqu’alors cachés. Jésus lui dit, entre autres : « Mon divin Coeur est si passionné d’amour pour les hommes... que, ne pouvant plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité, il faut qu’il les répande par ton moyen et qu’il se manifeste à eux pour les enrichir de ses précieux trésors que je te découvre et qui contiennent les grâces sanctifiantes et salutaires pour les retirer de l’abîme de perdition ». La seconde manifestation du Coeur de Jésus eut lieu probablement au printemps de 1674. Marguerite-Marie écrit : « Le divin Coeur me fut présenté comme dans un trône de flammes, plus rayonnant qu’un soleil et transparent comme un cristal, avec cette plaie adorable. Il était environné d’une couronne d’épines qui signifiaient les piqûres que nos péchés Lui faisaient, et d’une croix au-dessus qui signifiait que, dès les premiers instants de son Incarnation, c’est-à-dire que ce Sacré-Cœur fût formé, la Croix y fut plantée, et Il fut rempli, dès ces premiers instants, de toutes ces amertumes qui devaient Lui causer les humiliations, pauvretés, douleurs et mépris que son humanité sacrée devait souffrir pendant tout le cours de sa vie et dans la sainte Passion... Il me fit voir que l’ardent désir qu’Il avait d’être aimé des hommes et de les retirer de la voie de perdition où Satan les précipite en foule, Lui avait fait former ce dessein de manifester son Cœur aux hommes, avec tous les trésors d’amour, de miséricorde, de grâces, de sanctification et de salut qu’Il contenait ». Le Cœur de Dieu, il convient de l’honorer sous la figure du Cœur de chair du Seigneur. Jésus promit que là où l’image de son Cœur serait exposée pour être honorée, Il répandrait ses grâces, et Il indiqua: « Que cette dévotion était comme un dernier effort de son Amour qui voulait favoriser les hommes, en ces derniers siècles de cette rédemption amoureuse, pour les retirer de l’emprise de Satan » [22] Jésus l’avait encore assurée « Qu’il prenait un singulier plaisir d’être honoré sous la figure de ce Cœur de chair dont il voulait que l’image fût exposée en public afin, ajouta-t-il, de toucher le cœur insensible des hommes ; promettant à Marguerite-Marie qu’il répandrait avec abondance, sur le cœur de tous ceux qui l’honoreront, tous les trésors de grâces dont il est rempli et que, partout où cette image serait exposée pour y être singulièrement honorée, elle attirerait toutes sortes de bénédictions ».
Jésus lui dit aussi le même jour : « J’ai une soif ardente d’être honoré des hommes dans le Saint Sacrement et je ne trouve presque personne qui s’efforce, selon mon désir, de me désaltérer, usant envers moi de quelque retour ». [23] Un peu plus tard, probablement en juillet 1674, alors que le Saint Sacrement était exposé, Jésus se manifesta de nouveau d’une manière éclatante. Marguerite- Marie raconte : « Alors que le Saint Sacrement était exposé, après m’être sentie retirée toute au-dedans de moi-même par un recueillement extraordinaire de tous les sens et puissances, Jésus-Christ mon doux Maître, se présenta à moi, tout éclatant de gloire avec ses cinq plaies, brillantes comme cinq soleils, et de cette sacrée Humanité sortaient des flammes de toutes parts, mais surtout de son adorable poitrine qui ressemblait à une fournaise; et s’étant ouvert, il me découvrit son tout aimant et tout aimable Cœur qui était la vive source de ces flammes. Ce fut alors qu’il me découvrit les merveilles inexplicables de son pur Amour, et jusqu’à quel excès il l’avait porté à aimer les hommes dont Il ne recevait que des ingratitudes et des méconnaissances, [24] ce qui m’est beaucoup plus sensible, me dit-il, que tout ce que j’ai souffert en ma Passion; d’autant que s’ils me rendaient quelque retour d’amour j’estimerais peu tout ce que j’ai fait pour eux, et voudrais, s’il se pouvait, en faire encore davantage; mais ils n’ont que des froideurs et du rebut pour tous mes empressements à leur faire du bien. Mais, du moins, donne-moi ce plaisir de suppléer à leurs ingratitudes autant que tu en pourras être capable ». Marguerite-Marie s’effraie, (et, me remontrant mon impuissance), Jésus me répondit : — « Tiens, voilà de quoi suppléer à tout ce qui te manque ». Et en même temps, ce divin Cœur s’étant ouvert, il en sortit une flamme si ardente que je pensai en être consommée ; (sic) car j’en fus toute pénétrée, et ne pouvant plus la soutenir, lorsque je lui demandai d’avoir pitié de ma faiblesse : — « Je serai ta force, me dit-il, ne crains rien, mais sois attentive à ma voix et à ce que je te demande pour te disposer à l’accomplissement de mes desseins ». Le Sacré-Cœur ajoute ensuite quelques prescriptions pratiques : « Tu communieras tous les premiers vendredis de chaque mois. Et toutes les nuits du jeudi au vendredi je te ferai participer à cette mortelle tristesse que j’ai bien voulu sentir au jardin des Oliviers, et laquelle tristesse te réduira, sans que tu la puisses comprendre, à une espèce d’agonie plus rude à supporter que la mort. Et pour m’accompagner dans cette humble prière que je présentai alors à mon Père parmi toutes mes angoisses, tu te lèveras entre onze heures et minuit pour te prosterner pendant une heure avec moi, la face contre terre, tant pour apaiser la colère divine, en demandant miséricorde pour les pécheurs, que pour adoucir en quelque façon l’amertume que je sentais de l’abandon de mes apôtres, qui m’obligea à leur reprocher qu’ils n’avaient pu veiller une heure avec moi, et, pendant cette heure, tu feras ce que je t’enseignerai ». [25] Remarque : Ces consignes sont d’abord adressées personnellement à Marguerite-Marie, mais plus tard il lui sera dévolue la tâche d’introduire dans l’Église ces deux exercices de piété en l’honneur de la Passion : la communion du premier vendredi du mois, et l’Heure Sainte dans la nuit du jeudi au vendredi. 2-2-2-Les plus grandes révélations et apparitions.Un an plus tard, entre le 13 et le 20 juin 1675, eut lieu la grande apparition, et probablement la révélation décisive. Découvrant son Cœur, Jésus lui dit : « Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes qu’il n’a rien épargné jusqu’à épuiser et se consommer (sic) pour leur témoigner son amour ; et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et les mépris qu’ils ont pour moi dans ce Sacrement d’amour. Mais ce qui m’est le plus sensible est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi. C’est pour cela que je te demande que le premier vendredi d’après l’octave du Saint-Sacrement soit dédié à une fête particulière pour honorer mon Cœur, en communiant ce jour-là, et en lui faisant une réparation d’honneur par une amende honorable, pour réparer les indignités qu’il a reçues pendant le temps qu’il a été exposé sur les autels ». [26] Les révélations du Sacré-Cœur continuent. Un jour, tandis qu’elle filait du chanvre dans une petite cour, elle est saisie par une nouvelle extase : « Je me sentis d’abord toute recueillie intérieurement et extérieurement, et me fut en même temps représenté l’aimable Cœur de mon adorable Jésus plus brillant qu’un soleil ; il était au milieu des flammes de son pur amour, environné de séraphins qui chantaient d’un concert admirable : l’amour triomphe, l’amour jouit, l’amour du Saint Cœur réjouit. Et comme ces esprits bienheureux m’invitèrent de m’unir avec eux dans ces louanges de ce divin Cœur, je n’osais pas le faire, mais ils m’en reprirent et me dirent qu’ils étaient venus afin de m’associer pour lui rendre un continuel hommage d’amour, d’adoration et de louange, et que pour cela, ils tiendraient ma place devant le Saint Sacrement, afin que je le puisse aimer sans discontinuation par leur entremise et que, de même ils participeraient à mon amour, souffrant en ma personne comme je jouirais en la leur... Cette grâce dura environ deux ou trois heures ». [27] 2-3-Le Coeur de Jésus, ce qu’il est.Nous avons rapporté ci-dessus les principales apparitions du Sacré-Cœur à Sainte Marguerite-Marie, apparitions qui ont notablement accéléré le culte à rendre au Cœur de Jésus et à l’Amour qu’il a pour les hommes. Mais les révélations de Jésus à sa confidente se sont poursuivies tout au long de sa vie. Dans des révélations relativement peu connues, Jésus donne, non seulement une véritable image de ce qu’Il est vraiment, et de l’immensité de son Amour, mais Il présente comme un résumé de ses exigences envers tous les chrétiens, et plus particulièrement envers les âmes religieuses. 2-3-1-Le Coeur de Jésus, c’est d’abord l’Amour.Un jour, le Seigneur demanda à Marguerite-Marie à quelle fin il lui donnait ses grâces si abondamment. Il dit : « C’est pour te rendre comme un sanctuaire où le feu de mon amour brûle continuellement ». [28] Une autre fois le Seigneur lui découvrit son Cœur amoureux en disant : « Voici le Maître que je te donne, lequel t’apprendra tout ce que tu dois faire pour mon Amour. C’est pourquoi tu en seras le disciple bien-aimé » . [29] Un vendredi après la sainte communion, Notre Seigneur lui montra son Cœur. Marguerite-Marie raconte : [color=#0033ff] (Une lumière sortait de la plaie de son adorable côté et s’élançait dans mon cœur, ce qui me faisait ressentir une très grande ardeur, avec ces paroles) : =#0000ff] « C’est ainsi que mon Amour fait un continuel écoulement dans le cœur que je t’ai donné qui, par un autre écoulement, renvoie les biens dans leur source ». [30] 2-3-2-Le Coeur de Jésus, et la plaie du côté.Jésus dit : « Voici la plaie de mon Côté pour y faire ta demeure actuelle et perpétuelle. C’est où tu pourras conserver la robe d’innocence dont je t’ai revêtue... vivant comme ne vivant plus, agissant comme n’agissant plus, mais Moi seul en toi ». [31] Une autre fois, pendant l’oraison, Jésus se présenta à sa confidente, couvert de plaies et (lui dit de regarder l’ouverture de son Sacré Côté qui était) « Un abîme sans fond qui avait été fait d’une flèche sans mesure qui est celle de l’Amour... que c’était la demeure de tous ses amants, où ils rencontrent deux vies : l’une pour l’âme, l’autre pour le coeur. L’âme y rencontre la source des eaux vives pour se purifier et y recevoir la vie de la grâce que le péché lui avait ôtée ; et le coeur y trouve une fournaise d’amour ardente qui ne le laisse plus vivre que d’amour. L’une s’y sanctifie et l’autre s’y consomme. (Sic) Et comme l’entrée en est petite, il faut être petit pour y entrer et être dénué de toutes choses ». [32] 2-3-3-Le Coeur de Jésus et les âmes du Purgatoire.A de très nombreuses reprises Marguerite-Marie fut invitée à prier pour les âmes du Purgatoire. Plusieurs personnes lui apparurent pour lui demander de prier pour leur soulagement. Tel, notamment un religieux bénédictin qui « tout d’un coup se présenta devant moi comme une personne toute en feu, dont les ardeurs me pénétrèrent si fort qu’il me semblait que je brûlais avec elle. L’état pitoyable où elle me fit voir qu’elle était en Purgatoire me fit verser d’abondantes larmes... ». [33] 2-3-4-Le Coeur de Jésus, la Justice et la Miséricorde de Dieu. Dans la vie de Sainte Marguerite-Marie, l’Amour de Dieu, l’Amour de Jésus sont intensément présents. Mais si le Seigneur dévoile sa Miséricorde, sa Justice est souvent prédominante, ce qui donne à l’ensemble des révélations de Sainte Marguerite-Marie et de sa vie un aspect assez terrifiant pour les hommes du XXème siècle, aspect terrible, tempéré toutefois par le fait que des âmes-victimes peuvent réparer et souffrir pour le salut des autres. A propos d’une âme religieuse infidèle, Jésus déclara « S’il ne s’amende, je lui ferai sentir le poids de ma justice vengeresse, puisqu’une âme juste peut obtenir le pardon pour mille âmes criminelles... Pleure et soupire sans cesse mon Sang répandu inutilement sur tant d’âmes qui en font un si grand abus... Malheur à ces âmes qui demeurent souillées et altérées au milieu de la source des eaux vives … ! ». Il me fit connaître que la plus agréable prière que je pouvais faire... c’était de demander trois choses en son nom : La première : offrir au Père éternel les amples satisfactions qu’Il a faites à sa justice pour les pécheurs sur l’arbre de la Croix, en le priant de rendre efficace le mérite de son Précieux Sang à toutes les âmes criminelles à qui le péché a donné la mort, afin que, ressuscitant à la grâce, elles le glorifient éternellement.
La deuxième : lui offrir les ardeurs de son divin Cœur pour satisfaire à la tiédeur de tant d’âmes lâches de son peuple choisi, en lui demandant que, par l’ardent amour qui lui a fait souffrir la mort, il lui plaise échauffer leur cœur tiède à son service et les embraser de son inclination, afin qu’il en soit aimé éternellement.
La troisième : offrir la soumission de sa volonté à son Père éternel pour lui demander, par les mérites d’icelle, la consommation de ses grâces et l’accomplissement de toutes ses volontés ». [34] 2-4-Les souffrances de Marguerite-Marie. De telles grâces s’accompagnent toujours de très grandes souffrances, soit physiques, soit morales. Marguerite-Marie n’échappa pas à cette règle, mais le Seigneur lui donnait toujours la force dont elle avait besoin et il était constamment présent auprès d’elle. Elle écrit dans ses diverses relations : « Depuis ce jour, j’ai eu sans cesse ce divin Sauveur intimement présent. Il m’instruit, il me soutient, il m’avertit de mes fautes. Il ne laisse pas de croître en moi par sa grâce et le désir ardent de m’aimer et de souffrir pour son amour. Cette divine présence imprime en moi tant de respect qu’elle me tient comme anéantie ». [35] La rigueur de Jésus pour celle qu’Il aimait peut nous sembler extrême. C’est que les fautes de ses saints, même les plus petites, sont de graves blessures à l’amour. Ecoutons la Sœur Alacoque : « Cent fois je me suis étonnée comme il ne m’anéantissait pas, après tant de fautes. Quelques grandes qu’elles fussent, il ne me privait pas de son aimable présence, mais me la rend si terrible lorsque je lui ai déplu en quelque chose, qu’il n’y a point de tourment qui ne fût plus doux et auquel je ne me sacrifiasse plutôt mille fois que de supporter cette divine présence et y paraître devant la sainteté de Dieu, ayant l’âme souillée de quelques péchés. J’aurais voulu me cacher en ce temps-là, si j’avais pu ; mais tous mes efforts étaient inutiles, trouvant partout ce que je fuyais, avec des tourments si effroyables qu’il me semblait être en Purgatoire. Tout souffrait en moi sans nulle consolation, ce qui me faisait dire dans ma plus amère amertume : Ah ! qu’il est terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant ! » . « Voilà la manière dont il purifiait mes fautes, lorsque je n’étais pas assez prompte et fidèle à m’en punir moi-même, mais toujours dans une paix inaltérable. Il me semblait que rien ne la pouvait troubler, quoique la partie inférieure fût souvent agitée, soit par mes passions ou par mon ennemi, qui faisait tous ses efforts pour cela”. Car la divine présence est toujours souffrance pour les pécheurs que nous sommes : « Je souffrais, dit Marguerite-Marie, de croire que j’étais en horreur à toutes les créatures, et qu’elles avaient grande peine à me supporter, en ayant beaucoup à me souffrir moi-même ». [36] Jésus ira jusqu’à lui dire : « Mon Père éternel m’a livré entre les mains cruelles des impitoyables bourreaux pour me crucifier ; et moi, je me sers pour cet effet, à ton égard, des personnes qui me sont dévouées et consacrées, et au pouvoir desquelles je t’ai livrée, et pour le salut desquelles je veux que tu m’offres tout ce qu’elles te font souffrir ». D’où l’aveu à sa supérieure : “Ô ma chère mère ! Qu’il est dur de vivre sans aimer Dieu ! Et comment aimer un Dieu crucifié sans vivre et mourir sur la Croix ? ».
Notre Sainte avait parfaitement compris cette nécessité et ses pénitences étaient tellement effrayantes, qu’un jour Jésus lui interdit certaines pratiques particulièrement terribles qu’elle voulait s’imposer, car « il voulait la rendre en santé à sa supérieure, lui disant qu’il agréait plus les sacrifices qu’elle lui ferait de ses désirs que si elle les exécutait, puisque, étant esprit, il voulait des sacrifices d’esprit ». [37] Remarque : Le Seigneur est toujours plus sage que les hommes, même si ce sont des géants de la sainteté... et même si les souffrances que les saints s’imposent ont pour seul but le salut des âmes. Et Marguerite-Marie « s’affligeait jusqu’à l’excès lorsqu’elle pensait qu’il y aurait un lieu dans le monde, où, pendant toute l’éternité, un nombre infini d’âmes rachetées par le sang de Jésus-Christ n’aimeront nullement cet aimable Sauveur ». Et elle s’interrogeait : « Eh quoi ! est-il raisonnable qu’il y ait un lieu dans le monde où Jésus-Christ ne soit pas aimé ? ». Pour sauver des âmes coupables, Marguerite-Marie eut à connaître la rigueur de la Justice de Dieu. Elle écrit : [color=#0000ff], ce Souverain de mon âme me dit : « Je te veux être toute chose -ta joie et ta consolation- mais Je serai aussi ton supplice. Je connus l’effet de ces paroles... n’ayant jamais rien senti de si douloureux que cette sainteté de justice qui s’imprime dans l’âme d’une manière si terrible... Ce que je trouve de plus rigoureux, c’est la présence de mon Souverain lorsqu’ Il m’en favorise en cet état. Il donne des impressions de sa pureté qu’il est impossible à l’âme de supporter, quand elle se voit dans un état si abominable » . [38] Pourtant, dans ces situations éminemment pénibles, Marguerite-Marie bénéficiait de l’assistance constante de son Ange Gardien ; mais « elle ne le voyait que lorsque son Seigneur lui cachait sa présence sensible pour la plonger dans les douleurs très rigoureuses de sa sainteté de justice ». [39] Cette sainteté de justice est celle qui écrasa Jésus au Jardin des Oliviers. Laissons parler Jésus, s’épanchant dans le cœur de sa confidente : « C’est ici que j’ai plus souffert qu’en tout le reste de ma Passion, me voyant dans un délaissement général du Ciel et de la terre, chargé de tous les péchés des hommes. J’ai paru devant la sainteté de Dieu qui, sans avoir égard à mon innocence, m’a froissé en sa fureur, me faisant boire le calice qui contenait tout le fiel et l’amertume de sa juste indignation, et, comme s’il eût oublié le Nom de Père pour me sacrifier à sa juste colère. Il n’y a point de créature qui puisse comprendre la grandeur des tourments que Je souffris alors. C’est cette même douleur que l’âme ressent, lorsqu’ étant présentée devant le tribunal de la sainteté divine qui s’appesantit sur elle, la froisse, l’opprime et l’abîme en sa juste rigueur ». [40] 2-5-Les exigences de Jésus envers Marguerite-Marie.Un jour le Bien-Aimé se présenta devant Marguerite-Marie et, découvrant son Cœur, il lui fit lire ces paroles : « Mon amour règne dans la souffrance, il triomphe dans l’humilité et il jouit dans l’unité ». [41] Et encore : Voici une chose que cet Adorable Cœur demande «de ses amis : la pureté dans l’intention, l’humilité dans l’opération et l’unité dans la prétention ». [42] 2-5-1-L’obéissance et l’humilité.La Sœur Alacoque écrira : « Jésus voulait que je reçusse toutes choses comme venant de lui, sans me rien procurer ; et lui tout abandonner sans disposer de rien ; lui rendre grâce des souffrances comme de la jouissance ; et dans les occasions les plus douloureuses et humiliantes, penser que cela m’était dû et encore plus, et offrir la peine que je souffrais pour les personnes qui m’affligeaient... Il me défendait de ne jamais juger, accuser, ni condamner que moi-même ». Marguerite-Marie devait devenir l’apôtre du Sacré-Cœur de Jésus. Beaucoup de traverses gênèrent son apostolat, mais elle savait patienter et faire patienter, disant: « Le Sacré-Cœur veut tout par amour et rien par force; ainsi, il faut attendre le temps qu’il a destiné ». Elle disait aussi : « Aimons le divin Cœur de Jésus, mais aimons-le sans réserve, sans exception. Donnons tout et sacrifions tout pour avoir ce bonheur; et nous aurons tout en possédant le divin Cœur de Jésus, qui veut être toutes choses au cœur qui l’aime, mais ce ne sera qu’en souffrant pour lui...[43] Mon désir n’est plus que de procurer de la gloire à ce Sacré-Cœur ». [44] Jésus demande beaucoup d’humilité à tous ses saints. Aussi Marguerite-Marie suppliait-elle le Seigneur de lui accorder cette grâce de l’humilité: « Je demande sans cesse à Dieu qu’il me fasse la grâce d’être inconnue, anéantie et ensevelie dans un éternel oubli; et je regarde cette grâce comme la plus grande de toutes celles qu’il m’a faites ». [45] Et voici un conseil que Marguerite-Marie écrit à l’une de ses supérieures : [46] « Voici une chose que cet adorable Cœur demande de ses amis : c’est la pureté dans l’intention, l’humilité dans l’opération, et l’unité dans la prétention. Je ne doute pas que vous compreniez mieux cela que moi ». (Cette phrase sera volontairement répétée dans une autre partie de cette étude) De sa confidente, Jésus exigea une obéissance absolue à ses supérieures. Quand on lui commanda d’écrire ce qui se passait dans son âme, Marguerite-Marie ressentit beaucoup de répugnance pour le faire. C’est pourquoi le Seigneur lui dit: « Pourquoi refuses-tu d’obéir à ma voix et d’écrire ce qui vient de Moi et non de toi ? ». [47] Jésus confia souvent des missions à sa bien-aimée, mais il exigeait toujours que ses demandes fussent soumises à l’obéissance. Alors que Marguerite-Marie redisait à Jésus qu’elle ne ferait que ce que sa supérieure lui ordonnerait, elle entendit sa réponse: « Je ne l’entends pas autrement, car tout puissant que je suis, je ne veux rien de toi qu’avec la dépendance de ta supérieure. Écoute bien les paroles de la bouche de la vérité : tous religieux séparés et désunis de leurs supérieurs se doivent regarder comme des vases de réprobation dans lesquels toutes les bonnes liqueurs sont changées en corruption sur lesquelles le divin soleil de justice venant à darder, opère le même effet que le soleil luisant sur la boue... ». [48] Au cours de sa retraite de 1678, le Seigneur dit à sa confidente : « Lorsque Je te ferai connaître que la justice divine est irritée contre des pécheurs... tu m’offriras à mon Père Éternel... pour apaiser sa juste colère et fléchir sa Miséricorde à leur pardonner ; et tu ne feras point de résistance à ma volonté lorsque je te la ferai connaître, non plus qu’aux dispositions que Je ferai de toi par l’obéissance, car je veux que tu me serves d’instrument pour attirer des cœurs à mon Amour ». Et le Seigneur lui rappela qu’elle était la victime de son Cœur et qu’elle devait toujours être disposée à être immolée par la charité, qu’elle devait toujours agir sans en avoir aucune prétention... car l’ouvrage n’appartient pas à l’outil dont le maître s’est servi pour le faire. Enfin le Seigneur assura : « Tu ne saurais me plaire davantage que par une constante fidélité à marcher sans détour dans les voies de ta règle » . [49] 2-5-2-Jésus veut la charité dans les cœurs.Un soir, pendant l’oraison, Marguerite-Marie priait le Sauveur de lui faire connaître les moyens de contenter le désir qu’elle avait de l’aimer. Le Seigneur lui fit voir « Qu’elle ne pouvait mieux lui témoigner son amour, qu’en aimant le prochain pour l’amour de lui-même et qu’elle devait oublier ses intérêts pour épouser ceux du prochain... Notre Seigneur lui fit connaître que c’était le rétablissement de la charité dans les cœurs qu’il demandait... et que cette divine vertu prenait sa naissance dans le Cœur de Dieu même ». [50] 2-5-3-Jésus veut qu’on s’abandonne à son amour, et qu’on attende tout de Lui.Marguerite-Marie écrit : « Il voulait que je reçusse toute chose comme venant de lui, sans me rien procurer ; et de lui tout abandonner sans disposer de rien; lui rendre grâce des souffrances comme de la jouissance... et offrir la peine que je souffrais pour les personnes qui m’affligeaient ». [51] Jésus a fait de Marguerite-Marie son épouse. Plus que d’autres elle doit s’abandonner, s’immoler et obéir comme une victime. « Le Seigneur épousa mon âme en l’excès de sa charité... changeant mon coeur en une flamme de feu dévorant de son pur Amour... Toute destinée à rendre un continuel hommage à son état d’hostie et de victime au Très Saint Sacrement, je devais, en ces mêmes qualités Lui immoler continuellement mon être par amour d’adoration, d’anéantissement et de conformité à la vie de mort qu’il a dans la Sainte Eucharistie...A son imitation il veut que je m’abandonne entre les mains de mes supérieures, quelles qu’elles puissent être... Mon Jésus a été obéissant jusqu’à la mort de la Croix, je veux donc obéir jusqu’au dernier soupir de ma vie, pour rendre hommage à l’obéissance de Jésus en l‘hostie, dont la blancheur m’apprend qu’il faut être une pure victime pour lui être immolée, sans tache pour Le posséder, pure de corps, de coeur, d’intention, d’affection; et pour se transformer toute en Lui, il faut mener une vie sans curiosité, d’amour et de privation, me réjouissant de me voir méprisée et oubliée, pour réparer l’oubli et le mépris que mon Jésus reçoit dans l’hostie » . [52] Alors qu’on venait de lui interdire d’exposer les images du Sacré-Cœur, et qu’affligée, Marguerite-Marie se plaignait à Jésus, Celui-ci lui dit : « Ne crains rien, je régnerai malgré mes ennemis et tous ceux qui voudront s’y opposer ». [53] Et encore : « Pourquoi crains-tu, puisque je t’ai donné pour asile le lieu (le Coeur de Jésus) où tout est rendu facile ». [54] 2-5-4-Jésus veut tout de ceux qu’Il s’est choisis.S’adressant à Marguerite-Marie pendant son noviciat, Jésus lui fit comprendre « qu’Il ne voulait point d’un coeur partagé, et que, si elle ne se retirait des créatures, Il se retirerait d’elle ». [55] Jésus lui fit comprendre aussi « que lorsqu’ Il faisait sa demeure dans une âme, Il voulait un entendement sans curiosité, un esprit sans jugement et un jugement sans volonté, et un coeur sans mouvements autres que ceux de son Amour... [56] car il faut tout quitter pour trouver Dieu. Notre coeur est fait pour Dieu, malheur donc à lui s’il se contente de moins que de Dieu ou s’il se laisse brûler d’autre feu que de celui de son pur amour ! ». Enfin, Jésus lui apprit cette prière : « Mon Dieu, mon unique et mon tout, Vous êtes tout pour moi et je suis toute pour Vous ! ». [57] 2-6-Promesses et avertissements au monde.Pour aimer Dieu, il faut être très pur, détaché des choses de ce monde. Au Père Bourguignet lui demandant pourquoi notre amour envers Dieu n’était pas aussi fort que celui de Dieu pour nous, elle répondit: « Je crois que notre amour n’est pas véritable à l’égard de Dieu comme celui de Dieu envers nous. C’est qu’il est trop mélangé des choses de la terre. Car tant qu’il y aura quelque chose qui occupera notre cœur, nous ne pourrons jamais aimer Notre-Seigneur véritablement comme il nous aime ». [58] 2-6-1-Les promesses.Dans une lettre adressée à la Mère de Saumaise, Marguerite-Marie écrit : « Notre-Seigneur m’a découvert des trésors d’amour et de grâces pour les personnes qui se consacreront et sacrifieront tout à lui rendre et procurer tout l’honneur, l’amour et la gloire qui sera en leur pouvoir : mais des trésors si grands qu’il m’est impossible de m’en exprimer. Cet aimable Cœur a un désir infini d’être connu et aimé de ses créatures, dans lesquelles il veut établir son empire comme la source de tout bien, afin de pourvoir à tous leurs besoins. C’est pour cela qu’il veut que l’on s’adresse à lui avec une grande confiance, et il me semble qu’il n’y a point de moyen plus efficace d’obtenir ce qu’on lui demande que de le faire par l’entremise du très saint sacrifice de la messe, un vendredi, en faisant dire trois ou cinq messes, à l’honneur des cinq plaies. Plusieurs personnes ont été guéries par ce moyen. On fait prendre au malade cinq billets où on écrit : « Le Sacré-Cœur de Jésus vous guérisse ! » ; et de l’autre côté : « Louée soit la très pure et Immaculée Conception de la Sainte Vierge ! ». Remarque : les trois lignes qui précèdent n’ont été rapportées ici que parce que l’Immaculée Conception de la Sainte Vierge était mentionnée. Marguerite-Marie continue : [Une autre fois, il me semble qu’il me fut dit, après la Sainte communion] : « Je te promets, dans l’excès de la Miséricorde de mon Cœur, que son Amour tout puissant accordera à tous ceux qui communieront neuf premiers vendredis de chaque mois, tout de suite, la grâce de la pénitence finale, ne mourant point dans ma disgrâce, ni sans recevoir leurs sacrements et qu’il se rendra leur asile assuré, cette heure dernière... ». [59] Ces demandes et promesses de Notre-Seigneur sont si importantes que Jésus les répéta à plusieurs reprises et que Marguerite-Marie les écrivit de nombreuses fois. 2-6-2-Les avertissements.Un jour, Dieu fit entendre sa voix : « Mon peuple choisi (non précisé, mais peut-être est-ce la France?) me persécute secrètement et ont (sic!) irrité ma justice; mais je manifesterai ses péchés secrets par des châtiments visibles; car je les criblerai dans le crible de ma sainteté, pour les séparer d’avec mes bien-aimés; et, les ayant séparés, je les environnerai de cette même sainteté qui se met entre le pécheur et ma miséricorde; et, depuis que ma sainteté l’a une fois environné, il lui est impossible qu’il se reconnaisse: sa conscience demeure sans remords, l’entendement sans lumière et le cœur sans contrition, et meurt enfin dans son endurcissement. Ensuite, me découvrant son Cœur amoureux, déchiré et transpercé de coups : Voilà - me dit-il, - mes blessures que je reçois de mon peuple choisi. Les autres se contentent de frapper mon corps, mais ceux-ci attaquent mon Cœur qui n’a jamais cessé de les aimer. Mais mon Amour, enfin, cédera à ma juste colère, pour châtier ces âmes orgueilleuses, attachées à la terre, et qui me méprisent et ne recherchent que ce qui m’est contraire, me quittant pour les créatures, fuyant l’humilité pour ne chercher que l’estime d’eux-mêmes, et, leurs cœurs étant vides de charité, il ne leur reste plus que le nom de religieux... ». [60] Suit un avertissement explicitement destiné à la France. « Une fois, Notre Seigneur se présenta à moi tout couvert de plaies et son corps tout sanglant, son Cœur tout déchiré de douleur, et comme lassé. Me prosternant à ses pieds avec une grande crainte qui s’était imprimée en moi et n’osant lui rien dire, il me dit: Voilà l’état où me réduit mon peuple choisi, que j’avais destiné pour apaiser ma justice. Il me persécute secrètement. S’ils ne s’amendent, je les châtierai sévèrement. Je retirerai mes justes et j’immolerai le reste de ma juste colère qui s’embrasera contre eux ». [61] Et voici pour les âmes consacrées. « Il me dit en ce même temps (après la communion) que toutes les nuits de jeudi au vendredi je me lèverais à l’heure qu’Il me dirait, pour dire cinq Pater et Ave, prosternée contre terre, avec cinq actes d’adoration qu’il m’avait appris, pour lui rendre hommage dans l’extrême douleur qu’il souffrait la nuit de sa Passion ». Mais le Seigneur précisa à Marguerite-Marie, qui posait une question, que tout ceci ne pouvait se faire que dans l’obéissance à sa supérieure, car « Les religieux séparés et désunis de leurs supérieurs se doivent regarder comme des vases de réprobation, dans lesquels toutes les bonnes liqueurs sont changées en corruption, sur lesquels ce divin soleil de justice venant à donner, opère le même effet que le soleil qui donne sur la boue. Ces âmes sont tellement rejetées de mon Cœur, que plus elles tâchent de s’en approcher par le moyen des sacrements, oraisons et autres exercices, plus je m’éloigne d’elles pour l’horreur que j’en ai. Elles iront d’un enfer à l’autre, car c’est cette désunion qui en a tant perdues et qui en perdra toujours davantage, puisque tout supérieur tient ma place, soit bon ou mauvais. C’est pourquoi l’inférieur pensant le heurter, se fait autant de blessures mortelles en l’âme ; et, après tout, c’est en vain qu’il gémit à la porte de la Miséricorde : il ne sera point exaucé si je n’entends la voix du supérieur... » . [62] Un autre vendredi, après avoir reçu la sainte communion dans une hostie qui avait été exposée, il me dit : « Ma fille, je viens dans le cœur que je t’ai donné, afin que, pour son ardeur, tu répares les injures que j’ai reçues de ces cœurs tièdes et lâches qui me déshonorent dans le Saint Sacrement. Cette âme que je t’ai donnée, tu l’offriras à Dieu, mon Père, pour détourner les peines que ces âmes infidèles ont méritées ; et, par mon esprit, tu l’adoreras sans cesse avec vérité, pour tous ces esprits feints, qui ne l’adorent qu’avec dissimulation et fausse apparence, et cela pour mon peuple choisi, que je t’ai fait un si grand don ». [63] Bibliographie consultable à http://voiemystique.free.fr/ecole_francaise_t3_04.htm A SUIVRE DANS LA TROISIEME PARTIE.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 8/12/2016, 11:52 | |
| Avertissement Quelques conseils concernant le discernement des esprits.
Troisième partie. 3 La “doctrine” de Sainte Marguerite-Marie.Il faut tout quitter pour trouver Dieu : « Notre cœur n’est fait que pour Dieu. Malheur donc à lui s’il se contente de moins que de Dieu, ou s’il se laisse brûler de quelque autre feu que de celui de son pur amour ». Marguerite-Marie détestait écrire. Heureusement pour nous, l’obéissance la contraignit souvent et on possède encore 144 de ses lettres. C’est toujours la sainte qui ne vit que pour Dieu qui parle et qui laisse l’Esprit s’exprimer. Elle écrivait au fil de la plume, sans jamais se relire, et sans se souvenir, disait-elle, de ce qu’elle venait d’écrire. Nous donnerons ci-dessous quelques extraits des lettres adressées : - À la Mère de Saumaise son ancienne supérieure, - À la Mère Greyfié, sa supérieure, - À la Mère de Soudeilles, une amie, âme d’élite que Marguerite-Marie croit capable d’atteindre la perfection, - À la Sœur de la Barge, avec qui Marguerite-Marie se révèle une extraordinaire directrice spirituelle, - Au Père Croiset qu’elle exhorte à développer le culte envers le Sacré-Cœur de Jésus, - À ses frères, Jacques (curé du Bois-Sainte-Marie) et Chrysostome Alacoque, - À diverses autres personnes et à des religieuses qui lui demandaient des conseils. - Enfin on a cité aussi quelques-unes de ses notes de retraite et des avis qu’elle rédigea pour ses novices ou d’autres religieuses. Marguerite-Marie fut, par ailleurs, toujours par obéissance, amenée à écrire les relations de ce que le Seigneur lui révélait de son Cœur et de son Amour pour le faire connaître au monde. L’ensemble des écrits de Marguerite-Marie constitue une œuvre considérable qui révèle une femme équilibrée, solide et pleine de bon sens, que l’on a plaisir à lire. Par ailleurs, et curieusement, les conseils qu’elle donne, qui jaillissent de son cœur formé et instruit par Jésus lui-même, sont, pour nous, d’une étonnante actualité. Malgré des expressions littéraires qui peuvent avoir un peu vieilli, on découvre un enseignement jeune, remarquablement actuel et moderne, que l’on aurait intérêt à mieux connaître, et auquel il serait certainement bon de revenir. Afin d’aborder plus facilement ce que l’on pourrait appeler la “doctrine” ou le message de Sainte Marguerite-Marie, il a été procédé au classement des différents thèmes abordés par Marguerite-Marie dans ses lettres et écrits rassemblés dans le tome 2 de l’ouvrage “Vie et oeuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul - Tome 2 - page 21 3-1-Le Cœur de Jésus. 3-1-1-Les visions et les révélations. Le côté de Jésus. [color=#0033ff]e fus à l’oraison, Jésus se présenta à mon âme, couvert de plaies, et me disant de « regarder l’ouverture de son côté, qui était un abîme sans fond qui avait été fait d’une flèche sans mesure, celle de l’amour... que c’était la demeure de tous ses amants où ils rencontrent deux vies : l’une pour l’âme et l’autre pour le cœur. L’âme y rencontre la source des eaux vives pour se purifier et y recevoir la vie de la grâce que le péché lui avait ôtée ; et le cœur y trouve une fournaise d’amour, ardente, qui ne le laisse plus vivre que d’amour. L’une s’y sanctifie et l’autre s’y consume. Et comme l’entrée en est petite, il faut être petit pour y entrer et être dénué de toute chose » ] [64] Un jour, encore pendant l’oraison, Jésus lui fit une grande grâce : [Une lumière sortait de la plaie de son adorable Côté et s’élançait dans mon cœur, ce qui me faisait ressentir une très profonde ardeur, avec ces paroles : « C’est ainsi que mon amour fait un continuel écoulement dans le cœur que je t’ai donné qui, par un autre écoulement, renvoie les biens dans leur source ; grâce qui te sera continuelle »]. [65] De sa retraite de 1664, Marguerite-Marie relate: [« Le premier jour il me présenta son Sacré-Cœur comme une ardente fournaise où je me sentis jetée et d’abord pénétrée et embrasée de ses vives ardeurs, qu’il me semblait m’aller réduire en cendres. Ces paroles me furent dites : « Voici le divin purgatoire de mon amour où il te faut purifier le temps de cette vie purgative ; puis je t’y ferai trouver un séjour de lumière et ensuite d’union et de transformation... ». La nuit du jour de ma confession je me sentis réveiller [66] et d’abord tous mes péchés me furent représentés, comme tous écrits, que je n’eus qu’à les lire, en me confessant, mais avec tant de larmes et de contrition qu’il me semblait que mon chétif cœur s’en allait fendre de regret d’avoir offensé cette bonté infinie... Après trois jours de vie purgative, j’ai été mise dans un séjour de gloire et de lumière où moi, chétif néant, ai été comblée de tant de faveurs qu’une heure de ces jouissances est suffisante pour récompenser les tourments de tous les martyrs.
Premièrement, il épousa mon âme en l’excès de sa charité, mais d’une manière et union inexplicables, changeant mon cœur en flammes de feu dévorant de son pur amour, afin qu’il consume tous les amours terrestres qui s’en approcheraient; me faisant entendre que m’ayant toute destinée à rendre un continuel hommage à son état d’hostie et de victime au très Saint Sacrement, je devais, en ces mêmes qualités, lui immoler continuellement mon être par amour d’adoration, d’anéantissement et de conformité à la vie de mort qu’il a dans la sainte Eucharistie... ». [67] 3-1-2-Autres grâces.Dans la vie de Sainte Marguerite-Marie, il n’y eut pas que les grandes révélations que tout le monde connait ; sa vie est jalonnée de nombreuses autres visions et révélations dont certaines mettent en cause, soit la Vierge Marie, soit des saints proches de sa Congrégation, ou encore le Père La Colombière. Ainsi, on peut lire, dans une lettre de 1688, adressée à la Mère de Saumaise : « Il me fut représenté un lieu fort éminent, spacieux et admirable en sa beauté, au milieu duquel il y avait un trône de flammes, dans lequel était l’aimable Cœur de Jésus avec sa plaie, laquelle jetait des rayons si ardents et si lumineux que tout ce lieu en était éclairé et échauffé. La Sainte Vierge était d’un côté et Saint François de Sales de l’autre avec le saint Père de la Colombière ; et les Filles de la Visitation paraissaient en ce lieu avec leurs bons anges à leur côté, qui tenaient chacun un cœur en main, et la Sainte Vierge nous invitant par ces paroles : « Venez, mes bien-aimées filles, approchez-vous car je vous veux rendre comme les dépositaires de ce précieux trésor que le divin Soleil de justice a formé dans la terre virginale de mon cœur, où il a été caché neuf mois, après lesquels il s’est manifesté aux hommes, qui, n’en connaissant pas le prix, l’ont méprisé parce qu’ils l’ont vu mêlé et couvert de leur terre... ».Et cette Reine de bonté continuant à parler, dit en leur montrant ce divin Cœur : « Voilà ce précieux trésor qui vous est particulièrement manifesté, par le tendre amour que mon Fils a pour votre institut qu’il regarde et aime comme son cher Benjamin, et pour cela le veut avantager de cette portion par-dessus les autres... Ensuite, se tournant vers le bon Père de la Colombière, cette Mère de bonté lui dit: Pour vous fidèle serviteur de mon divin Fils, vous avez grande part à ce précieux trésor; car s’il est donné aux Filles de la Visitation de le connaître et distribuer aux autres, il est réservé aux Pères de votre Compagnie d’en faire voir et connaître l’utilité et la valeur, afin qu’on en profite en le recevant avec le respect et la reconnaissance dus à un si grand bienfait ». [68] Un jour de fête du Cœur de Marie, Notre Seigneur fit voir trois cœurs, dont l’un, celui de Marguerite-Marie, était quasiment imperceptible : “Les deux autres étaient tout lumineux et éclatants, et l’un (celui de Jésus) surpassait l’autre, (celui de Marie) incomparablement et Marguerite-Marie entendit ces paroles : « C’est ainsi que mon pur amour unit ces trois cœurs pour toujours. Et les trois n’en firent plus qu’un ». [69] Mais les grâces reçues par Marguerite-Marie ne sont pas pour elle seule. Jésus lui fit entendre « que les grâces qu’il avait à me faire n’étaient pas tant pour moi que pour ceux qu’il m’enverrait, auxquels je devais répondre simplement ce qu’il me mettrait en pensée, puisqu’il y attacherait l’onction de ses grâces par lesquelles il attirerait beaucoup de cœurs à son amour ». [70] 3-2-Les désirs de Jésus et ses exigences.Souvent, dans ces révélations, Jésus exprime ses désirs et ses exigences. Marguerite-Marie ne manque pas d’en faire part à ses correspondants. Ainsi, à la Sœur Marie-Madeleine des Escures, elle écrit: « Il me semble que le grand désir que Notre Seigneur a que son Sacré-Cœur soit honoré par quelque hommage particulier, est afin de renouveler dans les âmes les effets de sa Rédemption, en faisant de ce Sacré-Cœur comme un second Médiateur envers Dieu ». [71] Et elle énumère, suscités par Jésus, des vœux pour sa Congrégation: « Je nous souhaite toutes au Sacré-Cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ, pour ne vivre plus que de sa vie, n’aimer que par son pur amour, n’agir et pâtir que dans ses saintes intentions, en le laissant faire en nous et de nous selon son bon plaisir ». [72] Marguerite-Marie ouvre son cœur à son ancienne supérieure, à propos de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus : « Si je ne me trompe, j’y suis, (dans le Cœur de Jésus) comme dans un abîme sans fond, où il me découvre des trésors d’amour et de grâces pour les personnes qui se consacreront et sacrifieront à lui rendre et procurer tout l’honneur, l’amour et la gloire qui sera à leur pouvoir... C’est l’ardent désir qu’il a de les communiquer aux âmes et aux cœurs bien disposés qui le fait désirer d’être connu, aimé et glorifié de ses créatures, dans lesquelles il veut établir son empire comme la source de tout bien, afin de pourvoir à leurs besoins. C’est pour cela qu’il veut qu’on s’adresse à lui avec une grande confiance... Il a, de plus, promis à son indigne esclave, pour qu’elle s’applique uniquement à l’aimer, qu’il priera lui-même son Père pour les personnes qui se recommanderont à ses prières » . [73] « Il faut l’aimer ce Sacré-Cœur, de toutes nos forces et de toute notre capacité. Oui, il faut l’aimer, et Il établira son empire, et Il régnera malgré tous ses ennemis et leurs oppositions ». [74] 3-3-Pourquoi ces visions et ses révélations ? 3-3-1-Des grâces pour la Visitation.Quelques-unes des grâces de Jésus passant à travers son épouse choisie sont destinées aux religieuses de la Visitation. Marguerite-Marie écrit : « ll (Jésus) m’a fait voir cette dévotion de son Cœur adorable comme un bel arbre, qu’il avait destiné de toute éternité pour prendre son germe et ses racines au milieu de notre Institut, pour étendre ensuite ses branches dans les maisons qui le composent... Mais il veut, ce divin Cœur, que les Filles de la Visitation distribuent les fruits de cet arbre sacré avec abondance à tous ceux qui désireront en manger, sans craindre qu’il leur en manque... parce qu’il prétend... par ce moyen, redonner la vie à plusieurs, en les retirant du chemin de perdition, en ruinant l’empire de Satan dans les âmes, pour y établir celui de son amour qui n’en laissera périr aucune de toutes celles qui lui seront consacrées... Mais il ne veut pas s’en arrêter là... ». 3-3-2-Jésus s’adresse aussi aux rois.Il désire, ce me semble, entrer avec pompe et magnificence dans la maison des princes et des rois, pour y être honoré autant qu’il y a été outragé, méprisé et humilié en sa Passion. Et voici les paroles que j’entendis au sujet de notre roi : « Fais savoir au fils aîné de mon Sacré-Cœur, que, comme sa naissance temporelle a été obtenue par la dévotion aux mérites de ma sainte Enfance, de même il obtiendra sa naissance de grâce et de gloire éternelle par la consécration qu’il fera de lui-même à mon Cœur adorable qui veut triompher du sien, et par son entremise de celui des grands de la terre. Il veut régner dans son palais, être peint dans ses étendards et gravé dans ses armes, pour les rendre victorieuses de tous ses ennemis... ». Et encore à la Mère de Saumaise : « Le Père éternel voulant réparer les amertumes et angoisses que l’adorable Cœur de son divin Fils, a ressenties dans la maison des princes de la terre, parmi les humiliations et outrages de sa Passion, veut établir son empire dans la cour de notre grand monarque, duquel il se veut servir pour l’exécution de ce dessein... ». [75] Dans la même lettre, Marguerite-Marie précise que Dieu a choisi pour l’exécution de ce dessein, le Révérend Père de la Chaise, confesseur du roi. 3-3-3 Les jésuites sont également concernés : « Notre bon Père de la Colombière a obtenu que la très sainte Compagnie de Jésus sera gratifiée, après notre cher Institut, de toutes les grâces et privilèges particuliers de cette dévotion du Sacré-Cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ... Ce divin Cœur désire ardemment d’être connu ; aimé, honoré particulièrement de ces bons pères auxquels il promet, si je ne me trompe, de répandre tellement l’onction de son amour sur leurs paroles avec des grâces fortes et puissantes, qu’elles seront comme un glaive à deux tranchants qui pénétreront les cœurs les plus endurcis des plus obstinés pécheurs, pour en faire sortir la source d’une véritable pénitence qui purifie et sanctifie les âmes... ». [76] 3-3-4-Autres enseignements de Jésus. « Apprends que plus tu te retires dans ton néant, plus ma grandeur s’abaisse pour te trouver ». [77] Après une de ses confessions annuelles, et après la communion, il lui fut dit : « Moi, ton Époux et ton amour, ma bien-aimée, je suis venu pour revêtir ton âme de la robe d’innocence, afin que tu ne vives que de la vie d’un Homme-Dieu, et pour cela je simplifierai et purifierai toutes tes puissances, afin qu’elles ne reçoivent plus aucune impression étrangère ». [78] Voici ce qu’enseigna encore Jésus à sa fidèle épouse. Elle écrit: « Jésus me conseilla de me défier de moi comme du plus cruel et puissant ennemi que je puisse avoir; mais que si je mets toute ma confiance en lui, il me défendra; de ne me jamais troubler de rien, quoi que ce puisse être, regardant tous les événements dans l’ordre de sa sainte Providence et volonté, laquelle, quand il lui plaît, peut tourner toutes choses à sa gloire ». [79] Et surtout, le Seigneur exige, d’elle et de tous ses consacrés, une parfaite obéissance. 3-3-5-Conseils reçus de Jésus.Comme Marguerite-Marie s’étonnait de recevoir tant de consolations, Jésus lui dit que c’était pour la fortifier parce qu’elle avait encore beaucoup à souffrir : « Bois et mange, me dit-il, à la table de mes délices pour te rafraîchir, afin que tu chemines courageusement à la force de ce pain ; car tu as encore un long, pénible et rigoureux chemin à faire, et dans lequel tu auras souvent besoin de prendre haleine et repos dans mon Sacré-Cœur qui pour cela te sera toujours ouvert tandis que tu marcheras dans ses voies... Lorsque je te ferai connaître que la divine justice est irritée contre les pécheurs... tu m’offriras à mon Père éternel, comme je te l’enseignerai, pour apaiser sa juste colère et fléchir sa miséricorde à leur pardonner... et tu ne feras point de résistance aux dispositions que je ferai de toi par l’obéissance, car je veux que tu me serves d’instrument pour attirer les cœurs à mon amour... Ne t’oublie jamais de ton néant et que tu es la victime de mon Cœur, qui doit toujours être disposée d’être immolée par la charité... L’ouvrage n’appartient pas à l’outil dont le maître s’est servi pour le faire » . [80] « Le divin Amour ne nous prêche que l’amour, ne nous veut remplir que d’amour, afin que par lui-même nous lui puissions rendre tout l’amour qu’il attend de nous: amour fort qui ne se laisse point abattre; amour pur qui aime sans mélange et sans intérêt; amour crucifié qui n’a de joie qu’en la souffrance pour se conformer à son Bien-Aimé; amour de préférence, d’oubli et d’abandon de soi-même pour laisser agir le Bien-aimé, pour lui laisser couper, brûler et anéantir en nous tout ce qui lui déplaît, le suivant à l’aveugle, sans nous amuser à regarder ni réfléchir sur nous-mêmes, pour voir ce que nous faisons... Cheminez à l’aveugle, oubliez-vous vous-même, et le laissez faire, car Il vous aime; mais pour vouloir trop faire, vous l’empêchez d’avancer l’œuvre de votre perfection... Agir, souffrir par amour et se taire, c’est le vrai secret des amants du Bien-Aimé, dans le Cœur sacré duquel je suis tout à vous ». [81] « Entrez dans le Cœur de Jésus... Si nous sommes lâches, froids, impurs et imparfaits, n’est-il pas une fournaise ardente où il nous faut perfectionner et purifier comme l’or dans le creuset, pour lui être comme une hostie vivante toute immolée et sacrifiée à ses adorables desseins. Quittez-vous vous-même, et vous trouverez tout. Oubliez-vous et Il pensera en vous. Abîmez-vous dans votre néant, et vous le posséderez... Le Sacré-Cœur veut vous apprendre à vivre sans appui, sans ami, sans plaisir. Et à mesure que vous vous occuperez de ses paroles, il vous en donnera l’intelligence ». [82] 3-3-6-Conseils donnés probablement au Père La Colombière. « Les trésors de bénédictions et de grâces que le Sacré-Cœur renferme sont infinis ; je ne sache pas qu’il y ait nul exercice de dévotion dans la vie spirituelle qui soit plus propre pour élever en peu de temps une âme à la plus haute perfection, et pour lui faire goûter les véritables douceurs qu’on trouve au service de Jésus-Christ... Ah ! qu’il est doux de mourir après avoir eu une tendre et constante dévotion au Sacré-Cœur de Jésus-Christ ! Mon divin Maître m’a fait connaître que ceux qui travaillent au salut des âmes travailleront avec succès et sauront l’art de toucher les cœurs les plus endurcis, s’ils ont une tendre dévotion à son Sacré-Cœur, et s’ils travaillent à l’inspirer et à l’établir partout » . 3-4-Les promesses du Sacré-Cœur.Marguerite-Marie écrit à la Mère de Saumaise qu’il lui semblait que Jésus lui avait promis « que tous ceux qui seraient dévoués à son Sacré-Cœur ne périraient jamais, et que, comme il est la source de toutes bénédictions, il les répandrait avec abondance dans tous les lieux où serait posée l’image de cet aimable Cœur, pour y être aimé et honoré... Il me semble que vous feriez une chose bien agréable à Dieu de vous consacrer et sacrifier à ce Sacré-Cœur, si vous ne l’avez déjà fait... ». [83] A la Mère Greyfié, elle dit la même chose mais précise davantage: « Le Sacré-Cœur m’a confirmé que le plaisir qu’il prend d’être aimé, connu et honoré des créatures est si grand que, si je ne me trompe, il m’a promis que tous ceux qui lui seront dévoués et consacrés ne périront jamais; et que, comme il est la source de toutes bénédictions, il les répandra avec abondance dans tous les lieux où sera exposée et honorée l’image de son divin Cœur; qu’il réunira les familles divisées, et protégera et assistera celles qui seraient en quelque nécessité et qui s’adresseront à lui avec confiance; qu’il répandra la suave onction de son ardente charité sur toutes les communautés qui l’honoreront et se mettront sous sa spéciale protection; qu’il en détournera tous les coups de la divine justice pour les remettre en grâce lorsqu’elles en seront déchues. Il m’a donné à connaître que son Sacré-Cœur est le Saint des saints, le Saint d’amour; qu’il voulait qu’il fût connu à présent pour être le médiateur entre Dieu et les hommes, car il est tout puissant pour faire leur paix, en détournant les châtiments que nos péchés ont attirés sur nous, nous obtenant miséricorde ». [84] 3-5-Les relations que nous devons avoir avec le Sacré-Cœur. « Dieu est si bon qu’il nous laisse approprier le trésor des vrais pauvres qui est le Sacré-Cœur de Jésus, dont la céleste abondance peut contenter sans défaut notre nécessiteuse indigence ».
« Le Sacré-Cœur, c’est notre vraie société et notre délicieuse retraite... C’est le Cœur adorable où nous vivrons à l’abri de tous les orages, et où nous nous verrons et apprendrons à nous connaître... [85] Ah! qu’il fait bon l’aimer seul pour l’amour de lui-même!... Sans cet amour la vie n’est qu’une dure mort. Jésus-Christ est le vrai ami de nos cœurs, qui ne sont faits que pour lui seul ; aussi ne peuvent-ils trouver de repos, de joie ni de plénitude qu’en lui... [86] Le Seigneur ne se venge de mes perfidies que par des excès d’amour » . 3-6-La sainteté de Dieu et sa justice.3-6-1-La sainteté de justice. « Rien ne me fait plus souffrir que sa sainteté de justice. C’est un tourment intérieur qui n’a point de remède que des croix, des douleurs, des peines, des humiliations de toutes sortes, sous lesquelles je succomberais mille fois si sa miséricordieuse bonté ne me soutenait extraordinairement ». 3-6-2-La sainteté.Pour arriver à la perfection que Dieu désire « il faut faire à son Sacré-Cœur un entier sacrifice de vous-même et de tout ce qui dépend de vous, sans réserve, pour ne plus rien vouloir que par la volonté de cet aimable Cœur, ne rien affectionner que par ses affections, n’agissant que par ses lumières, n’entreprenant jamais rien sans lui demander son conseil et son secours, lui donnant la gloire de tout, et lui rendant même action de grâces dans les mauvais comme dans les bons succès de nos entreprises, demeurant toujours contentes sans nous troubler de rien: car pourvu que ce divin Cœur soit content, aimé et glorifié, cela doit nous suffire... ». [87] A son frère, Curé du Bois Sainte-Marie, parlant du Sacré-Cœur : « Ah ! si vous pouviez comprendre comme il fait bon l’aimer et être aimé de lui !” Plus tard elle lui parlera de la sainteté que Jésus veut de lui: “La perfection que Dieu demande de vous, c’est de faire de vous un saint. Oui, il en veut faire un saint, si vous voulez correspondre à ses desseins, suivant les lumières qu’il vous en donne ; et j’espère qu’il ne vous refusera pas les grâces nécessaires pour cela... Veillez donc soigneusement sur votre petit troupeau, et leur soyez un charitable père qui pourvoie à tous leurs besoins spirituels ; et surtout, faites que votre vie leur soit un exemple de vertu et de bonne odeur, et le Seigneur vous comblera de ses saintes bénédictions.... Point de respect humain lorsqu’il s’agira de la gloire de Dieu. Soyez doux et patient envers tous, afin de donner la confiance à un chacun, et surtout aux pauvres, de s’adresser à vous dans leurs besoins ». [88] Toujours à son frère curé : « Il nous faut comme eux, (les saints) combattre contre nous-mêmes jusqu’à la fin, et mourir les armes en main, car la couronne n’est donnée qu’aux victorieux. Vous voyez bien, mon cher frère, que je n’entends pas par là à vous inviter à de grandes austérités, mais, oui, bien à une généreuse mortification de nos passions et inclinations; à détacher notre cœur et le vider de tout le terrestre et humain; être charitable envers tous les prochains, libéral envers les pauvres misérables; ne regarder que Dieu en tout ce que vous faites, et le chercher en simplicité, pureté et humilité de cœur, ne cherchant qu’à lui plaire, lui attribuant la gloire de tout, sans nous soucier d’acquérir aucune estime ni réputation parmi les créatures ». [89] 3-6-3-Mais la sainteté de la justice de Dieu a souvent de terribles rigueurs.Il est difficile à une créature d’exprimer les effets de la sainteté d’amour et de la justice de Dieu, et Marguerite-Marie le sait bien, elle qui avoue « n’avoir jamais rien senti de si douloureux que cette sainteté de justice... Ce que je trouve de plus rigoureux c’est la présence de mon Souverain... lorsqu’il me donne des impressions de sa pureté qu’il est impossible à l’âme se supporter, se voyant dans un état si abominable... La sainteté d’amour donne à l’âme un désir si ardent d’être unie à Dieu, qu’elle n’a de repos ni jour, ni nuit, car le lit et la table lui semblent un gibet où elle ne va que pour se crucifier... Alors l’âme n’a plus d’intérêts, ni de désirs et d’empressements que pour son unique Amour. Le reste lui semble superflu ou inutile ». [90] Cependant, il ne faut pas oublier « qu’une âme juste peut obtenir le pardon pour mille criminelles ». [91] 3-7-Marguerite-Marie et la Sainte Vierge.Jésus enseigna trois dispositions à Marguerite-Marie, qu’elle devait apporter aux exercices les plus importants : « La première est la Sainte Messe que je devais entendre dans la même disposition de la Sainte Vierge au pied de la Croix, la priant de nous obtenir la participation des mérites du sacrifice, de la mort et Passion de son divin Fils, en qualité de son esclave, lui demandant la même grâce aux stations que je ferais au pied de la Croix.
« La seconde est : Pour la sainte communion, il me faut demander les dispositions qu’elle avait au moment de l’Incarnation, tâchant d’y entrer le plus qu’il me sera possible par son intercession, disant avec elle : ‘Voici la Servante du Seigneur ; me soit fait selon sa parole". « La troisième est : Et pour l’oraison, offrir les dispositions que la Sainte Vierge avait lorsqu’elle fut présentée au Temple ». [92] Bibliographie consultable à: http://voiemystique.free.fr/ecole_francaise_t3_04.htm | |
| | | Claude Coowar
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| w2.vatican.va/content/john-paul-ii/.../hf_jp-ii_let_19861005_preposito-francia.pdf SAINTE MARGUERITE-MARIE ALACOQUE.
Selon l'autorité théologique de SAINT JEAN-PAUL II, PAPE DE L'EGLISE CATHOLIQUE ROMAINE. Le Saint-Siège PÈLERINAGE APOSTOLIQUE EN FRANCE LETTRE DU PAPE JEAN-PAUL II.
AU PRÉPOSÉ GÉNÉRAL DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS.Paray-le-Monial (France), 5 octobre 1986 Au Révérend Père Peter-Hans Kolvenbach, préposé général de la Compagnie de Jésus. Au cours de mon pèlerinage à Paray-le-Monial, je désire venir prier dans la chapelle où est vénéré le tombeau du bienheureux Claude La Colombière. Il fut “le serviteur fidèle” que, dans son amour providentiel, le Seigneur a donné comme directeur spirituel à sainte Marguerite-Marie Alacoque. C’est ainsi qu’il fut amené, le premier, à diffuser son message. En peu d’années de vie religieuse et de ministère intense, il se révéla un “fils exemplaire” de la Compagnie de Jésus à laquelle, au témoignage de sainte Marguerite-Marie elle-même, le Christ avait confié la charge de répandre le culte de son Cœur divin. Je sais avec quelle générosité la Compagnie de Jésus a accueilli cette admirable mission et avec quelle ardeur elle a cherché à la remplir le mieux possible au cours de ces trois derniers siècles : mais je désire, en cette occasion solennelle, exhorter tous les membres de la Compagnie à promouvoir avec plus de zèle encore cette dévotion qui correspond plus que jamais aux attentes de notre temps. En effet, si le Seigneur a voulu dans sa Providence qu’au seuil des temps modernes, au XVIIe siècle, parte de Paray-le-Monial un élan puissant en faveur de la dévotion au Cœur du Christ, sous les formes indiquées dans les révélations reçues par sainte Marguerite-Marie, les éléments essentiels de cette dévotion appartiennent aussi de façon permanente à la spiritualité de l’Eglise au long de son histoire; car, dès le début, l’Eglise a porté son regard vers le Cœur du Christ transpercé sur la croix dont il sortit du sang et de l’eau, symboles des sacrements qui constituent l’Eglise; et, dans le Cœur du Verbe incarné, les Pères de l’Orient et de l’Occident chrétiens ont vu le commencement de toute l’œuvre de notre salut, fruit de l’amour du divin Rédempteur dont ce Cœur transpercé est un symbole particulièrement expressif.Le désir de “connaître intimement le Seigneur” et de “faire un colloque” avec lui, cœur à cœur, est caractéristique, grâce aux Exercices spirituels, du dynamisme spirituel et apostolique ignacien, tout entier au service de l’amour du Cœur de Dieu. Le ConcileVatican II, tandis qu’il nous rappelle que le Christ, Verbe incarné, nous “a aimés avec un cœur d’homme”, nous assure que “son message, loin de diminuer l’homme, sert à son progrès en répandant lumière, vie et liberté et, en dehors de lui,rien ne peut combler le cœur humain”. Auprès du Cœur du Christ, le cœur de l’homme apprend à connaître le sens véritable et unique de sa vie et de son destin, à comprendre la valeur d’une vie authentiquement chrétienne, à se garder de certaines perversions du cœur humain, à joindre l’amour filial envers Dieu à l’amour du prochain. Ainsi - et c’est la véritable réparation demandée par le Cœur du Sauveur - sur les ruines accumulées par la haine et la violence, pourra être bâtie la civilisation du Cœur du Christ. Pour ces motifs, je désire vivement que vous poursuiviez par une action persévérante la diffusion du véritable culte du Cœur du Christ, et que vous soyez toujours prêts à apporter une aide efficace à mes frères dans l’épiscopat afin de promouvoir ce culte partout, en prenant soin de trouver les moyens les plus adaptés de le présenter et de le pratiquer, afin que l’homme d’aujourd’hui, avec sa mentalité et sa sensibilité propres, y découvre la vraie réponse à ses interrogations et à ses attentes. De même que l’an dernier, à l’occasion du congrès de l’Apostolat de la prière, je vous avais particulièrement confié cette Œuvre étroitement liée à la dévotion au Sacré-Cœur, aujourd’hui également, au cours de mon pèlerinage à Paray-le-Monial, je vous demande de déployer tous les efforts possibles pour accomplir toujours mieux la mission que le Christ lui-même vous a confiée, la diffusion du culte de son Cœur divin.Les fruits spirituels abondants qu’a produits la dévotion au Cœur de Jésus sont largement reconnus. S’exprimant notamment par la pratique de l’heure sainte, de la confession et de la communion des premiers vendredis du mois, elle a contribué à inciter des générations de chrétiens à prier davantage et à participer plus fréquemment aux sacrements de Pénitence et de l’Eucharistie. Ce sont là des voies qu’il est souhaitable de proposer aux fidèles aujourd’hui encore.Que la protection maternelle de la Sainte Vierge Marie vous assiste: c’est lors de sa fête de la Visitation que cette mission vous fut confiée en 1688; et, dans votre labeur apostolique, que soit pour vous soutien et réconfort la Bénédiction Apostolique que je donne de grand cœur à toute la Compagnie de Jésus, depuis Paray-leMonial!Paray-le-Monial, le 5 octobre 1986.IOANNES PAULUS PP. II © Copyright 1986 - Libreria Editrice Vaticana
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 8/12/2016, 14:59 | |
| http://www.salve-regina.com/salve/Histoire_du_Sacr%C3%A9_Coeur ….. Suite. HISTOIRE DE DU DRAPEAU DU SACRE-COEUR DE FRANCE. Le Sacré-Cœur en 1914-1918 L’apothéose du culteEn 1914, le temple du Sacré-Cœur demandé par Marguerite-Marie et réalisé par le vœu national de 1870 est enfin achevé. Le 26 juillet à Lourdes, le cardinal Amette, archevêque de Paris, annonce la consécration du monument " qui aura lieu le 7 octobre, en la fête de la Bienheureuse Marguerite-Marie. " Le 28, l’Autriche déclare la guerre à la Serbie, l’ancien monde s’effondre, une France nouvelle apparaît. La mobilisation du Sacré-Cœur au service exclusif de la France dure toute la guerre.Face aux échecs militaires français le chanoine Crépin rappelle les demandes de 1689 et constate qu’une seule a été réalisée, le temple de Montmartre qui a sauvé Paris de l’invasion. Sur l’initiative de l’épiscopat, toutes les églises de France adressent de solennelles supplications pour la victoire des armées alliées, le 12 décembre à Paris en la basilique du Sacré-Cœur, le lendemain, fête de l’Immaculée Conception, à Notre-Dame. Au cours de ces manifestations la France est consacrée au Sacré-Cœur de Jésus et au Sacré-Cœur de Marie, sans la participation des autorités civiles. Le cardinal Amette, archevêque de Paris, dans une " lettre du 24 mai 1915 «, propose " la Consécration de la France au Sacré-Cœur ". Se référant à la consécration du genre humain au Sacré-Cœur de 1899, où le pape Léon XIII citait le Labarum, le Cardinal reprend la justification du symbole du drapeau du Sacré-Cœur. " nous le supplierons de donner la force à ceux qui combattent, la victoire à la France et aux nations qui luttent avec elle pour la cause du droit ".
Dans cette guerre juste, le Coeur de Jésus a déjà soutenu la France. " Nous aimons à lui attribuer d’avoir détourné soudain de Paris l’armée ennemie, le premier vendredi du mois de septembre, qu’il daigne continuer et achever bientôt son œuvre de délivrance et de salut ". A la demande du pape Benoît XV, le cardinal Amette encourage " une pratique très salutaire ", la consécration des Familles au Sacré-Cœur. Le vendredi 11 juin 1915, fête du Coeur de Jésus, avec ses évêques, ses curés, en présence de députés et sénateurs catholiques, le cardinal consacre la France au Sacré-Cœur. La France officielle ne s’y est pas associée. La formule lue dans toutes les églises de France a pour titre " Amende honorable et consécration de la France au Sacré-Cœur de Jésus ". La France est donc une fois de plus consacrée au Sacré-Cœur, mais par l’Eglise seule. Il n’y a toujours pas de consécration officielle.
Le P. Mathéo Crawley-Boevey est à l’origine de la relance des consécrations familiales au Sacré-Cœur. En 1907, ce prêtre de la congrégation des Sacrés-Coeurs de Jésus et de Marie, condamné par la médecine se rend à Paray-le-Monial. A sa première visite à la chapelle de la Visitation il est subitement guéri. Le soir même le Sacré-Cœur lui révèle le plan de l’Intronisation et lui donne pour mission de travailler à la conquête du monde, famille par famille. Avec l’accord du pape Pie X, le P. Mathéo se rend au Chili. En 1915, plus de trois millions de familles ont intronisé le Sacré-Cœur. Le 27 avril 1915, le pape Benoit XV encourage l’apôtre de l’Intronisation. Pendant cette guerre, des milliers de soldats " épinglent le drapeau du Sacré-Cœur, comme insigne individuel, sur leur capote et leur képi : pour eux c’est le nouveau labarum ". Pour H. Odelin " la France catholique a donc répondu généreusement aux demandes du Sacré-Cœur. Et c’est pour cela qu’il l’a sauvée, au mois de Septembre 1914 où le flot de l’invasion des barbares le détourna de la capitale ". En effet, le vendredi 4 septembre 1914, Von Kluck oblique à l’est de Paris. Le cardinal Amette s’adressant au clergé et aux fidèles de son diocèse pour le mois et la fête du Sacré-Cœur rappelle que le Pape " exhorte à implorer du Coeur très aimant et très compatissant de Jésus le retour d’une paix durable ". En juin 1917 des soldats alliés se rassemblent à Paray-le-Monial avec leurs étendards sur lesquels un Sacré-Cœur a été apposé. Ils se retrouvent le 15 pour une journée des soldats catholiques des armées alliées où ils renouvellent leur consécration à Montmartre. La basilique de Montmartre devient ainsi le centre mondial d’expansion de la dévotion au Sacré-Cœur. Le cardinal Amette, dont le rôle est décisif, appose, l’emblème du Coeur de Jésus sur l’oriflamme de Saint-Denis et le reçoit à Montmartre, à défaut du drapeau national. Il décide d’ouvrir le procès de canonisation de la Bienheureuse Marguerite-Marie. L’année 1917 correspond au point culminant de la mise en place du culte du Sacré-Cœur, il atteint sa maturité sinon sa finalité. Depuis plus de deux siècles le culte a progressé en fonction des crises politiques et militaires de la France. Dès avant 1914, la France est profondément déchristianisée, la société civile, se laïcise. Dans une conférence faite à la Société des conférences, Mgr Baudrillat déclarait " Que le gouvernement français sous le nom de laïcité demeure fidèle à son principe de neutralité religieuse, nous nous inclinons, mais que seul de tous les Gouvernements du monde, il considère comme une impossibilité de prononcer le nom de Dieu et de prier en quelque circonstance et de quelque façon que ce soit, qu’en d’autres termes, il se déclare officiellement athée, c’est la pierre de scandale pour nous et pour l’immense majorité des hommes en tous pays " (24 mars 1916). En 1918, le cardinal Luçon, archevêque de Reims, ville martyre, écrit au président de la République : " Elle est impatiemment attendue et ardemment désirée la parole par laquelle ceux qui ont l’honneur de représenter la France devant Dieu et devant les nations, imploreraient officiellement l’assistance divine. C’est une humiliation pour notre pays qu’il soit le seul dont les chefs n’aient pas provoqué des prières nationales, à l’occasion de cette guerre qui tient dans l’angoisse le monde entier. Aucune raison valable ne peut justifier l’abstention dans laquelle on s’est obstinés jusqu’ici ". Clémenceau répond : " Nous nous trouvons devant l’obstacle décisif de la loi ".
Au front le soldat vit comme un animal, les repères de la vie sociale n’existent plus, le fatalisme règne. Dans un monde bouleversé par la guerre, le prêtre retrouve son rôle de missionnaire. Une loi anticléricale instaure " les curés sac au dos " en 1889. En 1914, 25.000 prêtres sont mobilisés et deviennent sous-officiers, officiers combattants, brancardiers ou infirmiers du service auxiliaire, aumôniers volontaires. Partageant la vie des soldats, l’ecclésiastique n’est plus différent des autres. Dans la fraternité des tranchées il est l’égal et l’ami de tous. Le rôle de l’aumônier est décisif dans la vie religieuse au front, les hommes pratiquent à leur manière, certains ont oublié, lui il rassemble. Le chapelet, que l’on peut porter sur soi comme une médaille, prend une place particulière. Les Amis du Sacré-Cœur recommandent " la Croisade du chapelet pour la France " instituée en 1899. Cette dévotion " chère au Coeur Immaculé de Marie " doit fléchir Dieu et arrêter la guerre. La dévotion à la Vierge est renforcée par les apparitions, de Fatima , de plus Marie symbolise la Mère, la mère du Christ et du soldat, la mère consolatrice. Le côté miraculeux, merveilleux, n’est jamais absent de la dévotion mariale. La mort chrétienne du fils d’un sénateur anticlérical en démontre le mécanisme ( La Semaine religieuse de Toulouse, 21 février 1915), L’autre jour a été tué un officier de très grande valeur, le lieutenant d’artillerie X..., fils de l’ ancien sénateur X..., qui fut grand-maître de la maçonnerie. Or, avez-vous ce que I’on a trouvé sur lui, à l’intérieur de sa tunique ? Une médaille de la Vierge et un de ses parents est venu demander pour lui, disant connaître ses sentiments, des obsèques religieuses. Ce lieutenant d’artillerie n’ est autre que le fils de l’ex-sénateur de l’ Ariège trop célèbre pour son anticléricalisme outrancier, M. Delpech ". La fête de Jeanne d’ Arc fait partie intégrante de la piété au front. Symbole du nationalisme victorieux, de la nation catholique, Jeanne est aussi une sainte, patriote, jeune comme les soldats. Toutefois la dévotion au Sacré-Cœur tient une place prépondérante car elle se réfère au collectif et à l’individuel. Par l’Intronisation de la famille au Sacré-Coeur le soldat reste intégré dans sa famille, il garde ses racines civiles et religieuses. Par la dévotion à la Passion, intégrée dans le culte du Sacré-Cœur, le soldat s’identifie au Christ souffrant. A Montmartre " on ne suffit pas à bénir des médailles, médailles du scapulaire, images du Sacré-Cœur, insignes de foi que les combattants porteront ostensiblement. La diffusion est partout : " Tous ont gardé l’image du Sacré-Cœur que les dames de la Croix-Rouge épinglèrent sur nos poitrines lors de notre passage à Paray -le-Monial. (La Croix d’Auvergne, 10 janvier 1915). En France occupée, la police allemande s’inquiète de cette manifestation. A Cambrai, une broche aux trois couleurs représentant le Sacré-Cœur, avec une invocation pour la France, est donnée par un prisonnier à une personne pieuse. Aussitôt l’objet est reproduit à des milliers d’ exemplaires et distribué. La police allemande interdit de porter cet insigne sous peine d’une amende de 3.000 marks ou d’ emprisonnement jusqu’à cinq ans (Raconté par Mgr Chollet, évêque de Cambrai). Le drapeau du Sacré-Cœur : 1914-1916.Depuis la peste de Marseille la coutume s’est établie de recourir au Sacré-Cœur aux heures difficiles de la vie individuelle, sociale, nationale. Aussi dès août 1914 l’élan spontané se traduit, tant au front qu’à l’arrière, à la distribution de millions d’images, insignes, scapulaires, que les combattants mettent à leurs capotes, à leurs képis, sur leurs bérets. Le " Pèlerin " du 1er novembre 1914 certifie la distribution de trois millions de carrés d’étoffe blanche avec Sacré-Cœur imprimé en rouge en deux mois. L’œuvre des Insignes du Sacré-Cœur (19 quai Tilsitt à Lyon), distribue, au cours de la Grande guerre, douze millions d’insignes, 1.529.000 fanions, 375.000 Sacré-Cœur scapulaires, 32.425 drapeaux. D’après le P. Perroy, jésuite, cela représente un fanion par soixante centimètres, un drapeau du Sacré-Cœur tous les trente mètres. Les préfets interdisent le port d’insignes avec un emblème, l’exhibition en public de drapeaux tricolores revêtus d’emblèmes. Des personnes sont verbalisées. Depuis les arrêtés préfectoraux l’insigne du Sacré-Cœur est épinglé sous la capote. Le pape Benoît XV approuve l’œuvre de l’Insigne du Sacré-Cœur et de la Consécration des familles. L’image du Sacré-Cœur, insigne ou fanion, " doit être portée non comme une amulette ou un porte-bonheur, mais avec des sentiments de foi. Notre-Seigneur a promis de bénir ceux qui honoreraient son image ". 1917 : Claire Ferchaud.Claire Ferchaud (1896-1972), la Grande Guerre lui révèle l’agonie du Christ, le Coeur broyé par la France. A la fin de l’année 1916, les apparitions se multiplient. Le 28 novembre, elle se trouve par la pensée dans la chambre du Président à genoux où une voix inconnue dit : " Raymond, Raymond ! Pourquoi me persécutes-tu ? ". " Les temps sont mauvais sur la terre ; les cœurs sont broyés parfois, mais même dans l’épreuve on continue à m’outrager. Le mal se rallume dans les âmes, et c’est la France qui ouvre dans mon coeur cette blessure d’où s’échappent des flots de sang. Je veux tenter un dernier effort ; mon amour surpasse toute mesure : j’aime tant la France ; je veux la sauver... En mon nom, je te commande d’écrire au Chef de ceux qui gouvernent. L’image de mon Coeur qui doit sauver la France. C’est à eux que tu l’enverras. Si on la respecte, c’est le salut ; mais si on la foule aux pieds, ce sont les malédictions du Ciel qui tombent et écrasent tout Ie peupIe. Va droit à ceux qui vous gouvernent. Si tu savais comme la conscience de ces gens-là est agitée ! Je remue leurs cœurs ; à toi maintenant de me faire connaître. La chose te paraît grave, mais obéis ; c’est le salut de ta Patrie ". (26-11-1916). " Les gouvernants sentent que Dieu seul peut les sauver. Mais lâches qu’ils sont, ils vivent chacun dans leur milieu, cachant ces pensées au fond de leur coeur. C’est pourquoi tu vas écrire au Président lui montrant son devoir sur lequel tout le peuple doit se former. S’il ne se soumet pas à ce que je lui adresse par toi, de grands malheurs menacent sa personne et ses droits. Au contraire si, par lui, je suis gravé sur le drapeau français, dès le lendemain, il poursuivra l’ennemi qui fuira en désordre et le rejettera au-delà de la frontière. En peu de temps, c’est la paix pour toutes les nations ". (16-12-1916). Le 1er janvier 1917 elle écrit une lettre au Président Poincaré. Le 16, M. De Baudry d’ Asson, député de Vendée, la remet en mains propres. Une lettre ne suffit pas, la mission de Claire doit, s’effectuer par des contacts, des relations avec le haut clergé, la haute politique. Interrogée fin décembre à Poitiers, sur sa mission, par une commission de théologiens, Claire reçoit l’accord de son évêque, Mgr Humbrecht. Le 27 février, Claire écrit une deuxième lettre au Président Poincaré rappelant que les [color:7907=#990000 ]" francs-maçons sont les bourreaux de son Coeur adorable. C’est à vous qu’il demande de régner sur la France officielle, c’est par vous qu’il veut être peint sur le drapeau national ". Le 1er mars, Jésus demande à Claire : " Va supplier le cardinal, demande-lui de passer cette nuit dans la basilique ; dis-lui qu’ensuite tu reprendras le chemin de ton village, emportant avec toi le grand secret national ". Claire écrit le 6 au cardinal qui répond le 12 au chanoine Crépin, Supérieur de Montmartre, de faire accompagner la jeune fille toute la nuit, dans le plus grand secret. La nuit d’Adoration Claire reçoit plusieurs secrets : la franc-maçonnerie trahit le secret de la France à l’ennemi, elle sera châtiée ; " Je demande aux braves petits soldats de France, jusqu’aux généraux qui sont aux armées, de déployer le drapeau du Sacré-Cœur, malgré les défenses formelles qu’on fera autour d’eux, et que tous aillent de l’avant, je leur promets la victoire ". Claire transmet les messages au cardinal Amette le 18 mars y compris l’avertissement aux généraux. Cette petite vendéenne, est reçue à l’Elysée le 21 mars par le Président Poincaré. L’audience n’apporte rien de positif, Poincaré se retranche derrière les lois laïques mais promet d’intervenir à la Chambre. En mai 1917 la situation militaire est catastrophique. Claire Ferchaud, qui n’a décidément convaincu personne, s’adresse le 7 mai aux généraux de France, leur transmet le même message qu’à Poincaré. " Mon général. C’est pour obéir à Dieu que j’ai l’honneur de faire connaître sa volonté à tous les généraux de France. Notre-Seigneur qui aime tant les Francs leur demande d’accomplir un acte de foi vis-à-vis de sa royauté divine et de réclamer près du chef de l’État que l’image du Sacré-Cœur, signe d’espérance et de salut, brille officiellement sur nos couleurs nationales. En récompense de cet hommage rendu à Dieu par nos vaillants défenseurs, le Sacré-Coeur leur promet le salut et la victoire sur tous nos ennemis. C’est aussi pour éviter une catastrophe que Dieu fait avertir nos généraux de la perte que risque notre pauvre pays de France, qui conduit par un gouvernement impie et dont la franc-maçonnerie dirige la France à sa perte par d’affreuses trahisons. Qu’on me permette d’ exposer l’avertissement que Notre-Seigneur dans sa bonté fait connaître à tous les bons Français. Je revis Notre-Seigneur pleurant sur la France. Il parla et il dit : Le peuple de France est à deux doigts de, sa perte : le traître vit au coeur de la France ; c’est la franc-maçonnerie qui, pour obtenir la perte éternelle de ce pays, d’accord avec l’Allemagne, a engendré cette guerre ; les trahisons se poursuivent, et si quelqu’un pouvait pénétrer dans l’intérieur de plusieurs cabinets, il en découvrirait les pièges. Sans moi, la France serait perdue, mais mon amour qui veut la vie de cette France arrête le fil électrique qui communique le secret de la France à l’ennemi. La franc-maçonnerie sera vaincue. De terribles châtiments fondront sur elle. Mais je demande aux braves petits soldats de France, jusqu’aux généraux qui sont aux armées, de déployer le drapeau du Sacré-Coeur malgré les défenses formelles qu’on fera autour d’eux, et que tous, officiers et soldats aillent de l’avant. Je leur promets la victoire. La franc-maçonnerie, le gouvernement actuel, seront châtiés ; Non Satan aura beau faire, jamais la France ne lui appartiendra ". Cette communication eut lieu le 16 mars 1917. Cette lettre fut écrite à quinze exemplaires et envoyée aux généraux suivants : Lyautey, ministre de la Guerre dans le précédent ministère (Briand) ; Pétain, généralissime ; Micheler, commandant la 1ere armée ; Guillaumat, commandant la 2e armée ; Humbert, commandant la 3e armée ; Gouraud, commandant la 4e armée ; Passaga, commandant la 5e armée ; Maistre, commandant la 6e armée ; Boissoudy, commandant la 7e armée ; Gérard, commandant la 8e armée ; Duchesne, commandant la 10e armée ; et aussi les généraux : de Castelnau, Nivelle, Fayolle, et Foch. 1917 : La bataille du drapeau.A Montmartre le Bulletin (mai 1917, p. 83), évoque la " vocation de la France ". " Chaque fois qu’elle se trouve sur le Calvaire, invariablement elle montre aux autres le Sacré-Coeur. 1793 ! 1870 ! 1914 ! Les treize millions d’ insignes du Sacré-Coeur et les Cinq cent mille drapeaux de Notre-Seigneur flottent au souffle de la mitraille. L’exemple est contagieux, l’Europe imite, émerveillée. Le rayonnement s’étend aux autres fronts. Les comités distribuent par centaines de milliers les insignes. Il est donc logique d’internationaliser la dévotion au Sacré-Coeur dans cette Grande Guerre et le 26 mars à Paray-le-Monial, la bénédiction solennelle des drapeaux alliés relance le grand espoir du drapeau national. France, Angleterre, Belgique, Italie, Russie, Serbie, Roumanie sont réunies, drapeaux écussonnés du Sacré-Coeur de Jésus, dans la chapelle de la Visitation, au-dessus des reliques de Marguerite-Marie". Le cardinal Amette prononce, en la basilique, la consécration des soldats catholiques des armées alliées.En juin 1917, période des mutineries, du risque de rupture des armées françaises et de l’arrière, la dévotion au Sacré-Coeur atteint son apogée même si la bataille du drapeau n’ aboutit pas. Dès qu’elle est connue, l’apparition de Notre-Dame à Fatima, au Portugal catholique, allié de la France, crédibilise et renforce la dévotion au Sacré-Coeur par le culte marial. Les États-Unis, le 4 octobre 1914, et l’Angleterre, le 3 janvier 1915, organisent une journée nationale de prières. En France les signes extérieurs de la religion ne sont pas tolérés. A Lyon la police saisit, à la librairie catholique de Mme Veuve Paquet, les insignes du Sacré-Coeur exposés dans le magasin avec défense d’en exposer d’autres en étalage. Le 1er juin, les préfets interdisent l’apposition de tout emblème sur le drapeau national et menacent de poursuite les contrevenants. Le 7 juin, le ministre de la Guerre, Painlevé, interdit par circulaire la consécration des soldats au Sacré-Coeur.Le 6 août, une Note aux Armées montre l’ampleur des emblèmes religieux au front : Grand Quartier Général des Armées du Nord et du Nord-Est, Etat-major 1er Bureau N° 5796 (Confidentiel). Le 6août l917. Note pour les Armées. A la date du 29 juillet sous le N° 8748 D, le ministre écrit ce qui suit : " à la date du 21 juillet 1917, comme suite à ma lettre N° 7296 D, du 18, vous avez prescrit aux armées d’observer une stricte neutralité religieuse et d’interdire en particulier les emblèmes apparents portés sur l’uniforme et les fanions ou bannières arborant des images religieuses " . M. Le ministre de l’Intérieur (Malvy), me signale qu’une propagande cléricale active est exercée actuellement sous diverses formes auprès des soldats du front. Certaines ligues font confectionner par centaines de mille des fanions et des étendards, du Sacré-Coeur, destinés aux troupes, que l’" Œuvre de l’Insigne du Sacré-Coeur " expédie gratuitement par colis postaux, portant cette mention " linge " ou " conserves ", aux aumôniers militaires, aux prêtres mobilisés, et à certains officiers. D’autre part, plusieurs officiers, sur la recommandation d’autorité religieuses, s’efforceraient de consacrer leur unité au Sacré-Coeur, par un acte qui constitue une violation flagrante de la liberté de conscience de leurs hommes et de la neutralité religieuse de l’État français. Il me sera rendu compte de toutes les indications qui seraient relevées à ce sujet. Paul Painlevé. (ministre de la Guerre). Eclaboussé par le scandale du " Bonnet Rouge " journal vendu à l’Allemagne, Malvy démissionne le 31 août. 1918 : L’ apaisement.La dévotion au Sacré-Coeur de Jésus trouve son épanouissement dans la canonisation de la Bienheureuse Marguerite-Marie. Par cet acte, le pape Benoît XV clôt le cheminement d’un culte essentiellement français, échelonné sur un peu plus de deux cents ans. L’année 1918 retrouve toute la ferveur du début de la guerre. La victoire, certaine à partir du 17 juillet, conforte les milieux catholiques de l’utilité des dévotions du Sacré-Coeur. Le Sacré-Coeur à la Grande Guerre. Des généraux pratiquants.Edouard de Curières de Castelnau fait des études secondaires au collège Saint-Gabriel, tenu par des jésuites, à Saint-Affrique. Castelnau prend dans son entourage son neveu Pierre, jésuite, comme secrétaire et chapelain. Commandant la IIe Armée en 1914 il sauve le Grand Couronné de Nancy. Le 17 novembre 1918, il fait poser un ex-voto à Notre-Dame de Bon Secours à Nancy, avec pour inscription : " A Notre-Dame de Bon Secours, éternelle gratitude. Nisi Dominus custodierit civitatem. Général de Castelnau, 12 septembre 1914 ". Fayolle, dans ses " Cahiers secrets de la Grande Guerre ", évoque sa foi, invoque Notre-Dame de Lourdes, Jeanne d’ Arc, Notre-Dame de la Victoire. Chaque dimanche il se rend à la messe pour retrouver Dieu. Le 1er janvier 1917, Fayolle met l’année nouvelle " sous la protection de la Vierge miraculeuse ". Le 15 juin, en pleines mutineries, il écrit : " Fête du Sacré-Coeur qui sauvera ce pays et moi aussi. " Le militaire conclut le 11 novembre 1918 : " Les hommes d’armes batailleront, Dieu donnera la victoire, disait Jeanne d’Arc. Ainsi fut fait et Dieu nous a donné une fois de plus la victoire. Le peuple de France comprendra-t-il que c’est bien Dieu qui l’a sauvé une nouvelle fois ? Oui car il ne nous a pas sauvés pour nous laisser périr ensuite ". Foch, élève des jésuites, connu pour sa foi et sa piété, son prestige militaire, n’a jamais livré le secret de sa consécration. Le chanoine Crépin écrit : " Il y a à Montmartre, depuis le 3 août, un précieux autographe qui reposera sous le pied du grand ostensoir pendant la durée de la guerre : consécration d’une partie de notre armée par l’un de ses chefs les plus qualifiés. Foch commande le 20e corps d’armée de Nancy, sous les ordres de Castelnau ; sa dévotion au Sacré-Coeur ne fait aucun doute, l’autographe a dû être envoyé par la poste. Foch représente l’exemple type du soldat catholique. En 1918, Clemenceau arrive à l’improviste au quartier général de Bonbon (près de Melun), demande le général. On lui répond qu’il est à la messe mais va être prévenu. Clémenceau répond : " Ne le dérangez pas, cela lui a trop bien réussi. J’attendrai ! ". L’abbé Paul Noyer, curé de Bonbon, écrit le 8 juillet 1918 une lettre à Foch : " Mon Généralissime, avant de quitter bientôt peut-être ma paroisse, veuillez, je vous prie, agenouillé devant une statue du Sacré-Coeur de Jésus, Roi de France, lui consacrer toutes vos armées françaises. Demandez-lui avec supplication une prochaine et décisive victoire et que la France reste triomphante tant et surtout par ses Traités que par ses glorieux succès. Veuillez agréer, mon Généralissime, les très humbles sentiments de votre serviteur entièrement dévoué, Paul Noyer, Curé de Bonbon". La lettre est remise le jour même. Le 16 juillet, Foch rend visite au curé : " Monsieur le Curé, je viens vous remercier, j’ai fait tout ce que vous m’avez demandé et même plus " . Le 17 octobre, Foch fait ses adieux à son curé, lui explique qu’il a consacré les armées au Sacré-Coeur, avec deux ou trois personnes devant la grande statue du Sacré-Coeur, près du maître-autel, au fond de l’église à droite. Le P.Perroy jésuite de l’Oeuvre de l’Insigne du Sacré-Coeur, qui le 17 novembre 1918, du haut de la chaire de la cathédrale de Saint-Vincent de Chalon révèle : " A genoux devant le Sacré-Coeur, le général Foch a demandé au Sacré-Coeur, en lui consacrant les armées dont il avait la charge : premièrement une victoire prompte et définitive, deuxièmement une paix glorieuse pour la France ". « Cette victoire nous la devons à Dieu et c’est pour le remercier que je suis venu ici " , explique Foch au chanoine Schenékelé lors de sa visite à la cathédrale de Strasbourg. Le 15 juillet la dernière attaque allemande en Champagne échoue, l’Allemagne a perdu la guerre. La bataille de la Marne, 5-8 septembre 1914 L’aspect miraculeux de la bataille est très vite vivace côté français.Après l’échec du plan Joffre en Lorraine, l’échec de la bataille des frontières, l’invasion et la retraite, l’armée française recule, mais quel facteur pourrait la sauver du désastre ? La Ière Armée von Klück, chargée d’investir Paris, délaisse la ville pour participer à la curée des armées adverses. Le demi-tour des Français le 6 septembre, brusque, inattendu, frappe de stupeur les Allemands. Il faut se battre, or les homme sont sous-alimentés, épuisés, les pieds meurtris. Le trou entre les Ière et IIème Armées atteint 30 kilomètres, il faut ressouder les armées allemandes sur l’Aisne, le 9 l’ordre de repli général est donné. La vérité historique est simple, von Klück trop sûr de son armée a pris l’initiative de la poursuite de forces qu’il estimait en déroute. Le journal catholique, " Le Courrier de la Manche " du dimanche 14 janvier 1917 publie un article citant des sources allemandes dignes de foi puisqu’ il s’agit d’un prêtre et de deux officiers. La Vierge a barré la route de Paris et 100.000 hommes l’ont vue, mais doivent se taire sous peine d’être fusillés . Le récit explicite bien le retournement inespéré de la bataille de la Marne qui tient du miracle puisqu’il se produit entre le premier vendredi de septembre et l’octave de la Nativité de la Vierge Marie. L’article " Le Sacré-Coeur de Jésus signe de la victoire " rappelle la vocation de la basilique dans la protection de Paris et de la France. Nous rendrons grâce au Sacré-Coeur de Jésus, à la Très Sainte Vierge Marie et à sainte Geneviève, notre patronne, à l’ intervention desquels nous attribuons à bon droit d’ avoir donné le succès à l’énergie clairvoyante de nos généraux et à l’héroïsme de nos soldats, et d’avoir ainsi arrêté les envahisseurs déjà parvenus presque aux portes de Paris. Ce fut, en effet, le premier vendredi de ce mois de septembre que l’armée allemande se détourna soudain de la capitale pour aller se faire battre sur les bords de la Marne. Oui, Montmartre a été la citadelle inexpugnable qui a protégé Paris et arrêté les barbares. Le pape Saint Pie X l’avait en quelque sorte prophétisé lorsque, recevant le 10 avril 1910 les pèlerins français, il leur avait fit ces paroles souvent rappelées dans le Bulletin du Vœu National : " Ne perdez jamais confiance dans la Providence mais priez le Sacré-Coeur de Jésus qui garde la France du haut de Montmartre ". Le 3 janvier 1915, Un prêtre allemand blessé et fait prisonnier à la bataille de la Marne, est mort dans une ambulance française où se trouvaient des religieuses. Il leur dit : « Comme soldat, je devrais garder le silence, comme prêtre, je crois devoir dire ce que j’ai vu. Pendant la bataille de la Marne, nous étions surpris d’ être refoulés car nous étions légion, comparés aux Français et nous comptions bien arriver à Paris. Mais nous vîmes la Sainte Vierge toute habillée de blanc avec une ceinture bleue, inclinée vers Paris... elle nous tournait le dos et de la main droite, semblait nous repousser... Cela je l’ai vu et un grand nombre des nôtres aussi. Dans les jours où ce prêtre allemand parlait ainsi, deux officiers allemands, prisonniers, comme lui, et blessés, entraient dans une ambulance française de la Croix-Rouge. Une dame infirmière parlant allemand les accompagne. Quand ils entrèrent dans une salle où se trouvait une statue de Notre-Dame de Lourdes, ils se regardèrent et dirent : " Oh ! La Vierge de la Marne ! ". La meilleure preuve d’authenticité du récit qui précède est le suivant, qui se rapporte au même fait : une religieuse qui soigne les blessés à Issy-les-Moulineaux, écrit : " C’était après la bataille de la Marne, parmi les blessés soignés à l’ambulance d ’Issy, se trouvait un Allemand très grièvement atteint et jugé perdu. Grâce aux soins qui lui furent prodigués, il vécut encore plus d’un mois, il était catholique et témoignait de grands sentiments de foi. Les infirmiers étaient tous prêtres. Il reçut les secours de la religion et ne savait comment témoigner sa gratitude ; il disait souvent : " Je voudrais faire quelque chose pour vous remercier. " Enfin, le jour où il reçut l’ extrême-onction, il dit aux infirmiers : " Vous m’avez soigné avec beaucoup de charité, je veux faire quelque chose pour vous en vous racontant ce qui n’est pas à notre avantage, mais qui vous fera plaisir. Je paierai ainsi un peu de ma dette. « Si j’étais sur le front, je serais fusillé, car défense a été faite de raconter, sous peine de mort ce que je vais vous dire : vous avez été étonnés de notre recul si subit quand nous sommes arrivés aux portes de Paris." Nous n’avons pas pu aller plus loin, une Vierge se tenait devant nous, les bras étendus, nous poussant chaque fois que nous avions l’ordre d’avancer. Pendant plusieurs jours nous ne savions pas si c’était une de vos saintes nationales, Geneviève ou Jeanne d’Arc. Après, nous avons compris que c’était la Sainte Vierge qui nous clouait sur place. Le 8 septembre, Elle nous repoussa avec tant de force, que tous, comme un seul Homme, nous nous sommes enfuis. Ce que je vous dis, vous l’entendrez sans doute redire plus tard, car nous sommes peut-être 100.000 hommes qui l’avons vu ". (Le courrier de la Manche, du dimanche 14 janvier 1917).Récits anonymes du Sacré Coeur au front. Nombreux sont les récits relatifs aux bienfaits du Sacré-Coeur pour les soldats aux tranchées. Le livre de l’abbé Charles Marcault, " Réalisons le Message du Sacré-Coeur ", paru en 1934 comporte un chapitre consacré à la " Merveilleuse protection accordée par le Sacré-Coeur aux porteurs de fanions dans les combats ". La source des témoignages a pour origine le Père Perroy et l’ Œuvre de l’Insigne du Sacré-Coeur ou des récits confiés à Marcault. Le Sacré-Coeur protège le soldat, quelle que soit la situation. Les archives de Montmartre classées sous le titre " Culte du Sacré-Coeur au front pendant la guerre " (cotes Ol-04), les archives sont des extraits de lettres du front. Les archives du Sacré-Coeur de Montmartre ont la même origine que les extraits de Marcault," l’ Oeuvre de l’Insigne du Sacré-Coeur " à Lyon ; les récits se complètent. La dévotion au Sacré-Coeur égale sinon dépasse la ferveur à l’arrière. Au front où sa vie est en danger, le soldat catholique affirme sa foi. Face à la mort la pratique religieuse se moque des interdits. " Nos soldats portent les insignes ostensiblement sur la poitrine ou sur le képi, nos officiers, pour la plupart, donnent l’exemple. Quelle belle et riche idée d’avoir inventé ces insignes ! Vous ne pourriez croire combien tous sont heureux de s’en parer comme de la plus belle décoration " . Caporal brancardier. Face à ce raz de marée que constitue la dévotion extérieure au Sacré-Coeur, les autorités républicaines, en particulier Malvy ministre de l’Intérieur, rappellent la neutralité religieuse de l’État. L’interdiction de porter des emblèmes religieux ne casse pas le mouvement mais l’amène à être plus discret. " Nos soldats ont été obligés comme les officiers de faire disparaître du képi ou de la capote les petits insignes du Sacré-Coeur. Ils les portent à l’intérieur du vêtement ou plus fréquemment à leur bracelet de montre, où il est plus souvent visible. Ces misères n’auront qu’un temps. Je suis convaincu que l’heure n’est pas si éloignée que l’on pourrait croire, ou ceux qui auront survécu auront toute liberté d’honorer le Sacré-Coeur et où la France elle-même, lui apportera un hommage officiel ". Le rôle de l’aumônier, directeur de conscience, confident, rassembleur, semble décisif dans l’extension du mouvement. Le " curé sac à dos" n’est plus un " planqué " mais à ce titre la République en fait un poilu comme les autres. Quelle que soit sa fonction au Front, le prêtre appartient " à ceux qui prient " même si la République anticléricale les classe dans " ceux qui se battent ". Le prêtre au front reste un homme d’Eglise, mais la boue des tranchées le désacralise, l’intègre et dans cette vie de catacombes lui permet de redevenir le missionnaire du Christ. " J’ai reçu votre lettre ainsi que le paquet, je vous remercie de ce beau drapeau, c’est en effet le modèle des drapeaux de l’armée. Le jour de son arrivée il a servi à une manifestation à l’église. L... faisait ses Pâques et au salut chanté par la musique du régiment, nous avons fixé à la place d’honneur l’étendard qui venait d’arriver. Je partage, avec vous, le désir de voir flotter ce drapeau sur le champ de bataille... vous pouvez être certain que je ferai pour cela tout ce qui est possible". Aumônier militaire. Les officiers jouent un rôle important en tolérant la dévotion au Sacré-Coeur quand ils ne s’y associent pas. " Après le triomphe, en tête de notre régiment, nous le disposons pieusement dans notre petite chapelle de Jeanne d’Arc que nous venons de créer au milieu de nos gourbis. Que le Sacré-Coeur nous garde et nous donne la victoire ! ". Le Col. X... du X... Parmi les nombreux récits anonymes, certains peuvent retrouver leur identité. Deux récits se complètent, celui du " Général de X... " : J’ ai bien reçu le colis que les ouvrières lyonnaises ont brodé en souvenir de mon enfant chéri, glorieusement tombé pour la France ". Et celui d’un " Aumônier " : " Mon général de... est le général de... En voilà un brave qui n’a peur de rien et qui communie tous les jours quand il peut : Il a déjà deux fils de tués. Le général s’appelle De Castelnau, le premier fils est tué le 21 août 1914, le deuxième le 7 septembre 1915. Le troisième est blessé et fait prisonnier le 10 septembre 1915, le quatrième tué le 2 octobre 1915. La consécration des soldats.Cet acte solennel rencontre des difficultés en raison de la vie en première ligne. La préparation se fait par une sorte de retraite avec nombreuses confessions et communions. Chacun s’engage à mener une vie chrétienne, à réinstaller le Christ au foyer. Femme et enfants sont avertis de l’acte et de la promesse par une feuille signée. Le plus souvent la consécration se fait en groupe, en unités, associée au drapeau du Sacré-Coeur. "Dimanche 31 mai, le drapeau a été béni à l’infirmerie par un des aumôniers de la division, la cérémonie s’est faite très simplement ; notre capitaine était présent. A l’issue de la messe, Monsieur l’aumônier a béni le drapeau que lui présentait le plus ancien sous-officier de la Cie, puis, avec l’autorisation du capitaine, au nom de nos camarades absents, on a lu la consécration de la compagnie au Sacré-Coeur". Après la guerre, M. Du Plessis de Grenédan, doyen de la faculté catholique de droit d’Angers, écrit : " Depuis le début de la guerre jusqu’à ma démobilisation, le 25 février 1919, j’ ai constamment arboré, soit au cantonnement, soit dans ma chambre, soit en ligne, dans mon poste de commandement, le drapeau du Sacré-Coeur, contre la paroi de la pièce ou de l’abri, bien en évidence. Quand je logeais à la belle étoile, il était, soit dans ma musette, soit au bout d’un bâton fiché dans le sol. J’ai consacré deux fois, en 1917 et en 1918, mon bataillon au Sacré-Coeur, le jour de sa fête ".La consécration du fort de Vaux, un bâtiment, montre qu’un lieu considéré comme sanctuaire peut bénéficier de ce rite. Henri Bordeaux dans la Délivrance de Verdun, p. 116, évoque " la première messe de Vaux : quel souvenir inoubliable pour les assistants ! " sans parler du Sacré-Coeur. Histoires de drapeaux du Sacré-Coeur Charles Marchant (1880-1919) choisit la carrière des armes à Saint-Cyr en 1901. Né 26 juillet 1917, Marchant prend le commandement du 17e Bataillon de Chasseurs Alpins. Sa dévotion au Sacré-Coeur s’affirme dans un petit drapeau frangé d’or visible au musée des Chasseurs à Vincennes, une sauvegarde avec épinglette. Le récit de l’aumônier Lenoir, (Georges Guitton, Louis Lenoir, Aumônier des Marsouins,Édition de Gigorg, 1921, p. 174.) porte un précieux renseignement concernant le général Henri Gouraud (1867-1946). Quand, après le repos de Hans, le 4e reparut, le 15 avril, au Fortin, il y apportait un drapeau du Sacré-Coeur, offert au régiment par la mère du général Gouraud et béni la veille par l’aumônier "; Le 116e R.I. appartient à la 22e D.I. jusqu’en octobre 1917, puis passe à la 170e D.I. Le régiment est consacré par son colonel Charles-René d’ Arnoux, le lundi 26 mars 1917 et, en 1918, auprès de l’évêque de Luçon, en juin. (Claude Mouton, dans Au plus fort de la tourmente, parle de trois attestations comptant cent seize signatures, p. 88-89.) Le récit du colonel de Gouvello, rédigé après la guerre, (Jacques Péricard, Le soldat de Verdun, Éd. Baudillière,p. 228 et suiv.) explique les conséquences de l’attaque allemande du 1er juin : " Le 8 juin, les Allemands prononcèrent une grosse attaque sur le front de notre division, la 151e, et de la 21e division. La ferme de Thiaumont tomba aux mains de l’ennemi et, dans le courant de l’après-midi, je reçus de mon commandant de brigade le message suivant: " La ferme de Thiaumont est prise, je suis obligé de reporter mon P.C. en arrière, et faites, l’impossible pour contenir l’ ennemi. " C’est le cas où jamais d’arborer mon drapeau du Sacré-Coeur. Allez le prendre et fixez-le à une perche au-dessus de mon P.C. pour que tous les hommes du régiment le voient ". Pendant la Grande Guerre la dévotion au Sacré-Coeur se pratique dans toutes les armes, terre, air, mer. Dans les archives du Sacré-Coeur de Montmartre un document de la 1re Armée navale contient deux lettres du 29 décembre 1915. 1re Armée navale, 29 décembre 1915. Le commandant en chef a voulu lui-même accuser réception à votre Comité du pieux et précieux envoi fait à l’armée navale. L’amiral me fait le grand honneur de me confier le dépôt de ce magnifique drapeau qui fait l’admiration de tous ceux qui l’ont vu. Nous allons organiser une grande fête au cours de laquelle cet emblème de notre foi et de notre patriotisme sera solennellement béni : il sera notre centre de ralliement dans toutes nos cérémonies religieuses. Et je le garderai à la disposition du chef de notre Flotte pour l’arborer au moment du combat, et dans toute autre circonstance qu’il jugera favorable. R...Aumônier de la 1ère Armée navale. 29 décembre 1915. J’ai reçu hier et remis de suite à notre aumônier le beau drapeau que vous avez eu la pensée touchante d’offrir à l’armée navale. Il ne peut que nous porter bonheur, et je l’accepte avec toute la gratitude que mérite un tel témoignage de l’intérêt que votre Comité porte à la Marine. D... L’ amiral D... dont parle l’aumônier est le vice-amiral Dartige du Fournet. Conclusion.Il faut attendre le XVIIe siècle pour que le culte du Sacré-Coeur trouve son autonomie. Auparavant le culte rendu au Coeur de Marie ne se distinguait pas du culte rendu au Coeur de Jésus. Jean Eudes associe les deux cultes de la Mère et du Fils. Puis Sainte Marguerite-Marie Alacoque promeut le culte du Sacré-Coeur qui devient culte public. Au moment où l’Église catholique se heurte au jansénisme, au gallicanisme, l’apparition de ce nouveau culte insuffle un nouvel esprit, un retour aux sources. La royauté de droit divin ne réagit pas, Louis XIV qu’il ait ou non reçu le message, fait rédiger la déclaration des Quatre Articles, étend la Régale pour renforcer son pouvoir absolu. La royauté pratique une certaine dévotion au Sacré-Coeur, " traditionnelle " puisque Jésus est le Fils de Dieu et le Fils de Marie mais non particulière, spécifique. Église et royauté ne profitent pas de cette nouvelle dévotion pour relancer la christianisation du peuple français. Il faut attendre le milieu du XIXe siècle et le Second Empire pour que le culte du Sacré-Coeur connaisse un essor important. La fête du Sacré-Coeur et les consécrations, églises, diocèses, communes, consécration universelle, tentent de conquérir ou reconquérir une population en pleine mutation sociale, industrielle. La consécration des familles symbolise un retour à une pratique plus personnelle que publique. La guerre de 1870-1871 opère une cassure et une relance du message de 1689. Dés 1873 la construction de la basilique de Montmartre, reconnue d’utilité publique, payée par souscription, représente bien le temple élevé au Sacré-Coeur. A partir de 1890, nombre d’associations catholiques ont un drapeau écussonné au Sacré-Coeur.
Paradoxalement le culte du Sacré-Coeur se développe sous la IIIe République. La dévotion au Sacré-Coeur connaît son apothéose en 1917. Insignes, fanions, drapeaux circulent au front par millions; l’Eglise développe l’Intronisation du Sacré-Coeur dans les familles, autre forme de consécration. En 1919, la France reconstruit ses régions dévastées, pleure ses morts. Une nouvelle France apparaît, vainqueur au prix d’un holocauste, en état de choc, souhaitant la " der des der ". Les préoccupations ne sont pas spirituelles, encore moins religieuses, il faut gagner la paix, construire une société civile plus juste. La paix religieuse s’instaure, les catholiques ont bien mérité de la patrie, même les prêtres sont morts au champ d’honneur. Aussi la basilique de Montmartre fête-t-elle sa consécration du 16 au 19 octobre 1919, consécration interrompue par la guerre. Le cantique chanté le jour de la dédicace s’intitule " Merci mon Dieu ! Le Sacré-Coeur et la France ". La France élue de Dieu est sauvée par le Christ qui lui a donné la victoire comme jadis à Clovis et Jeanne d’Arc. Cette cérémonie nationale, qui rassemble l’ épiscopat français et le légat du Pape, on note l’absence des autorités civiles. Marguerite-Marie Alacoque et Jeanne d’Arc sont canonisées le 13 mai 1920 par le pape Benoît XV. Le patriotisme religieux français reconnu par le Pape, confirme le rôle de la dévotion au Sacré-Coeur, y compris le drapeau par les références à ces saintes, et donne une impulsion nouvelle au culte en développant le pèlerinage de Paray-le-Monial. Le successeur du pape Benoît XV, Pie XI, reprend dans son encyclique " Miserentissimus Redemptor " la vraie dévotion au Sacré-Coeur.Entre les deux guerres, dans la foulée de la Victoire, les consécrations au Sacré-Coeur continuent, liées à la fête du Christ-Roi. Cette vie dynamique se développe à Montmartre face aux périls idéologiques. La question du drapeau reparaît en 1940, pendant la " drôle de guerre ". Mgr Flans, recteur de la Basilique, écrit dans la revue " Montmartre " de mars 1940 : C’est comme pendant la guerre de 1914-1918, de toutes parts nous parviennent des invitations à lancer un mouvement en faveur de l’apposition du Sacré-Coeur sur le drapeau national. Le 19 mai, à Notre-Dame de Paris, le gouvernement assiste à une cérémonie, une procession des reliques de sainte Geneviève se déroule à Paris. Cette piété publique, officielle, impensable vingt ans plus tôt, trouve son apogée le samedi 1er juin 1940 à Montmartre. Le cardinal Suhard, nouvel archevêque de Paris, consacre Paris et la France aux Sacrés-Coeurs de Jésus et Marie sur demande du gouvernement. Le chroniqueur de " Paris Soir " du 2 juin l940, écrit ::< Au premier rang des 50.000 fidèles, on reconnaissait Mme Lebrun, les ministres Sarraut, Marin, Ybarnegaray, Rollin, Héraud et Robert Schumann, les généraux Gouraud et de Castelnau. ". Le Maréchal Pétain, vice-président du Conseil, (cosignataire avec Malvy de la " Note aux armées " d’août 1917) n’assiste pas à la cérémonie. Le Sacré-Coeur est entré dans l’Histoire de France comme un cheval de Troie. A chaque période dramatique certaines dévotions reviennent d’actualité. En ce qui concerne la Grande Guerre le temple existait, les consécrations ont toutes été faites, familles, patrie, mais par les autorités religieuses seules, la fête du Sacré-Coeur s’est bien déroulée le vendredi après l’octave, le drapeau du Sacré-Coeur a bien été déployé sur le champ de bataille, béni par les aumôniers. Par rapport au message de Marguerite-Marie il ne manque que la participation des autorités civiles. La République Française, neutre en affaires religieuses depuis 1905, gardera cette ligne de conduite. Depuis la Seconde Guerre mondiale la dévotion au Sacré-Coeur rencontre la même foi même si elle paraît plus discrète. La pratique du Sacré-Coeur perdure dans la foi catholique et le Sacré-Coeur de Montmartre compte environ 10.000 adorateurs. | |
| | | Claude Coowar
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 9/12/2016, 01:26 | |
| http://nominis.cef.fr/contenus/saint/1475/Sainte-Veronique-Giuliani.html BIOGRAPHIE DE SAINTE VERONIQUE GIULIANI. Clarisse italienne. ( + 1727). Originaire des Marches en Italie, elle jouit de la familiarité de Notre-Seigneur dès l'âge de cinq ans. Apprenant qu'un potier de son voisinage avait une mauvaise conduite, elle alla casser les pots de sa boutique avec un bâton. Réaction d'une enfant qui aimait tant Dieu qu'elle voulait que tous lui donnent un même amour. A dix-sept ans, elle entre chez les religieuses clarisses où elle fut patiente et miséricordieuse comme abbesse, autant elle avait été intransigeante et violente dans son jeune âge. Durant les trente dernières années de sa vie, à partir du Vendredi-Saint 1697, elle porta sur elle les stigmates de la passion du Christ, ce qui lui valut de multiples visites des enquêteurs méfiants du Saint Office du Siège Apostolique. Le 15 décembre 2010, le Pape a évoqué sainte Veronica Giuliani, une clarisse italienne dont on fête le 27 le 350 anniversaire de la naissance. Dernière de sept sœurs, Ursule naquit à Mercatello et choisit la vie monastique avec deux d'entre elles. En 1677 elle entra à dix-sept ans au couvent de Città di Castello, recevant le nom de Véronique. Avec sa profession solennelle, débuta l'année suivante son cheminement "pour se configurer au Christ, parsemé de grandes souffrances et d'expériences mystiques liées à la Passion" . En 1716, a poursuivi Benoît XVI, elle devint abbesse et mourut en 1727 après 33 jours de douloureuse agonie. Grégoire XVI la canonisa le 26 mai 1839. Les 22.000 pages de son journal permettent de comprendre sa pensée. "La spiritualité de sainte Veronica Giuliani était christologico-sponsale, c'est à dire de se sentir aimée du Christ, époux spirituel, et de répondre de mieux en mieux à cet amour... Elle offrait ses prières et ses sacrifices pour le Pape, son évêque et les prêtres, les pauvres et les âmes du purgatoire...vivant en profonde participation l'amour souffrant de Jésus... Elle en arriva à supplier le Christ d'être crucifiée avec lui". Puis le Saint-Père a rappelé que cette mystique, "convaincue de participer au Règne, invoquait tous les saints du paradis pour qu'ils viennent à l'aide de son cheminement spirituel dans l'attente de la béatitude éternelle, aspiration de toute sa vie terrestre... Les moments forts de l'expérience mystique de Veronica allaient de pair avec les évènements salvifiques célébrés par la liturgie, en accord avec la proclamation et l'écoute de la Parole. L'Écriture illuminait, purifiait et confirmait son expérience, la rendant ainsi ecclésiale... Non seulement elle s'exprimait avec les mots de l'Écriture, mais elle en vivait". Veronica Giuliani, qui "se révéla aussi un témoin de la puissance et de la beauté de l'amour divin...eut de même une grande intimité avec la Vierge Marie". Elle nous invite, a conclu Benoît XVI, "à faire mûrir dans notre vie chrétienne l'union avec le Seigneur, en nous abandonnant avec une totale confiance à sa volonté. Elle nous invite à faire grandir notre union avec l'Église, épouse du Christ, et à participer à l'amour souffrant du Crucifié pour le salut des pécheurs. Elle nous invite à tendre vers le paradis, but de notre pèlerinage terrestre, où nous vivrons tous ensemble dans la joie de la pleine communion avec Dieu, à nous nourrir chaque jour de la Parole qui réchauffe chaque cœur et oriente l'existence. Les dernières paroles de la sainte sont la synthèse de son expérience mystique: J'ai trouvé l'amour, l'Amour qui s'est laissé voir!". (source:VIS 20101215 450) A Tiferno en Ombrie, l’an 1727, sainte Véronique Giuliani, abbesse du monastère de clarisses capucines. Célèbre par les faveurs spirituelles qu’elle reçut, elle communia, de corps et d’âme, à la passion du Christ, au point d’être tenue enfermée pendant cinquante jours, offrant un exemple admirable de patience et d’obéissance. Martyrologe romain https://viechretienne.catholique.org/saints/31342-ste-veronique-giuliani BIOGRAPHIE DE SAINTE VERONIQUE GIULIANI. Existence extraordinaire Sainte Véronique Giuliani eut une enfance tout extraordinaire : le mercredi, le vendredi et le samedi, jours consacrés à honorer la Passion de Jésus-Christ et la Sainte Vierge, elle n’acceptait le lait de sa mère ou toute autre nourriture que deux fois et en petite quantité, prélude des grands jeûnes de sa vie. Six mois après sa naissance, elle s’échappa des bras de sa mère et alla d’un pas ferme, toute seule, vénérer un tableau attaché à la muraille et représentant le mystère du jour. À partir de ce moment, elle marcha sans le secours de personne. Un an après, accompagnant sa mère dans un magasin, elle dit d’une voix claire au marchand, qui trompait sur le poids : « Soyez juste, car Dieu vous voit. » A trois ans, elle avait des communications familières avec Jésus et Marie. Quelques fois l’image de Marie portant Jésus devenait vivante, et, se détachant du cadre, descendait dans ses bras. Un matin qu’elle cueillait des fleurs pour orner l’image de Jésus et de Marie, Jésus lui dit : « Je suis la Fleur des champs » . Charitable pour les indigents dès son bas âge, un jour elle donna une paire de souliers à un pauvre, et, quelques temps après, elle les vit aux pieds de la Sainte Vierge, tout éclatants de pierreries. Elle fit, à douze ans, vœu de se consacrer à Dieu. Bientôt, recherchée par de brillants partis, elle répondit simplement : " C’est inutile, je serai religieuse ". Elle entra à dix-sept ans chez les Clarisses. Elle ne connut point les essais de cette nouvelle vie, et se trouva dès le premier jour, religieuse parfaite. Sa grâce spéciale fut de porter en elle la ressemblance de Jésus crucifié, dont elle méditait sans cesse la Passion. Elle eut son couronnement d’épines, qui laissa des traces douloureuses et inguérissables sur sa tête ; elle sentit, un jour de Vendredi saint, la douleur du crucifiement, et le Sauveur, lui apparaissant, laissa sur ses pieds, ses mains et sa poitrine, des stigmates tout saignants. Les grâces extraordinaires que reçut Véronique furent achetées au prix de grandes épreuves. Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l’année, Tours, Mame, 1950. https://myriamir.wordpress.com/category/sainte-veronique-giuliani-la-vision-de-lenfer/ BIOGRAPHIE DE SAINTE VERONIQUE GIULIANI. Vision de l'enfer. Deux saints nous explique le « PURGATOIRE » Sainte Véronique Giuliani & Saint Curé d’Ars* Sainte Véronique Giuliani dit : Il me semble, dit-elle en décrivant la peine qu’elle avait à souffrir, il me semble que mon âme était dans un abandon complet, extérieur et intérieur, comme si Dieu m’avait dépouillée de tout et que plus jamais, en cette vie ni en l’autre, je ne participerais à aucun bien, que plus jamais je ne pourrais me recommander à la Sainte Vierge ni aux saints. C’est une douleur indescriptible et qui dura tout le temps que j’eus à passer dans ce lieu affreux. Il me semblait que ce temps ne finirait jamais et que toujours j’expierais. Nul ne venait à mon aide. J’étais seule et abandonnée. Une heure de ces souffrances, c’est une éternité. La douleur physique s’ajoutait à la douleur morale. Il me semblait qu’on me triturait les os, qu’on me travaillait les chairs, qu’on me jetait dans une fournaise, puis dans une glacière. Je tremblais de douleur. En même temps, on me rouait de coups avec toutes sortes d’instruments. Dans ces tourments, j’eus quelques communications avec Dieu : il me fit comprendre que les peines que je subissais étaient celles du purgatoire et qu’il me les faisait endurer pour libérer les âmes. In Sainte Véronique Giuliani, Véronique en Purgatoire, Nlle Bibliothèque Franciscaine, Série XXI. Purgatoire-saint-cure-d ’Ars-saint-sacrement Saint Curé d’Ars…explique : Comment pourrai-je faire le tableau déchirant des maux qu’endurent ces pauvres âmes, puisque les saints Pères nous disent que les maux qu’elles endurent dans ces lieux semblent égaler les souffrances que Jésus-Christ a endurées pendant sa douloureuse Passion ? Le feu du purgatoire est le même que celui de l’enfer, la différence qu’il y a c’est qu’il n’est pas éternel. Ce feu est si violent qu’une heure semble à ceux qui l’endurent des milliers de siècles. Si l’on pouvait comprendre la grandeur de leurs supplices, nuit et jour nous crierions miséricorde pour elles. Il faudrait que le bon Dieu, dans sa miséricorde, permît qu’une de celles qui brûlent dans les flammes parût ici à ma place, tout environnée des feux qui la dévorent et qu’elle vous fît elle-même le récit des maux qu’elle endure. Il faudrait qu’elle fît retentir cette église de ses cris et de ses sanglots. Peut-être enfin cela attendrirait-il vos coeurs ! « Oh ! nous souffrons, crient-elles ! Oh ! nos frères, délivrez-nous de ces tourments : vous le pouvez ! Brûler dans un feu allumé par la justice d’un Dieu ! Souffrir des douleurs incompréhensibles ! Etre dévoré par le regret, sachant que nous pouvions si bien les éviter ! ». Nous lisons dans l’Histoire ecclésiastique qu’un saint resta six jours en purgatoire avant d’entrer dans le ciel. Il apparut ensuite à un de ses amis, en lui disant qu’il avait enduré des souffrances si grandes qu’elles surpassaient toutes celles qu’ont endurées et qu’endureront jusqu’à la fin des siècles tous les martyrs réunis ensemble ! Oh ! mon Dieu, que votre justice est redoutable pour le pécheur ! Cependant qui peut entendre sans frémir le récit de ce qu’ont enduré les martyrs, chacun en particulier ? Purgatoire-flammesLes uns ont été plongés dans des chaudières d’eau bouillante, d’autres sciés avec des scies de bois ; celui-ci étendu sur un chevalet, déchiré avec des crochets de fer qui lui arrachaient les entrailles ; d’autres foulés aux pieds ; celui-là étendu sur des brasiers ardents, auquel il ne restait que ses os tout noircis et brûlés ; enfin d’autres ont été mis sur des tables garnies de lames tranchantes et qui perçaient de part en part ces innocentes victimes ! Peut-on bien penser à tout cela sans se sentir pénétré de douleur jusqu’au fond de l’âme ? Or une âme en purgatoire souffre encore plus que tous les martyrs ensemble ! Qui pourra donc y tenir ? Mon Dieu, mon Dieu, ayez pitié de ces pauvres âmes !
Mais ce n’est pas là tout leur supplice. Elles souffrent plus encore de la privation de la vue de Dieu. L’amour qu’elles ont pour lui est si grand, la pensée qu’elles sont privées de le voir par leur faute leur cause une douleur si violente que jamais il ne sera donné à un mortel d’en concevoir la moindre idée. Au milieu de ces flammes qui les brûlent, elles voient les trônes de gloire qui leur sont préparés et qui les attendent. Purgatoire-Ames du purgatoire. Une voix semble leur crier : « Ah ! que vous êtes privés de grands biens ! Si vous aviez eu le bonheur de redoubler vos pénitences et vos larmes, vous seriez aujourd’hui assises sur ces beaux trônes tout rayonnants de gloire ! Oh ! que vous avez été aveugles de retarder un tel bonheur par votre faute ! » Ah ! mes amis, nous crient ces âmes, s’il vous reste encore quelque amitié pour nous, ayez pitié de nous ! Arrachez-nous de ces flammes : vous le pouvez ! Beau ciel ! Quand te verrons-nous ? Oh ! si vous sentiez la douleur d’être séparés de Dieu. Cruelle séparation ! Hélas ! quand de tels supplices ne dureraient qu’un jour, qu’une heure, qu’une demi-heure, cela paraîtrait infiniment plus long à ces pauvres âmes que des millions de siècles dans les supplices les plus rigoureux ! Pourquoi cela ? Le voici. Quand Dieu punit quelqu’un en ce monde, ce n’est que sous le règne de sa bonté et de sa miséricorde, car si Dieu envoie une infirmité, une perte de biens ou d’autres misères, tout cela ne nous est donné que pour faire éviter les peines du purgatoire ou pour nous faire sortir du péché. Purgatoire-paroisse.Dans l’autre monde, au contraire, Dieu n’est conduit que par sa justice et sa vengeance. Nous avons péché et nous avons passé le temps de sa miséricorde. Il faut que sa justice soit accomplie et sa vengeance satisfaite. « Oh ! qu’il est terrible de tomber entre les mains d’un Dieu vengeur ! ». Au sein de leurs souffrances, si elles ne peuvent rien pour elles-mêmes, ces âmes peuvent beaucoup pour nous. Cela est si vrai qu’il n’y a presque personne qui ait invoqué les âmes du purgatoire sans avoir obtenu la grâce demandée. Cela n’est pas difficile à comprendre. Si les saints qui sont au ciel et n’ont pas besoin de nous s’intéressent à notre salut, combien plus encore les âmes du purgatoire qui reçoivent nos bienfaits spirituels à proportion de notre sainteté ! Ne refusez pas cette grâce, disent-elles, ô mon Dieu, à ces chrétiens qui donnent tous leurs soins à nous tirer des flammes ! … Oui, toutes les fois que nous aurons quelque grâce à demander, adressons-nous avec confiance à ces saintes âmes et nous sommes sûrs de l’obtenir. Quel bonheur pour nous d’avoir, dans la dévotion aux âmes du purgatoire, un moyen excellent pour nous assurer le ciel. Voulons-nous demander à Dieu la douleur de nos péchés ? Adressons-nous à ces âmes, qui, depuis tant d’années, pleurent dans les flammes ceux qu’elles ont commis. Voulons-nous demander au bon Dieu le don de persévérance. Invoquons-les : elles en sentent tout le prix, car il n’y a que ceux qui persévèrent qui verront Dieu. Dans nos maladies, dans nos chagrins, tournons nos prières vers les âmes du purgatoire : elles obtiendront leur effet. In Sermon du Curé d’Ars pour la commémoraison des défunts. C’est comme les hirondelles qui sont enfermées dans une chambre : elles cherchent partout une issue pour s’envoler au dehors, elles donnent de la tête contre les vitres, contre le plafond, elles tombent de lassitude, puis quand elles se sont un peu reposées, elles se relèvent, recommencent à voler et veulent toujours échapper ! Pauvres petites hirondelles ! Pauvres âmes du purgatoire ! Qui leur donnera la liberté après laquelle elles aspirent ? – Nous, si leur captivité nous touche ! D’après L. Tocanier, Souvenirs sur le Curé d’Ars. Source : http://www.spiritualite-chretienne.com/ciel/purgatoire-03.html#Vianney par Myriamir le 5 novembre 2016 • Permalien Posté dans Âmes du Purgatoire, Saint curé d'Ars-Jean-Marie Vianney, Sainte Véronique Giuliani - La vision de l’enfer Tagué Deux saints nous explique le ''PURGATOIRE'' Sainte Véronique Giuliani & Saint Curé d'Ars La vision de l’enfer de Sainte Véronique Giuliani (1660-1727) *Important à lire afin de l’éviter* STE VERONIQUE GIULIANI Le 14 février 1694, elle vit l’enfer ouvert : beaucoup d’âmes y tombaient, qui étaient si vilaines et si noires, qu’elles étaient effrayantes à voir ; elles se précipitaient l’une derrière l’autre et disparaissaient au milieu des flammes. Du milieu du feu qui les engloutissait s’élevaient des couteaux, des rasoirs et des instruments de supplices de diverses sortes, qui retombaient ensuite de tout leur poids pour accabler ces malheureux. La Sainte demanda au Seigneur si, parmi les âmes qu’elle avait vu tomber, se trouvait quelque religieux ou religieuse. Et le Seigneur lui fit connaitre que, parmi ces âmes choisies, il en était qui y étaient précipitées et qui l’avaient bien mérité, pour n’avoir pas tenu tout ce qu’elles avaient promis, et pour s’être rendues coupables de tant de violations de leurs règles. Le 1er avril 1696, Sainte Véronique fut conduite à la bouche de l’enfer. Elle entendit les cris et les blasphèmes des damnés, mais ne remarqua d’abord que ténèbres et puanteur horrible ; le feu était noir et épais. Elle vit ensuite beaucoup de démons qui étaient comme vêtus de feu et qui s’animaient à frapper ; on lui apprit qu’ils frappaient les damnés. Le 5 décembre de la même année, elle eut une vision semblable. En même temps, Notre Seigneur se montra à elle flagellé, couronné d’épines et portant une lourde croix. Il lui dit : « Regarde bien ce lieu qui n’aura jamais de fin. Là s’exercent ma justice et mon terrible courroux ». Le 30 juin 1697, il fut dit à la Sainte qu’elle allait passer par de nouvelles souffrances. Ce fut comme une participation aux supplices de l’enfer qu’elle endura pendant une heure à plusieurs reprises. Ce jour-là, elle se sentit placée dans une fournaise ardente et elle éprouva des peines atroces, comme des lances qui la perçaient, de fers qui la brulaient, du plomb bouillant qui lui était versé sur tout le corps. le 1er juillet, au matin, elle se retrouva dans ce lieu d’effroi; elle se voyait comme abandonnée de Dieu, incapable de se recommander ni au Seigneur ni aux Saints; non pas qu’elle n’eut pas la pensée de Dieu, tout au contraire, mais elle le voyait sans miséricorde et n’étant que justice. Le 4 juillet, l’enfer lui parut si vaste que toute la machine du monde, dit-elle, ne serait rien en comparaison. Elle y vit une roue, une meule, d’une grandeur démesurée, qui, à chaque instant, tombait sur les damnés, puis se soulevait pour retomber encore. Le 16 juillet, elle sentit tous les os broyés par des roues qui tournaient tout autour d’elle. En même temps, elle eut le sentiment de la perte de Dieu, peine si atroce, dit-elle, qu’on ne la peut expliquer. Tous les autres tourments paraissent peu de chose auprès de celui-ci. Le 19 juillet, pendant ce qu’elle appelait l’heure d’éternité, elle se sentit tantôt piqué avec des épingles et des aiguilles, tantôt brulée par des plaques enflammées, et tantôt déchirée dans ses chairs par des instruments tranchants. Le 6 février 1703, son confesseur lui avait demandé de prier pour la ville ou elle demeurait, le Seigneur lui fit voir comme un immense incendie, qui dévorait la cité ; beaucoup de personnes allaient se jeter dans les flammes, d’autres sur le point de s’y jeter, retournaient en arrière. Il fut révélé à la Sainte que ces flammes représentaient le péché d’impureté auquel se livraient un trop grand nombre de ses concitoyens ; mais d’autres, violemment tentés, savaient y résister. Et le Seigneur lui dit : « Dis à celui qui tient ma place, à ton confesseur qui t’a ordonné de me demander en quoi je suis le plus offensé, que je suis offensé de toutes manières, mais particulièrement de la chair". " Il y a aussi parmi ce peuple des inimitiés qui m’offensent grandement, et beaucoup d’âmes vont à l’enfer pour l’éternité ". Le 27 janvier 1718, Marie, apparaissant à sainte Véronique, appela les deux anges qui lui servaient de gardiens et leur ordonna de la conduire en esprit en enfer ; elle la bénit et lui dit : « Ma fille, ne crains pas, j’irai avec toi et je t’aiderai ».Soudain, raconte la sainte, je me trouvai dans un lieu obscur, profond et puant, j’y entendis des beuglements de taureaux, des braiements d’ânes, des mugissements de lions, des sifflements de serpents, toutes sortes de voix confuses et effrayantes et de grands roulements de tonnerre qui remplissaient de terreur. J’y vis des éclairs et une fumée forte épaisse. J’aperçus une grande montagne toute couverte de serpents, de vipères et de basilics tout entrelacés et en nombre incalculable. Entendant sortir d’au-dessous d’eux des malédictions et des voix affreuses, je demandai à mes anges quelles étaient ces voix ; ils me répondirent que là se trouvaient beaucoup d’âmes dans les tourments. En effet, cette grande montagne s’ouvrit tout à coup, et je la vis toute remplie d’âmes et de démons. Ces âmes étaient toutes attachées ensemble, ne formant qu’une masse ; les démons les tenaient ainsi liées à eux-mêmes par des chaînes de feu ; chacune des âmes avait plusieurs démons autour d’elle. De là, je fus transportée à une autre montagne, où se trouvaient des taureaux et des chevaux furieux qui mordaient comme des chiens enragés. Le feu leur sortait des yeux, de la bouche et des naseaux, leurs dents semblaient des lances très aiguës et des épées tranchantes, réduisant en miettes en un instant tout ce qu’ils saisissaient. Je compris qu’ils mordaient et dévoraient les âmes. Je vis d’autres montagnes où s’exerçaient des tourments plus cruels, mais il m’est impossible de les décrire. Au centre de ce séjour infernal, s’élève un trône très haut ; au milieu de ce trône, il y a un siège formé des démons qui sont les chefs et les princes. Là siège Lucifer, épouvantable, horrible. O Dieu ! Quelle affreuse figure ! Il surpasse en horreur tous les autres démons. Il paraît avoir une tête formée de cent têtes et pleine de lances, au bout desquelles il y a comme un œil qui projette des flèches enflammées qui brûlent tout l’enfer. Bien que le nombre des démons et damnés soit incalculable, tous voient cette tête horrible et reçoivent tourments sur tourments de ce même Lucifer. Il les voit tous et tous le voient. Ici, mes anges me firent comprendre que, de même qu’au ciel la vue de Dieu rend heureux tous les élus, ainsi en enfer l’affreuse figure de Lucifer, ce monstre infernal, est un tourment pour tous les damnés. Leur plus grande peine est d’avoir perdu Dieu. Cette peine, Lucifer la ressent le premier et tous y participent. Il blasphème et tous blasphèment ; il maudit et tous maudissent ; il souffre et il est torturé et tous souffrent et sont torturés. A ce moment, mes anges me firent remarquer le coussin qui était le siège de Lucifer et sur lequel il était assis : c’était l’âme de Judas. Sous les pieds de Lucifer, il y avait un coussin bien grand, tout déchiré et couvert de signes ; on me fit comprendre que c’était des âmes de religieux. Alors le trône fut ouvert et, au milieu des démons, qui se tenaient sous le siège, je vis un grand nombre d’âmes. Quelles sont celles-ci ? Demandais-je à un des anges. Ils me dirent que c’étaient des prélats, des dignitaires de l’Église, des supérieurs d’âmes consacrées à Dieu. Je crois que si je n’avais été accompagnée de mes anges et aussi, je pense, invisiblement fortifiée par ma bonne Mère, je serais morte d’épouvante. Tout ce que j’en dis n’est rien et tout ce que j’ai entendu dire aux prédicateurs n’est rien auprès de ce que j’ai vu. (D’après le Diario ou Journal de la sainte p 479)
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| | | Claude Coowar
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 9/12/2016, 03:20 | |
| https://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2010/documents/hf_ben-xvi_aud_20101215.html SAINTE VERONIQUE DE GIULIANI. Selon l'autorité théologique de SA SAINTETE BENOÎT XVI. AUDIENCE GENERALE Salle Paul VI Mercredi 15 décembre 2010 Chers frères et sœurs, Je voudrais présenter aujourd'hui une mystique qui n'est pas de l'époque médiévale ; il s'agit de sainte Véronique Giuliani, une moniale clarisse capucine. La raison en est que le 27 décembre prochain nous fêterons le 350ème anniversaire de sa naissance. Città di Castello (Italie), le lieu où elle vécut la majeure partie de sa vie et où elle mourut, tout comme Mercatello — son village natal — et le diocèse d'Urbin, vivent avec joie cet événement. Véronique naît donc le 27 décembre 1660 à Mercatello, dans la vallée du Metauro, de Francesco Giuliani et Benedetta Mancini ; elle est la dernière de sept sœurs, dont trois autres embrasseront la vie monastique ; elle reçoit le nom d'Ursule. A l'âge de sept ans, elle perd sa mère, et son père part s'installer à Piacenza comme surintendant des douanes du duché de Parme. Dans cette ville, Ursule sent grandir en elle le désir de consacrer sa vie au Christ. L'appel se fait de plus en plus pressant, si bien qu'à 17 ans, elle entre dans la stricte clôture du monastère des clarisses capucines de Città di Castello, où elle demeurera toute sa vie. Elle y reçoit le nom de Véronique, qui signifie « image véritable » et, en effet, elle devient l'image véritable du Christ crucifié. Un an plus tard elle prononce sa profession religieuse solennelle : pour elle commence le chemin de configuration au Christ à travers beaucoup de pénitences, de grandes souffrances et plusieurs expériences mystiques liées à la Passion de Jésus: le couronnement d'épines, le mariage mystique, la blessure au cœur et les stigmates. En 1716, à 56 ans, elle devient abbesse du monastère et sera reconfirmée dans ce rôle jusqu'à sa mort, en 1727, après une terrible agonie de 33 jours, qui culmine dans une joie profonde, si bien que ses dernières paroles furent: «J'ai trouvé l'Amour, l'Amour s'est laissé voir! C'est la cause de ma souffrance. Dites-le à toutes, dites-le à toutes!» (Summarium Beatificationis, 115-120). Le 9 juillet, elle quitte sa demeure terrestre pour la rencontre avec Dieu. Elle a 67 ans, cinquante desquels passés dans le monastère de Città di Castello. Elle est proclamée sainte le 26 mai 1839 par le Pape Grégoire XVI. Véronique Giuliani a beaucoup écrit: des lettres, des textes autobiographiques, des poésies. La source principale pour reconstruire sa pensée est toutefois son Journal, commencé en 1693: vingt-deux mille pages manuscrites, qui couvrent une période de trente-quatre ans de vie de clôture. L'écriture coule avec spontanéité et régularité, on n'y trouve pas de ratures ou de corrections, ni de signes de ponctuation ou de division en chapitres ou parties selon un dessein préalable. Véronique ne voulait pas composer une œuvre littéraire: elle fut obligée par le Père Girolamo Bastianelli, religieux de Saint-Philippe, en accord avec l'évêque diocésain Antonio Eustachi, de mettre ses expériences par écrit. Sainte Véronique a une spiritualité fortement christologique et sponsale: c'est l'expérience d'être aimée par le Christ, Epoux fidèle et sincère, et de vouloir y répondre avec un amour toujours plus intense et passionné. En elle, tout est interprété dans une perspective d'amour, et cela lui donne une profonde sérénité. Toute chose est vécue en union avec le Christ, par amour pour lui et avec la joie de pouvoir Lui démontrer tout l'amour dont est capable une créature. Le Christ auquel Véronique est profondément uni est le Christ souffrant de la passion, la mort et la résurrection; c'est Jésus dans l'acte de s'offrir au Père pour nous sauver. De cette expérience dérive aussi l'amour intense et souffrant pour l'Eglise, sous la double forme de la prière et de l'offrande. La sainte vit dans cette optique: elle prie, elle souffre, elle cherche la «pauvreté sainte», comme une «expropriation», une perte de soi (cf. ibid., III, 523), pour être précisément comme le Christ qui a tout donné de lui-même. A chaque page de ses écrits, Véronique recommande quelqu'un au Seigneur, dans des prières d'intercession et par l'offrande d'elle-même dans toute souffrance. Son cœur s'ouvre à tous «les besoins de la Sainte Eglise», en vivant avec anxiété le désir de salut de «tout l'univers et du monde» (ibid., III-IV, passim). Véronique s’écrie: «O hommes et femmes pécheurs... tous et toutes venez au cœur de Jésus; venez au bain de son précieux sang... Il vous attend les bras ouverts pour vous embrasser » (ibid., II, 16-17). Animée d'une ardente charité, elle apporte à ses sœurs du monastère attention, compréhension, pardon; elle offre ses prières et ses sacrifices pour le Pape, son évêque, les prêtres, et pour toutes les personnes dans le besoin, y compris les âmes du purgatoire. Elle résume sa mission contemplative par ces mots: «Nous ne pouvons pas aller prêcher par le monde et convertir les âmes, mais nous sommes obligées de prier sans cesse pour toutes les âmes qui offensent Dieu... en particulier par nos souffrances, c'est-à-dire par un principe de vie crucifiée » (ibid., IV, 877). Notre sainte conçoit cette mission comme «être au milieu» entre les hommes et Dieu, entre les pécheurs et le Christ crucifié. Véronique vit en profondeur la participation à l'amour souffrant de Jésus, certaine que «souffrir avec joie» est la «clé de l'amour» (cf. ibid., I, 299.417; III, 330.303.871; IV, 192). Elle souligne que Jésus souffre pour les péchés des hommes, mais aussi pour les souffrances que ses fidèles serviteurs allaient devoir supporter au cours des siècles, au temps de l'Eglise, précisément pour leur foi solide et cohérente. Elle écrit: «Son Père éternel lui fit voir et entendre à ce moment-là toutes les souffrances que devaient endurer ses élus, les âmes qui lui étaient le plus chères, celles qui profiteraient de Son Sang et de toutes ses souffrances» (ibid., II, 170). Comme le dit de lui-même l'apôtre Paul: «Je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous, car ce qu'il reste à souffrir des épreuves du Christ, je l'accomplis dans ma propre chair, pour son corps qui est l'Eglise» (Col 1, 24). Véronique en arrive à demander à Jésus d'être crucifié avec Lui: «En un instant — écrit-elle —, je vis sortir de ses très saintes plaies cinq rayons resplendissants; et tous vinrent vers moi. Et je voyais ces rayons devenir comme de petites flammes. Dans quatre d'entre elles, il y avait les clous; et dans l'une il y avait la lance, comme d'or, toute enflammée: et elle me transperça le cœur, de part en part... et les clous traversèrent mes mains et mes pieds. Je ressentis une grande douleur; mais, dans la douleur elle-même, je me voyais, je me sentais toute transformée en Dieu» (Journal, I, 897). La sainte est convaincue qu'elle participe déjà au Royaume de Dieu, mais dans le même temps elle invoque tous les saints de la patrie bienheureuse pour qu'ils viennent à son aide sur le chemin terrestre de sa donation, dans l'attente de la béatitude éternelle; telle est l'aspiration constante de sa vie (cf. ibid. II, 909; v. 246). Par rapport à la prédication de l'époque, souvent axée sur le «salut de l'âme» en termes individuels, Véronique fait preuve d'un profond sens de «solidarité», de communion avec tous ses frères et sœurs en marche vers le Ciel, et elle vit, elle prie et elle souffre pour tous. En revanche, les choses qui ne sont pas ultimes, terrestres, bien qu'appréciées au sens franciscain comme un don du Créateur, apparaissent toujours relatives, entièrement subordonnées au «goût» de Dieu et sous le signe d'une pauvreté radicale. Dans la communio sanctorum, elle éclaircit son don ecclésial, ainsi que la relation entre l'Eglise en pèlerinage et l'Eglise céleste. «Tous les saints — écrit-elle — sont là-haut grâce aux mérites et à la passion de Jésus; mais ils ont coopéré à tout ce qu'a fait notre Seigneur, si bien que leur vie a été entièrement ordonnée, réglée par ses œuvres elles-mêmes» (ibid., III, 203). Dans les écrits de Véronique, nous trouvons de nombreuses citations bibliques, parfois de manière indirecte, mais toujours ponctuelle: elle fait preuve d'une familiarité avec le Texte sacré, dont se nourrit son expérience spirituelle. Il faut en outre noter que les moments forts de l'expérience mystique de Véronique ne sont jamais séparés des événements salvifiques célébrés dans la liturgie, où trouvent une place particulière la proclamation et l'écoute de la Parole de Dieu. Les Saintes Ecritures illuminent, purifient, confirment donc l'expérience de Véronique, la rendant ecclésiale. D'autre part, cependant, c'est précisément son expérience, ancrée dans les Saintes Ecritures avec une intensité sans égale, qui conduit à une lecture plus approfondie et «spirituelle» du Texte sacré lui-même, entre dans la profondeur cachée du texte. Non seulement elle s'exprime avec les paroles des Saintes Ecritures, mais réellement, elle vit aussi de ces paroles, elles se font vie en elle. Par exemple, notre sainte cite souvent l'expression de l'apôtre Paul: «Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?» (Rm 8, 31, cf. Journal, 1, 714 ; II, 116.1021; III, 48). En elle, l'assimilation de ce texte paulinien, cette grande confiance et cette joie profonde, devient un fait accompli dans sa personne elle-même: «Mon âme — écrit-elle — a été liée par la volonté divine et je me suis vraiment établie et arrêtée pour toujours dans la volonté de Dieu. Il me semblait que je n'aurais plus jamais à me séparer de cette volonté de Dieu et je revins en moi avec ces paroles précises: rien ne pourra me séparer de la volonté de Dieu, ni les angoisses, ni les peines, ni les tourments, ni le mépris, ni les tentations, ni les créatures, ni les démons, ni l'obscurité, et pas même la mort, car, dans la vie et dans la mort, je veux entièrement, et en tout, la volonté de Dieu» (Journal, IV, 272). Ainsi avons-nous, nous aussi, la certitude que la mort n'a pas le dernier mot, nous sommes enracinés dans la volonté de Dieu et ainsi réellement dans la vie, à jamais. Véronique se révèle, en particulier, un témoin courageux de la beauté et de la puissance de l'Amour divin, qui l'attire, l'envahit, l'embrase. C'est l'amour crucifié qui s'est imprimé dans sa chair, comme dans celle de saint François d'Assise, avec les stigmates de Jésus. «Mon épouse — me murmure le Christ crucifié — les pénitences que tu accomplis pour ceux que j'ai en disgrâce me sont chères... Ensuite, détachant un bras de la croix, il me fit signe de m'approcher de son côté... Et je me retrouvais entre les bras du Crucifié. Je ne peux pas raconter ce que j'éprouvais à ce moment: j'aurais voulu être toujours dans son très saint côté» (ibid., I, 37). Il s'agit également de son chemin spirituel, de sa vie intérieure: être dans les bras du crucifié et être aimé dans l'amour du Christ pour les autres. Avec la Vierge Marie également, Véronique vit une relation de profonde intimité, témoignée par les paroles qu'elle entend un jour la Vierge lui adresser et qu'elle rapporte dans son Journal: «Je te fis reposer en mon sein, tu connus l'union avec mon âme, et par celle-ci tu fus, comme en vol, conduite devant Dieu» (IV, 901). Sainte Véronique Giuliani nous invite à faire croître, dans notre vie chrétienne, - l'union avec le Seigneur dans notre proximité avec les autres,
- en nous abandonnant à sa volonté avec une confiance complète et totale,
- et l'union avec l'Eglise, Epouse du Christ;
- elle nous invite à participer à l'amour souffrant de Jésus Crucifié pour le salut de tous les pécheurs;
- elle nous invite à garder le regard fixé vers le Paradis, but de notre chemin terrestre où nous vivrons avec un grand nombre de nos frères et sœurs la joie de la pleine communion avec Dieu;
- elle nous invite à nous nourrir quotidiennement de la Parole de Dieu pour réchauffer notre cœur et orienter notre vie. Les dernières paroles de la sainte peuvent être considérées comme la synthèse de son expérience mystique passionnée: «J'ai trouvé l'Amour, l'Amour s'est laissé voir!» . Merci. ________________________________________ Je salue cordialement les pèlerins de langue française, particulièrement les lycéens de Toulon. Avec sainte Véronique, puissiez-vous dire de votre rencontre avec le Christ: «J'ai trouvé l'Amour, l'Amour s'est laissé voir»! A tous je souhaite une bonne préparation aux fêtes de Noël. © Copyright 2010 - Libreria Editrice Vaticana
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| | | Arnaud Dumouch
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 9/12/2016, 03:59 | |
| (pour ce sujet) _________________ Arnaud
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| | | Claude Coowar
Messages : 357 Inscription : 25/11/2013
| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 9/12/2016, 12:58 | |
| http://www.introibo.fr/16-11-Ste-Gertrude-vierge SAINTE GERTRUDE DE HELTFA. BIOGRAPHIE ET PERSONNALITE. Avant 1932 : le 15 SAINTE GERTRUDE Vierge IIIème classe (avant 1960 : double) Messe Dilexísti, du Commun des Vierges 3, sauf l’oraison suivante :Collecte O Dieu, qui vous êtes préparé une demeure agréable dans le cœur de la bienheureuse Vierge Gertrude, daignez, dans votre clémence, en égard à ses mérites et à son intercession, laver les taches qui souillent notre cœur et nous faire jouir de sa compagnie. Office Leçons des Matines avant 1960Quatrième leçon. Née de parents nobles à Eisleben en Saxe, Gertrude, dès l’âge de cinq ans, consacra à Jésus-Christ sa personne et sa virginité, dans le monastère bénédictin de Rodesdorf. A partir de ce moment, tout à fait étrangère aux choses du monde et s’appliquant avec zèle à pratiquer la vertu, elle mena une vie toute céleste. A la connaissance des lettres humaines, elle joignait la science des choses divines, dont la méditation l’excitait à la vertu et lui fit, en peu de temps, acquérir la perfection chrétienne. Elle parlait souvent, et avec de pieux sentiments, du Christ et des mystères de sa vie, et ne pensant qu’à la gloire de Dieu, elle y rapportait tous ses désirs et toutes ses actions. Bien que Dieu l’eût abondamment comblée de dons excellents, dans l’ordre de la nature et de la grâce, elle se méprisait cependant elle-même au point de compter, parmi les principaux miracles de la divine bonté, le fait d’en être miséricordieusement supportée, quoique indigne pécheresse. Cinquième leçon. A l’âge de trente ans, elle fut choisie pour gouverner d’abord le monastère de Rodersdorf, où elle avait embrassé la vie religieuse, puis le monastère d’ Heldelfs. Pendant quarante ans, elle remplit sa charge avec tant de charité, de prudence et de zèle pour l’observance de la discipline régulière, que son monastère semblait être l’asile de la perfection religieuse. Dans ces deux communautés, bien qu’elle fût la mère et la supérieure de toutes les religieuses, elle voulait néanmoins être considérée comme la dernière ; et, s’abaissant de fait, elle se faisait la servante des autres. Pour s’occuper de Dieu avec une plus grande liberté d’esprit, elle mortifiait son corps par les veilles, les jeûnes et toutes sortes d’austérités. Toujours égale à elle-même, elle ne cessa de montrer une innocence de vie, une douceur, une patience extraordinaires. Elle s’appliqua par tous les moyens à procurer le salut du prochain, et, de sa pieuse sollicitude, elle recueillit des fruits abondants. La force de son amour pour Dieu lui faisait éprouver de fréquentes extases, et lui obtint d’être élevée à un très haut degré de contemplation et aux jouissances de l’union divine. Sixième leçon. Jésus-Christ, voulant montrer le mérite de son épouse bien-aimée, déclara que le cœur de Gertrude était pour lui une demeure pleine de délices. Elle honorait d’une dévotion toute spéciale la glorieuse Vierge Marie, que Jésus lui-même lui avait donnée pour mère et protectrice, et reçut d’elle un grand nombre de faveurs. Le très adorable sacrement de l’Eucharistie et la passion du Seigneur la pénétraient d’un tel amour et d’une si vive reconnaissance, qu’en les méditant, elle répandait des larmes abondantes. Elle soulageait chaque jour par ses suffrages et ses prières les âmes des justes condamnées aux flammes expiatoires. Gertrude composa de nombreux écrits, propres à ranimer la piété. Des révélations divines et le don de prophétie l’ont aussi rendue célèbre. Enfin, réduite à un état de langueur, plutôt par son ardent amour de Dieu que par la maladie, elle mourut l’an du Seigneur mil deux cent quatre-vingt douze. Après sa mort comme pendant sa vie, Dieu l’a glorifiée par des miracles. Dom Guéranger, l’Année Liturgique.L’école qui a pour base la règle du Patriarche des moines d’Occident, commence à saint Grégoire le Grand ; et telle a été l’indépendance de l’Esprit-Saint qui la dirigeait, que des femmes y ont prophétisé comme les hommes. Il suffit de rappeler sainte Hildegarde et sainte Gertrude, à côté de laquelle figure avec honneur sa compagne, sainte Mechtilde, et la grande sainte Françoise romaine. Quiconque en fera l’expérience, s’il a pratiqué les auteurs plus récents sur l’ascèse et la mystique, ne tardera pas à sentir cette saveur si différente, cette autorité douce qui ne s’impose pas, mais qui entraîne. Là, rien de cette habileté, de cette stratégie, de cette analyse savante que l’on rencontre ailleurs ; procédés qui réussissent plus ou moins, et dont on ne recommence l’application qu’avec le risque d’en sortir blasé. Le pieux et docte P. Faber a relevé avec sa sagacité ordinaire les avantages de cette forme de spiritualité qui ménage la liberté d’esprit, et produit dans les âmes, sans méthode rigoureuse, les dispositions dont les méthodes modernes n’ont pas toujours le secret. « Nul ne peut lire, dit-il, les écrivains spirituels de l’ancienne école de saint Benoît, sans remarquer avec admiration la liberté d’esprit dont leur âme était pénétrée. Sainte Gertrude en est un bel exemple ; elle respire partout l’esprit de saint Benoît. L’esprit de la religion catholique est un esprit facile, un esprit de liberté ; et c’était là surtout l’apanage des Bénédictins ascétiques de la vieille école. Les écrivains modernes ont cherché à tout circonscrire, et cette déplorable méthode a causé plus de mal que de bien ». [2] Au reste, les voies sont diverses, et tout chemin qui mène l’homme à Dieu par la réforme de soi-même est un heureux chemin. Nous n’avons voulu dire qu’une chose, c’est que celui qui se livrera à la conduite d’un Saint de la vieille école ne perdra pas son temps, et que s’il est exposé à rencontrer moins de philosophie, moins de psychologie sur son chemin, il a chance d’être séduit par la simplicité et l’autorité du langage, d’être ébranlé et bientôt réduit parle sentiment du contraste qui existe entre lui et la sainteté de son guide. Telle est l’heureuse révolution qu’éprouvera pour l’ordinaire une âme qui, se proposant de resserrer ses relations avec Dieu, et s’étant établie dans la droiture de l’intention et dans un sincère recueillement, voudra suivre sainte Gertrude, tout spécialement dans la semaine d’Exercices qu’elle a tracée . Nous oserions presque lui promettre qu’elle en sortira tout autre qu’elle n’y était entrée. Il est même à croire qu’elle y reviendra plus d’une fois et avec plaisir ; car il ne lui souvient pas qu’elle ait éprouvé la moindre fatigue, et que la liberté de son esprit ait été enchaînée même un instant. Elle a pu être confondue de se sentir si près d’une âme sanctifiée, elle si loin de la sainteté ; mais elle a senti qu’ayant après tout la même fin que cette âme, il lui faut sortir de la voie molle et dangereuse qui l’entraînerait à sa perte. Si l’on se demande d’où vient à notre Sainte cet empire qu’elle exerce sur quiconque consent à l’écouter, nous répondrons que le secret de son influence est dans la sainteté dont elle est remplie : elle ne démontre pas le mouvement, elle marche. Une âme bienheureuse, descendue du ciel pour demeurer quelque temps avec les hommes, et parlant la langue delà patrie sur cette terre d’exil, transformerait ceux qui auraient le bonheur de l’entendre parler. Sainte Gertrude, admise dès ici-bas à la plus étroite familiarité avec le Fils de Dieu, semble avoir quelque chose de l’accent qu’aurait cette âme ; voilà pourquoi ses paroles sont autant de flèches pénétrantes qui abattent toute résistance dans ceux qui se placent à leur portée. L’intelligence est éclairée par cette doctrine si pure et si élevée, et cependant Gertrude ne disserte pas ; le cœur est ému, et cependant Gertrude n’adresse la parole qu’à Dieu ; l’âme se juge, se condamne, se renouvelle par la componction, et cependant Gertrude n’a pas cherché un instant à l’établir dans un état factice. Si l’on veut maintenant se rendre compte de la bénédiction particulière attachée à son langage, qu’on recherche la source de ses sentiments et des expressions sous lesquelles ils se traduisent. Tout émane de la divine parole, non seulement de celle que Gertrude a entendue de la bouche de l’Époux céleste, mais aussi de celle qu’elle a goûtée, dont elle s’est nourrie dans les livres sacrés et dans la sainte Liturgie. Cette fille du cloître n’a pas cessé un seul jour de puiser la lumière et la vie aux sources de la contemplation véritable, de cette contemplation que l’âme goûte en s’abreuvant à la fontaine d’eau vive, qui jaillit de la psalmodie et des paroles inspirées des divins Offices. Elle s’est tellement enivrée de cette liqueur céleste, qu’elle ne dit pas un mot qui ne dévoile l’attrait qu’elle y trouve. Telle est sa vie, si complètement absorbée dans la Liturgie de l’Église, que nous voyons constamment, dans ses Révélations, le Seigneur arriver près d’elle, lui manifester les mystères du ciel, la Mère de Dieu et les Saints se présenter à ses regards et l’entretenir, à propos d’une Antienne, d’un Répons, d’un Introït, que Gertrude chante avec délices et dont elle déguste toute la saveur.Delà, chez elle, ce lyrisme continuel qu’elle ne recherche pas, mais qui lui est devenu comme naturel ; cet enthousiasme sacré auquel elle ne peut se soustraire, et qui l’amène à produire tant de pages où la beauté littéraire semble arriver à la hauteur de l’inspiration mystique. Cette fille du XIIIe siècle, au fond d’un monastère de la Souabe, a réalisé avant Dante le problème de la poésie spiritualiste Tantôt la tendresse de son âme s’épanche dans une touchante élégie ; tantôt le feu qui la consume éclate en brûlants transports ; tantôt c’est la forme dramatique qu’elle emploie pour rendre le sentiment qui la domine. Parfois ce vol sublime s’arrête : l’émule des Séraphins semble vouloir redescendre sur la terre ; mais c’est pour repartir bientôt et s’élever plus haut encore. Une lutte incessante a lieu entre son humilité qui la tient prosternée dans la poussière, et son cœur haletant vers Jésus qui l’attire et lui adonné tant de gages de son amour. A notre avis, les plus sublimes passages de sainte Thérèse, mis en regard des effusions de sainte Gertrude, n’en affaibliraient en rien l’ineffable beauté. Il nous semble même que souvent l’avantage resterait à la vierge de Germanie sur la vierge espagnole. Ardente et impétueuse, la seconde n’a pas, il est vrai, la teinte un peu mélancolique et réfléchie de la première ; mais Gertrude, initiée à la langue latine, ravivée sans cesse par la lecture des saintes Écritures et les divins Offices qui n’ont pas d’obscurités pour elle, y puise un langage dont la richesse et la puissance nous semblent l’emporter généralement sur les immortels épanchements de Thérèse à qui ces secours ont été moins familiers. Que le lecteur cependant ne s’effraie pas à la pensée d’être placé tout à coup sous la conduite d’un Séraphin, lorsque sa conscience lui rend le témoignage qu’il a encore une longue station à faire dans la région purgative, avant de songer à parcourir des voies qui peut-être ne s’ouvriront jamais devant lui. Qu’il écoute simplement Gertrude, qu’il la contemple et qu’il ait foi dans le but d’arrivée. La sainte Église, lorsqu’elle met dans notre bouche les Psaumes du Roi-Prophète, n’ignore pas que leurs expressions dépassent trop souvent les sentiments de notre âme ; mais le moyen d’arriver à l’unisson avec ces divins cantiques, n’est-ce pas de les réciter fréquemment avec foi et humilité, et d’obtenir ainsi la transformation que nul autre moyen n’aurait opérée ? Gertrude nous détache doucement de nous-mêmes et nous conduit à Jésus-Christ, en nous précédant de loin, mais en nous entraînant après elle. Elle va droit au cœur de son Époux divin : rien n’est plus juste ; mais ne lui serons-nous pas déjà assez redevables, si elle nous conduit à ses pieds comme Madeleine repentante et régénérée ? Même quand elle écrit plus spécialement pour ses sœurs, on doit se garder de penser que la lecture de ces pages si émouvantes soit inutile à ceux qui sont engagés dans la vie du siècle. La vie religieuse exposée par un tel interprète est un spectacle aussi instructif qu’il est éloquent. - Est-il permis d’ignorer que la pratique des préceptes devient plus aisée à quiconque s’est donné la peine d’approfondir et d’admirer celle des conseils ? - Le livre de l’Imitation, qu’est-il autre chose que le livre d’un moine écrit pour des moines ? - En quelles mains cependant ne le rencontre-t-on pas ? - Combien de personnes séculières sont sous le charme des écrits de sainte Thérèse ? Et néanmoins la vierge du Carmel concentre sur la vie religieuse ses écrits et sa doctrine. Nous nous garderons d’analyser ici des merveilles qu’il faut contempler soi-même. Dans notre société désaccoutumée du langage ferme et coloré des âges de foi, gâtée, dans ce qui tient à la piété, par les fadeurs ou les prétentions mondaines des livres de dévotion que l’on voit éclore chaque jour, sainte Gertrude étonnera et choquera même plus d’un lecteur. Que faire alors ? Si l’on a désappris le langage de l’antique piété qui formait les Saints, il semble qu’il n’y aurait rien de mieux à faire que de le rapprendre, et il est de fait que sainte Gertrude y pourrait servir beaucoup. La liste des admirateurs de sainte Gertrude serait longue Mais il est encore une autorité plus imposante : nous voulons dire celle de l’Église elle-même. Cette Mère des fidèles, toujours dirigée parle divin Esprit, a rendu son témoignage par l’organe de la sainte Liturgie. La personne de Gertrude et l’esprit qui l’animait y sont à jamais recommandés et glorifiés aux yeux de tous les chrétiens, par le jugement solennel contenu dans l’Office de la Sainte [3]. La vie de Gertrude la Grande, ainsi qu’elle mérita d’être désignée entre les Saintes du même nom, fut humble et cachée [4]. Entrée à cinq ans à l’Abbaye d’ Helfta, près Eisleben, elle s’y perdit dans le secret de la face de Dieu. Malgré la confusion qui régna plusieurs siècles à ce sujet et qui se retrouve dans la Légende de la fête, c’est à tort qu’on l’a prise pour son homonyme, grandement prévenue elle-même des dons divins, l’Abbesse Gertrude de Hackeborn, qui gouverna de son temps le monastère. Ce fut sur la sublimité de ses Révélations tardivement publiées [5] qu’inscrite en 1677 au Martyrologe, elle vit au siècle suivant [6] Clément XII ordonner la célébration de sa fête dans toute l’Église sous le rit Double. Les Indes Occidentales l’acclamèrent comme Patronne, et le Nouveau-Mexique bâtit une ville en son honneur. Afin de fournir une expression à la piété des fidèles envers sainte Gertrude, nous plaçons ici l’une des Hymnes que l’Ordre de saint Benoît lui consacre dans sa Liturgie, et nous la faisons suivre d’une des Antiennes. HYMNEO Gertrude, sanctuaire de la divinité, unie à l’Époux des vierges, laissez-nous célébrer vos chastes amours et votre alliance nuptiale. A peine âgée de quatre ans et déjà fiancée au Christ, vous prenez votre vol vers le cloître ; vous vous arrachez aux bras de votre nourrice, n’aspirant qu’aux divines caresses de l’Époux. Semblable au lis sans tache, vous exhalez un parfum qui réjouit les cieux, et l’éclat de votre virginale beauté attire vers vous le Roi dé cet heureux séjour. Celui qui vit au sein du Père, entouré d’une gloire éternelle, devient votre Époux, et daigne se reposer dans votre amour. Par cet amour, vous avez blessé le Christ, à son tour il blesse aussi votre cœur, il y grave en traits de feu les stigmates des plaies qu’il a reçues.
O ineffable amour ! ô échange merveilleux ! c’est lui qui respire dans votre cœur ;son souffle devient en vous le principe de la vie. Que l’heureux chœur des Vierge célèbre vos louanges, ô Jésus leur Époux ! gloire égale au Père et au divin Paraclet ! Amen. O très digne Épouse du Christ, la lumière prophétique vous a éclairée, le zèle apostolique vous a enflammée, la couronne des Vierges a ceint votre front, et les flammes du divin amour vous ont consumée. Révélatrice du Cœur sacré, quelle meilleure prière pourrions-nous faire à votre honneur, que de dire avec vous, nous tournant vers le Fils de la Vierge bénie : « Lumière sereine de mon âme, Matin éclatant des plus doux feux, devenez en moi le jour. Amour qui non seulement éclairez, mais divinisez, venez à moi dans votre puissance, venez dissoudre doucement tout mon être. Détruite en ce qui est de moi, faites que je passe en vous tout entière, en sorte que je ne me retrouve plus dans le temps, mais que déjà je vous sois étroitement unie pour l’éternité. « C’est vous qui m’avez aimée le premier ; c’est vous qui m’avez choisie. Vous êtes celui qui accourt de lui-même vers la créature altérée ; et l’éclat de la lumière éternelle brille sur votre front. Montrez-moi votre visage, tout rayonnant des feux du divin soleil.
Comment l’étincelle pourrait-elle subsister loin du feu qui l’a produite ?
Comment la goutte d’eau se conserverait-elle hors de la fontaine d’où elle est sortie ? Amour, pourquoi m’avez-vous aimée, moi créature et souillée, si ce n’est parce que vous vouliez me rendre belle en vous ? O vous, qui êtes la fleur délicate qu’a produite la Vierge Marie, votre miséricordieuse bonté m’a séduite et m’entraîne. Amour, ô mon beau Midi ! je voudrais mourir mille fois, pour me reposer en vous. « O Charité, à l’heure de ma mort, vous me soutiendrez par vos paroles plus délicieuses que le vin le plus exquis ; vous serez ma voie ; vous m’aiderez, ô ma Reine, à parvenir jusqu’à ces pâturages charmants et fertiles que recèle le divin désert, où enfin, enivrée de bonheur, je serai admise à jouir delà présence de l’Agneau qui est mon Époux et mon Dieu. O amour qui êtes Dieu, sans vous le ciel et la terre n’auraient de moi une espérance ni un désir : daignez accomplir en moi cette union que vous désirez vous-même ; qu’elle soit ma fin, la consommation de mon être. Dans les traits de mon Dieu, votre lumière éclate comme celle de l’astre du soir ; à l’heure de ma mort, montrez-moi vos rayons. « Amour, ô mon Soir bien-aimé, que la flamme sacrée qui brûle éternellement en votre divine essence, consume à ce moment toutes les taches de ma vie. O mon doux Soir, faites-moi m’endormir en vous d’un sommeil tranquille, et goûter cet heureux repos que vous avez préparé en vous à ceux que vous aimez. Par votre seul regard si calme et si plein de charmes, daignez disposer toutes choses, et dirigez les préparatifs de mes noces éternelles. Amour, soyez pour moi un Soir si beau, que mon âme transportée dise avec allégresse un doux adieu à son corps, et que mon esprit, retournant au Seigneur qui l’a donné, repose en paix sous votre ombre chérie». [7]. Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum L’art chrétien a accoutumé de représenter les bienheureux avec l’emblème caractérisant le mieux l’aspect spécial de leur sainteté. C’est pourquoi sainte Gertrude est représentée avec un cœur enflammé dans la main ; parce que, comme elle habitait mystiquement dans le Sacré-Cœur de Jésus, le Sauveur demeurait en elle par la foi et par l’amour. La mission de cette illustre vierge bénédictine du XIIIe siècle fut fort semblable à celle de sainte Marguerite-Marie Alacoque, que, d’ailleurs, dans sa lumière prophétique, elle annonça et connut. Entre les deux mystiques il y a cependant une différence : les grandes révélations du Cœur de Jésus à la sainte bénédictine sont destinées à nourrir la piété d’un groupe choisi d’âmes privilégiées ; tandis que celles de Paray-le-Monial doivent devenir le trésor de tout l’univers catholique. Substantiellement, l’objet des apparitions dont furent favorisées les deux voyantes est identique : c’est l’amour ineffable de Jésus, dont le Cœur est l’organe et le signe physique. Mais quant à la manière de concevoir cette dévotion, la formation différente des deux saintes s’y révèle manifestement. Dans un Ordre qui, pendant plus de sept siècles, avait été le pacifique héritier de la tradition patristique, et où la liturgie catholique était la source presque exclusive de la vie spirituelle, Gertrude concevait la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus moins comme une dévotion spéciale que comme une intelligence plus élevée du grand et total mystère du Christ revivant dans l’Église au moyen de la liturgie catholique. C’est l’amour même de Jésus qui explique et illustre, dans la prière catholique de l’Église, tout le drame de son incarnation, les battements de son Cœur. En effet, la mystique de sainte Gertrude est exclusivement fondée sur la vie liturgique de la famille catholique. Elle ne connaît guère d’autres pratiques de dévotion que l’Office divin et les messes solennelles, que Gertrude chantait chaque jour avec la cantrix Mechtildis — sainte Mathilde — et avec sa communauté, au chœur de l’abbaye de Helfta. Les révélations dont la favorisait le Seigneur étaient généralement en relation avec cet Office divin ; tantôt Jésus lui en expliquait le sens caché, tantôt il lui enseignait la façon la plus sublime de s’y adapter et de le revivre. L’atmosphère qui entoure l’âme de Gertrude est généralement lumineuse et sereine. Plutôt qu’un abîme de douleur, c’est un mystère de grâce et d’amour que Jésus lui révèle dans son Cœur. Elle ne voit pas encore ce Cœur divin entouré d’une couronne d’épines, et elle ne se sent pas appelée par Jésus à la vocation particulière de victime d’expiation pour les péchés du monde, comme plus tard sainte Marguerite-Marie. Il est vrai que parfois le Divin Cœur se montre à elle transpercé, mais cette blessure est une porte d’or par où Gertrude s’introduit joyeuse dans le sanctuaire intime de la Divinité, dans la chambre nuptiale de l’Époux. A la ressemblance de saint Jean qui, à la dernière Cène, tandis que les Apôtres se sentaient saisis de terreur à l’annonce de la trahison de Judas et de la mort prochaine de Jésus, reposait doucement sur la poitrine du Sauveur, la Bénédictine de Helfta se plonge dans le Cœur de son Bien-Aimé comme en un bain purificateur, un asile où personne ne peut l’atteindre pour troubler sa mystique contemplation. D’autres fois, elle considère le Divin Cœur comme une coupe d’or à laquelle s’abreuvent tous les bienheureux ; ou bien elle voit une chaîne d’or, partant du Cœur du Sauveur et rendant le monde prisonnier de l’amour. Parfois le Sacré Cœur semble un encensoir fumant, dont l’encens brûle devant le trône du Père éternel, ou encore un écrin précieux dans lequel sont conservés tous les mérites de la sainte Incarnation, mérites dans lesquels les âmes peuvent puiser librement. Symbole de douleur et d’amour, le Cœur sacré qui apparaît à la voyante bénédictine représente moins une dévotion spéciale, qu’il ne reflète cette attitude d’affectueuse tendresse envers l’humanité adorable du Rédempteur que la piété catholique avait assumée en Europe à la fin du moyen âge, après les arides disquisitions théologiques des byzantins. Gertrude est une des figures les plus autorisées de ce courant, mais elle n’est pas la seule, pas même dans sa propre abbaye de Helfta, où, sous la houlette de la sainte abbesse Gertrude de Hackeborn — trop souvent confondue avec la voyante homonyme — vivaient, et écrivaient des ouvrages de mystique, sainte Mechtilde et une autre Mechtilde, elle aussi insigne par ses mérites et par les révélations célestes. Si la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, telle qu’elle fut cultivée au XIIIe siècle dans le monastère de Helfta, reflète parfaitement l’antique spiritualité de l’Ordre de Saint-Benoît, les grandes révélations faites par sainte Marguerite-Marie sont plus en harmonie avec la psychologie des temps nouveaux, en ce moment exceptionnel de la vie de l’Église à l’avant-veille de la Révolution française. Gertrude elle-même avait entrevu la mission très importante de l’humble disciple de saint François de Sales, un jour qu’avec saint Jean l’Évangéliste elle avait été invitée par Jésus à reposer sur sa poitrine. Entendant l’harmonie des battements de ce Cœur adorable, la Sainte de Helfta demanda à l’Apôtre de l’amour pourquoi, dans son Evangile, il n’avait pas dévoilé au monde les trésors de lumière et de miséricorde qu’il avait découverts, durant son mystique repos sur la poitrine du Sauveur à la dernière Cène. Jean répondit que cette nouvelle et plus touchante révélation avait été remise à plus tard, lorsque le monde aurait touché le fond de l’abîme de la malice, si bien que pour l’en sortir Dieu devrait recourir aux suprêmes ressources de son invincible amour. Tel est le motif pour lequel, dans l’histoire du culte du très saint Cœur de Jésus, plutôt que de parler de dévotion nouvelle, on doit tenir compte, tant des traditions mystiques de l’antique famille bénédictine, que des mérites acquis dans l’apostolat du Sacré-Cœur par les congrégations religieuses plus récentes, sans opposer dévotion à dévotion, puisque toutes développent et illustrent l’unique piété catholique. Comme l’Incarnation, comme l’Eucharistie, le Sacré-Cœur de Jésus est un trésor commun à toute l’Église, et il ne peut donc devenir le monopole exclusif d’une famille particulière. Gertrude ressemble à sainte Marguerite-Marie, et les révélations faites aux voyantes bénédictines d’ Helfta reçoivent leur exact accomplissement en celles dont fut favorisée, quatre siècles plus tard, l’héroïque fille de la Visitation. Gertrude naquit le 6 janvier 1256 ; à cinq ans elle entra dans l’abbaye d ’Helfta ; à vingt-cinq elle fut gratinée du charisme des révélations ; vers la fin de sa vie elle mérita de recevoir les stigmates, et elle mourut vers 1302. Clément XII inséra son office dans le calendrier romain. La messe Dilexísti est du commun, sauf la première collecte qui fait allusion aux paroles que Jésus adressa un jour à sainte Gertrude : « En aucun autre lieu je ne me trouve aussi bien que dans le sein de mon Père céleste, dans le sacrement de l’Eucharistie et dans ton cœur, ô mon épouse bien-aimée. » Prière. — « O Dieu, vous qui vous êtes préparé une demeure agréable dans le cœur de votre bienheureuse vierge Gertrude ; par ses mérites et par ses prières, effacez miséricordieusement les taches de notre cœur, afin que nous puissions jouir de sa société dans la gloire. » Un jour que Gertrude ne put assister avec ses sœurs à la conférence spirituelle, Jésus lui apparut et lui dit : Veux-tu, ma bien-aimée, que je te fasse moi-même le discours ? La Sainte accepta, et le Seigneur la fit approcher de son Cœur, où elle entendit deux sortes de battements. Jésus lui expliqua qu’il opérait ainsi le salut des hommes. Par la première pulsation, lui dit-il, j’apaise le Père éternel irrité contre les pécheurs, j’excuse leur malice et je les incite à la contrition. Par la seconde, je me réjouis avec mon Père de l’efficacité de mon sang pour le salut des justes, et j’attire suavement les bons à agir avec une perfection de plus en plus grande. Et de même que les opérations des sens ne peuvent empêcher le cœur humain de battre, ainsi le gouvernement de tout l’univers ne pourra jamais ralentir dans mon Cœur ces deux pulsations de miséricorde envers les justes et envers les pécheurs. Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique « Dieu se ménage dans ses saints une agréable demeure ». Sainte Gertrude. — Jour de mort : 17 novembre 1302 (1311). Tombeau : à Helfta, en Thuringe. Vie : Sainte Gertrude, la grande bénédictine, est l’une des figures les plus attachantes de l’Allemagne du Moyen Age et demeurera pour tous les temps, grâce à ses écrits, un maître de la vie intérieure. Elle naquit en 1256 et passa sa jeunesse, à partir de l’âge de cinq ans, au monastère de Helfta, où l’abbesse, Gertrude de Hackeborn, et sa sœur, sainte Mechtilde, furent ses guides dans la vie intérieure. (La similitude de noms a fait souvent prendre à tort sainte Gertrude pour l’abbesse et sainte Mechtilde pour sa sœur ; cette confusion se trouve même au bréviaire). Notre sainte Gertrude n’a en réalité exercé aucune charge de direction au monastère. Outre la connaissance qu’elle avait de la langue latine, elle atteignit un haut degré de culture doctrinale. Par ailleurs sa vie fut une suite ininterrompue de maladies. La richesse de sa vie intérieure n’en fut que plus grande. A l’âge de 25 ans (1281), elle eut pour la première fois une apparition du Christ qui lui dévoila les secrets de son union mystique avec lui. Sur un ordre de Dieu, elle écrivit une relation des grâces dont elle avait été favorisée. Son ouvrage capital est le Legatus divinae pietatis — L’ambassadeur du divin amour. Il se distingue par la profondeur de la théologie, par l’élévation de la poésie et par une surprenante clarté. Seule la lecture de l’ouvrage lui-même est capable de montrer jusqu’à quel point il excite à l’amour de Dieu. Louis de Blois, l’Abbé bien connu, avoue l’avoir lu une douzaine de fois chaque année. Elle mourut consumée plus par le feu de l’amour divin que par la fièvre, en 1302 (ou 1311). Pratique : L’Oraison dit que « Dieu se ménage dans ses saints une aimable demeure ». C’est là une profonde pensée : Dieu habite dans ses enfants, et les vertus et les grâces ornent cette demeure. Mais le péché fait de ce temple une caverne de voleurs. Quelle invitation pour nous à vivre dans la piété et le bien ! — La Messe est du commun des vierges (Dilexísti). La messe constitue en ce moment une excellente préparation à la parousie. [1] Explication donnée par Dom Guréanger dans son commentaire sur saint Grégoire le Thaumauturge au 17 novembre : « Lorsque Clément XII établit dans l’Église entière, comme nous l’avons vu, la fête de sainte Gertrude la Grande, il décréta d’abord qu’elle serait fixée au présent jour, où continue de la célébrer l’Ordre de saint Benoît. Mais, dit Benoît XIV, le XVII Novembre étant attribué depuis de longs siècles à la mémoire de Grégoire le Thaumaturge, il parut mieux convenir que celui qui changeait de place les montagnes ne fût pas lui-même changé de son lieu par la vierge ; et c’est ainsi que dès l’année 1739, qui suivit l’institution de la fête nouvelle, celle-ci fut fixée pour l’avenir au XV dudit mois ». [2] Tout pour Jésus, ch. VIII, § 8. [3] Dom Guéranger, Les Exercices de sainte Gertrude (1863), en la Préface. [4] 1256-1303. [5] Consignées dans les cinq Livres du Legatus divinae pietatis, ou Héraut de l’amour divin. [6] 1738. [7] Du cinquième Exercice. Pour animer en soi l’amour de Dieu.
Dernière édition par Claude Coowar le 19/12/2016, 22:15, édité 1 fois | |
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 11/12/2016, 01:12 | |
| https://myriamiralasource.wordpress.com/2016/09/13/les-revelations-de-sainte-gertrude-dhelfta-religieuse-mystique/ SAINTE GERTRUDE DE HELTFA.
DON DE CONFIANCE. Moniale bénédictine (1256-1302). Gertrude était originaire de la Haute Saxe. Elle fut une grande mystique. Fêtée le 16 Novembre. (…) DU DON DE CONFIANCE QUI BRILLA EN GERTRUDE. Nous pourrions démontrer par d’admirables témoignages à quel degré elle possédait, je ne dis pas la vertu, mais le don de confiance. En effet, elle sentait à toute heure une telle sécurité dans sa conscience, que ni les tribulations, ni les blâmes, ni les obstacles, ni même ses propres fautes, ne pouvaient altérer cette ferme confiance dans la miséricorde infinie. S’il arrivait que Dieu la privât des faveurs auxquelles elle était accoutumée, elle ne s’en troublait pas, car ce lui était pour ainsi dire une même chose de jouir de la grâce ou d’en être privée. En effet, durant l’épreuve, elle s’appuyait sur l’espérance, et croyait fermement que tout coopère au bien des âmes, qu’il s’agisse d’événements extérieurs ou d’opérations intimes. Comme on attend avec espoir un messager qui porte les nouvelles longtemps désirés, ainsi elle entrevoyait avec joie l’abondance des consolations divines dont l’adversité du moment lui semblait être la préparation et le gage certain. La vue de ses fautes ne pouvait l’abattre ni la décourager, parce que, raffermie bientôt par la présence de la grâce divine, son âme devenait plus apte à recevoir les dons de Dieu quels qu’ils fussent. (…) 3. Elle avait pris l’habitude de se prosterner souvent aux pieds du Seigneur, pour obtenir le pardon de ces fautes légères qui sont inévitables ici-bas. Mais elle interrompait cette pratique quand elle recevait, ainsi que nous l’avons dit, une effusion plus abondante de la miséricorde divine. Alors elle se livrait volontiers au bon plaisir de Dieu, devenait comme un instrument destiné à manifester les opérations de l’amour en elle et par elle, et n’hésitait pas à prendre avec le Dieu de l’univers une sorte de revanche de tendresse. Cette confiance lui inspirait aussi une manière très surnaturelle de considérer la sainte Communion, car elle ne lisait ou n’entendait rien dire concernant le danger de recevoir indignement le Corps du Seigneur, sans s’approcher du sacrement avec une espérance plus ferme encore dans la bonté de Dieu. Si elle avait oublié de réciter les prières par lesquelles il est d’usage de se préparer, elle ne s’abstenait pas cependant de la Communion, parce que, jugeant ces actes nuls ou de peu de valeur, elle croyait que tous les efforts de l’homme en face de cet incomparable don gratuit sont comme une goutte d’eau comparée à l’immensité de l’océan. Bien qu’elle ne vît aucune manière de se préparer dignement, cependant, après avoir mis sa confiance dans l’infinie bonté de Dieu, elle s’efforçait par-dessus tout de recevoir le sacrement avec un cœur pur et un fervent amour. Elle attribuait à sa seule confiance en Dieu tout le bien spirituel qu’elle recevait, et trouvait que ce bien était d’autant plus gratuit que ce don de confiance lui avait été accordé par l’Auteur de toute grâce, sans aucun mérite de sa part. C’est encore la confiance qui lui inspirait un fréquent désir de la mort, désir si parfaitement tempéré par l’union à la divine Volonté, qu’il lui était toujours indifférent de vivre ou de mourir : par la mort, en effet, elle espérait jouir de la Béatitude, tandis que la vie lui était une occasion d’augmenter la gloire de Dieu. Il lui arriva un jour, en marchant, de faire une chute dangereuse. Elle ressentit aussitôt dans son âme une grande joie et dit au Seigneur : « Quel bonheur pour moi, ô mon bien-aimé Seigneur, si cette chute m’eût donné l’occasion d’aller tout à coup vers vous » . Et comme nous lui demandions tout étonnés si elle ne craignait pas de mourir sans les sacrements de l’Église : « En vérité, dit-elle, je désire de tout mon cœur recevoir les sacrements ; mais la volonté et l’ordre de mon Dieu seront pour moi la meilleure et la plus salutaire préparation. J’irai donc avec joie vers lui, que la mort soit subite ou prévue, sachant que de toute façon la miséricorde divine ne pourra me manquer, et que sans elle nous ne serions pas sauvés, quel que soit le genre de notre mort ». Tous les événements la trouvaient dans une égale disposition de joie, parce que son esprit restait fixé inébranlablement en Dieu, dans une constance pleine de vigueur. Aussi peut-on lui appliquer ces paroles : « Qui confidit in Deo, forcis est ut leo : Celui qui se confie en Dieu est fort comme le lion ». (Prov., xxviii, l.). Notre-Seigneur daigna rendre lui-même à la confiance de son Élue le témoignage suivant : Une personne, après avoir prié Dieu, s’étonnait de ne pas recevoir de réponse ; il lui dit enfin : « J’ai tardé à te répondre, parce que tu n’as pas confiance en ce que ma bonté toute gratuite daigne opérer en toi. Ma bien-aimée au contraire est si fortement enracinée dans la confiance qu’elle s’abandonne toujours à ma bonté ; c’est pourquoi je ne lui refuserai jamais ce qu’elle désire ». DE LA VERTU D’HUMILITÉ ET DE PLUSIEURS AUTRES VERTUS QUI BRILLÈRENT EN ELLE COMME AUTANT D’ÉTOILES.(…) Un jour pendant la promenade, elle dit au Seigneur, avec un profond mépris d’elle-même : « Le plus grand de tous vos miracles, ô mon Dieu, est que la terre puisse porter une pécheresse telle que moi ! ».
Mais le Seigneur, qui exalte ceux qui s’humilient, lui dit avec bonté : « La terre se laisse volontiers fouler sous tes pas, puisque tout le ciel dans sa grandeur attend avec des tressaillements d’allégresse l’heure bienheureuse où il aura l’honneur de te posséder » . O douceur admirable de la bonté de Dieu qui se plaît à glorifier une âme en proportion de son humilité ! Elle méprisait à ce point la vaine gloire, que si une pensée lui en venait à l’esprit quand elle était occupée à la prière ou à une bonne œuvre elle continuait son acte en se disant : « Si quelqu’un te voit accomplir ce bien, il sera porté à t’imiter, et le Seigneur eu sera glorifié » . Car elle estimait n’avoir pas plus d’importance dans l’Église que n’en a, dans la maison du père de famille, un épouvantail bon seulement à être attaché à un arbre au temps de la récolte, afin de chasser les oiseaux et de garder les fruits. Elle nous a laissé dans ses écrits une preuve assurée de sa douce et fervente dévotion, et Dieu, qui scrute les reins et les cœurs (Ps. VII, 10), daigna en donner lui-même un témoignage. Un homme très pieux se sentit un jour animé d’une grande ferveur, et il entendit ces paroles du Seigneur : « La consolation dont tu jouis en ce moment remplit fréquemment l’âme de cette Élue dans laquelle j’ai établi ma demeure ». Le dégoût absolu qu’elle ressentait pour tous les plaisirs passagers de ce monde atteste merveilleusement la douceur et la joie qu’elle trouvait dans le Seigneur, car, ainsi que l’a dit saint Grégoire : « Ce qui est charnel n’a plus de saveur pour celui qui a goûté les choses spirituelles ». Et le bienheureux Bernard ajoute : « Tout est à charge à celui qui aime Dieu tant qu’il ne jouit pas de l’unique objet de ses désirs ». Un jour donc qu’elle éprouvait du dégoût en face des joies humaines, elle s’écria : « Rien ne peut me plaire ici-bas, si ce n’est vous, ô mon très doux Seigneur ! » Le Seigneur répondit : « Et moi je ne vois rien au ciel et sur la terre qui puisse me plaire sans toi, car mon amour t’unit à toutes mes joies. Si je prends mes délices dans des choses diverses, c’est avec toi que je les trouve ; et plus ces délices sont abondants, plus grande est la part que tu en reçois ». C’est ce que saint Bernard atteste lorsqu’il dit : « Que l’honneur du Roi aime la justice, soit ; mais l’amour de l’Epoux ne demande qu’un retour de tendresse et de fidélité ! » (….) Sa liberté d’esprit était si grande qu’elle ne pouvait supporter, même un instant, quelque chose de contraire à sa conscience. Le Seigneur en rendit lui-même témoignage, car une personne lui ayant demandé ce qui lui plaisait davantage dans cette Élue, il répondit : « La liberté de son Cœur ». Cette personne manifesta. Un grand étonnement et parut faire peu de cas de cette qualité : " Je croyais, dit-elle, ô Seigneur, que, par un effet de votre grâce, cette âme était arrivée à une sublime intelligence de vos saints mystères et possédait un très ardent amour ?". " Oui, il en est ainsi - répondit le Seigneur - et c’est le résultat de la liberté de son cœur. Ce bien est si grand qu’il conduit à la plus haute perfection : à toute heure je trouve ma bien-aimée prête à recevoir mes dons, car elle ne supporte dans son âme absolument rien qui puisse entraver mon action ".
Comme conséquence de cette liberté d’esprit, elle ne gardait à son usage que ce qui lui était indispensable, et si elle recevait quelques présents, elle les distribuait aussitôt au prochain, ayant soin de favoriser les indigents et de préférer ses ennemis à ses amis. Si elle avait quelque chose à faire ou à dire, elle s’exécutait sur-le-champ, dans la crainte que la moindre préoccupation l’éloignât du service de Dieu et de l’assiduité à la contemplation. Le Seigneur daigna révéler que cette conduite lui était agréable : Un jour il se montra à Dame M., notre chantre, assis sur un trône magnifique. Devant lui, celle-ci semblait marcher, aller et venir, dirigeant sans cesse son regard vers le Seigneur, et très attentive à suivre les moindres indications de son Cœur sacré. Comme M. admirait ce spectacle, le Seigneur lui dit : « Tu le vois, mon Élue se tient toujours devant moi et cherche sans cesse à connaître mon bon plaisir. Quand elle l’a découvert, elle emploie toutes ses forces à l’accomplir, pour revenir bientôt rechercher mes autres volontés et les exécuter fidèlement : c’est ainsi que toute sa vie est consacrée à ma louange et à ma gloire ». — « Mais, reprit M., si sa vie est admirable, d’où vient qu’elle juge parfois avec tant de sévérité les fautes et les négligences d’autrui ? » Le Seigneur répondit avec bonté : « Comme elle ne souffre jamais la moindre tache sur son âme, elle ne peut tolérer avec indifférence les défauts du prochain ».
(….) Elle possédait à un très haut degré la vertu de discrétion : en effet, bien que surabondamment instruite du sens et des paroles de la sainte Écriture, à ce point que tous venaient demander ses conseils et se retiraient ensuite ravis de sa haute prudence, cependant, lorsqu’il s’agissait de sa propre conduite, elle cherchait, par une humble discrétion, l’avis de ses inférieurs eux-mêmes et les écoutait avec tant de déférence, que presque toujours elle abandonnait ses idées personnelles pour adopter celles d’autrui. Il nous paraîtrait superflu de montrer comment chaque vertu brillait en elle d’un vif éclat, à savoir - l’obéissance,
- l’abstinence,
- la pauvreté volontaire,
- la prudence,
- la force, la tempérance,
- la miséricorde,
- la charité fraternelle, la constance,
- la reconnaissance,
- la joie du bonheur d’autrui,
- le mépris du monde,
- et bien d’autres encore,
car nous avons vu que cette âme possédait à un haut degré la discrétion, appelée mère de toutes les vertus. Elle avait aussi cette admirable confiance, fondement de toutes les vertus, et à laquelle Dieu ne refuse rien, surtout lorsqu’il s’agit de biens spirituels ; et la noble humilité, fidèle gardienne des vertus, avait, comme nous l’avons dit, jeté dans son âme de profondes racines. En parlant de sa charité envers Dieu et le prochain, nous avons prouvé que cette vertu, reine des reines, avait établi son trône en elle et se traduisait à l’extérieur par les témoignages d’une compatissante bonté. Nous omettrons donc de parler en détail de ses autres vertus, bien qu’un bon nombre de faits surpassent ceux que nous avons cités, et soient de nature à charmer le dévot lecteur plutôt qu’à le lasser. Ce que nous avons dit suffira à prouver que cette Elue fut un de ces cieux dans lequel le Roi des rois daigne habiter comme sur un trône parsemé d’étoiles. QUELQUES MIRACLES.Au mois de mars, le froid se fit sentir avec une telle rigueur que la vie des hommes et des animaux semblait menacée. De plus, celle-ci entendait dire qu’il n’y avait à espérer aucune récolte cette année-là, parce que, d’après la disposition de la lune, le froid durerait encore longtemps. Un jour donc, à la messe où elle devait communier, elle pria dévotement le Seigneur à cette intention, et demanda d’autres grâces encore. Le Seigneur lui répondit : « Sois assurée que toutes tes demandes sont exaucées ». Elle reprit : « Seigneur, si je suis vraiment exaucée, et s’il est juste de vous rendre grâces, veuillez m’en donner une preuve en faisant cesser ce froid rigoureux » . Cela dit, elle n’y songea plus, mais lorsqu’elle sortit du chœur après la messe, elle trouva le chemin tout inondé par suite de la fonte des neiges et des glaces. Ceux qui voyaient un tel changement se produire contrairement aux lois de la nature en étaient fort étonnés, et comme ils ignoraient que l’Élue de Dieu l’eût obtenu par ses prières, ils répétaient que malheureusement ce temps ne durerait pas, parce que c’était contraire à l’ordre régulier des choses. II se maintint toutefois et dura sans interruption pendant le printemps qui suivit. Une autre fois, à l’époque de la moisson, comme il pleuvait continuellement, et que partout l’on priait avec instance, tant on craignait la perte des récoltes, celle-ci, s’unissant au peuple, offrit de si instantes prières afin d’apaiser le Seigneur, qu’elle obtint la promesse formelle d’un temps plus favorable. Il arriva en effet que ce jour même, quoique de gros nuages couvrissent encore le ciel, le soleil parut et éclaira toute la terre de ses rayons. Un soir après le souper, la communauté était allée dans la cour pour un travail. Le soleil brillait encore, mais on voyait de gros nuages chargés de pluie suspendus dans les airs. J’entendis alors moi-même celle-ci dire au Seigneur : « O Seigneur, Dieu de l’univers, je ne désire pas que vous accomplissiez comme de force mon humble volonté ; car si votre infinie bonté tient cette pluie suspendue dans les airs à cause de moi, et contrairement à ce qu’exigent votre gloire et la rigueur de votre justice, je vous en prie, que les nuages se déchirent et que votre très aimable volonté s’accomplisse » . O merveille ! Elle n’avait pas dit ces mots, que le tonnerre retentit, et que la pluie tomba avec abondance. Dans sa stupéfaction, elle dit au Seigneur : « O Dieu très clément, s’il plaisait à votre Bonté de retenir la pluie jusqu’à ce que nous ayons terminé ce travail enjoint par l’obéissance ? » . Et le Seigneur, si rempli de condescendance, retint la tempête jusqu’à l’achèvement de la besogne des sœurs. Mais à peine avaient-elles franchi les portes, qu’une pluie torrentielle accompagnée d’éclairs et de tonnerre s’abattit avec violence, et deux ou trois sœurs qui s’étaient attardées rentrèrent toutes mouillées. D’autres fois encore elle recevait miraculeusement l’assistance divine, sans formuler de prière, mais par une seule parole et comme en se jouant : si, par exemple, elle travaillait assise sur un tas de foin et que son aiguille ou son poinçon venait à lui échapper et à tomber dans le foin, aussitôt on l’entendait dire au Seigneur : « Seigneur, c’est bien en vain que je chercherais cet objet ; accordez-moi plutôt de le retrouver ». Puis, sans même regarder, elle plongeait la main au milieu du foin pour en retirer l’objet perdu, et cela avec autant d’assurance que si elle l’avait eu devant elle sur une table. C’est ainsi qu’en toute circonstance elle appelait à son secours ce Bien-Aimé qui régnait sur son âme et qu’elle trouvait toujours en lui un allié très fidèle et rempli de bonté. Une autre fois, comme elle priait le Seigneur de calmer la violence des vents qui amenait une grande sécheresse, elle reçut cette réponse : « II est inutile que dans mes rapports avec toi je me serve du motif qui m’engage parfois à exaucer les prières de mes autres élus, car ma grâce a tellement uni ta volonté à la mienne que tu ne peux vouloir que ce que je veux. Or, ces tempêtes violentes vont ramener vers moi par la prière certains cœurs rebelles à mon amour. C’est pourquoi je n’accueillerai pas ta demande, mais tu recevras par contre un don spirituel ». Elle accepta avec joie cet échange, et trouva désormais sa joie à n’être exaucée que selon le bon plaisir de Dieu. Saint Grégoire nous dit que la sainteté des justes ne consiste pas à faire des miracles, mais plutôt à aimer le prochain comme soi-même, et cet amour, nous l’avons vu animait le cœur de cette Élue. Que le récit de si grands miracles suffise aussi à montrer que son âme était bien la demeure de Dieu. Que la bouche de ceux qui insultent la bonté gratuite du Seigneur soit à jamais fermée, et que la confiance des humbles croisse encore à la vue de ces merveilles, car ils peuvent espérer un profit pour eux-mêmes des bienfaits accordés à chacun des Elus.
Dernière édition par Claude Coowar le 19/12/2016, 22:16, édité 1 fois | |
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 11/12/2016, 08:39 | |
| win.dehon.it/scj_dehon/cuore/.../16_Perroux_MystiqueMédiévale_Gertrude.doc SAINTE GERTRUDE DE HELTFA. « TRADITION et ACTUALITÉ de la MYSTIQUE MÉDIÉVALE ». (Séminaire de Lisbonne, 10-14 mars 2008).
Par le Père André Perroux, scj. 1/3. C’est le titre donné à cette conférence. Je tiens à rassurer tout de suite, au risque de décevoir aussi... : je ne traiterai pas le sujet tel qu’il est ainsi annoncé. Je n’en ai pas la compétence, et en ces termes il dépasse de beaucoup le thème qui m’avait été proposé lors de la préparation de ce Séminaire, à savoir : dans le cadre d’une réflexion autour de la « théologie du coeur », recherche à la fois anthropologique, biblique et historique, évoquer la figure de sainte Gertrude comme un bon témoin d’une mystique qui, dans la tradition monastique du Moyen Âge, engage très fortement les valeurs du coeur. Même réduit ainsi à une plus exacte dimension, il faudrait un spécialiste pour traiter ce thème comme il le mérite. Beaucoup plus modestement, c’est surtout à partir de la place occupée par Gertrude dans l’inspiration dehonienne que je m’étais intéressé à la grande moniale : le Père Dehon en effet la tient en haute estime, il n’oublie pas de la nommer parmi les « saints et saintes du Sacré-Cœur » qui pour lui sont des modèles et des intercesseurs pour sa propre inspiration. Sans bien me rendre compte de ce qui m’attendait j’ai donc accepté. Je l’avoue volontiers : chemin faisant, en lisant l’oeuvre de sainte Gertrude et les auteurs qui l’ont étudiée dans le contexte de son époque, j’ai été surpris de découvrir combien la grande mystique allemande, nourrie de l’Écriture et des Pères, par son expérience spirituelle replacée dans la grande tradition monastique, nous fait entendre une voix originale, peut-être insuffisamment reconnue durant des siècles, et qui peut nous parler encore aujourd’hui. Quelques indications sur les principales sources utilisées : * l’oeuvre de Gertrude, tout d’abord : Sous le titre Ouvres Spirituelles, en 5 volumes la collection Sources Chrétiennes a publié l’essentiel de cette œuvre : les Exercices (n. 127, en 1967), puis Le Héraut de l’Amour divin, nn. 139, 143, 255, 331, de 1968 à 1978). Texte latin, traduction française et notes par plusieurs moines des abbayes de Solesmes et de Wisques (abbaye Saint-Paul, dans le nord de la France, fondée par celle de Solesmes au temps de don Guéranger, + 1875). C’est cette traduction que j’utilise. A la fin du n. 331 (livre V du Héraut) se trouve un Index des citations scripturaires et patristiques et des noms propres, index portant sur les 5 volumes de ces Œuvres Spirituelles. Les moniales de l’abbaye de Wisques avaient publié quelques années plus tôt une traduction française du Héraut, sous le titre lui aussi traditionnel Révélations de sainte Gertrude..., en deux tomes, nouvelle édition 1952 ; le premier volume est enrichi d’une longue préface, pp. VII-XLVII, complétée au début du second volume, pp. LV-LXIX, par une utile « table des personnes et des choses ». * Parmi les études sur Gertrude, je me suis servi surtout des importantes introductions que Sources Chrétiennes a jointes à l’oeuvre elle-même : au n. 127, par J. Hourlier et A. Schmitt, moines de Solesmes (pp. 7-55), et surtout au n. 139, par P. Doyère, moine de Wisques, pp. 9 -100. Ce même auteur a donné l’article « Gertrude », dans le Dictionnaire de Spiritualité : DSp, IV, 331-339 (1967). Soeur Marie-Pascale a publié une Initiation à sainte Gertrude (Cerf 1995) : c’est surtout une anthologie de textes, choisis, introduits et regroupés autour de quelques thèmes majeurs de la vie chrétienne. * Sur la spiritualité du Moyen Âge et spécialement sur la tradition monastique, je renvoie principalement à : Dom J. Leclercq : dans Initiation aux auteurs monastiques du Moyen Âge, l’ouvrage intitulé L’amour des lettres et le désir de Dieu (Cerf 1963). Plusieurs rééditions attestent la valeur permanente de cette étude fondamentale. Dans la “Storia della Spiritualità” (EDB) : les volumes 4/A : La Spiritualità del Medioevo, VI-XII secolo, par J. Leclercq (1986) et 4/B: id. , XII-XVI secolo, par Fr. Vanderbroucke, id., XII-XVI secolo (1991). Ces deux ouvrages sont la version italienne, augmentée et mise à jour, de La Spiritualité du Moyen Âge (1966), deux ouvrages parus dans L’Histoire de la spiritualité (Aubier 1966). Après la rédaction de ces pages, j’ai lu avec intérêt les trois études suivantes dont je n’avais pu prendre connaissance auparavant : . Asti Francesco : Dire Dio. Linguaggio sponsale e materno nella mistica medievale, Libreria Edizioni Vaticane, 2006. Specialmente Ch II: L’amore misericordioso di Dio in Gertrude di Helfta, pp. 73-125. . Dans la collection des “Études Carmélitaines », l’ouvrage Le Coeur, DDB 1950. . Glotin Édouard : La Bible du Coeur de Jésus, un livre de Vie pour les générations du troisième millénaire, Presses de la Renaissance, juin 2007. Une véritable « somme », 765 pages enrichies par quelque 460 notes plus techniques consultables sur un site internet. Un bon index permet de profiter davantage de cette mine d’informations. Je me propose de résumer d’abord la vie de Gertrude dans le contexte de son époque et de fournir quelques indications sur son œuvre, pour ensuite souligner plus longuement les principaux axes de son expérience mystique en ce qu’elle peut contribuer à une « théologie du coeur ». I. Gertrude la Grande, ou Gertrude d’ Helfta... (1256-1301 ou 1302).D’emblée nous voici confrontés à une des nombreuses difficultés qui accompagnent toute recherche au sujet de cette sainte moniale, sa vie, ses oeuvres, et sa doctrine spirituelle. Difficultés qui n’ont été résolues que tardivement et partiellement, grâce notamment à l’apport décisif des travaux récents des moines et moniales des abbayes de Solesmes et de Wisques. Nous devrons nous en souvenir pour nous garder de toute systématisation trop ambitieuse. I. 1. Gertrude : une moniale bénédictine au monastère d ’Helfta. Gertrude d’ Helfta : on la nomme ainsi pour la distinguer d’une autre Gertrude, sa contemporaine, morte en 1291, membre de la famille noble d’ Hackeborn, et qui sera la seconde abbesse du monastère d’ Helfta. On les a confondues durant plusieurs siècles. Helfta, en Saxe, près de la petite ville d’ Eisleben où deux siècles plus tard naîtra Luther (1483-1546) : après bien des péripéties une communauté de moniales s’y installe en 1258. En dépit des troubles permanents fomentés par les rivalités entre petits seigneurs féodaux – et il sera détruit par les premiers partisans de la Réforme luthérienne – pendant plus d’un siècle ce monastère devient un foyer exceptionnellement fervent de vie culturelle et spirituelle. Sa vie s’organise autour de la Règle de saint Benoît, sans dépendance stricte cependant, et sous l’influence plus précise du mouvement de la réforme et de la spiritualité « cistercienne », inspiré par saint Bernard de Clairvaux. Cependant au 13ème siècle le rayonnement direct de l’Ordre bénédictin tend à décroître parmi les communautés monastiques féminines ; l’institution nouvelle des Frères mendiants peu à peu la remplace. A Helfta, ce sont les frères Prêcheurs surtout qui assurent le ministère de la confession et de la direction spirituelle des moniales ; ils sont aussi appelés à conseiller, à évaluer l’orientation théologique et « l’ orthodoxie » de la communauté. Si plusieurs moniales de la communauté d’ Helfta descendent de familles nobles, on ne sait quasiment rien de la famille de Gertrude. Née le 6 janvier 1256, peut-être orpheline très tôt, dès sa petite enfance elle est confiée au monastère auquel est annexée une école : une sorte d’alumnat ouvert aux filles même encore très jeunes. Elles y reçoivent une éducation de grande qualité, ouverte et soignée, dans un milieu de vie qui pour plusieurs est en même temps une première initiation en vue d’une consécration monastique. Ainsi de Gertrude. Très tôt elle se révèle une fille extrêmement douée, d’un naturel agréable (« belle et gracieuse »), affable. L’éveil précoce de son intelligence la porte à s’adonner avec passion à l’étude des lettres – elle rédigera ses méditations en un excellent latin – puis des arts, de la philosophie et de la théologie : sa prédilection va naturellement à l’Écriture sainte, aux Pères de l’Église, surtout Augustin, Grégoire le Grand, Bernard, Hugues et Richard de Saint-Victor. Avec la même aisance elle s’adonne au travail manuel : graphisme et peinture (calligraphie et enluminure, copie de manuscrits...), couture, broderie et travail de la laine. Au témoignage de ses compagnes dont plusieurs seront aussi ses biographes, Gertrude se trouve parfaitement à son aise dans ce milieu très porteur : vivacité de l’intelligence, facilité d’expression, sociabilité, goût pour la musique et le travail d’art. Mais c’est avant tout autour de la prière, de l’Office divin, que la vie du monastère s’organise pour ces femmes qui désirent se consacrer ensemble à Dieu dans le silence et le retrait du cloître. Pendant 40 ans le monastère d’ Helfta est dirigé par Gertrude d’ Hackeborn, une abbesse de grande valeur dont la communauté apprécie l’influence marquée par la prudence, la sagesse et la cordialité. Jusqu’à sa mort, en 1291, elle sera pour sainte Gertrude, de 5 ans plus jeune qu’elle, la référence sûre, par l’exemple de sa vie et la disponibilité dans l’écoute et le conseil. En outre pendant des années Gertrude va partager l’amitié de Mechtilde de Hackeborn (1241-1298), sœur de l’abbesse, elle aussi entrée jeune à Helfta et très tôt chargée de la direction de l’alumnat. Favorisée comme sa jeune compagne d’une expérience mystique très avancée, pour Gertrude elle devient vite et jusqu’à sa mort en 1298 sa plus intime confidente dans le partage de ce que toutes deux elles vivent chacune selon sa grâce. C’est au sein de leur communauté, dont plusieurs membres sont d’authentiques mystiques, et selon la direction de leur abbesse, qu’après beaucoup de réticence elles consentiront à faire connaître quelque chose des « révélations » qu’elles reçoivent de Notre Seigneur. Mais, ne serait-ce que pour compléter ce bref aperçu sur le cadre de vie de Gertrude, vers 1270 s’y adjoint une seconde Mechtilde, Mechtilde de Magdebourg (1207-1294 ?) : après avoir appartenu au béguinage de cette cité, elle vient terminer sa vie à Helfta où elle achève la rédaction, en allemand, du récit de ses « visions » . Son livre, La lumière de la divinité (Das fliessende Licht der Gottheit, traduit ensuite en latin sous le titre Lux fluens divinitatis), est tout entier un dialogue entre la moniale et le Christ son Époux. Il exerça une profonde influence autour d’elle, en particulier sur ses compagnes. Gertrude, plus jeune de 50 ans, en reprendra l’orientation affective, une spiritualité du « coeur », mais sans retenir l’insistance de Mechtilde qui peu après, autour du Dominicain Maître Eckart (1260-1328) et la « mystique de l’essence », caractérisera le courant de l’école « rhénane ». I. 2. La « conversion »Voici présenté à grands traits le cadre de vie de Gertrude : une communauté monastique exceptionnelle, rencontre de personnes douées de riches qualités humaines, unies par une fervente passion pour Dieu. C’est dans ce monastère que Gertrude vivra les 46 ans de sa vie (1256-1301/1302). Le monastère d’ Helfta comptera jusqu’à cent moniales, il sera connu comme une « véritable ruche pleine de vitalité » ; un foyer qui, par les personnes et les communautés qui désireront participer à sa prière et à ses oeuvres, étendra son influence bien au-delà de sa région et des quelque trois siècles de son existence (1524, lors de la « guerre des Paysans »). L’insistance y est mise nettement sur la ferveur personnelle et sur la vie fraternelle. Comme dans tous les monastères de mouvance cistercienne, et spécialement parmi les monastères féminins, la vie y est centrée autour de l’Opus Dei, l’Office de la prière liturgique qui rythme le déroulement des jours. L’Eucharistie en est le coeur, et elle est particulièrement soignée à Helfta. Autour de la liturgie s’organisent l’étude et le travail manuel. Sans compter les nombreux petits « détails » quotidiens d’une importante communauté féminine cloîtrée : les écrits de Gertrude et sur elle abondent en notations très concrètes qui nous la rendent proche et très humaine. Au dire de ces biographes, pour un regard extérieur aucune manifestation exceptionnelle (extase, apparitions, miracles ou pratiques extraordinaires de pénitence...) n’attirera l’attention sur elle : c’est bien surtout par la qualité de sa présence parmi ses compagnes que l’on appréciera la richesse de sa vie intérieure. D’elle on remarque notamment l’application assidue à l’étude, l’étendue de la culture, et à partir de sa « conversion » surtout, le zèle à contribuer à la beauté de la liturgie, le souci de perfection dans le chant au choeur. Mais c’est avant tout l’influence discrète mais croissante qu’elle exerce autour d’elle qui lui vaut sa place au sein de la communauté : pénétration et clarté de l’intelligence, intensité et fidélité dans la vie d’oraison, simplicité et cordialité dans la vie fraternelle. Une santé fragile, très tôt mise à l’épreuve, un état permanent de faiblesse et de grandes souffrances physiques, la tiennent à l’écart de toute charge officielle et l’obligent à s’absenter souvent de l’Office : c’est pour elle une douloureuse privation dont elle se plaint amèrement mais qu’elle assumera dans le dialogue personnel avec le Seigneur. En réalité pour sa communauté et au-delà, peu à peu elle offre le service de son écoute, de son accompagnement : des laïcs, des personnes consacrées recourent volontiers à son aide dans la prière et pour la clairvoyance de son conseil, fruit de ses qualités humaines et de son expérience spirituelle. Je viens de parler de « conversion » : c’est le mot que Gertrude elle-même emploie pour relater ce qui a marqué le tournant d’une vie qui semblait promise à suivre un cours sans relief particulier. Après quelques semaines de mélancolie et de trouble, solitude et lassitude, le soir du 27 janvier 1281, dans le silence qui prolonge l’office des Complies en ce lundi, veille de la Purification de Marie, - Gertrude est alors dans sa vingt-cinquième année – une « vision » vient bousculer sa vie monotone. Une lumière intérieure qui ira s’intensifiant lui fait percevoir avec évidence les limites, et même l’inanité de l’existence qu’elle mène depuis presque vingt ans : où la passion pour l’étude tend à occuper toute l’attention, où l’organisation minutieuse de la vie quotidienne est acceptée, supportée comme une structure solide mais sans être vivifiée par l’âme qui lui donnerait son vrai sens. C’est du moins ainsi qu’elle s’en explique, car elle reviendra maintes fois sur cette « conversion ». Elle sera sévère pour dénoncer sa tiédeur et sa médiocrité antérieures, « les épaisses ténèbres qui m’environnaient », « la tour d’orgueil insensé », alimenté de vaine gloire et de curiosité, dans laquelle elle s’était comme emmurée. La « crise » est décisive pour la jeune moniale : c’est le sursaut, le début d’une nouvelle vie de foi et d’amour : un « lundi sauveur », « jour à jamais béni ! » . Pour la suite de sa vie, Gertrude passe alors de l’intérêt passionné pour la culture, de la science des lettres, de l’observance formelle à la Règle, à une union très personnelle et fervente au Christ Seigneur : en quelques mots, de l’intellectualisme assez impersonnel à une aventure mystique qui engage tout son être. Aussitôt et selon une intensité qui loin de se démentir ira en s’amplifiant, c’est son « coeur » surtout qui est « converti ». Très consciente de son indignité, dans cette transformation elle voit l’oeuvre de la grâce de Dieu, sa prévenance toute gratuite ; elle y correspond par un amour fervent pour Jésus, le Fils de Dieu contemplé en sa sainte Humanité, dont elle cherche et trouve la Présence dans l’Écriture, par l’Eucharistie, en la communion de l’Église. Désormais Gertrude ne cessera de célébrer cette divine et très humaine Présence, telle qu’elle l’éprouve au plus profond d’elle-même : « in intimis, in visceribus, in interioribus cordis ». Elle aurait voulu garder secrète cette « conversion » qu’elle ne s’explique pas et qui pourtant la comble à la fois de confusion et de reconnaissance. Ainsi pendant plus de huit ans : dans l’humilité et le repentir, retenue par la pudeur et la surprise émerveillée sur ce qui touche à sa vie la plus intime, elle ressent vivement la difficulté sinon l’impossibilité de communiquer de façon juste et fructueuse ce qui excède constamment toute expression. Mais c’est aussi selon les qualités qui la caractérisent au plus vrai de ce qu’elle est, simplicité, franchise, délicatesse du coeur, intelligence lucide et pureté d’intention, qu’elle progresse dans cette intimité avec Notre Seigneur. Autour d’avril 1289, de Celui qui est tout pour elle, elle reçoit l’appel à ne pas laisser enfoui dans la « boue » de son être (c’est son expression) le trésor de ces rencontres privilégiées. Mechtilde, qui en reçoit la confidence, l’encourage à écrire, puis plusieurs de ses compagnes insistent, et enfin son abbesse Gertrude et le directeur spirituel de la communauté lui en donnent l’ordre. Elle se met donc à la rédaction de ses « Révélations » : la tâche l’effraie, mais elle s’y emploie par toutes ses immenses capacités d’intelligence et de coeur, car elle y voit une volonté de son Seigneur. Si Il l’a discernée et « convertie », c’est bien pour faire germer par elle et autour d’elle comme « un avant-goût de ce que sera la surabondance de son amour ». I. 3. Le Héraut de l’Amour divin.C’est le titre qu’elle donne à son récit qui par la suite connaîtra plusieurs autres formulations (les Insinuations, les Révélations de la Divine Piété...), avant celle qui maintenant est couramment reçue : Le Héraut de l’Amour divin. Le Héraut, autrement dit le Messager (en latin le Legatus) : le légat envoyé par son prince, revêtu de son autorité et porteur de ses bienfaits, pour préparer la rencontre avec celui qui l’envoie. _________________________________________________________________________________________________________________________ Quelque 300 ans après, Thérèse de Jésus, entrée au Carmel d’Avila à 21 ans, entendra 16 ans plus tard le nouvel appel qui va changer profondément sa vie (1553). __________________________________________________________________________________________________________________________ Ce Prince, ici, c’est le Dieu d’amour qui en Christ Seigneur vient à nous pour nous combler de sa tendresse. Ce titre confirme bien l’intention de l’écrit : par le partage de ce qui est vécu au jour le jour, éveiller à l’expérience personnelle de ce que l’amour de Dieu réalise en nos coeurs, de l’amour à l’amour, du Coeur au coeur. L’ouvrage tel qu’il nous est parvenu comprend cinq livres. Il s’agit en réalité d’une compilation, dans laquelle seul le livre II est sûrement l’oeuvre personnelle de Gertrude. Les livres III, IV et V ont été rédigés par une ou plusieurs de ses compagnes, et de son vivant pour l’essentiel : c’est la reprise de conversations et confidences diverses (livre III), de « révélations » données selon l’ordre liturgique des fêtes (livre IV), enfin de notices de personnes défuntes, moniales surtout, qui ont bénéficié de l’exemple et de l’intercession de Gertrude (livre V). Le livre I, rédigé après la mort de la Sainte par une moniale de sa communauté, est en quelque sorte une première biographie, de style nettement hagiographique. De cette compilation, mis à part le livre II il n’est pas facile de repérer ce qui revient personnellement à Gertrude, alors trop éprouvée dans sa santé pour assumer elle-même la rédaction de ce qui pourtant la concerne directement. C’est donc avant tout au livre II que je me réfère pour la suite de cette présentation : le livre où sont relatées sa « conversion » puis les grâces mystiques dont elle a été favorisée pendant les huit années qui ont suivi. L’activité littéraire de Gertrude, en allemand et en latin, ne s’est pas limitée au Héraut. On sait qu’elle a écrit plusieurs petits traités, sur la sainte Écriture, sur la théologie et la vie spirituelle : beaucoup ont été perdus, sauf les sept Exercices spirituels (cf. Sources chrétiennes, n. 127). Sous le titre Prières de sainte Gertrude, il existe un florilège, œuvre d’un jésuite de Cologne publié en 1670 et qui a connu un large succès attesté par les nombreuses rééditions. La tradition littéraire de l’oeuvre gertrudienne a été très tourmentée. Pendant quelque 250 ans, la grande mystique d’ Helfta est restée quasiment inconnue, parce que confondue avec l’une ou l’autre des deux Mechtilde ses compagnes, celle de Magdebourg (La Lumière de la Divinité), ou celle d’ Helfta, sa confidente et amie la plus proche (Le Livre de la Grâce spéciale). Redécouverte au milieu du 16ème siècle par Lansperge, un Chartreux de Cologne, une partie de son œuvre, non la plus personnelle cependant, a connu assez vite la célébrité, surtout au cours du 19ème siècle. On peut retenir notamment les Exercices spirituels et les Prières, celles surtout consacrées à la préparation à la mort (le livre que la mère du Père Dehon avait entre les mains au moment de sa mort) et la prière pour les défunts du Purgatoire : très souvent reprises en des imitations plus ou moins heureuses, elles reflètent d’assez loin ce qui caractérise l’expérience mystique et le style de la moniale d’ Helfta.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 11/12/2016, 09:14 | |
| SAINTE GERTRUDE DE HELTFA. « TRADITION et ACTUALITÉ de la MYSTIQUE MÉDIÉVALE ». (Séminaire de Lisbonne, 10-14 mars 2008).
Par le Père André Perroux, scj.
2/3. II. Pour une contribution à une « théologie du coeur » : sainte Gertrude et la tradition monastique médiévale...Nous abordons maintenant la seconde partie de cet exposé. Je l’annonce sous un titre bien ambitieux : non seulement disproportionné par rapport à ma compétence, mais déjà par le contenu de son énoncé : dans la tradition monastique du Moyen Âge, parmi les moines et les moniales, existe-t-il vraiment une « théologie du coeur », et dans quel sens ?
Nous y découvrons assurément une très riche expérience mystique, nombreux en sont les témoins dans les monastères masculins et féminins surtout. Et c’est une expérience qui, avec bien des nuances certes selon les personnes et les courants, engage profondément le coeur, toute la personne en toutes ses capacités et énergies, dans la recherche et la contemplation de Dieu. Plus que par un exposé systématique elle nous est connue à travers le témoignage de ceux et celles qui l’ont vécue : c’est pourquoi j’ai pensé utile de présenter brièvement un de ces témoins, sainte Gertrude, dans le déroulement de sa vie, dans le cadre de sa communauté, pour situer quelque peu cette expérience qui est bien l’essentiel de l’héritage qu’elle a transmis à l’Église. Il nous faut maintenant revenir quelque peu sur cette expérience, en repérer les principales composantes, et voir dans quelle mesure elle peut contribuer à élaborer une éventuelle « théologie du coeur ». II. 1. Bref aperçu sur la mystique médiévale.Au cours des dix premiers siècles de son histoire, en continuité immédiate avec la période apostolique, pour vivre son adhésion au Christ la communauté chrétienne s’est nourrie principalement de l’Écriture sainte, à l’école de ceux que l’on appelle à juste titre les « Pères de l’Église » : ceux qui l’ont éduquée à vivre la foi chrétienne en dialoguant avec les diverses cultures de notre monde. Ce sont principalement des Pasteurs et des évêques, des docteurs, dont plusieurs comptent parmi les initiateurs du monachisme chrétien... : à travers leur vie et leur ministère, par leur œuvre prêchée et écrite, sous l’assistance de l’Esprit ils ont contribué à ce que la Parole de Dieu accomplie en Jésus-Christ devienne effectivement événement de salut et règle de vie, en communion ecclésiale, dans la suite des générations tout au long de l’histoire.
Ainsi, pour ne retenir que quelques noms parmi les plus marquants : Origène (185-253), Ambroise (339-397), Jean Chrysostome (345-407), Jérôme (347-420), Augustin (354-430), Grégoire le Grand (540-604). Une relative décadence marque les siècles suivants, notamment les « siècles obscurs » (10ème et 11ème siècles). C’est à partir de l’extension du monachisme, surtout avec la réforme suscitée par Grégoire VII (1020-1085), que se dessine un nouvel élan qui connaîtra son sommet avec Anselme (1033-1109) et surtout Bernard de Clairvaux (1090-1153), souvent reconnu comme « le dernier des Pères ». Sans perdre son unité de fond, et en relation étroite avec l’évolution de la société qui introduit le Moyen Âge, cet élan se diversifie en deux axes majeurs. - Un axe insistera sur l’aspect intellectuel : autour des « Écoles » et des cathédrales jusque vers la fin du 12ème siècle (abbaye de Saint-Victor de Paris, de Saint-Thierry près de Reims, cathédrale de Chartres...), puis des Universités (13ème et 14ème siècles : Bologne, Paris, Oxford...). Bénéficiant de la redécouverte des grands penseurs de l’Antiquité, l’Occident chrétien connaît alors une véritable renaissance intellectuelle, en maints secteurs dont la philosophie et la théologie. Cette dernière, qui jusqu’alors était principalement « lectio » prolongée en d’abondants commentaires, s’organise peu à peu pour devenir une vraie science : elle pratique la dialectique et tend à la systématisation, avec de nombreuses variantes... Je ne mentionne ici que la très féconde « école » de l’abbaye des Chanoines réguliers de Saint-Victor à Paris, en raison de l’influence qu’elle exercera en particulier sur le courant mystique, spécialement sur sainte Gertrude. Hugues (1096-1141), comme elle originaire de Saxe, et Richard surtout (1123-1173), écossais, témoignent de l’essai de convergence recherchée entre la science théologique et l’expérience mystique : « Si l’amour est le tout, la Vérité de Dieu, il doit être aussi le tout, la vérité de l’homme », déclare Richard de Saint-Victor. On n’oublie pas non plus combien parmi les grands théologiens scolastiques, pour saint Thomas d’Aquin (1228-1274) le projet scientifique a toujours été porté et finalisé par l’intention mystique ; saint Bonaventure (1221-1274) et « l’école franciscaine » développeront une véritable « dévotion » au Christ, une théologie à forte dimension affective. - Mais c’est surtout à travers l’institution monastique, elle aussi très diversifiée, que s’épanouira la mystique médiévale, selon l’inspiration de la Règle de saint Benoît (480-547), « le patriarche des moines ». Avec saint Grégoire le Grand (vers 540-604) : préfet de la ville de Rome, puis moine – envoyé comme nonce du Pape à Constantinople il s’y fait accompagner de quelques moines pour y poursuivre la vie monastique – il est élu Pape en 590. Son pontificat sera relativement court, mais Grégoire exercera une influence unique sur tout le Moyen Âge, en particulier comme maître de vie spirituelle (ses Moralia in Job, ses homélies sur Ézéchiel et sur les Évangiles) : c’est l’annonce du second axe, complémentaire du précédent. Quatre siècles après saint Grégoire, la personnalité qui prendra le relais sera saint Bernard de Clairvaux (1090-1153), le fondateur et le maître incontesté de l’école cistercienne (il entre à Citeaux en 1112). Inlassable et assidu « ruminant » et prédicateur de l’Écriture – en particulier le Cantique des cantiques, sur lequel il a laissé 86 sermons, et il doit s’arrêter à la fin du troisième chapitre ! – nourri de la tradition patristique, alliant une intelligence pénétrante et une très vive sensibilité, Bernard fait de la communion au mystère de Jésus Christ la ligne unificatrice de sa pensée et de sa vie. Par la prise de conscience très personnelle de son péché et dans l’accueil passionné de la rédemption accomplie en Christ, il approfondit la connaissance par le coeur en l’ordonnant à la possession de Dieu dans l’amour, cet amour « qui ne passera jamais ».
Avec lui le 12ème siècle naît vraiment à la « spiritualité affective » : la place de l’affectivité dans la vie spirituelle est fortement mise en relief, et désormais pour la théologie mystique l’union à Dieu relève davantage de l’ordre de l’amour (affectus) que de l’ordre de l’intelligence (intellectus) : cf. DSp II/B, 2291sq. Pour longtemps l’influence de l’abbé de Clairvaux sera tout à fait déterminante, notamment parmi les moniales, en particulier pour Gertrude : à partir de lui la vie monastique tend à devenir surtout « école de la charité », au sens de la « dévotion » et de la ferveur qui unifie et pacifie tout l’être. II. 2. Vers une « théologie du coeur » ? C’est en effet surtout parmi les monastères féminins qu’à partir du 12ème siècle cette mystique plus affective qu’intellectuelle trouvera son terrain privilégié. Monastères où cependant la « théologie » reste à l’honneur ; mais c’est une « théologie » qui se qualifie comme une fervente quête de Dieu, à partir d’une profonde expérience spirituelle. Une théologie tout entière au service de la contemplation. Elle se garde bien, notamment à Helfta, de déprécier la science et la culture, selon le ferme avertissement de saint Bernard : « l’épouse du Seigneur ne doit point être sotte ! ». Gertrude en est un exemple parmi les meilleurs, et avant elle et plus qu’elle encore, la géniale Hildegarde de Bingen, (1098-1179), que notre époque redécouvre dans l’étendue de sa personnalité. Mais cette théologie pratique très peu l’abstraction et la dialectique. Beaucoup plus proche de la démarche et du langage bibliques, elle s’exprime de préférence par le symbole et par la poésie : pour communiquer une rencontre que ne peut épuiser aucune expression, pour en faire pressentir par le langage des images, de l’enthousiasme et de l’amour, la gratuité et l’inépuisable richesse. L’intention de fond reste bien la recherche de Dieu, l’attention à sa Parole, la communion à sa vie, mais non plus par la discussion et la systématisation à son sujet. Dans la simplicité et l’humilité du coeur, on veille à se garder de l’orgueil et de « l’enflure » que génère souvent la science (cf. 1 Co 8, 1), résolument on renonce à « prendre le chemin de grandeurs et de merveilles qui nous dépassent ». Au contraire, dans le désir de louange et d’adoration renouvelé et nourri quotidiennement par l’office de la prière liturgique, cette « théologie », qui est surtout un persévérant propos d’accueil et de communion, conduit au repos en Dieu dans la paix et le silence du coeur, « comme le petit enfant sur le coeur de sa mère » (Ps. 131) : ces deux textes bibliques sont souvent commentés en ce sens. C’est pourquoi pour cette tradition mystique, la première place revient sans conteste à l’expérience de l’amour, l’expérience intérieure et personnelle qui ressort de la vie bien plus que de la communication verbale. Il s’agit avant tout de « goûter », de savourer la réalité du mystère de Dieu, de se laisser pénétrer de la Présence du Christ en sa sainte Humanité, en communion d’Église et donc par ses sacrements. Pour citer encore saint Bernard, c’est « au livre de l’expérience de votre coeur, bien plutôt que dans un manuscrit, qu’il faut lire ». Car « ce qui rend sage, ce n’est pas la connaissance, c’est la crainte qui touche le coeur ». Dans ces maximes ciselées où l’on reconnaît aisément la dépendance par rapport à la « sagesse » biblique, la « crainte » signifie avant tout la foi et l’adoration, le respect et la confiance : un comportement qui n’a que bien peu à voir avec la peur mais qui au contraire est très proche de l’amour. Quant à la connaissance, loin d’être discréditée elle est comme entraînée et assumée par l’intention de contemplation. Elle est vécue avant tout comme accueil et respect, admiration – l’admiration : « cette joie suprême de l’intelligence » – elle avive le désir, elle éveille à la louange et au consentement. Autant et plus que chercher à scruter la vérité, on désire l’aimer et y adhérer par toutes les capacités du coeur : « car on ne connaît pas pleinement Dieu si on ne l’aime pas de tout notre coeur ». De nouveau nous sommes renvoyés à la prégnante signification de la « connaissance » selon la Bible : un chemin de communion et de transformation, une expérience qui implique toute la personne dans la réciprocité du don, accueil et réponse. Autant que le permet la présente condition elle est dès maintenant épanouissement et certitude selon la foi, mais dans l’attente et la persévérance (cf. Rm 8, 25), avec la conviction qu’elle ne s’épanouira pleinement que dans l’au-delà de notre condition mortelle : « Quand viendra la perfection..., alors je connaîtrai comme je suis connu » (1 Co 13, 12). Tenter de résumer ainsi ce qui est la caractéristique essentielle de la mystique médiévale telle qu’elle est vécue et attestée spécialement parmi les monastères féminins, c’est en même temps repérer les aspects les plus significatifs de la vie spirituelle de sainte Gertrude elle-même, sans l’isoler évidemment de tout le contexte de son époque, notamment de la grande époque de l’efflorescence mystique en sa communauté d’ Helfta. Est-ce pour autant esquisser une « théologie du coeur » ? On peut l’admettre : mais en rappelant combien cette expression, « théologie du coeur », demanderait à être beaucoup précisée, comme du reste tout ce qui touche à la « mystique » : vocabulaire, phénoménologie de ses formes et de ses expressions dans la vie, et surtout son contenu spécifique. Cf. à ce sujet, dans le Dictionnaire de Spiritualité (DSp., X, 1889-1984), l’abondant article sur la Mystique... Et plus récemment, dans le Dictionnaire de la vie spirituelle (pp.742-754), l’article « Mystique chrétienne », qui propose une typologie et une théologie de l’expérience mystique chrétienne en la situant par rapport aux mystiques non chrétiennes. Les conférences précédentes nous l’ont montré, selon la sensibilité de notre temps, pour la recherche anthropologique et spécialement dans la Bible et dans la tradition monastique, le « coeur » occupe une place tout à fait primordiale : en particulier par l’étendue et la diversité de ses résonances, ce qui ne facilite pas la démarche spécifiquement théologique. Mais en contraste on peut le noter aussi: si l’on excepte les considérations anthropologiques, et notamment le coeur de l’homme considéré comme siège de l’affectivité, et surtout l’abondante place donnée au Coeur de Jésus, à l’origine et à l’histoire de la spiritualité et de la dévotion au « Sacré-Cœur » , on ne trouve pratiquement pas de réflexion théologique approfondie sur le coeur : ainsi, rien explicitement dans le Dictionnaire de Théologie, le Dictionnaire de Spiritualité, le Dictionnaire de la vie spirituelle. Dans le DSp II/B, 2278-2307, l’article Cor et cordis affectus est avant tout une enquête historique, très précieuse cependant par l’ampleur de sa documentation. II. 3. Selon l’intuition biblique, pour la mystique médiévale le « coeur », c’est l’intériorité de toute la personne.Dans le langage des mystiques, reflet imparfait de leur expérience, notamment dans le témoignage de sainte Gertrude, c’est surtout autour de la valeur d’intériorité que le coeur est mentionné ; et compris en ce sens il l’est très souvent, selon bien des nuances mais toujours en étroite dépendance par rapport à la perspective de l’Écriture sainte. Nous venons de l’entendre, dans la Bible le coeur , distinct de la népésh et de la rûah, désigne avant tout le centre le plus profond de l’être, l’être intime et secret où le regard humain ne peut jamais pénétrer complètement. C’est toujours indirectement que le coeur se laisse percevoir : à travers ce que nous nommons les émotions (sentiments, passions et affections), ou l’intelligence (l’attention, la connaissance, la sagesse...), ou l’orientation de la volonté (choix et décisions, vie morale...) et par les comportements . Source de toutes les modalités de présence et d’action, il en est l’acteur invisible tout en restant mystère inaccessible. Il qualifie ainsi la personne en ce qu’elle est d’originale, unique et unifiée en ses diverses potentialités, et en ce qu’elle comporte de responsabilité, devant elle-même, dans la relation à autrui, et plus profondément devant Dieu, qui seul « connaît » vraiment le coeur humain : il le « sonde », il le « scrute »... Expression à la fois la plus élevée et la plus profonde de la personne par-delà toutes les apparences, il est donc par excellence le « siège » de la relation entre l’homme et son Dieu. Une relation offerte par Dieu, elle dépend en même temps de la liberté de la personne. Elle peut donc être refus : c’est alors « l’incirconcision » du coeur, l’endurcissement traduit par l’image de « la nuque raide » ; c’est l’oubli, l’indifférence, l’aveuglement. Le coeur est alors « coeur de pierre », coeur « aveugle », « perverti » et « rebelle », coeur « double » ... ; de ce coeur sourd et rebelle vient tout ce qui souille et qui fausse l’homme (cf. Mt 15, 18sq). Cette perversion est la plus grave qui soit : alors qu’un rite extérieur peut laver la souillure contractée par le contact physique avec un cadavre, seule l’intervention de Dieu peut guérir, changer vraiment le coeur « impie » du « malfaisant », habité et possédé par le mal. Mais cette relation peut surtout signifier conversion, par l’humilité, l’écoute et l’accueil : la vie du juste s’épanouit dans la vérité, elle devient alors sereine et ferme parce qu’en son coeur réside la loi de son Dieu , dit le Psaume 37, 31. Viendra le jour où sera révélée la grâce de la « Bonne Nouvelle » en Christ : semence généreusement semée, lorsqu’elle tombe dans « la bonne terre », à savoir « un coeur noble et généreux qui retient la parole », elle fructifie merveilleusement « à force de persévérance » (Lc 8, 15). C’est alors le renouvellement du coeur, rendu disponible et fécond pour vivre enfin l’alliance : une alliance toute « nouvelle », fondée sur l’amour car Dieu lui-même « mettra sa Loi au fond de l’être et l’écrira sur le coeur ». C’est le « coeur de chair », le « coeur nouveau », en quelque sorte le sanctuaire intérieur de l’alliance, qui se rajeunit sans cesse dans l’amour parce qu’un « esprit nouveau » le guérit et le vivifie pour le rendre perméable à l’action de Dieu : une reprise radicale et permanente de tout l’être. Œuvre à la fois tout intérieure et prodigieuse, œuvre de Dieu, en vérité une « nouvelle création », que Dieu lui-même avait annoncée par ses prophètes au moment le plus critique de l’histoire de son peuple (cf. Jr 31, 33sq ; Ez 36, 26-27. Et 2 Co 5, 17). Ces textes sont souvent visités par le Père Dehon, comme aussi de nombreux textes de la littérature sapientielle : ils mettent en valeur cette « éducation du coeur » si souvent évoquée par sainte Gertrude, et dont nous a parlé le Père Carlos Luis précédemment. C’est bien selon cette acceptation que le coeur acquiert une dimension proprement théologique. Car en ce « coeur » est répandu par l’Esprit l’amour de Dieu (Rm 5, 5) ; sur lui et non plus sur des tables de pierre est gravée la Loi nouvelle pour la réussite du projet de l’Alliance. C’est « l’homme nouveau », et les mystiques y insistent, « l’homme intérieur » : le coeur est par excellence le « lieu » du désir, de l’attente et de la rencontre, il est la source de l’authentique fidélité, il est le sanctuaire de la prière en tout ce qu’elle connote. La grande prière de saint Paul en Éphésiens 3, 16-19 rassemble en une merveilleuse harmonie ces résonances convergentes : « Que le Père... daigne... vous armer de puissance par son Esprit pour que se fortifie en vous l’homme intérieur ; que le Christ habite en vos coeurs par la foi ; et que vous soyez enracinés, fondés dans l’amour... Ainsi vous connaîtrez l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance, et vous entrerez par votre plénitude dans toute la Plénitude de Dieu ». L’homme « intérieur » : autrement dit le « coeur », la personne guérie et désormais recréée, enracinée et fondée, unifiée et simplifiée par la force de l’Esprit, par la présence du Christ qui y établit sa demeure, par la vie de la foi et par l’expérience de l’amour, connaissance au-delà de toute connaissance . En cela, où se résume tout le « Mystère du salut », saint Paul qui en a été établi le « ministre » indique le chemin que suivront les mystiques : ils implorent cette « connaissance » de la tendresse du Père « selon la richesse da sa gloire », et reçue comme un don de force pour « comprendre » l’insondable dimension de l’amour du Christ en qui le Père nous comble, afin que nous participions à toute la Plénitude de Dieu. Cette prière de l’Apôtre prolonge et confirme celle qui, après la grande « bénédiction » pour « l’économie de salut » (Ep 1, 3-14), ouvre la même lettre aux Éphésiens : « Daigne le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père de la gloire, vous donner un esprit de sagesse et de révélation qui vous le fasse vraiment connaître ! Puisse-t-il illuminer les yeux de votre coeur pour vous faire voir quelle espérance vous ouvre son appel, quels trésors de gloire renferme son héritage parmi les saints... ! » (Ep 1, 17sq).Explicitement ou non, la tradition mystique du Moyen Âge, les moniales, sainte Gertrude en particulier, puisent abondamment dans ces sources scripturaires la lumière et le sens même de leur vie, l’expérience de l’amour qu’en particulier elles célèbrent et chantent dans l’office de la liturgie. Nul doute que nous rencontrions ici bien des éléments de ce que pourrait être une « théologie du coeur » : bien que rarement explicités, encore moins organisés méthodiquement, ils renvoient à une expérience spirituelle toute entière portée par la grâce et dont notre « coeur », illuminé et transformé, est vraiment le « siège » par excellence. Ici de nouveau intervient l’influence de la théologie patristique imprégnée de l’Écriture : celle-ci n’a cessé de fonder la vocation et la dignité impérissable de l’homme dans la structure même de son être. L’homme : homme et femme, créés « à l’image de Dieu et comme sa ressemblance... », ensemble voulus et constitués pour la communion. Dans les textes cités et parmi bien d’autres possibles, on notera en particulier la teneur trinitaire, si fortement présente en sainte Gertrude : elle aime contempler la beauté de la « resplendissante et toute calme Trinité », le « Dieu-Amour » dont la vie mystérieuse s’accomplit dans la relation de don et de réciprocité. C’est bien ce dynamisme de relation et d’amour qui sous-tend toute la recherche mystique. A la même époque la scolastique affine peu à peu la voie de connaissance par l’analogie ; elle précise ainsi dans quelle mesure, selon quelles limites aussi, nous pouvons remonter de la connaissance de la créature à celle de son auteur. Du coeur de l’homme au coeur même de Dieu : une expression assez tardive dans la Bible, elle devient fréquente au Moyen Âge. Mais l’originalité de la tradition mystique reste bien l’enracinement constant dans la Tradition de la Parole pour suggérer imparfaitement ce qu’est la rencontre de Dieu pour un coeur humain. En Église, « peuple qui tire son unité de l’unité du Père et du Fils dans l’Esprit » (saint Cyprien, cf. Lumen gentium 4), la mystique médiévale surtout dans sa particularité féminine témoigne avant tout de « l’espérance » et du « trésor de gloire » que l’amour de Dieu fait naître et grandir dans le coeur qui s’ouvre à son appel et s’en laisse imprégner. II. 4. Quelques insistances de sainte Gertrude.Sur cette toile de fond qui à grands traits dessine la tradition mystique du Moyen Âge, et dans la particularité de son expression parmi les monastères féminins, nous pouvons maintenant retenir quelques aspects qui, sans lui être strictement personnels, appartiennent plus directement à l’héritage de sainte Gertrude. II. 4. 1. De la lectio divina à la liturgie.J’ai déjà évoqué la place qui dans cette tradition revient à l’Écriture sainte comme principale source de la vie spirituelle. J’y reviens un instant : avant tout pour rappeler le lien très étroit qui unit cette lectio personnelle à la liturgie de l’Église, en communauté de vie monastique. « Appliquez-vous, je vous en supplie, à ruminer la Parole de Dieu » : cette pressante exhortation, Grégoire le Grand l’adresse à ses moines, « pour qu’ils apprennent le Coeur de Dieu dans les mots mêmes de Dieu » . La tradition monastique la reprendra inlassablement, selon cette intention même et pour qu’elle devienne la principale caractéristique de la consécration à Dieu ; elle sera répétée et développée sous l’impulsion de saint Bernard et dans l’école cistercienne. Cf. le long article, par plusieurs spécialistes, Ecriture sainte et vie spirituelle, dans DSp, IV/1, 128-278. Gertrude d’ Helfta est un bon témoin de cette « rumination » de la Parole, principalement des Psaumes, du Cantique des cantiques, des Évangiles (Luc et Jean) et de saint Paul. Très fidèlement, suivant l’esprit indiqué par saint Grégoire : une imprégnation de l’Ecriture, une écoute au service du désir d’ « apprendre le Coeur de Dieu » . Ce qui ne signifie en rien une moindre attention portée au texte même, lettre et interprétation. La studieuse Gertrude était connue et consultée pour l’ampleur de sa culture biblique. Au témoignage de ses biographes, « elle remâchait d’une manière toujours plus savoureuse tous les livres divinement inspirés, elle remplissait son âme comme jusqu’au bord des pertinentes et douces paroles de la sainte Écriture sans cesse accumulées, de sorte qu’en toutes circonstances, lui venait promptement la citation sacrée opportune par quoi à tous ceux qui s’adressaient à elle pouvait donner une réponse... Lorsqu’elle apprenait que les Livres saints faisaient particulièrement défaut ici ou là, elle mettait tout le zèle dont elle était capable à procurer le nécessaire, afin de pouvoir gagner tous les hommes au Christ » (Le Héraut, Livre I, ch. 1 et 4, cf. Sources chrétiennes, n. 139, p. 121 et 145). Ces derniers mots confirment bien l’intention : ni vaine curiosité ni satisfaction d’érudition, mais une écoute savoureuse de la Parole pour aimer et faire aimer, pour Gertrude d’abord mais comme une mission à vivre autour d’elle. Écoute savoureuse : elle n’en est pas moins une attention exigeante de savoir et de disponibilité, car il s’agit bien de cette parole vivante et efficace, plus incisive qu’aucun glaive à deux tranchants, qui pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit, et qui habitant en Gertrude, réalise par elle l’oeuvre de Dieu en la communion de l’Église, en sa communauté monastique... (cf. id., p. 125, d’après He 4, 12). En même temps écoute patiente et humble, attention vigilante à l’approche discrète de l’Ami, car Celui qui s’offre à la rencontre ne s’impose pas. Il se tient à la porte et Il frappe : « si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi » (Ap 3, 20). Mais comme bien des mystiques, Gertrude ne cesse de s’émerveiller quand l’attente persévérante s’accomplit dans l’accueil, la communion, pour la joie. Par une « parenté naturelle entre Bible et liturgie » (dom J. Leclercq), une parenté souvent évoquée en milieu monastique, cette assimilation personnelle est à la racine même de la vie du monastère. Chaque jour c’est la prière liturgique qui tisse et renouvelle ce lien, personnes et communauté, à partir de la Parole. Plus ou moins directement la vie tout entière s’organise en fonction de cette prière qui l’insère profondément dans la mission essentielle de l’Église. La liturgie rythme le déroulement du temps, jour et nuit, prière des Heures, Eucharistie, étude et travail manuel, la répartition des charges, l’ordonnance des lieux et leur décoration, etc... Par leur signification particulière, les temps et les fêtes au long de l’année nuancent et diversifient le déploiement du mystère pascal et sa fécondité dans la vie des Saints. Et c’est bien le culte liturgique qui sous-tend et motive le souci de culture, qui stimule la fréquentation des Écritures et de la littérature patristique. Surtout il concrétise et accentue ce qui donne à la vie monastique son accent propre : la consécration de toute l’existence à l’Opus Dei pour lequel est mobilisé tout l’être jusqu’à l’intime du coeur. Au sens le plus fort, mais vécu dans la monotonie la plus ordinaire, il rassemble les personnes et communauté dans la célébration du « mystère du salut » : la fidélité de la Présence, la joie de l’accueillir et de le chanter, le désir sans cesse renouvelé de le vivre. Telle est quotidiennement la tâche primordiale pour chaque moniale au sein de sa communauté : en tenant compte des capacités, des âges, des santés, elle suppose une discipline assidue et ferme, discipline du corps, de la volonté, du coeur : une attention constante à renoncer aux fantaisies individuelles pour se laisser modeler par l’exigence communautaire. Une place prédominante revient naturellement à la musique, au chant : ce qui implique une éducation, une formation attentive et continue pour se couler dans le chant choral. Au monastère d’ Helfta, c’est Mechtilde qui dirige « l’école de musique » ; dans les écrits de Gertrude avec vénération elle est nommée sous l’abréviation : « Dame M. (donna Mechtilde), notre Chantre, de douce mémoire ». Gertrude elle-même, très douée en ce domaine spécialement, est son assistante. Sa santé très défectueuse l’oblige à de fréquentes absences à l’office au chœur : elle s’en plaint, comme aussi de ses nombreuses distractions, mais avec cette étonnante « liberté du coeur » qui l’éloigne de la culpabilité et du scrupule pour la reporter bien vite à l’humilité et à l’abandon confiant. Dans le sillage de la réforme cistercienne, en liturgie le monastère d’ Helfta tend vers une forme plus dépouillée, ce qui fait davantage ressortir l’essentiel : « le goût de la vie en Dieu » , la confiance en la victoire du Christ célébrée dans les sacrements de l’Église autour de l’Eucharistie, et sa Royauté opérante en l’intime des coeurs. Comme par osmose spontanée, - on n’écrit guère sur la liturgie à cette époque, on la vit – ce climat retentit sur l’ensemble de la vie spirituelle : sérénité et optimisme chrétien malgré les troubles de l’époque, adhésion à Dieu par le coeur (« l’ affectus »), notamment à travers la sobre beauté des rites et du chant qui met en valeur la poésie biblique pour faire place ensuite au silence de la contemplation. En communion d’Église, c’est dans ce culte public que la foi est confessée, que le mystère du Dieu vivant est célébré, et que s’intensifie la tension vers l’union parfaite. Ce que l’on sait de Gertrude atteste amplement que nous trouvons là la marque la plus claire de sa grâce, la forme caractéristique de sa sainteté. Lorsqu’elle communique son expérience mystique, la plupart de ses réflexions naissent de l’occurrence d’une fête au calendrier liturgique ; elles prennent inspiration précisément dans l’Office chanté, un passage d’Écriture, une antienne, surtout un verset de Psaume, ou quelques mots d’un hymne comme le Salve Regina. Le chant facilite le travail de mémorisation dont l’écho se prolonge tout au long de la journée. Et avant François de Sales Gertrude recommande beaucoup la pratique de « l’oraison jaculatoire », priée ou chantée au fond du coeur, une pratique très proche précisément de la « prière du coeur ». La célébration de la Parole à l’intérieur même de l’action liturgique porte à une réception où intelligence et sensibilité ensemble sont sollicitées et se complètent. Enracinée dans la prière liturgique, la forte connotation affective y trouve son équilibre, elle est comme protégée du risque d’un sentimentalisme excessif. On le constate très vite en parcourant le récit de ses « visions » ou « révélations » : après quelques lignes pour évoquer la situation qui en est l’occasion immédiate, Gertrude passe directement et longuement à la prière. C’est alors un dialogue enflammé où dans un complexe et parfois subtile jeu de rapprochements et de symboles scripturaires, de réminiscences liturgiques, la Parole parle par la Parole. La prière, d’abord repentir et imploration, s’accomplit le plus souvent en chant de louange et d’amour pour s’achever dans le silence. Car selon saint Augustin, « ce que Dieu attend de toi, ce ne sont pas des paroles, c’est ton coeur » . C’est par cette forme de prière surtout que Gertrude révèle ses qualités de « coeur ». Dom C. Vagaggini, dans son livre, Le sens théologique de la liturgie (en italien, 4ème édition 1963), consacre un long chapitre à Gertrude, sous le titre : « l’exemple d’une mystique : sainte Gertrude et la spiritualité liturgique » (pp. 686-752). Il présente la mystique d’ Helfta comme « l’exemple le plus complet qui permet de considérer, en une seule personne, une réalisation intense de spiritualité liturgique ». II. 4. 2. La « mémoire du coeur ».Parmi ces qualités de coeur, Gertrude en manifeste l’une ou l’autre qui peuvent utilement compléter notre réflexion. [Je laisse de côté ici, un peu artificiellement il est vrai, les très nombreux passages qui plus précisément ont trait au Coeur de Notre Seigneur, au « Sacré-Cœur »]. Je ne les indique que brièvement, et en veillant à ne pas systématiser car Gertrude ne le fait jamais. Ce sont plutôt des confidences spontanées que l’on glane à travers l’ensemble de son œuvre, des expressions diverses, souvent interchangeables, mais qui laissent entrevoir une pratique, un comportement assez constant, comme une façon d’être et de prier . Ainsi : ce coeur, dont nous savons déjà qu’il renvoie à l’intériorité secrète où la personne rencontre son Dieu, est désigné notamment comme le lieu de la « mémoire ». « Entrer au coeur (intrare ad cor) », « revenir, retourner au coeur », « revenir au plus intime de moi-même », etc.… : des expressions qui sont fréquentes dans le langage de Gertrude. Retour au coeur pour y « habiter », y « demeurer » : après l’inévitable « sortie » qu’imposent les activités extérieures, après la dispersion de la distraction, ou pour conjurer la fuite que sont souvent la tiédeur et surtout le trouble de la tentation et de la faute, ou encore pour apaiser l’émoi éprouvé dans le combat spirituel : car c’est dans le coeur que retentissent tous ces sentiments, tous ces états contrastés. « Revenir aux plus intimes profondeurs de mon coeur » : on le comprend sans peine, il ne s’agit pas seulement de se rappeler les paroles et les événements, rafraîchir la mémoire de l’esprit, il s’agit encore moins de curiosité, de retour sur soi. Il s’agit de s’appliquer humblement à retrouver au fil de l’histoire vécue la trace de l’amour, de l’attente et de la prévenance de Dieu. Pour grandir dans la conscience très personnelle d’avoir été follement et gratuitement aimée : c’est la mémoire du coeur, le retour sur le passé pour en recueillir tout le poids d’amour. Le modèle indépassable de cette « rumination », c’est Marie « qui retenait et gardait fidèlement tous ces événements (ou ces paroles) et les méditait en son coeur » (Lc 2, 19 et 51). Car Gertrude le sait bien : à travers la pauvreté de notre humble réponse, la ferveur et l’authenticité exigeante de notre fidélité grandissent et s’affermissent à proportion de la conscience de l’amour qui nous précède, qui nous soutient et nous porte à « aller droit de l’avant, tendus de tout notre être, pour tâcher de saisir, ayant été saisis nous-mêmes par le Christ Jésus » (cf. Ph 3, 13). « Oubliant le chemin parcouru », mais pour « courir vers le but » sans se lasser, maintenir vive une conscience très personnelle de l’amour du Seigneur, lentement en recueillir les signes même ténus, même très intimes mais que seul le coeur aimant sait percevoir : en vérité c’est très exactement une affaire de coeur, « la mémoire du coeur », pour y correspondre par l’énergie et dans la joie reconnaissante qui sont aussi expressions du coeur. Quand Gertrude revient sur son passé, enfance, jeunesse, les premières années de sa vie au monastère, par l’excès de sa ferveur c’est surtout son incompréhensible « légèreté » qu’elle retient, « un chemin de perdition », « l’amour désordonné des lettres », « une forteresse de vanité et d’orgueil » ... Dans la confusion et le repentir, elle chante alors l’amour qui l’a tirée de cette boue, de ce « fumier » , et c’est cet amour, « roc de son coeur », qui désormais la comble d’une joie indicible. Par toutes les fibres de son être elle communie à la reconnaissance, à la passion pour le Christ que Paul nous confie dans ses lettres, comme Ph 1-3, Ga 1-2, 2 Co 11-12, Ep 1... : « Il m’a aimée, il s’est livré pour moi ! » Sa délicatesse féminine attentive jusqu’au plus menu détail, la finesse de son observation et de sa « rumination » lui font discerner en tout le travail secret du Seigneur qui patiemment, comme à son insu, l’acheminait silencieusement vers le « jour béni de la conversion ». II. 4. 3. Le coeur et les « sens spirituels ». La « mémoire du coeur » unifie la personne, elle l’invite à une « relecture » de tout le passé pour y découvrir la discrète et fidèle prévenance de l’amour de Dieu qui la comble chaque jour : une expérience vitale, elle retentit au plus intime de l’être. C’est dans la même perspective d’intériorité et d’unité que l’on peut considérer la relation entre le coeur et « les sens spirituels ». Selon les spécialistes qui traitent de cette dimension de la vie spirituelle, sainte Gertrude en est un exemple éloquent. Je me réfère ici à l’article Sens spirituels, dans DSp XIV, 598-617, et surtout à celui de Pierre Doyère, Gertrude et les sens spirituels, dans la Revue d’Ascétique et Mystique, 1960, pp. 428-446. Par les « sens spirituels », sans négliger ce qui a trait à l’investigation physique et psychologique mais sans s’y limiter, ce qui est considéré c’est avant tout la « séduction », la fascination que la grâce de Dieu exerce sur toute la personne, « saisie », attirée en toutes ses capacités d’accueil et de consentement une fois qu’elles sont libérées par la grâce du Christ. Et c’est le retentissement de cette rencontre sur toute la sensibilité humaine : nos cinq sens, et par eux toute notre affectivité, selon la particularité masculine et féminine que de nos jours surtout on s’applique à préciser. Pour souligner précisément combien c’est vraiment la personne concrète, « corps, âme et esprit », qui est sollicitée à « connaître » Dieu et celui qu’Il a envoyé, et qui est impliquée dans ce qu’on nomme par une qualification non exempte d’une certaine ambiguïté la vie « spirituelle ». Il en a déjà été question quand on a signalé la place exceptionnelle du symbolisme, de la poésie, de la musique dans le témoignage de Gertrude, et plus généralement quand on a rappelé le caractère concret, existentiel de l’anthropologie biblique et de l’expérience mystique. Et puisque par le « coeur », c’est l’unité englobante et unifiante de tout l’être qui est désignée, tout naturellement il est souvent évoqué dans ce « jeu des sens spirituels » : c’est lui qui pour ainsi dire en est « le chef d’orchestre », il le dynamise et l’anime, il le coordonne et l’unifie. Selon la conception très concrète de l’Écriture où la vie « intérieure » (mémoire, intelligence, sentiments...) est souvent attribuée par métaphore à des organes physiques (oeil, oreille...) : « Mon coeur et ma chair crient de joie vers le Dieu vivant » (Ps 84, 3) ; « La joie du coeur, voilà la vie de l’homme... À coeur généreux, bon appétit ! » (Si 30, 22 et 25). Mais plus que les citations pourtant nombreuses, c’est le « climat » du réalisme biblique qui se reflète dans les écrits de Gertrude : en particulier celui de nombreux Psaumes, du livre de Job, et surtout dans le Cantique des cantiques (cf. par exemple Cn 1, 2-4 ; 2, 10-14 ; 4, 9-15...). Ainsi l’annonce apostolique devient communion de vie : « en restant ancrés dans l’Écriture, nous nous ouvrons à l’action de l’Esprit... et au témoignage des Apôtres, qui ont fait la vivante expérience du Christ, le Verbe de vie, qui l’ont vu de leurs yeux, entendu de leurs oreilles, touché de leurs mains, cf. 1 Jn 1,1 » (Jean-Paul II, Novo millennio ineunte, 17). Par les « sens spirituels » cette expérience unique se prolonge dans l’Église du Verbe qui s’est fait chair de notre chair. À titre d’exemples et pour ne retenir que quelques traits rapides – ils sont fréquents et beaucoup plus développés dans les textes –, par la vue Gertrude s’émerveille de la beauté de Dieu qui brille de tant d’éclat dans la vie de la nature, ce premier livre où nous apprenons l’amour dont nous sommes aimés : ainsi de la venue du printemps, le silence de la forêt, les coloris des fleurs... Beauté de Dieu qui resplendit pleinement dans la sainte Humanité du Sauveur, en Marie comblée de la « grâce » (mot qui signifie d’abord la beauté, l’amabilité...) du Seigneur, dans la vie de l’Église par la magnificence de la liturgie dans sa sobriété, par la beauté des sacrements et dans la sainteté de ses membres... Par l’ouïe Gertrude s’applique à percevoir les harmonies de Dieu dans la variété des signes de son amour, elle partage l’attrait de la Parole de Jésus sur les foules, comme la bonne terre elle se dispose à recevoir elle-même la Parole de vie. Elle apprécie l’art de Jésus prêchant les Paraboles, expression merveilleuse de son humanité. Par l’odorat elle se nourrit du parfum de ses vertus. Par le goût elle savoure la douceur et la suavité de sa grâce. Par le toucher et en référence à l’Évangile où le contact physique avec Jésus est si souvent souligné (les lépreux, les sourds et muets, la convivialité des repas...) elle se réjouit de la proximité de la présence, du contact, de la chaleur humaine de l’union, de la densité humaine des rencontres. L’expérience mystique est ainsi comme diversifiée et démultipliée en sollicitant la contribution de chaque sens. Elle est alors vécue comme ce qui unifie et comble pleinement la personne : en la saisissant dans sa corporéité la plus authentique, elle la purifie et la consacre au plus secret de sa réalité. Et c’est le « coeur » qui alors est interpellé et saisi, c’est lui qui en quelque sorte déchiffre le message proposé à travers tous ces signes : un message d’amour qui le comble de joie et le renouvelle dans l’adhésion. Chaque jour la prière liturgique, par la diversité des gestes, par la complémentarité des symboles, assume et équilibre cette communion au mystère à partir du langage des sens. La lectio, la familière fréquentation de l’Écriture, vient en renouveler indéfiniment le répertoire concret (cf. par exemple les Psaumes 8, 19, 104). En particulier le Cantique des cantiques, pour Gertrude c’est « le Chant des chants, le chant de l’Amour » : il exerce ici toute son influence, car c’est par excellence le livre de la « féminité », la femme en est la principale protagoniste selon les diverses harmoniques de sa sensibilité. C’est ainsi que Gertrude le lit, le vit en quelque sorte, comme aussi tout ce que représente la « mystique nuptiale » : la tension du désir et de la quête amoureuse, la jouissance de l’embrassement, de nouveau l’impatience et la recherche dans l’absence ; et pour le présent et surtout dans l’espérance, la plénitude de l’union mystique suggérée déjà par « l’ivresse spirituelle ». La sainte d’ Helfta reçoit et vit le don de cette union par toute la richesse de son affectivité, en des textes à la fois passionnés et mesurés, en toute transparence, pour faire pressentir et si possible faire partager quelque chose de sa joie indicible. Mais pour elle, entre la ferveur et la transparence de l’amour vrai et une recherche de soi mêlée de complaisance « sentimentale », la différence est tellement évidente qu’elle n’éprouve même pas le besoin de la relever. Par contre elle a grand soin de rappeler souvent combien cette implication des sens serait impossible sans une ascèse sans cesse vigilante et ferme : mortification et maîtrise des sens pour précisément les éduquer à participer ainsi à la dignité de la vie du coeur ; elle n’hésite pas à en parler comme d’un véritable « martyre ». II. 4. 4. La sainte Humanité de Notre Seigneur.Retenons une autre caractéristique de sainte Gertrude, elle apparaît déjà dans les réflexions précédentes : le « christocentrisme » de sa vie spirituelle, « le lien d’amour avec la personne du Christ vivant et présent au plus intime de son âme », au plus profond de son coeur (cf. en Sources chrétiennes n. 139, l’introduction de P. Doyère, pp. 33sq) : à l’influence de saint Bernard vient se joindre ici surtout celle plus récente qui s’inspire de saint François d’Assise (1181-1226). Une expérience mystique fondée sur une théologie très sûre mais toujours concrète, vécue dans la familiarité avec la Parole de Dieu célébrée dans la liturgie, amplifiée à travers les « sens spirituels » où se déploie une intense affectivité féminine, cette « mémoire du coeur » qui recueille les signes de l’amour pour une réponse sans réserve... : toutes les dimensions de la spiritualité gertrudienne se rencontrent dans « le culte » de l’humanité du Seigneur. Pour la contemplation aimante de la sainte moniale, le Christ est précisément la Parole dont nous célébrons quotidiennement la Présence : il a planté sa tente en notre chair pour y « demeurer », et Gertrude insiste sur ce mot qui lui suggère tout le sens de l’Incarnation. Il est le Fils Unique que le Père nous envoie au comble de son amour et à « la plénitude du temps » : en lui le Père trouve toute sa complaisance, et il nous est donné pour que cette communion de joie s’étende au monde, à l’univers, en toutes ses dimensions, en vérité « un ciel nouveau et une terre nouvelle ». Jésus Sauveur est le « Dieu parmi nous » en une humanité authentique et parfaitement « sainte », dont nous ne saurons jamais épuiser la richesse d’authenticité et d’humilité, de proximité et de bienfaisance. « En Lui, habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité », et à cette Plénitude nous participons par les sacrements de l’Église, née de son Coeur ouvert. Il est l’Époux en qui sont célébrées les joies de l’Alliance nouvelle et définitive qui résume le désir de Dieu au long de l’histoire du monde. Et pour tout dire en peu de mots, pour Gertrude communiant à la passion émerveillée et très personnelle de l’Apôtre Paul dont la liturgie célèbre la « conversion », le Christ est « celui qui m’a aimée », celui qui « nous a aimés » jusqu’au don total, et qui chaque jour nous garde et nous renouvelle en cet amour capable de transformer une vie. La sainte moniale s’attarde sur les qualités humaines de Jésus selon les Evangiles, sa patience, sa fidélité dans l’amitié pour les siens, malgré tout, son exigence et sa franchise, sa compassion... Il ne me semble pas excessif de le dire : veut-on parler d’une « théologie du coeur » selon sainte Gertrude, c’est notamment en l’accompagnant dans cette séduction, dans cette ferveur qu’elle vit pour Jésus dans le mystère de sa sainte Incarnation. Ne faudrait-il pas alors parler plus précisément d’une « christologie du coeur » ? On ne rencontre cependant chez elle ni illuminisme extravagant ni mièvrerie sentimentale : Gertrude puise dans la très humaine histoire évangélique l’appel à répondre à l’amour de Dieu en adhérant au Christ en un « coeur à coeur » où se nouent la tendresse du Coeur du Christ et sa réponse personnelle. Dans « l’extrême attention de sa piété » et riche de toute sa sensibilité elle aime visualiser les scènes de la vie de Jésus pour mieux s’en nourrir, selon les ressources de tous les « sens spirituels », en particulier le regard, l’écoute et le toucher. Très librement et de façon d’autant plus significative, le plus souvent selon le déploiement de l’année liturgique, elle s’applique à contempler quelques « mystères » privilégiés qui lui signifient plus vivement cet amour incarné, où elle perçoit plus vivement un appel à la rencontre pour l’union. Ainsi de Noël, de tout ce qui entoure ce mystère qui parle beaucoup à la simplicité, à la délicatesse de son coeur : le dépouillement de Jésus né pauvre parmi les pauvres et pour leur joie, leur venue « en hâte » à l’étable pour adorer puis pour faire connaître ce qu’ils ont vu et entendu (cf. Lc 2, 10, 17...) ; la Présentation au Temple, et Marie est alors étroitement associée à cette contemplation ; en tout cela l’obéissance, l’authenticité humaine du Fils de Dieu partageant notre condition. La naissance de Jésus à Bethléem demande à s’accomplir en sa naissance spirituelle et en sa croissance en nos coeurs. Ainsi encore l’Eucharistie, au centre de sa vie parce qu’elle est le meilleur résumé de l’amour qui se donne ; ainsi la Passion, les cinq Plaies, le mystère de Pâques en lequel tout s’accomplit, l’union présente au Ressuscité qui anticipe l’état glorieux. C’est pourquoi elle accorde une attention plus spéciale à l’Ascension : c’est alors que le Crucifié fait Seigneur entraîne avec lui toute notre humanité et notre monde dans la plénitude de la vie de Dieu, pour réaliser cette mystérieuse médiation d’oblation et d’intercession en laquelle il « reste avec nous jusqu’à la consommation des temps » (Mt 28, 20). Un peu artificiellement il est vrai, pour ne pas étendre cette réflexion déjà longue en abordant un sujet proche mais qu’il faudrait traiter pour lui-même, j’ai évité de renvoyer explicitement aux très nombreux passages où Gertrude fait état plus précisément de sa fervente dévotion au Coeur de Notre Seigneur. Impossible cependant de ne pas en faire mention, d’autant que pour une large part c’est en raison de l’influence tardivement exercée dans le développement de cette dévotion que la moniale d’ Helfta doit sa célébrité dans l’histoire de la spiritualité. Les ouvrages, articles de revues et de dictionnaires à ce sujet sont nombreux : en particulier, de dom J. Leclercq, Le Sacré Coeur dans la tradition bénédictine au Moyen Âge, dans Cor Jesu, (Herder 1959), pp. 3-28, et dans le même recueil, par dom C. Vagaggini, La dévotion au Sacré Coeur chez sainte Mechtilde et sainte Gertrude, pp. 31-48. Encline à contempler l’amour de Jésus et à y correspondre par toute son affectivité, et dépendante du mouvement qui s’origine principalement à saint Bernard et à saint Bonaventure, Gertrude est naturellement appelée à recueillir avec une ardente attention le témoignage de saint Jean sur le Côté blessé du Crucifié. Devenu l’un de nous, participant pleinement à notre condition, en Jésus Fils de Dieu tout comme en nous le coeur humain exprime la richesse la plus profonde de son être et toute sa capacité de don, de relation, de solidarité. Coeur du Dieu fait homme : Gertrude se réfère souvent à Jn 13, 23, où après la partage du Pain « le disciple que Jésus aimait » repose sur la poitrine du Maître et est initié alors au secret de son amour. Surtout Coeur blessé et transpercé : pour Gertrude dans sa contemplation, c’est le sommet de la révélation de l’amour. Et la doxologie de la prière eucharistique, per Christum, cum Christo et in Christo, est pour elle l’invitation la plus pressante à chanter et à vivre la médiation du Sauveur Glorieux qui nous conduit à « participer à la divine nature » (2 P 1, 4), à la communion avec le Père dans l’Esprit. Avec Marie, avec Jean et les saintes femmes, prolonger l’adoration au pied de la Croix est la meilleure école où nous pouvons apprendre à aimer comme nous sommes aimés. Car ce Coeur renferme les insondables trésors de la vie divine : Coeur de Celui qui a aimé les siens jusqu’à l’extrême, blessé par notre péché et ouvert par la lance, la fécondité de l’eau vive qui en jaillit pour l’Église transparaît dans la sainteté de ses membres. Rien d’étonnant, selon tout ce que nous savons d’elle, si cette contemplation se traduit le plus souvent en « dévotion », une dévotion qui parcourt toute sa vie mystique ; en elle conflue le mouvement de son adhésion passionnée à Jésus en sollicitant tout son amour et sa sensibilité. Dévotion qui n’est en rien rivale de la grande liturgie comme elle deviendra quelques siècles plus tard, mais où le « dolorisme » n’est pas complètement absent. « On ne peut reprocher à l’amante une vraie piété devant les souffrances de l’Aimé, et Gertrude est beaucoup trop femme pour que son amour ne soit pas enclin à la compassion... Lorsque sa prière sollicite les stigmates dans son coeur, c’est pour qu’ils la maintiennent plus sûrement dans la douleur de la compassion et le feu de l’amour » (P. Doyère, in Sources chrétiennes, n..139, p. 36). Mais son expérience très personnelle le lui rappelle sans cesse : elle sait ce qu’est la souffrance, et combien celle-ci ne prend sens que par l’amour qui l’accepte et qui la transfigure en offrande. Et sa vie conforte le témoignage de ses écrits : la tendresse de sa dévotion, le lyrisme de son expression sont constamment pondérés par une « discrétion », au sens étymologique de discernement autant que de pondération, pudeur et sobriété, un équilibre humain et théologique que tous lui reconnaissent. Dans la longue histoire de la spiritualité du Coeur de Jésus, avec sa compagne et amie sainte Mechtilde, Gertrude marque une étape décisive. Elle se sait elle-même appelée à une véritable mission d’Église, et déjà par cette préoccupation apostolique elle innove dans la tradition monastique de son temps. Si après des années de silence elle consent à mettre par écrit ce qu’elle peut de sa communion exceptionnelle avec Notre Seigneur dans la révélation de la tendresse de son Coeur, c’est pour obéir à un appel qui, par ses Supérieur(e)s, lui vient de Jésus lui-même : pour qu’en venant à connaître l’expérience privilégiée dont elle a été favorisée, « le monde déjà vieilli et engourdi dans son amour pour Dieu puisse retrouver sa ferveur » (Le Héraut, IV, 4). Pour autant avec elle et dans la ligne de sa vocation de moniale bénédictine, la dévotion au Coeur de Jésus reste encore du domaine privé, partagée dans le cadre limité de sa communauté et de quelques monastères après elle, et plus largement dans la communion spirituelle de la tradition mystique de l’Église. Il faudra attendre plus de trois siècles, surtout avec sainte Marguerite-Marie (1647-1690), pour que l’on puisse parler d’une mission propagée en Église et avec la préoccupation explicite de lui donner une audience officielle dans la société. Et l’on ne retrouve pas en Gertrude ce qui sera l’insistance caractéristique de la sainte de Paray-le-Monial : la plainte de Jésus et l’appel à la réparation. « Sainte Gertrude a été le héraut divin pour la dévotion privée au Sacré-Cœur comme Marguerite-Marie pour la dévotion publique. Sainte Gertrude a accentué davantage la dévotion de louange, d’amour et d’union ; Marguerite-Marie, la dévotion de compassion et de réparation » : cette courte appréciation du Père Dehon (Oeuvres Spirituelles, vol. 4, p. 459) concorde assez bien avec ce que les spécialistes de la dévotion retiennent de la sainte mystique d’ Helfta.
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| | | Claude Coowar
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 11/12/2016, 09:20 | |
| SAINTE GERTRUDE DE HELTFA. « TRADITION et ACTUALITÉ de la MYSTIQUE MÉDIÉVALE ». (Séminaire de Lisbonne, 10-14 mars 2008).
Par le Père André Perroux, scj.
3/3. Conclusion : « la liberté du coeur ». Pour cette conclusion j’ai gardé ce qui, à mon avis, retient le plus l’attention quand on accompagne Gertrude à travers sa vie et son œuvre pour une contribution à une « théologie du coeur ». Je renvoie ici à une expression de la moniale, libertas cordis, reprise par plusieurs spécialistes, en particulier dom P. Doyère déjà souvent cité (cf. dans DSp, IV : 336sq) : la « liberté du coeur ». Ce n’est cependant pas la première réaction que plusieurs éprouvent à la lecture de ces écrits. Dans ces pages de confidences très personnelles, ce qui peut surprendre c’est d’abord « l’abondance un peu touffue des révélations » : la Sainte les vit et les exprime en jouant des nombreuses ressources de sa personnalité exceptionnelle, au risque de disperser l’attention. On peut aussi se laisser dérouter, être même fatigué par le lyrisme quasiment continu du style : la tonalité fortement affective et même « précieuse » – l’époque de la littérature de « l’amour courtois » n’est pas loin, – l’exubérance des symboles et des images, les renvois fréquents et minutieux à la liturgie dans des détails qui souvent nous échappent, la forme et le contenu de ce qui souvent traduit une expérience féminine très intime : autant de facteurs qui ne facilitent pas la pratique des écrits de sainte Gertrude, sans compter la part des dispositions et affinités personnelles du lecteur. Que cette pratique requière donc un effort d’accoutumance est bien évident : mise en contexte, situation, culture, société, bref tout un monde très différent du nôtre ; une communauté de moniales au milieu du Moyen Âge allemand, une expérience mystique qui reste toujours très personnelle et dont la communication et l’interprétation seront toujours déficientes... Pour autant la rencontre de la sainte mystique d’ Helfta, à travers le témoignage qu’elle laisse de sa vie complétée par celui de ses compagnes, reste un indéniable stimulant pour le coeur comme pour l’esprit. Déjà par la forme : car son lyrisme abondant est aussi et surtout poésie, fraîcheur, fantaisie, joie enthousiaste et spontanée de savourer la beauté de ce qui l’entoure et qui nourrit sa communion au Christ. On sera sensible notamment à la gamme très étendue des harmoniques de la musique, des couleurs, des parfums, et plus largement à tout ce qui exprime la corporéité : elle contribue au charme éveillé par cette lecture qui par ailleurs raconte une vie très banale et monotone, quasiment privée d’événement exceptionnel. C’est aussi par l’attitude très habituelle de Gertrude, son comportement et sa façon d’être à travers tout ce qu’elle nous confie de sa vie : avec une simplicité, une naïveté même, étonnante de la part d’une personne aussi douée, l’humilité et la franchise, la spontanéité qui la rendent très proche, accessible. Mais pour aller vite à l’essentiel qui déjà s’annonce par ce style, c’est précisément sa « liberté de coeur » que l’on remarque : une liberté qui prend sa source dans la rencontre avec le Christ et qui en est le rayonnement dans sa vie. Un coeur « libéré ». Sa façon de relire son passé, la « mémoire du coeur », la rend sensible à ce que les Pères, les Pères du désert surtout, avaient beaucoup expérimenté : le coeur est par excellence le lieu du combat spirituel contre l’Adversaire, pour dans le Christ et par l’Esprit accéder progressivement à la vérité profonde de l’être. Ce qui comporte de savoir reconnaître et d’assumer dans l’abandon à la grâce de Dieu notre propre pauvreté et fragilité, pour tenir ferme dans l’austérité de la foi et nous ouvrir à l’amour qui sans cesse nous devance, nous transforme et nous accomplit. C’est par le coeur que l’on vient à connaître la liberté à laquelle, selon l’expérience même de Paul, nous avons été appelés et qui nous est donnée en Christ. Elle se traduit par un climat de sérénité empreint de lucidité et d’humilité, un climat de joie, de bienveillance et de confiance, à l’intime de notre être et autour de nous : toutes les variantes du « fruit de l’Esprit » selon Galates 5, 22, viennent comme naturellement à la conscience quand on vit en compagnie de Gertrude. Une telle liberté en Christ accroît la perfection et la fécondité de l’amour. Y compris lorsque par obéissance il faut entreprendre d’écrire ce qui est vécu. Comme plusieurs mystiques, Gertrude a bénéficié de faveurs exceptionnelles : « visions » et « révélations », stigmates, échange des coeurs... Mais ces faveurs, jusque dans leur retentissement physique, sont gardées dans le secret du coeur. La sainte en fait état : par obéissance, dans la confusion de son indignité, aussi avec l’enthousiasme passionné de sa reconnaissance, de la louange pour la bonté gratuite de son Époux divin. Mais sans se départir d’une retenue, d’une pudeur et d’une réserve qui traduisent son équilibre humain et spirituel. Limpidité, transparence, confiance et abandon : ce sont les mots qui pourraient au mieux qualifier cette « liberté ». Loin de tout retour sur soi, de toute complaisance égoïste et ambiguë, dans le dépouillement, sans vaine introspection ; mais dans la simplicité et la joie d’accueillir, de se laisser aimer, entrer dans une progressive « éducation du coeur » à l’école de Marie et de Jésus à Nazareth, pour vivre de cet amour jusque dans le menu détail quotidien, et pour le faire connaître et ainsi indiquer le chemin de la vie. On ne trouve guère de « moralisme » chez Gertrude, mais le plus souvent l’invitation enthousiaste à s’engager dans une aventure d’amour ouverte sur le mystère inépuisable du Dieu-Amour : chercher et trouver, trouver pour chercher encore, selon la lumineuse confession de saint Augustin Gertrude nous fait saisir ainsi ce qu’est le « coeur nouveau » : rendu brûlant au-dedans de nous par l’écoute de la Parole et dans la communion autour de la Table (cf. Emmaüs, Lc 24, 32),]illuminé par la contemplation de la Gloire du Ressuscité.(2 Co 3, )., « sanctuaire » (expression qui lui est chère) où réside le Christ et par lui le Père dans l’Esprit (cf. Jn 14, 23. C’est le « coeur pur », le coeur qui appartient vraiment à Dieu et qui est rendu disponible pour une communion ouverte sur l’infini. « Bienheureux les coeurs purs : car ils verront Dieu » (Mt 5, 8).Une de ses compagnes, sans doute Mechtilde, elle aussi favorisée d’une exceptionnelle expérience mystique, « considérant cette affection d’une inestimable délicatesse » que le Seigneur avait pour Gertrude, s’entend dire un jour: « Nulle part tu ne pourras me trouver plus affectueusement sur terre que dans le sacrement de l’autel et, pareillement, dans le coeur et l’âme de cette mienne aimée sur qui s’est portée, d’une manière admirable, toute la délectation de mon divin Coeur » (Héraut, livre I, ch. 3, 3. cf. Sources chrétiennes n.139, p. 137-139). P. André Perroux [Note sur la présence de sainte Gertrude dans la spiritualité et l’oeuvre écrite du Père Dehon] Sainte Gertrude : une des sources de la spiritualité dehonienne...Pour sa méditation et ce qu’il nous en livre, le Père Dehon puise souvent à la mystique gertrudienne. Nombreuses sont les références dispersées à travers son œuvre : « Oeuvres Spirituelles » surtout, Correspondance, etc... J’ai volontairement laissé de côté cet aspect, où se retrouvent pourtant les expressions du « coeur » selon Gertrude, et sa dévotion au Coeur de Jésus. Voici quelques insistances que le Père Dehon relève dans les écrits de Gertrude tels qu’on les connaissait alors, avec quelques références entre bien d’autres possibles, si l’on désirait explorer ce « filon » de notre spiritualité, complémentaire de bien d’autres. Sauf indication contraire, les références renvoient aux volumes des « Oeuvres Spirituelles » : ainsi 1, 467 renvoie à OSP, volume 1, page 467. Se reporter aussi au cahier « Dehoniana », 2000/3, le « dossier central », pp. 17-95. - Gertrude est « la prophétesse et la théologienne du Sacré Coeur » (1, 467), « le docteur et le poète de la louange et du désir » (1, 510). « G., le chérubin de la louange » (5, 300, 541) ... - Avec Marguerite-Marie et Jean Eudes, Mechtilde et Gertrude sont les « quatre messagers » (les quatre « évangélistes », mais après saint Jean !) des trésors du Coeur de Jésus (1, 424 ; 2, 218, 522). Leur doctrine est une, convergente (1,424-425 ; 4, 415, 468...), avec des nuances propres : • Gertrude et Mechtilde : le Coeur de Jésus, dans la louange et l’amour du Père (1, 525). • Jean Eudes : le Coeur de Jésus dans son union à Marie ; Marguerite-Marie : le Coeur de Jésus avec ses épines, notre ingratitude. Gertrude est citée maintes fois parmi les « Saints du Sacré-Coeur » (cf. NQT XLV/1925, 4...). - La louange (1, 434) : en union avec l’Eucharistie au ciel, le Coeur de Jésus « autel d’or » de cette liturgie ; au ciel il fait les délices des élus... (1, 590). Cf. chez Dehon : l’anticipation de la messe perpétuelle au ciel (NQT XLV/1925, 11sq) ... - La confiance, « trait le plus saillant » de Gertrude. (1, 471 ; 3, 305...). Le Coeur de Jésus : source intarissable d’amour, de miséricorde, de confiance (1, 471, 576 ; 2, 230, confiance, et repentir...), source de vie (4, 525), « jardin du paradis » (5, 405), où la confiance s’épanouit en joie, en vie pleine... - La « grande grâce de Gertrude, de Mechtilde : l’amour de bienveillance, de désir pour le Coeur de Jésus » . (1, 508, 510 ; 2, 589...) - Pour recevoir le Saint-Esprit : toucher le côté et les mains de Notre Seigneur, c’est-à-dire avec reconnaissance « voir » l’amour du C. de J. notre Dieu, se rappeler les oeuvres de notre Rédemption, s’unir à l’amour de Jésus pour le Père : c’est la source de la sainteté, ferveur, vertu, miséricorde... (1, 493-495 ; 4, 437...). Méditations sur Lc 24, 39, sur Thomas (Jn 20, 24), la Pentecôte, le commentaire du Veni Creator... : par le Coeur du Ressuscité les dons de l’Esprit... - de Gertrude apprendre « l’art de prier » : offrir nos louanges/prières au Père, sur l’autel d’or qu’est le Coeur de Jésus (1, 467 ; 589, à partir de la Passion ; 3, 388 (les cinq Plaies) ... - Gertrude et la vie sacramentelle : le renouvellement du baptême (4, 214 : cf. NQT III/1887, 97 ; XLV/1925, 52), le souvenir de la confirmation (4, 224), la première communion (4, 248). Gertrude et l’Eucharistie, la liturgie - sa dévotion à Marie : union au Coeur de Jésus dans son amour pour Marie sa Mère ; passer par Marie pour aller au Coeur de Jésus (pour Père Dehon : dans la ligne de Jean Eudes) (1, 270 ; 295 ; 331 ; 386 ...) - L’amitié entre Gertrude et saint Jean : surtout à la Cène (Jn 13, 22-25) (1, 440 ; 2, 258 ; 3, 413 ; 5, 592... - La préparation à la mort avec Gertrude : « mourir dans le C. de J. » (4, 486...) Dans L’Année avec le Sacré Coeur, (4, 413-506), de nombreuses méditations sont consacrées à la « dévotion gertrudienne » : adorer et remercier avec Gertrude ; avec elle visite au Purgatoire, pour offrir l’amour du Coeur de Jésus manifesté tout au long de sa vie pour notre salut ; offrande de nos actions ; oraison avec Jésus l’Homme-Dieu, son coeur est le « siège » de sa Médiation, sa « suppléance » pour la pauvreté de notre amour...; l’Office divin ; la conformité de volonté, sanctification des oeuvres communes avec Jésus (vie cachée...) ; recueillement, oraisons jaculatoires comme expression de l’amitié pour Jésus ; confession ; sainte communion ; vie d’amour ; réparation ; courage dans les épreuves, etc... Dans la Correspondance (surtout vers 1883), cf. notamment la rencontre entre Dehon et Prévot sur cette dévotion gertrudienne, entre Dehon et sa mère (au moment de sa mort...) . Parmi les nombreux textes tirés de l’oeuvre de sainte Gertrude, le Père Dehon cite plusieurs prières. À titre d’exemple en voici quatre, elles peuvent aussi nous aider à mieux connaître l’affectivité, la poésie et lyrisme de la sainte mystique, et le fond biblique de sa prière. - Dans Mois du Sacré-Coeur de Jésus, quatrième jour : OSP 1, p. 440-441. " Je vous salue, ô Sacré Coeur de Jésus ! source vivifiante de la vie éternelle, trésor infini de la Divinité, fournaise ardente du divin amour. Vous êtes le lieu de mon repos et mon asile, ô mon aimable Sauveur. Embrasez mon âme de l’ardent amour dont le vôtre est tout empli. Répandez en mon coeur les grandes grâces dont le vôtre est la source, et faites que mon coeur soit tellement uni au vôtre que votre volonté soit la mienne, et que la mienne soit éternellement conforme à la vôtre, puisque je désire que désormais votre sainte volonté soit la règle de tous mes désirs et de toutes mes actions. Mon adorable et ineffable Jésus, je vous conjure, par tous vos mérites infinis et par le précieux amour de votre divin Coeur, d’effacer tous les péchés de mon âme et de suppléer à tous les défauts de ma vie. Amen ! " . - dans L’année avec le Sacré Coeur, au 12 novembre, OSP 4, pp. 451-452 : « Ô vie de mon âme ! Que l’affection de mon coeur, se fondant à l’ardeur de votre amour, s’unisse à vous, et qu’elle s’éloigne de tout autre objet, parce que vous êtes la beauté par excellence, la douceur de toutes les saveurs, le parfum de toutes les odeurs, le charme de tous les sens, la tendre suavité des chastes embrassements [Cf. les « sens spirituels »] En vous se trouve une volupté pleine de délices ; de vous provient l’excès de toute abondance ; vers vous nous attirent les charmes les plus doux : vous êtes l’abîme débordant de la divinité. Ô très digne Roi des rois, très illustre Prince, très doux Dominateur, très puissant Protecteur, vivifiante pierre précieuse qui ennoblit l’homme, artisan le plus ingénieux, instructeur le plus doux, conseiller le plus sage, auxiliaire le plus dévoué, ami le plus fidèle, union la plus délicieuse des douceurs intimes ! C’est vous qui caressez avec le plus de tendresse, qui désirez avec le plus d’ardeur, qui aimez avec le plus de ferveur. Vous êtes l’époux le plus aimable, le plus jaloux et le plus chaste, la fleur de printemps la plus éclatante, le plus aimable frère, le jeune homme le plus florissant de grâce et de force, le compagnon le plus agréable, l’hôte le plus généreux, l’intendant le plus soigneux et le plus empressé ! Oui, je vous préfère à toute créature ; pour vous, je renonce à tout plaisir ; pour vous, j’affronte toute adversité et je ne cherche en tout que votre louange ». - aussi dans L’année avec le Sacré Coeur, au 17 novembre, OSP 4, p. 466 et 467 : « Jésus, Sauveur du monde, vous à qui rien n’est impossible, si ce n’est de n’avoir pas de miséricorde pour les misérables. Vous qui, par votre croix, avez racheté le monde, Christ, écoutez-nous ! Je vous salue, Jésus, doux époux, dans la joie de votre divinité. Je vous embrasse avec l’affection de toutes les créatures de l’univers ; je vous embrasse dans la plaie de l’amour. Le Seigneur est ma force et ma gloire, il est devenu mon salut. Vous puiserez avec joie aux fontaines du Sauveur ! » « Seigneur, ouvrez-moi, comme un asile du salut, votre Coeur si aimé. Quant au mien, je ne l’ai plus. C’est vous, ô mon cher trésor, qui l’avez déjà pris et vous êtes vous-même son guide ; c’est de vous qu’il vit uniquement et vous l’avez transformé en vous. Dans son ardeur, mon âme fondue en vous ne vit plus que pour vous ». Le Père André Perroux, dehonien, né en France en 1931. Après avoir été professeur de théologie (la patristique et le dogme) au Consortium des religieux à Lyon, il a été assistant général du Père Antonio Panteghini de 1979 à 1991, puis appelé à faire partie du Centre d’Études dehonien à Rome. Il a contribué à déchiffrer et à publier une bonne partie des écrits du Père Dehon, en particulier son abondante correspondance, et a publié diverses études sur le Fondateur.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 12/12/2016, 00:33 | |
| www.citeaux.net/collectanea/Quenardel2.pdf SAINTE GERTRUDE DE HELTFA. DOCTEUR DE LA PRIERE DE L'EGLISE 1. Collectanea Cisterciensia 74 (2012) 410-425. Olivier QUENARDEL, ocso. 1/3. Sainte Gertrude, que la tradition catholique a nommée « la grande » , naît le 6 janvier 1256, jour de l’ Epiphanie. Elle s’en souviendra pour accepter, non sans résistance, de répondre aux instances du Seigneur et de ses supérieurs lui enjoignant de mettre par écrit son expérience spirituelle. Ils la persuadent que son œuvre sera « lumière pour éclairer les nations » et « annonce du salut jusqu’aux extrémités du monde » . On ignore ses origines familiales. Encore enfant, elle est offerte au monastère d’ Helfta en Allemagne, sur le diocèse de Magdebourg. C’est un milieu de femmes cultivées qui vivent selon la Règle de Saint Benoît et les coutumes de Cîteaux. L’éducation de Gertrude est confiée à sainte Mechtilde de Hackeborn, dont elle reçoit une solide formation intellectuelle et spirituelle. Une rencontre décisive marque sa vie : au soir du 27 janvier 1281, alors qu’elle vit depuis plus d’un mois dans « un épais nuage de ténèbres » , un jeune homme qui porte sur ses mains « les joyaux brillants des cicatrices qui ont annulé toutes nos dettes » se présente à elle. Il lui promet de la délivrer de ce grand trouble. À partir de ce jour-là, une double conversion s’opère en elle : elle renonce aux études humanistes pour mieux s’adonner aux études théologiques, et elle passe d’une vie monastique négligente à une vie de prière intense, mystique, avec une ardeur missionnaire exceptionnelle. Nous savons par son biographe que sainte Gertrude a écrit plusieurs ouvrages où la Parole de Dieu tient une grande place. Deux ont traversé les siècles: - les Exercices spirituels, " rare joyau de la littérature mystique", placée en tête du Héraut en recommande la lecture. __________________ 1. Texte d’une conférence donnée à la Conférence monastique de France le 9 octobre 2012. 2. GERTRUDE D’ HELFTA, Le Héraut (SC 139 et 143), Paris 1968, respectivement p. 111 et 257-259. 3. SC 139, p. 231. 4. BENOÎT XVI, Sainte Gertrude, Documentation catholique n° 2462 (2011), p. 173-175 (Audience générale du 6 octobre 2010). ________________________________________________________ - Et Le Héraut de l’Amour divin , où se trouve consigné le Mémorial des grâces de son union avec le Seigneur. Une longue « approbation des docteurs », dominicains et franciscains, Après l’Italie, l’Espagne, la France, la diffusion de ses œuvres gagne l’Amérique Latine où Gertrude est déclarée patronne des Indes Occidentales. Les moniales de la Conception, à Mexico, obtiennent de célébrer sa fête dès 1609, avant même qu’elle soit inscrite au Martyrologe Romain (1677). " Docteur de la prière de l’Eglise ". Les auteurs qui ont étudié l’œuvre de sainte Gertrude (Cyprien Vagaggini, Jean Leclercq, Pierre Doyère, Charles-André Bernard, etc.) sont unanimes pour reconnaître la place fondamentale de la liturgie dans sa vie, ce qui n’a rien d’étonnant chez une moniale qui appartient à la grande tradition bénédictine, mais qui atteint chez elle un degré d’expression inégalé. La liturgie est non seulement le lieu privilégié de son expérience spirituelle, mais toute sa vie sort pour ainsi dire du bain de la liturgie et devient « œuvre de Dieu » au long des jours et des nuits . Chez elle, le culte rendu à l’oratoire se déploie partout ailleurs. Cette place de « fondement » occupée par la liturgie dans l’œuvre de sainte Gertrude fait d’elle une maîtresse spirituelle très sûre et très saine pour quiconque s’engage à la suite du Christ sur les chemins de l’Evangile. Par sa vie et par son œuvre, la "grande" moniale d’ Helfta atteste qu’aucune forme de prière n’est plus recommandable que la liturgie de l’Église, aucune plus à même de transformer le cœur pour qu’il devienne le réceptacle des « flots débordants de la divine tendresse » ; Il est aussi remarquable de voir comment le célèbre adage de saint Benoît, « mens nostra concordet voci nostrae (que notre esprit s’accorde avec notre voix) » (Règle, 19, 7), cité dans la Présentation Générale de la Liturgie des Heures 9, trouve chez elle un élargissement qui manifeste un sens de l’Église hors du commun : « devotio concordaret cum officiis Ecclesiae ». Cela revient à dire que, sans cesser de travailler à l’accord de l’esprit avec la voix, la ferveur elle-même doit chercher à s’accorder aux offices de l’Église. ___________ 5. BENOÎT XVI, p. 173-175. 6. SC 127, p. 21. 7. Dom Prosper Guéranger, osb, restaurateur de la vie bénédictine à Solesmes et premier Abbé de ce qui deviendra la Congrégation de France, tient sainte Gertrude en grande estime et s’y réfère fréquemment. 8. Cf. le titre complet du Héraut : « Legatus, memorialis abundantiae divinae pietatis (Le Héraut, mémorial de l’abondance de la divine tendresse) ». 9. Présentation Générale de la Liturgie des Heures, n° 105 et 108. 10. Le Héraut (SC 255), p. 198-199. ___________________ Ainsi, tout exercice de piété ou dévotion particulière, pour ne pas déraper, doit soigneusement s’inspirer de la grande liturgie de l’Eglise et s’appuyer sur elle. Cela explique pourquoi sainte Gertrude d’ Helfta peut être présentée comme un exemple de spiritualité liturgique pouvant conduire aux plus hautes formes de vie chrétienne et contemplative. Dans notre contexte ecclésial où la liturgie est devenue un point sensible, parfois même une source de tension très regrettable entre les fidèles du Christ, Gertrude fait figure de grand témoin de l’impact sur toute la vie baptismale d’une liturgie où la forme, qu’elle soit "ordinaire" ou "extraordinaire", n’atteint son but que si le cœur des célébrants s’en trouve agrandi, et leur sens de l’Église singulièrement élargi. A partir du foyer lumineux de la prière liturgique, dont l’Eucharistie est le moment par-dessus tout désiré de la sainte, tous les grands axes de sa vie spirituelle se mettent en place : six siècles avant sainte Thérèse de Lisieux, elle découvre la voie d’enfance et développe une théologie de l’amour divin qui, sans jamais céder au laxisme, appelle à une espérance et une confiance en Dieu sans limite. C’est aussi son expérience liturgique qui lui permet de donner toute sa mesure à un sentire cum Ecclesia, qui annonce l’ecclésiologie de communion à laquelle Vatican II et les plus récents documents du Magistère nous ont rendus sensibles. La mystique de Gertrude est à l’opposé d’un intimisme où Dieu isolerait le priant du Corps auquel il appartient. Elle entraîne au contraire dans un immense courant de grâce où les uns et les autres se retrouvent solidaires, et cela non seulement à un moment donné de l’histoire, mais à travers les siècles. Influencée par la théologie mystique de saint Bernard, Gertrude ne craint pas de recourir aux expressions et aux images empruntées à la vie conjugale. Le style est affectif, sponsal, dans la ligne du Cantique des cantiques. Rien de mièvre pourtant grâce à une référence soutenue à la Parole de Dieu et à la liturgie. Le corps à corps des images soutient le cœur à cœur de l’expérience spirituelle, et conduit la sainte figure de précurseur au Sacré-Cœur. ______ 11. C. VAGAGGINI, Initiation théologique à la liturgie, t. 2, Bruges/Paris, Biblica, 1963, p. 206-239. 12. Hans Urs von Balthasar se réfère volontiers aux moniales d’ Helfta, surtout quand il aborde la thématique de l’espérance. Il cite en particulier le Liber specialis gratiae de sainte Mechtilde de Hackeborn, recueil de confidences sur son expérience spirituelle, mises en forme par sainte Gertrude. 13. Cf. par exemple La vie fraternelle en communauté, Documentation catholique n° 2093 (1994), p. 411-434 ; et JEAN-PAUL II, Vita consecrata. Exhortation apostolique postsynodale, Paris, Cerf, 1996, surtout chapitre II : « La vie consacrée, signe de communion dans l’Église », p. 61-107. 14. VAGAGGINI, p. 212. _________________________________________ Consciente néanmoins que ses écrits pourraient devenir une pierre d’achoppement pour certains lecteurs, elle développe à plusieurs reprises une théologie des images qui la montre sévère à l’égard d’elle-même et de ce fait préservé des dangers de l’illuminisme 16. Elle peut alors écrire en conclusion de son Mémorial : Comme c’est au moyen de l’alphabet qu’arrivent à la science de la philosophie ceux qui veulent étudier, ainsi, au moyen de ce qui n’est pour ainsi dire qu’images peintes, ceux qui liront cet écrit apprendront à goûter au-dedans d’eux-mêmes cette manne cachée qu’il n’est possible d’allier à aucun mélange d’images matérielles et dont seul qui en a mangé éprouve à jamais la faim 17. Lumière pour éclairer les nations. 18. Dans un tout autre domaine que la liturgie, la vie et l’œuvre de sainte Gertrude méritent de retenir notre attention : ce qu’on pourrait appeler l’intégration du négatif dans l’itinéraire de la conversion. A la différence de la plupart des récits hagiographiques du Moyen Âge et jusqu’à une époque récente, Le Héraut nous présente une femme qui n’est pas sainte dès son plus jeune âge, qui a des défauts et qui lutte contre ses défauts. Elle en est parfaitement consciente quand elle écrit par exemple : " De quels mérites de ma part me vient un tel don, ô mon Dieu, de quelles résolutions de la vôtre ? Il faut que l’amour oublieux de son honneur mais prompt à honorer, oui, l’amour impétueux, qui devance tout jugement et échappe à tout raisonnement, vous ait, ô mon Dieu infiniment doux, comme enivré, jusqu’à perdre le sens, pour que vous tentiez l’union de termes si dissemblables. Mais il serait plus convenable de dire que la suave bonté – innée et essentielle à votre nature – sous la motion intime de la douce charité – par laquelle non seulement vous aimez, mais êtes l’Amour même, et dont vous avez employé la plus tangible efficacité au salut du genre humain – vous a incliné vers la dernière des créatures humaines, la plus démunie de tout ce qui ne lui est pas nécessaire et dû, méprisable par sa vie même et sa conduite, pour l’appeler du plus loin de son extrême bassesse et la faire participer à la grandeur de votre Majesté, que dis-je ? – de votre Divinité, afin sans doute de fortifier par cet exemple la confiance (confidentiam) de toute âme vivant ici-bas. Mon espérance et mon désir sont qu’il en soit ainsi pour tout chrétien, par respect pour Dieu, et qu’il ne se rencontre personne s’abaissant autant que moi à déshonorer vos dons et à scandaliser le prochain " 19. _____________ 15. PIE XII, Encyclique Haurietis aquas, n° 51. 16. SC 139, p. 115, 125-127, 351 ; SC 255, p. 135, 159-161 ; SC 331, p. 273-275. 17. SC 139, p. 351. 18. Ce qui suit s’inspire de O. QUENARDEL, La communion eucharistique dans « Le Héraut de l’Amour Divin » de sainte Gertrude d’ Helfta (Monastica 2), Brepols/Bellefontaine.1997, p. 74-81. ________________________________________ Gertrude comprend que Dieu, en la choisissant comme témoin de son amour, – elle, « la dernière des créatures humaines, la plus démunie de tout ce qui ne lui est pas nécessaire et dû, méprisable par sa vie même et sa conduite », – veut « fortifier par (ce choix) la confiance de toute âme vivant ici-bas ». Une lecture même rapide du Héraut montre que les défauts ont une place éminente dans l’acquisition de la sainteté. Dieu les « laisse subsister, parfois même chez (ses) plus grands amis », pour les maintenir dans l’humilité et "exercer par là leur vertu 20". Voici une page qui peut nous en convaincre. Comme elle priait pour que le Seigneur corrige un supérieur d’un défaut, elle reçut cette réponse : « Ne sais-tu pas que, non seulement cette personne, mais tous ceux qui président à cette communauté qui m’est chère, ne manquent pas d’avoir quelques défauts – nul ici-bas, d’ailleurs, ne peut être absolument parfait – et, si je le permets, c’est en vertu de mon immense divine tendresse, douceur et amour pour cette communauté préférée et afin que ses mérites en soient merveilleusement accrus ? C’est une plus grande vertu en effet d’obéir à un supérieur dont les défauts sont patents qu’à celui dont la valeur éclate dans toutes ses actions ». Elle répliqua : « Bien sûr, mon Seigneur, je me réjouis qu’il y ait mérite pour les sujets, mais j’aimerais aussi, pourtant, que les prélats fussent préservés de commettre les fautes auxquelles les expose leur défaut ». Le Seigneur répondit : « Pour moi, je n’ignore aucun de leurs défauts, que certes, parfois, les diverses occasions de leur charge manifestent, alors que, peut-être, ils n’arriveraient point autrement à l’humilité nécessaire. Ainsi, il y a, pour le mérite des sujets, occasion d’accroissement aussi bien dans les défauts de leurs supérieurs que dans leurs vertus, de même que, pour le mérite des supérieurs, il y a occasion d’accroissement aussi bien dans les vertus des sujets que dans leurs défauts : dans l’unité d’un seul corps, tous les membres concourent au progrès commun ». Ces paroles lui firent comprendre combien surabonde la tendresse de la divine sagesse et avec quelle habileté elle pourvoit au salut de ses saints, en permettant que les défauts y contribuent pour conduire à de meilleurs progrès21. Il vaudrait la peine d’étudier le Héraut sous l’angle de « l’intégration du négatif ». On verrait comment le « merveilleux », dans le cas de Gertrude, n’est pas la sainteté acquise au départ, mais la sainteté conquise par une prise en compte réaliste de sa face d’ombre. Gertrude ne naît pas « lumière pour éclairer les nations », elle s’y destine par une inlassable conversion . Cela rejoint l’un des soucis majeurs de l’hagiographie contemporaine qui n’est plus de sublimité, mais de présence de la grâce à l’épaisseur de l’homme. ___________ 19. SC 139, p. 265. 20. SC 255, p. 25. 21. SC 143, p. 335-337. _____________________________ Cacher les ombres, c’est oblitérer la force de la grâce. Pour autant, n’allons pas en conclure que le Héraut se complaît à maintenir le lecteur dans la part défectueuse, sombre et peccamineuse de la personne humaine. Disons plutôt que la joie sereine qui s’en dégage est de la même veine que celle de l’Évangile montrant Jésus assis à la table des pécheurs et déclarant : « Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin mais les malades ; je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs » (Lc 5, 31-32). Gertrude est du bord des malades et des pécheurs, car c’est à eux que sont destinés les flots débordants de la divine tendresse (pietas). Il faut qu’en la voyant « jouer 22 » avec le Christ, les malades et les pécheurs soient « convaincus » de « confiance ». Prendre en compte la face d’ombre de Gertrude, c’est aussi prendre en compte la manière dont le Seigneur la reprend et la corrige. Presque toujours, c’est par un surcroît de douceur, et Gertrude reconnaît que « ce procédé était plus efficace que n’aurait jamais été, pour elle, la peine sévère qui lui était due23 » . L’expérience de sa vilenie et de son néant, à la lumière de la pietas Dei, la conduit alors à thématiser ce que l’on a coutume de considérer comme l’une de ses plus grandes originalités : la suppletio. « C’est là l’un des fruits de sa formation spirituelle à l’école de la liturgie », écrit Cyprien Vagaggini, qui voit dans cette suppletio la jonction de 1’« effort ascétique » avec la « conscience de la grâce » : Cette pratique (pour Gertrude) consistait à penser aux mérites du Christ, aux souffrances, aux désirs et aux prières de sa sainte humanité, pour s’y unir et les offrir au Père, afin qu’ils suppléent à son indignité, à ses négligences, à ses défauts et à ses péchés. Elle recourait de la même manière aux mérites de la Vierge et des saints. Cette pratique lui permettait, tout en gardant une exacte conscience de son indignité et du peu de valeur de ses efforts ascétiques, de s’approcher de Dieu en toute tranquillité d’âme pour le rencontrer dans l’action liturgique. En tout cela, aucune trace de jansénisme, ni de pélagianisme, ni de volontarisme. Mais, sans tomber non plus dans le laxisme ou le quiétisme, elle avait une conscience très vive de la souveraineté de la grâce, et de la suppléance apportée par le Christ aux pauvres efforts des hommes qui sont unis à lui avec une bonne volonté sincère et un cœur pur 24. Nous aurions tort cependant de croire que Gertrude n’est consciente que de sa face d’ombre. Elle est aussi consciente de sa face de lumière et de sa mission « pour éclairer les nations ». ____________ 22. L’aspect ludique du Héraut serait, lui aussi, à étudier. Cf. SC 139, p. 167 ; SC 255, p. 27. 23. SC 139, p. 235. 24. VAGAGGINI, p. 220. _________________________________________________
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 12/12/2016, 01:09 | |
| SAINTE GERTRUDE DE HELTFA. DOCTEUR DE LA PRIERE DE L'EGLISE. Collectanea Cisterciensia 74 (2012) 410-425. Olivier QUENARDEL, ocso. 2/3. A la frontière de ces deux faces, elle se positionne avec une justesse qui la garde à la fois du découragement et de la présomption. On en a la preuve dans sa manière de recourir au registre de la « petitesse » pour se situer devant Dieu et devant les hommes. Entendons bien : il ne s’agit plus ici du sentiment de sa « bassesse », lié à l’expérience de ses défauts et de ses péchés, mais de celui de sa « petitesse » qui, pour inséparable qu’il soit du précédent, s’en distingue néanmoins radicalement du fait qu’il n’est pas, de soi, lié au péché . C’est ce sentiment qui émerge dans des exclamations comme celle-ci : " O dignité de cette infime poussière (minutissimi illius pulveris) que l’ Etre éminent, joyau du trésor céleste, a retirée de la fange pour se l’attacher ! O excellence de cette menue petite fleur (illius flosculi) que fait surgir du marais le rayon même du soleil, comme pour l’associer à sa propre lumière !" . 25 Le Héraut et les Exercices sont tissés de diminutifs qu’il ne faut pas considérer comme un simple artifice littéraire. C’est l’expérience même que Gertrude fait de la pietas Dei qui s’y inscrit. La conséquence logique de ce juste sentiment se vérifie, entre autres, en matière de coopération liturgique. Exempte de pélagianisme autant que de laxisme, Gertrude comprend qu’elle doit mesurer sa « part » en proportion de sa « petitesse » . Ce sera le « un peu » de l’Evangile 26, où l’Infiniment grand reconnaît son image et ressemblance dans la petitesse . Le tout-petit coopère petitement, mais au regard de l’Infiniment grand, ce « petitement » est la plus juste mesure de coopération à l’Immense. Sans ce « petitement » intentionnel et signifié, l’Infiniment grand est comme paralysé, et la divina pietas ne peut pas se manifester . On en a un bon exemple un jour où, désolée de voir l’obstacle qu’oppose sa faiblesse à son désir de « mettre toute son attention à prononcer toutes les notes et les mots de l’Office », elle comprend que le Cœur du Christ, « instrument infiniment doux de la Trinité éternellement adorable », se tient à côté d’elle « comme un serviteur fidèle… attentif au moindre bon plaisir de son maître ».
Et le Seigneur ajoute : " Mon Cœur Divin, connaissant la fragilité et l’instabilité humaine, souhaite, avec l’attente d’un désir infini, que, sinon d’un mot, du moins d’un signe (si non verbis, saltem aliquo tutu), tu lui confies le soin de suppléer pour toi et de parfaire tout ce que, par toi, tu ne peux accomplir " . (committas sibi supplendum pro te ac perficiendum quidquid per te minus perficere potes)27. __________________ 25. SC 139, p. 271. 26. Mc 9, 41 ; Lc 19, 17 ; Jn 6, 9. 27. SC 143, p. 119-123. ________________________________________ Une telle confidence du Seigneur nous conduit peut-être à nous interroger sur la manière de comprendre ce qu’est la « participation pleine, consciente et active » aux célébrations liturgiques. On pourrait multiplier les exemples28. L’atmosphère du Héraut est partout empreinte de cette gracieuseté de la pietas qui ne cherche pas d’autre partenariat que celui d’un vécu dans la « petitesse », ni d’autre exploit que celui d’une réponse à la mesure de cette " petitesse ". Admirable commerce de la grâce, où le « moindre » est le mieux placé pour « coopérer » à l’Immense, et ainsi faire l’expérience de la divine tendresse 29. Apôtre de l’ ecclésialité. 30 Nous savons que la liturgie est le lieu privilégié de l’expérience spirituelle de sainte Gertrude. Une lecture attentive du Héraut de l’amour divin permet d’être plus précis : de toutes les célébrations liturgiques, c’est sans aucun doute l’Eucharistie qui exerce sur elle l’attraction la plus grande, et l’on peut être plus précis encore : les grands jours de Gertrude sont ceux où le Seigneur l’appelle « aux délices de (sa) table royale31 » , c’est-à-dire ceux où elle peut communier. A cette époque, en effet, les fidèles n’approchaient la sainte Table que rarement. Sainte Claire communie seulement sept fois par an. Saint Louis († 1270), six fois par an, et sainte Élisabeth de Portugal († 1330) trois fois par an. A Helfta, par contre, les moniales communient habituellement les dimanches et les jours de fête, ce qui fait figure d’exception, mais demeure encore loin de la communion quotidienne. On comprend ainsi pourquoi la préparation à la communion occupe tant de place dans les milieux d’Eglise et, de ce fait, dans le dossier eucharistique du Héraut. Pour en apprécier les repères, il peut être intéressant de tenter une comparaison entre ceux que donne sainte Gertrude et ceux de la scolastique alors en vigueur. Les limites de cet exposé ne permettent pas d’entrer en détail dans cette comparaison. __________________ 28. Cf. SC 139, p. 181-183, 277; SC 143, p. 173-175; SC 255, p. 101-103. 29. Il semble que les études menées jusqu’ici sur la doctrine théologique de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus n’ont pas encore suffisamment éclairci sa relation avec les moniales d ’Helfta, en particulier avec sainte Gertrude. Thérèse, pourtant, s’y réfère explicitement pour se justifier d’une action qui va dans le sens de SC 139, p. 181-183 (cf. SAINTE THÉRÈSE DE L’ENFANT-JÉSUS ET DE LA SAINTE-FACE, Derniers entretiens, Annexes, Desclée de Brouwer/Cerf, 1971, p. 36). C’est la preuve qu’elle a lu le Héraut, sinon en entier, du moins dans des morceaux choisis. La dialectique « petitesse extrême et grandeur infinie », où se complaît Thérèse (cf. F.-M. LÉTHEL, Connaître l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance, Venasque, Ed. du Carmel, 1989, p. 492-513) avait déjà une adepte, six siècles auparavant, en sainte Gertrude d’ Helfta. 30. On trouvera de larges développements de tout ce qui suit dans O. QUENARDEL, La communion eucharistique, p. 115-134. 31. SC 139, p. 235. _____________________________________________________________ Je me propose seulement de faire ressortir les accents mis ici et là à ce sujet. La question qui préoccupe alors les esprits est celle de la « dignité » : Suis-je digne ou pas d’approcher la sainte Table ? Les grands scolastiques, contemporains de Gertrude, – Bonaventure, Thomas d’Aquin, Albert le Grand – y répondent en s’inspirant de la fameuse lettre à Janvier de saint Augustin : oscillant entre crainte et amour, entre tiédeur et dévotion, le fidèle est invité à s’éprouver lui-même pour opérer le discernement nécessaire. Il saura que le choix de Zachée, qui reçoit le Seigneur dans sa maison, et celui du centurion, qui au contraire se juge indigne de le recevoir, sont également loués. A l’un et à l’autre, le Seigneur accorde la grâce qu’ils ont méritée. On se retrouve ainsi devant une démarche de type relativement individualiste. Zachée et le centurion sont livrés à eux-mêmes pour en décider. La part d’un vis-à-vis, d’un autre que soi-même, pour collaborer à la décision prise, sans être niée, n’apparaît pas. Le rituel d’accès à la communion donne l’impression d’être réduit à un « examen de conscience » que chacun accomplit, certes, devant Dieu, mais un Dieu davantage présent aux coulisses de soi-même que sur la scène de l’ Ecclesia. Si la conscience est légère, la communion risque d’être faite « à la légère ». Si, au contraire, elle est par trop délicate, voire anxieuse ou portée au scrupule, l’accès à la communion risque d’être freiné sans raison valable.Le Héraut de l’amour divin prend de la distance par rapport aux vues théologiques et pastorales de l’époque, où la nécessité de s’éprouver soi-même risque de paralyser l’élan des bonnes volontés, en majorant indûment le motif d’indignité. Fidèle à la vieille tradition monastique, où la relation de soi à soi est médiatisée dans un travail de discernement auprès d’un « ancien », sainte Gertrude déjoue les pièges d’une conscience auto-justicière, et met en place un dispositif d’accès à la communion sacramentelle qui, dans son principe même, fait droit au Mystère de l’Église. Quand le disciple manifeste ses pensées à son abba et cherche avec lui la volonté de Dieu, n’est-ce pas en effet une cellule ecclésiale qui se constitue en épiphanie du Mystère Trinitaire, donnant occasion à l’Esprit de discretio, qui animait la relation de Jésus à son Père, de poursuivre dans les membres du Corps l’œuvre qu’il a déployée dans la Tête : une œuvre d’obéissance, animée d’un pur désir de glorifier Dieu ? S’engager dans un tel « procès », c’est reconnaître, du même coup, que ce qui se joue en permanence sur la scène du Mystère de l’Eglise, informe les acteurs jusque dans les coulisses. Dans ce but, une sorte de rituel d’accès à la communion se met en place à partir de trois données qui méritent qu’on s’y arrête. Sainte Gertrude, docteur de la prière de l’Eglise. 419 La pression de la confidentia. La première est la pression de la confidentia. La moniale qui brosse le portrait de Gertrude au début du Héraut place la confiance comme première étoile dans le ciel de sa sainteté : Elle devait à cette confiance (confidentia) une grâce spéciale concernant la communion qui faisait qu’aucune parole de l’Écriture ou des hommes sur le danger de communier indignement ne pouvait l’empêcher de communier sans crainte, mettant toute son espérance dans la tendre miséricorde du Seigneur (pietate Domini). Elle considérait de si petite et quasi nulle valeur ses efforts que l’oubli des prières et exercices habituels de préparation à la communion ne la déterminait pas à s’abstenir de communier, estimant que c’est comme une infime goutte d’eau dans l’océan que l’effort d’attention humaine devant la suprême excellence et gratuité de ce don. 32. Cette confiance sans borne conduit Gertrude à rendre grâce au Seigneur de ne pas l’avoir rejetée, lorsqu’elle approchait, « si souvent mal préparée, du banquet suréminent de (son) Corps très saint et de (son) Sang » . La suite de son action de grâce laisse entrevoir un sens aigu de solidarité ecclésiale qui se manifeste ici sur le terrain de la préparation à la communion sacramentelle : " Votre munificence insondable envers celle qui est le plus vil et le plus méprisable de vos instruments a daigné encore ajouter ce trait à votre don : sous votre grâce, j’ai acquis la certitude que quiconque désireux d’approcher de votre sacrement, mais retenu par les timidités d’une conscience craintive, viendrait avec humilité chercher réconfort auprès de moi, la dernière de vos servantes, votre amour débordant (tua incontinens pietas) estimerait cette âme, à cause de son acte même d’humilité, digne de ce grand sacrement, qu’elle recevrait alors effectivement en fruit d’éternité. Vous avez ajouté que pour ceux qu’il serait contraire à votre justice de tenir pour dignes, vous ne leur accorderiez pas l’humilité de recourir à mon conseil. O Maître suprême, qui habitez les hauteurs célestes et jetez votre regard sur la misère d’ici-bas, que penser de ce dessein de votre divine miséricorde, sinon que, me voyant tant de fois approcher indignement de votre sacrement, et mériter par-là, en toute justice, condamnation, mais, voulant d’autre part que d’autres âmes se rendissent dignes par un acte d’humilité, votre bonté (pietas tua) a décidé – bien que ce résultat pût être mieux atteint sans moi – de l’obtenir cependant par moi, en considération de mon indigence, afin du moins de me faire participer aux mérites de ceux que mes avis auraient conduits à la jouissance du fruit de salut " . 33. On a là un exemple typique de la pastorale d’accès à la communion sacramentelle telle que la conçoit Gertrude. Mue par l’Esprit Saint, elle découvre, émerveillée, le dessein de la divina pietas qui unit entre eux les membres de l’Église, pour que l’humilité des uns vienne au secours de l’indignité des autres, les préparant ainsi, hormis le cas de péché mortel , à s’approcher ensemble du sacrement de vie. ___________________________________________________________ 32. SC 139, p. 167. 33. SC 139, p. 309-311. ______________________________________________________________ On mesure par-là la finesse et la justesse théologique des repères donnés par Gertrude pour tracer la voie d’accès à la communion sacramentelle. Nous aurions tort de dire qu’ils sont différents de ceux des scolastiques. Mieux vaut reconnaître qu’ils vont plus loin en conjuguant le devoir de s’éprouver soi-même avec celui de s’éprouver en Eglise. On pourrait dire que, chez les scolastiques, Zachée et le centurion se côtoient sans avoir conscience de faire corps, alors que, chez Gertrude, ils ne se côtoient pas, ils appartiennent au même corps. Cette certitude de foi explique la confidentia qui anime toute la vie spirituelle de la sainte, et qui lui sert de ligne de conduite pour accéder à la communion sacramentelle. Sa discretio lui a ouvert les yeux sur le mystère de l’Église : elle comprend que l’appartenance au même Corps oblige les membres à se considérer partie prenante les uns des autres dans une solidarité de grâces où peut naître la confiance. Dans cette perspective, personne n’a le droit de s’éprouver soi-même hors de son rattachement au Corps. Le motif d’indignité aura ainsi moins de prise sur le sentiment de culpabilité toujours prêt à se réveiller. On pourrait dire que, dans le Héraut de l’amour divin, Jésus s’invite avec le centurion chez Zachée. Le bienfait de la ritualité. La discretio de Gertrude ne s’arrête pourtant pas là. Elle puise sa confiance à une source plus profonde encore que la seule appartenance à l’Église, à la source même du mystère de l’Eglise, là où l’Église prend corps en prenant le Corps : ce qu’elle voit, ce qu’elle entend, ce qu’elle touche, ce qu’elle respire et ce qu’elle goûte, dans l’acte de la célébration des saints mystères, tout l’incite à la confiance. C’est la deuxième donnée au fondement de son rituel d’accès à la communion. On pourrait l’appeler le bienfait de la ritualité. Quand sainte Gertrude déclare au Seigneur qu’elle n’a jamais eu de meilleure préparation à la communion que « l’assistance à la Messe 34 », elle se positionne à l’intérieur même du sentire cum Ecclesia, où l’Epouse du Christ comprend que ce sacrement est vraiment son bien, et que la célébration n’a de sens qu’en vue de la communion. Mais il y a d’autres raisons qui expliquent pourquoi et comment les saints mystères enflamment en elle la confiance. Il faut les chercher du côté de ce que le regretté P. Pierre-Marie Gy appelle une « christologie eucharistique concrète ». ________________________________________________________________________ 34. SC 143, p. 33. _________________________________________________________________________ C’est-à-dire une « visite en humilité du Fils de Dieu » dans le sacrement de l’Eucharistie. Inséparable de la notion de « présence réelle », comprise comme « présence corporelle » et « présence sacramentelle » en lien avec l’interprétation eucharistique de Mt 28, 20, cette christologie marque profondément la doctrine de saint Bonaventure. « Il y a chez lui un va-et-vient entre la technique scolastique et la piété évangélique de saint François qui l’autorise à parler des espèces sacramentelles comme d’un petit manteau ou plus souvent, selon une expression familière aux théologiens depuis Hugues de Saint-Victor, comme d’un voile (velamen)35 » . Gertrude, elle aussi, fait le lien avec Mt 28, 20 sans toutefois parler explicitement de « présence réelle » ; et plutôt que de recourir à l’image du voile ou du petit manteau, elle s’en tient au « corps » lui-même dans sa mise en scène sacramentelle. Elle le considère à la fois dans ses dimensions physiques, et dans ses relations avec le corps humain des fidèles qui le voient, le touchent, et le mangent. Rien de plus concret pour elle que cette christologie eucharistique qui se joue dans le corps à corps de la célébration liturgique. En voici des exemples : Un prédicateur ayant fait un long sermon sur la justice divine, elle y avait prêté tant d’attention que, effrayée, elle craignait de s’approcher des divins mystères. Dieu la réconforta par ces paroles de bonté : « Si, des yeux de la foi (interioribus oculis), tu oublies de voir tant de marques que je t’ai données de ma bonté, regarde au moins des yeux du corps (corporalibus oculis) dans quel vase étroit je m’enclos pour venir vers toi et tiens pour assurer que la rigueur de ma justice s’est laissé enfermer dans la douceur de ma miséricorde, car c’est celle-ci que, dans ce sacrement visible, j’aime à présenter à tous les hommes36 ». Ici, le Seigneur invite Gertrude à une leçon de théologie sacramentaire à partir d’une perception visuelle : faute d’avoir un regard intérieur approprié, elle doit s’appuyer sur ce qu’elle voit avec les yeux de son corps. Elle aura ainsi la certitude que « la rigueur de (sa) justice s’est laissé enfermer dans la douceur de (sa) miséricorde », car c’est celle-ci qu’il « aime à présenter à tous les hommes ». Voilà qui en dit long sur l’exhibitionnisme sacramentel (in exhibitionem hujus sacramenti), où la sainte déchiffre l’intention du Seigneur. L’incitation à la confiance doit redoubler quand, à la considération de l’exiguïté du corps sacramentel, s’ajoute la comparaison entre le volume de ce corps et celui du corps humain. Le goût ici se marie à la vue pour mettre à profit la leçon de choses : __________________________________________________________________________ 35. P.-M. GY, La liturgie dans l’histoire, Paris, Cerf, 1990, p. 255-256. 36. SC 143, p. 93. ___________________________________________________________________________
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 12/12/2016, 02:43 | |
| SAINTE GERTRUDE DE HELTFA. DOCTEUR DE LA PRIERE DE L'EGLISE. Collectanea Cisterciensia 74 (2012) 410-425. Olivier QUENARDEL, ocso. 3/3. Une autre fois, dans une circonstance semblable et de la même façon, la tendresse divine (divina pietas) l’attira à goûter la douceur de sa suavité en lui disant : « Regarde l’exiguïté de cette forme matérielle sous laquelle je te manifeste toute ma divinité et mon humanité, et compare ce volume avec celui du corps humain ; juge ainsi de la bienveillance de ma bonté, car si la mesure du corps humain dépasse la mesure de mon corps, c’est-à-dire de l’espèce du pain sous laquelle est présent mon corps, c’est ma miséricorde et mon amour qui m’entraînent en ce sacrement pour permettre à l’âme aimante de l’emporter en quelque manière sur moi, comme le corps humain l’emporte en dimension sur mon corps (eucharistique) 37 ». Une autre fois encore, alors que la cloche sonne pour la communion, Gertrude craint d’être « insuffisamment préparée » . Pourquoi donc le Seigneur ne lui a-t-il pas envoyé les parures de dévotion (ornamenta devotionis) qu’elle souhaitait recevoir de lui ? Voici la réponse du Seigneur : « Parfois l’Époux prend plus de joie à voir nu le cou de l’épouse que couvert d’un collier et aussi plus de joie à toucher ses mains dans leur beauté qu’à les regarder longuement parées de gants ; de même, il m’arrive de prendre plus de joie dans un acte d’humilité que dans la grâce de la dévotion 38 ». Ici, le corps est ritualisé sur la base de la distinction ornement/nudité, ce qui donne occasion à une nouvelle leçon de confiance : la nudité de l’humilité de l’épouse donne plus de joie à l’Epoux que ne le ferait la grâce de la dévotion. Quelle que soit l’appréciation portée sur ce type d’exégèse rituelle, elle mérite toute notre attention si l’on veut comprendre en quel sens et de quelle manière Gertrude ritualise sa préparation à la communion sacramentelle. En s’ouvrant au mystère de l’Eglise, elle rejette un individualisme « indiscret » ; et en considérant le « corps ritualisé », – celui du Seigneur dans le volume du sacrement, celui du prêtre ou de l’épouse dans la distinction ornement/nudité –, elle rejette un « zèle de justice » lui aussi « indiscret ». Bon nombre de prédicateurs de l’époque semblent y avoir succombé : ils éloignaient les fidèles de la communion sacramentelle en accordant trop de prix aux « ornements » des exercices de préparation, sans discerner la valeur bien supérieure de la « nudité », faite d’humilité et de confiance inébranlable en la miséricorde de Dieu.Cette leçon de confiance, à base d’ouverture ecclésiale et de sens liturgique, explique aussi la manière dont Gertrude comprend sa coopération à l’action liturgique, comme nous l’avons évoquée précédemment. __________________ _________________________________________________ 37. SC 143, p. 93. 38. SC 143, p. 95. ________________________________________________________________________ Elle ne se laisse ni fasciner ni attirer par les prouesses ascétiques. Sa « part » est la petitesse, celle qu’elle discerne dans l’exiguïté du corps sacramentel, où la divine miséricorde a enfermé la justice, pour que l’homme l’emporte sur Dieu. C’est ainsi qu’il prend goût à la grandeur de l’Infiniment petit. Les parures de l’ Ecclesia. Il reste à présenter la dernière donnée du rituel d’accès à la communion qui émerge du Héraut. On pourrait l’appeler « les parures de l’ Ecclesia ». Gertrude était trop exercée à la discretio pour se fier inconsidérément à son étoile : faire tant de place à la confidentia, n’était-ce pas négliger la devotio ? A si bien s’appuyer sur la miséricorde de Dieu, l’homme ne risquait-il pas de faire trop bon ménage avec sa propre misère ? Zachée n’avait-il donc rien à apprendre du centurion ? Plusieurs passages du Héraut montrent que la sainte a vu les écueils possibles d’une telle pédagogie. Il y a en particulier, à l’intérieur du long chapitre 18 du livre 3, une séquence, unique en son genre, où le lecteur est averti de la douleur causée au Christ par des communions indignes 39. Ailleurs, Gertrude, d’elle-même ou par personne interposée, se remet en question devant le Seigneur qui, chaque fois, la confirme dans ses dons 40 . Une lecture attentive du Héraut montre qu’en faisant la part si belle à la confidentia, Gertrude n’a pas relâché la devotio. Pour se préparer à la communion, son sens de l’Église l’incite à chercher des secours auprès des pèlerins d’ici-bas, avec lesquels elle a conscience de faire un seul Corps. Et il y a plus : elle a pris l’habitude de convoquer tout le ciel à la toilette nuptiale préparatoire à ses communions. Dans son esprit en effet, c’est chose impensable de se préparer à la communion en solitaire. La communion d’un seul est l’affaire de tous, tant en ses effets qu’en sa préparation. Un fidèle ne peut accéder à la communion qu’en Église, car c’est tout le Corps qui, en lui, va prendre corps, tout le Corps mystique qui en lui va se nourrir du Corps sacramentel. Il doit donc revêtir toute l’Église pour entrer en scène. Le thème des « ornements » et du « corps ritualisé » revient ici tout naturellement : Gertrude n’a pas trop des parures qu’elle reçoit du Christ, de Marie, et des saints, parures de leurs mérites et de leurs vertus dont elle se revêt pour être digne de prendre place au banquet de l’Epoux.________________________________________________________________________ 39. SC 143, p. 89. 40. SC 139, p. 197-199, 209-211. _________________________________________________________________________ Les exemples abondent. Un jour de communion sacramentelle, se voyant misérablement parée, elle en est troublée et cherche à se dérober : S’approchant d’elle, le Fils de Dieu semblait l’emmener plus à l’écart pour la parer. Et, d’abord, en manière de lavement des mains, pour la rémission de ses péchés, il lui accorda l’effet purificateur de sa Passion. Puis, quittant ses propres ornements : collier, bracelets, anneaux dont il se montrait paré, il les mit sur elle, l’invitant à s’avancer ainsi avec dignité (decenter) et non pas comme une insensée (sicut fatua), que sa gaucherie et son inexpérience rendraient incapable d’une démarche qui lui vaudrait l’honneur du respect plutôt que les rires et le mépris. [/color] Elle comprit par ces paroles que ceux-là marchent en insensés (fatui) sous les ornements du Seigneur qui, ayant pris conscience de leur imperfection, ont prié le Fils de Dieu d’y suppléer, mais, ayant été exaucés, demeurent cependant aussi craintifs qu’avant, parce qu’ils n’ont pas une confiance absolue (plenam confidentiam) dans la vertu parfaite de la suppléance du Seigneur 41.
On remarquera que tout le récit se focalise sur le thème de la confidentia. Par un jeu de coulisses (lavage et habillage à l’écart, ad secretiora) et de scène (cum ornamentis Domini decenter procederet), c’est vers elle que se dirige toute l’attention. Elle est la pierre d’achoppement sur laquelle les sots (fatui) trébuchent.
- Ou bien, on se pare des ornements du Fils de Dieu en lui faisant une confiance absolue, et on a droit à l’honneur et au respect ;
- ou bien, on se déguise en restant tout craintif, et on n’en retire que du mépris. Confiance et décence (decenter) ont partie liée.
Une autre fois, en la fête de l’Annonciation du Seigneur, durant la messe, Gertrude « se mit à prier (la Mère du Seigneur) de daigner la préparer à recevoir le corps et le sang très saints de son Fils » .
Et le récit se poursuit :
La bienheureuse Vierge lui mit alors sur la poitrine un collier de toute beauté qui avait comme sept pointes, et sur chacune, une sorte de pierrerie extrêmement précieuse. Cela symbolisait les principales vertus par lesquelles la Vierge avait plu au Seigneur… Or, lorsque l’âme se présenta aux regards de Dieu, ornée de ce collier, le Seigneur fut tellement charmé (delectatus) et captivé (allectus) par la beauté de ces vertus, que, comme ravi d’amour (amore captus), il s’inclina vers elle avec la toute-puissance de sa divinité, l’attira – ô merveille ! – tout entière à lui et, la pressant tendrement sur son Cœur, lui prodigua ses affectueuses caresses 42.
Dans la deuxième partie de la séquence, on peut remarquer le vocabulaire de la séduction : Dieu est charmé (delectatus), captivé (allectus), ravi (captus) par la beauté de l’âme que Marie a ornée de ses vertus. __________________ 41. SC 143, p.101. 42. SC 255, p. 139. ______________________
Comment expliquer que les parures exercent ici un pouvoir de fascination sur le Seigneur, alors que, en d’autres circonstances, il leur préférait la nudité des mains et du cou ? Ne serait-ce pas que le goût du Seigneur est plus sensible aux parures que l’on reçoit d’autrui qu’à celles qu’on se procure soi-même ?
Conclusion.
Le parcours que nous venons de faire manifeste que le Héraut de l’amour divin se présente comme un plaidoyer pour une préparation ecclésiale à la communion sacramentelle. De ce fait, il pose la question de la « dignité » en d’autres termes et avec un autre éclairage que ceux de la grande scolastique.
Il ne s’agit plus de s’appesantir dans l’examen de soi, mais d’apprendre à se regarder en Eglise. Tant qu’on tient " soigneusement baisser devant ses yeux le voile de son indignité », il est « impossible de voir la tendresse (pietatem) de Dieu "43 . C’est par son sens de l’Eglise, acquis dans la célébration liturgique, que Gertrude ose relever le voile et prêcher la confidentia. Elle évite ainsi les risques de dérive obsessionnelle inhérents aux praeparatoria, et, dans la liberté de son cœur, elle se présente devant l’Epoux in persona Ecclesiae. 44
Certains s’étonneront peut-être qu’un tel exposé ne fasse pratiquement pas de place au sacrement de confession. C’est que les rares allusions qui y sont faites dans le Héraut montrent que, pour Gertrude, la préparation à la communion déborde très largement le seul fait d’avoir pu ou non se confesser 45.
Plus que dans le bain de la confession, qui lui était sans doute habituel les jours de communion, c’est dans son appartenance à l’Eglise et dans la célébration des saints mystères que Gertrude a conscience de revêtir la beauté de l’Epouse pour s’avancer, confiante, à la rencontre de son Epoux.
Couverte de parures, ou découverte jusqu’à la nudité, elle est toujours décente parce qu’elle sait, en définitive, que le Seigneur ne lui demande rien « sinon de venir à (lui) toute vide et prête à recevoir 46 » ;
Abbaye de Cîteaux. Olivier QUENARDEL, ocso F – 21700 SAINT NICOLAS-LÈS-CÎTEAUX abbé ______________ 43. SC 143, p. 47. 44. SC 255, p. 183. 45. SC 143, p. 247-249 ; SC 255, p. 103-105 ; SC 331, p. 213. 46. SC 255, p. 259.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 12/12/2016, 03:27 | |
| http://voiemystique.free.fr/theologie_du_coeur_de_jesus_08.htm GERTRUDE DE HELTFA. (1256-1302) LE CŒUR DE JESUS EST UN ENCENSOIR ET UNE LAMPE ARDENTE. Qui entre dans le Cœur du Christ y trouve sa demeure et ne désire plus en sortir. Tout ce qui est rapporté dans ce Chapitre sur le message de Sainte Gertrude, a été rédigé en utilisant certaines remarques et des citations extraites de l’ouvrage de Soeur Marie-Pascale, “Initiation à Sainte Gertrude d’ Helfta” publié par les Éditions du Cerf en 1995. Remarque importante.Certaines expressions employées par les mystiques peuvent choquer nos sensibilités modernes. C’est la raison pour laquelle l’avertissement rapporté dans le livre IV du “Héraut de l’Amour divin” est important : « Les choses spirituelles et invisibles ne peuvent être exprimées à l’entendement humain que par des figures empruntées au monde sensible. Voilà pourquoi nul ne doit mépriser ce qui lui est révélé par le symbole de réalités matérielles, mais plutôt chacun doit-il faire effort pour mériter de percevoir et de goûter, par le truchement des images matérielles, la saveur des délices spirituelles ». On ignore tout des origines de Sainte Gertrude. On sait seulement qu’elle fut amenée au Monastère des bénédictines d’Helfta, en Saxe, à l’âge de cinq ans. C’est dans ce monastère qu’entra en 1270 la célèbre béguine Mechtilde de Magdebourg. C’est Mechtilde de Hackeborn, la soeur de l’abbesse de l’époque, âgée de vingt ans, qui fut chargée de l’éducation de Gertrude. Gertrude n’était qu’une enfant exceptionnellement douée qui, devenue une moniale érudite, menait une vie banale, gagnée par la tiédeur. Mais le Seigneur veillait. Elle a vingt-cinq ans quand le Seigneur Ressuscité se révèle à elle, dans une première vision, le 27 janvier 1281. Ce fut sa conversion. Dès lors sa vie va être transformée. Un jour, huit ans après sa conversion, Gertrude est contrainte, par Jésus, à écrire le récit des grâces qu’elle a reçues de Lui, car “Il l’a choisie pour être lumière des nations, pour révéler la douce éloquence des pulsations de son Coeur, secret réservé aux temps actuels...”. Dieu choisit Lui-même le titre de l’ouvrage qui en résulta, véritable déclaration d’amour de Dieu pour tous les hommes : “Le Héraut de l’Amour divin” Fais de ta vie un encensoir d’amour.“Le héraut de l’Amour divin” comprend cinq livres. Tous ces écrits ont été vérifiés par des théologiens de renom, Frères Prêcheurs ou Mineurs, du vivant de Gertrude. Rapidement recopiés et traduits, ils franchirent heureusement les portes du monastère d’ Helfta, pillé et incendié à plusieurs reprises, partiellement en 1343 et définitivement en 1525. Le message de Gertrude restera caché pendant deux cent cinquante ans. Ce n’est qu’en 1536 que les Chartreux de Cologne publieront une première édition dont l’influence fut considérable. En se révélant à Sainte Gertrude, c’était la première fois que Jésus révélait aux hommes tout l’Amour de son Sacré Coeur. Cette révélation fut progressive. Gertrude trouva d’abord, dans un livre, une petite prière : « Seigneur Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, donnez-moi d’aspirer vers Vous de tout mon coeur, d’un désir total et d’une âme altérée... Seigneur d’infinie miséricorde, inscrivez de votre sang précieux vos blessures en mon coeur pour qu’elles m’y fassent lire à la fois votre souffrance et votre Amour... pour que ne s’y éteigne point la fièvre de l’amour. Donnez-moi de n’attacher de prix à aucune créature et de ne trouver de douceur qu’en Vous seul » . Les premières révélations. Pour commencer, Jésus révéla à Gertrude « combien son Coeur immaculé de Médiateur est inséparablement uni à celui de sa Mère, médiatrice elle aussi ». (Livre II)Gertrude reçut ensuite de nombreuses grâces jusqu’au jour où, malade et venant de recevoir l’Eucharistie, « son âme, réchauffée par la Présence réelle devint semblable à une cire appliquée sur la poitrine du Christ. Elle y pénétra et reçut l’empreinte du sceau trinitaire, Feu d’Amour, Feu Glorieux qui triomphera de sa volonté propre, Feu transformant ses scories en or pur et précieux, Puissante Fournaise » . C’est alors que se produisit une réalité mystérieuse, expérimentée seulement par quelques rares mystiques : l’échange des coeurs. Gertrude parle “du Coeur déifié de Jésus, livré généreusement ou même, -signe plus précieux encore, de mutuelle intimité, - échangé contre le sien”.Jésus fit découvrir à Gertrude la prodigieuse grâce de suppléance exercée par le Christ, Amant de l’univers. Un jour que Gertrude priait, regrettant sa totale infidélité, et le gaspillage de tant de grâces reçues, Jésus lui dit: “Tout ce que tu as négligé de faire, Je l’ai fait pour toi, et, à chaque heure, J’ai recueilli dans mon Coeur tout ce que tu aurais dû former dans le tien, et le cumul en a tellement dilaté mon Coeur, que, d’un grand désir, J’attendais ce moment où me viendrait de toi cette prière; car alors, Je peux enfin offrir à Dieu mon Père tout ce que J’ai fait pour toi pendant la journée. Sans cette prière en effet, rien de tout cela ne pouvait servir à ton salut”. Plus loin, Gertrude ajoute : « Au moment précis où l’homme revient, le coeur brisé, Jésus peut offrir au Père ce qu’Il a, tout le jour, opéré pour nous. Il supplée à nos manquements ». Le Cœur de Jésus. Les visions de Gertrude sont souvent symboliques comme en témoigne ce qui suit. Gertrude voit le Fils de Dieu, au sein de la glorieuse Trinité, présenter son Cœur sous la forme d’une cithare. Il sembla à Gertrude que « la toute resplendissante et toujours tranquille Trinité daignait s’incliner vers le très noble Cœur de Jésus. En présence de cette très Sainte Trinité, Il était comme une cithare touchée avec un art merveilleux et résonnant avec douceur ». Les âmes des religieux, sur la terre, chantent, et selon leur degré d’ardeur spirituelle, leurs chants résonnent plus ou moins: “Ceux qui psalmodiaient sans dévotion particulière, mais seulement par routine... ne produisaient qu’un sourd murmure sur les cordes basses. Mais ceux qui s’appliquaient dévotement à chanter la louange de la vénérable Trinité, ceux-là semblaient faire retentir au moyen du Coeur très saint de Jésus-Christ, une mélodie sublime et des sons très suaves, sur les cordes les plus sonores”; La Sainte Trinité et le Cœur de Jésus. Quand Gertrude eut reçu l’empreinte de la Sainte Trinité, elle eut la première révélation du Coeur de Jésus : elle vit son adorable main désigner sa poitrine, l’invitant à connaître le mystère de “l’excès du feu intérieur caché” . Puis Jésus lui fit comprendre que depuis l’Incarnation, le nouveau Lieu de rencontre entre Dieu et son peuple, c’est la Personne du Verbe fait chair, vrai Dieu et vrai homme. Tous les hommes sont invités à demeurer en LUI. Car le Coeur de Jésus est vraiment une demeure: “Qui entre dans le Coeur du Christ trouve sa demeure et ne désire plus en sortir”. Et le Seigneur introduisit Gertrude dans cette demeure admirable, le Coeur de Jésus-Christ, et lui dit: “Parce que tu t’efforces souvent de M’offrir ton coeur, J’ai jugé opportun... de te découvrir mon propre Coeur, Moi, Dieu, qui suis tout en tous: force, vie, science, vêtement, nourriture, et tout ce que peut désirer une âme qui aime. Le Coeur de Jésus est l’instrument infiniment doux de la Trinité adorable”. La lampe ardente et l’encensoir d’or. Le Cœur de Jésus se montra aussi à Gertrude comme une “lampe ardente” qui dissipe toutes nos obscurités et nos tristesses débilitantes, puis comme un “encensoir d’or” d’où monte vers le Père la prière embrasée du Sauveur du monde.” Et “les oraisons de l’Église universelle se mêlent à la fumée odoriférante qui s’élève de l’encensoir du Cœur divin et montent avec elle.”Plus tard le Fils de Dieu apparut à Gertrude “offrant à Dieu son Père le coeur de Gertrude, uni à son divin Coeur, à la manière d’un calice dont une cire joindrait les deux parties”. Saint Jean et Gertrude. A plusieurs reprises Gertrude entendit la plainte d’un Coeur blessé, méconnu, mal aimé, dévoré de passion pour tous les hommes et elle ressentait au fond d’elle-même les violentes pulsations de son propre coeur qui s’en allaient frapper le Coeur de son Amant, Cœur ruisselant de suavité : “Et comme les très saintes pulsations qui faisaient battre sans cesse le Cœur divin lui causaient une jouissance indicible,” elle demanda à Saint Jean s’il n’avait pas ressenti la même chose quand il reposa sur la poitrine de Jésus. Jean répondit affirmativement mais explicita sa mission de l’époque: seulement faire connaître le Verbe incréé de Dieu le Père. La révélation du Cœur de Jésus “était réservée aux temps actuels... pour que le monde puisse retrouver sa ferveur”. Jésus eut aussi une parole empreinte d’une grande tristesse : “Quand le Fils de l’homme reviendra, trouvera-t-Il encore la foi sur la terre ?” . Gertrude entendit cette plaine sortie d’un Cœur blessé. D’autres après elle, Jean Eudes, Monsieur Olier, Marguerite-Marie, etc, entendront aussi cette plainte et transmettront le même message d’amour: “Les grandes eaux ne pourront éteindre l’Amour ni les fleuves le submerger?”.(Ct 8, 7)Le foyer embrasé. Le Cœur de Jésus est un ‘foyer embrasé’. “La flamme du divin amour en jaillit, touche le coeur de Gertrude et le rend comme une source brûlante qui reflue vers la poitrine en feu du Seigneur, dans ce pays promis de délices. Les voici unis (ces deux coeurs) sans fusion ni confusion, cimentés, soudés indissolublement. Le signe de cet amour mutuel est un arbre immense et débordant de fruits qui s’élève des deux coeurs unis. Deux tiges entrelacées, l’une d’or, l’autre d’argent”. C’est le même bouleversant message qui sera révélé quatre siècles plus tard, le 27 décembre 1673, à Sainte Marguerite-Marie. Chaque saint montre une facette du Christ, à condition qu’il soit humble et qu’il réponde à l’appel qui lui est personnellement adressé. A Gertrude, Jésus conseille ce qui suit: “Pour confirmer ton amour, confie-toi et abandonne-toi tout entière au pouvoir de l’Amour, en adhérant tout entière à Dieu qui t’aime; ainsi tu seras pour Lui un instrument qui délectera parfaitement son divin Cœur ; et toi en Lui et Lui en toi, qu’Il te conserve pour Lui-même dans la vie éternelle... Le maître mot c’est: l’aimer pour devenir son épouse. Celui qui s’étendit sur le lit de la Croix pour nous épouser veut nous élever à l’union qui ne souffre pas de séparation”. Le Feu Eucharistique. Mais, le Cœur de Jésus, Il est aussi dans l’Eucharistie, et c’est au cours de la célébration de l’Eucharistie et de l’office divin que Gertrude reçut la plupart des révélations concernant le Cœur de Jésus. Jésus lui fit comprendre que “la tendresse des époux n’est qu’un pâle signe d’une réalité mystique infiniment plus forte: Plus elle communiera, plus cette étreinte divine sera intense et efficace”. Jésus dit encore : ”Nulle part tu ne pourras me trouver plus affectueusement sur terre que dans le sacrement de l’autel... Le sacrement de l’union ne peut connaître de refroidissement. La flamme qui sort de l’hostie consacrée vient directement du Coeur de Jésus, fournaise trop méconnue... le Coeur de l’Amour brûle sans arrêt pour toutes les générations de la terre. Ses battements ont étonné et enivré Saint Jean. Le Feu Eucharistique veut absolument se répandre dans les corps, les âmes, les coeurs, jusqu’à la fine pointe de l’esprit de l’homme... Jésus compare cette rencontre de son Coeur avec celui de l’homme, à l’union indissoluble de deux métaux précieux fondus ensemble... Il s’agit d’une rencontre de deux coeurs, de deux amours, donc d’une alliance, d’un mariage... union mystérieuse où l’homme est peu à peu divinisé par son adhésion au Christ plein de grâces " . Un autre jour Jésus dit : " Lorsque, par pure bonté, et poussé par la tendresse de mon Coeur, Je m’incline par le sacrement de vie de l’autel, vers une âme qui soit sans péché mortel, tous les habitants du Ciel, de la Terre et du Purgatoire reçoivent un accroissement de bienfaits insignes...”. L’Eucharistie est le sacrement de l’union par excellence. L’Eucharistie consomme la conformité au Verbe fait chair. Le vieil homme disparaîtra progressivement pour devenir cette jeune épousée unie au Bien-Aimé de l’âme, envahie par la divinité, sanctifiée par pure grâce, amenée lentement d’Eucharistie en Eucharistie, jusqu’à l’union transformante, et déjà, en espérance, exaltée dans la gloire avec le Roi auprès du Père. Plus tard le Seigneur ajouta:
“Nulle part tu ne pourras me trouver plus affectueusement sur terre que dans le sacrement de l’autel, et, pareillement, dans le coeur et l’âme de cette âme mienne sur qui s’est portée, d’une manière admirable, toute la délectation de mon divin coeur”. L’offrande amoureuse. L’âme ne progresse qu’en s’abandonnant à l’Amour : “Pour confirmer ton amour, confie-toi et abandonne-toi tout entière au pouvoir de l’Amour... L’abandon conduit à l’offrande amoureuse, quand les yeux du coeur restent rivés au Crucifié et tentent de comprendre le grand mystère de sa Passion si imméritée... En soi, la souffrance n’a aucune valeur. Elle n’est pas créée par Dieu, mais un désordre dans l’harmonie prévue par Lui, une conséquence de la désobéissance originelle, du rejet du Créateur.” Et, bien sûr, l’amour du Cœur de Jésus conduit à la confiance, à l’humilité, à la prière continuelle. Et à la miséricorde du Seigneur: – « Ce regard de ma bien-aimée par lequel elle transperce mon Coeur, c’est l’inébranlable confiance qui la rend certaine de Moi, de mon pouvoir, de ma capacité et de ma volonté de l’assister fidèlement en toutes choses ; cette confiance a sur mon Amour tant de force qu’Il m’est impossible de l’abandonner en quoi que ce soit ». – Gertrude confie : « Les ténèbres de nos péchés seraient-elles des milliards de fois plus noires, le brasier de la Miséricorde dans la poitrine du Fils de Dieu fait homme continuerait de brûler. Il est notre avocat, c’est ce que nous devons savoir en premier... Il est notre unique médiateur, notre frère, l’Époux de l’Église. Le foyer de la lumière ne se trouve nulle part ailleurs... L’âme embrasée d’amour ne se fatigue pas, son fardeau repose sur le Coeur du Christ ». Conclusion Le Seigneur Jésus apparut à Gertrude lorsque le livre : Le Héraut de l’Amour Divin » fut terminé. Tenant ce livre serré sur son Coeur, Jésus dit à Gertrude: « Ce livre qui est mien, je l’ai serré étroitement sur mon divin Coeur, afin de pénétrer jusqu’au fond, de la douceur de ma divinité, chacune des lettres qui s’y trouvent écrites, à la manière dont un hydromel très suave imprègne en profondeur une bouchée de pain frais. Ainsi quiconque fera, pour ma gloire, sa lecture dans ce livre avec une humble dévotion, en retirera un fruit d’éternel salut ». Jésus dit aussi : “Je pénétrerai de la douceur de mon divin Amour, et je féconderai, en les pénétrant, tous les mots de ce livre qui vient de m’être offert et qui ont été écrits sous l’impulsion de mon esprit. Et, si quelqu’un vient à moi d’un coeur humilié, et, par amour de mon Amour, veut y faire sa lecture, moi, Je lui montrerai du doigt en détail dans mon Coeur, les passages qui lui seront utiles” . La mission de Gertrude est de nous dire que le baiser de l’Amour nous restaure dans les abîmes de nos misères et que les forces du mal ne prévaudront jamais contre l’humanité, objet de sa Passion. Providentiellement, ce livre, perdu pendant deux cent cinquante ans, arriva juste à temps pour réchauffer le monde pendant les heures sombres du jansénisme. Le désir du Très-Haut est qu’il éclaire un grand nombre d’âmes. “Tous sont en effet capables de comprendre le langage de l’Amour, précisément à l’heure où le froid lapidaire engourdit les coeurs qui n’osent plus, ou ne savent plus comment aimer l’Amour ”. Quelques conseils.D’abord, voici le modèle que le Seigneur donne à Gertrude : la Vierge Marie : « Loue-moi, par mon Cœur harmonieux, de la pureté de cette virginité parfaite en laquelle, Vierge elle m’a conçu, Vierge elle m’a enfanté et après l’enfantement, Vierge sans tache est demeurée... Loue-moi, par mon Coeur harmonieux, de cette humilité toute paisible par laquelle la Vierge sans tache a été, chaque jour, rendue plus digne de me recevoir; elle a imité mon humilité même... Loue-moi pour l’immense ardeur de cet amour mutuel entre mon divin Coeur et la Vierge sans tache, amour qui a délicatement uni et inséparablement joint, dans le sein virginal, la nature humaine à la transcendance de la divinité... ». Ensuite, nous n’hésiterons pas à nous répéter, et à redire encore une fois ce que Jésus conseille à Gertrude : « Pour confirmer ton amour, confie-toi et abandonne-toi tout entière au pouvoir de l’Amour, en adhérant tout entière à Dieu qui t’aime ; ainsi tu seras pour Lui un instrument qui délectera parfaitement son divin Coeur ; et toi en Lui et Lui en toi, qu’Il te conserve pour Lui-même dans la vie éternelle... Le maître mot c’est: l’aimer pour devenir son épouse. Celui qui s’étendit sur le lit de la croix pour nous épouser veut nous élever à l’union qui ne souffre pas de séparation ». Enfin, il en est temps, avec Gertrude nous pouvons chanter : [2] ”Vers Toi, Vie de mon âme, vers Toi se tourne mon cœur Qu’une force d’ardent amour a fondu en un seul désir. S’il se porte vers quel qu’autre hors de Toi Qu’il soit aussitôt sans vie. Car en Toi est l’éclat de toutes les couleurs, La saveur de tous les goûts, Le parfum de toutes les odeurs, Le charme de toutes les harmonies La fraîche suavité des intimes étreintes. Tu es perle féconde, richesse de l’humanité, Ouvrier d’infini savoir, Maître d’infinie patience, Conseiller d’infinie sagesse, Gardien d’infini dévouement, Ami d’infinie fidélité”. Et nous, hommes du XXIe siècle, nous pouvons aussi, en union avec Sainte Gertrude, et avec nos mots à nous, louer le Cœur de Jésus, nous réfugier en Lui et Lui dire notre Amour. Et nous ne craindrons plus, et nous n’aurons plus peur. En Toi, Cœur de Jésus, en Toi mon Cœur se réfugie. Notre monde se meurt, notre monde Te perd, Notre monde pourtant Te cherche tant il a soif de Toi. En Toi, Cœur de Jésus, en Toi je trouve ma paix et ma sécurité. Le monde peut hurler sa haine, le monde peut brandir la mort, En Toi Jésus, je me sens bien, dans ton Cœur je n’ai plus de peur. En Toi, Cœur de Jésus, en Toi j’apaise ma soif. Le monde se dessèche car il est sans amour. Le monde a soif d’amour, mais il ne le sait pas. Alors il crie sa haine, alors il crie sa peur, Il meurt de sa soif et de sa faim d’amour, De son besoin d’amour qu’il ne peut apaiser Il meurt épuisé de détresse, épuisé de sa soif, Sa soif de l’Amour. Notre monde se meurt, Jésus, Il a perdu l’eau vive de la source féconde, de ton Cœur, ô Jésus. Notre monde se meurt, il a soif, il a peur, il a haine de lui... Alors je viens vers Toi, Jésus, dans ton Cœur je me réfugie, Ton Cœur si plein d’Amour et de Miséricorde. Alors je viens vers Toi, la Source de l’Amour, La source de la paix, Et tes fleuves d’eau vive, en apaisant ma soif, Me comblent de ta Vie. En Toi, Cœur de Jésus, en Toi je me réfugie. Le monde peut hurler sa haine, Avec Toi et en Toi, je n’ai pas de peur, Car Tu es l’Amour. Le monde a froid aussi, mais ton Cœur est brûlant, Et dans ton Cœur, Jésus, je me sens bien. Je n’ai plus froid du monde, Car ton Cœur Brûle de ton Amour, Ton Cœur est la fournaise ardente De ton Amour et de ta charité. http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/gertrude/ Pour tous celles et ceux intéressés par les exercices spirituels de Sainte Gertrude. LES EXERCICES DE SAINTE GERTRUDE. Traduction du Père Emmanuel, OSB oliv., Paris 1919. Abbaye Saint Benoît – Bibliothèque
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 12/12/2016, 07:35 | |
| https://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2010/documents/hf_ben-xvi_aud_20101006.html SAINTE GERTRUDE D'HELFTA. Selon l'autorité théologique de
SA SAINTETE BENOIT XVI. AUDIENCE GÉNÉRALE Place Saint-Pierre Mercredi 6 octobre 2010 Chers frères et sœurs, Sainte Gertrude la Grande, dont je voudrais vous parler aujourd'hui, nous conduit cette semaine aussi au monastère de Helfta, où sont nés certains des chefs-d’œuvre de la littérature religieuse féminine latino-allemande. C'est à ce monde qu’appartient Gertrude, l'une des plus célèbres mystiques, seule femme en Allemagne à recevoir l'épithète de « Grande », en raison de sa stature culturelle et évangélique : à travers sa vie et sa pensée, elle a influencé de manière singulière la spiritualité chrétienne. C'est une femme exceptionnelle, dotée de talents naturels particuliers et d'extraordinaires dons de grâce, d'une profonde humilité et d’un zèle ardent pour le salut du prochain, d'une intime communion avec Dieu dans la contemplation et de disponibilité à venir au secours des plus démunis. A Helfta, elle se mesure, pour ainsi dire, systématiquement à sa maîtresse Mathilde de Hackeborn, dont j'ai parlé à l'Audience de mercredi dernier; elle noue des relations avec Mathilde de Magdebourg, une autre mystique médiévale ; elle grandit en recevant les soins maternels, doux et exigeants, de l'abbesse Gertrude. De ces trois consœurs, elle puise des trésors d'expérience et de sagesse ; elle les élabore dans sa propre synthèse, en parcourant son itinéraire religieux avec une confiance sans limite dans le Seigneur. Elle exprime la richesse de la spiritualité non seulement de son monde monastique, mais aussi et surtout biblique, liturgique, patristique et bénédictin, avec un timbre tout à fait personnel et de façon très communicative. Elle naît le 6 janvier 1256, en la fête de l'Epiphanie, mais l'on ne sait rien ni de ses parents, ni de son lieu de naissance. Gertrude écrit que le Seigneur lui-même lui révèle le sens de ce premier déracinement : « Je l'ai choisie pour ma demeure parce que je vois avec délices que tout ce que les hommes aiment dans cette Elue est mon œuvre propre […] Aussi je l'ai exilée en quelque sorte loin de tous ses parents, afin que personne ne l'aimât à ce titre et que je fusse le seul motif de l'affection qu'on aurait pour elle » . (Les Révélations, I, 16). A l'âge de cinq ans, en 1261, elle entre au monastère, comme c'était souvent le cas à l'époque, pour la formation et l'étude. Elle y passe toute son existence, dont elle signale elle-même les étapes les plus significatives. Dans ses mémoires, elle rappelle que le Seigneur l'a prévenue avec une patience compatissante et une infinie miséricorde, en oubliant les années de l'enfance, de l'adolescence et de la jeunesse, passées — écrit-elle — «dans un tel aveuglement, que si vous ne m'aviez donné une horreur naturelle du mal, un attrait pour le bien avec les sages conseils de mon entourage, il me semble que je serais tombée dans toutes les occasions de faute, sans remords de conscience, absolument comme si j'avais été une païenne […]. Cependant vous m'aviez choisie dès ma plus tendre enfance, afin de me faire grandir au milieu des vierges consacrées, dans le sanctuaire béni de la Religion » (ibid., II, 23). Gertrude est une étudiante extraordinaire, elle apprend tout ce que l’on peut apprendre des sciences du Trivium et du Quadrivium, la formation de cette époque ; elle est fascinée par le savoir et se donne tout entière à l'étude profane avec ardeur et ténacité, avec une réussite scolaire dépassant toutes les attentes. Si nous ne savons rien de ses origines, elle nous dit beaucoup de ses passions de jeunesse : littérature, musique et chant, art de l’enluminure la ravissent ; elle a un caractère fort, décidé, immédiat et impulsif ; elle dit souvent être négligente ; elle reconnaît ses défauts, elle en demande humblement pardon. Elle demande avec humilité conseil et prière pour sa conversion . Certains traits et défauts de son tempérament l'accompagneront jusqu'à la fin, au point de surprendre certaines personnes s'étonnant que le Seigneur lui donne une telle préférence. En tant qu’étudiante, elle se consacre ensuite entièrement à Dieu dans la vie monastique et pendant vingt ans, rien d’exceptionnel n’a lieu : l’étude et la prière constituent son activité principale. En raison de ses qualités, elle excelle parmi ses consœurs ; elle fait preuve de ténacité pour consolider sa culture dans divers domaines. Mais, au cours de l’Avent 1280, elle commence à ressentir un dégoût pour tout cela, en perçoit la vanité, et le 27 janvier 1281, quelques jours seulement avant la fête de la purification de la Vierge, vers l’heure des Complies, le soir, le Seigneur illumine ses denses ténèbres. Avec délicatesse et douceur, il calme le trouble qui l’angoisse, trouble que Gertrude voit comme un don même de Dieu « pour renverser la tour de vaine gloire et de curiosité élevée par mon orgueil. Orgueil insensé car je ne méritais même pas de porter le nom et l'habit de la Religion. Toutefois c'était bien le chemin que vous choisissiez, ô mon Dieu, pour me révéler votre salut » (Ibid., II, 1, p. 87). La vision d’un jeune homme la guide pour démêler le nœud d’épines qui opprimait son âme, en la prenant par la main. Dans cette main, Gertrude reconnaît « les joyaux précieux des plaies sacrées qui ont annulé tous les titres qui pouvaient nous être opposés » (ibid., II, 1, p. 89), et reconnaît Celui qui sur la Croix nous a sauvés par son sang, Jésus. A partir de ce moment, sa vie de communion intime avec le Seigneur s’intensifie, en particulier au cours des temps liturgiques les plus significatifs — l’Avent et Noël, Carême et Pâques, la fête de la Vierge — même lorsque, malade, elle ne pouvait se rendre au chœur. C’est le même humus liturgique que Mathilde, sa maîtresse, que Gertrude décrit toutefois à travers des images, des symboles et des termes plus simples et linéaires, plus réalistes, avec des références plus directes à la Bible, aux Pères, au monde bénédictin. Son biographe indique deux directions de ce que nous pourrions définir sa « conversion » particulière : dans les études, avec le passage radical des études humanistes profanes à celles théologiques, et dans l’observance monastique, avec le passage de la vie qu’elle qualifie de négligente à la vie de prière intense, mystique, avec une exceptionnelle ardeur missionnaire. Le Seigneur, qui l’avait choisie dans le sein maternel et qui l’avait fait participer, dès son enfance, au banquet de la vie monastique, la ramène par sa grâce « des choses extérieures à la contemplation intérieure, des occupations terrestres au soin des choses célestes » . Gertrude comprend alors qu'elle était restée loin de Lui dans une région de dissemblance, comme elle dit avec saint Augustin ; de s’être consacrée avec trop d’ardeur aux études libérales, à la sagesse humaine, en négligeant la science spirituelle, se privant du goût de la véritable sagesse ; elle est conduite à présent à la montagne de la contemplation, où elle se dépouille du vieil homme pour se revêtir de l’homme nouveau. « C’est ainsi que de grammairienne elle devint théologienne, relisant sans cesse les pages divines qu’elle pouvait se procurer, et remplissant son cœur des plus utiles et des plus douces sentences de la Sainte Ecriture. Aussi avait-elle toujours à sa disposition la Parole de Dieu afin de satisfaire ceux qui venaient la consulter et de réfuter toute idée fausse par des témoignages de la Sainte Ecriture employés si à propos, qu'on n'y trouvait rien à objecter » (ibid., I, 1, p. 25). Gertrude transforme tout cela en apostolat : elle se consacre à écrire et à divulguer la vérité de la foi avec clarté et simplicité, grâce et persuasion, servant avec amour et fidélité l’Eglise, au point d’être utile et appréciée par les théologiens et les personnes pieuses. Il nous reste peu de son intense activité, notamment en raison des événements qui conduisirent à la destruction du monastère d’ Helfta. Outre Le Héraut de l'Amour Divin ou Les révélations, il nous reste les Exercices spirituels, un rare joyau de la littérature mystique spirituelle. En ce qui concerne l’observance religieuse, notre sainte est « donc une très forte colonne de la Religion, un défenseur si zélé de la justice et de la vérité » (ibid., I, 1,), dit son biographe. A travers les mots et l’exemple, elle suscite chez les autres une grande ferveur. Aux prières et à la pénitence de la règle monastique, elle en ajoute d’autres avec une telle dévotion et un tel abandon confiant en Dieu, qu’elle suscite chez ceux qui la rencontrent la conscience d’être en présence du Seigneur. Et de fait, Dieu lui-même lui fait comprendre qu’il l’a appelée à être un instrument de sa grâce. Gertrude se sent indigne de cet immense trésor divin, elle confesse qu’elle ne l’a pas conservé et valorisé. Elle s’exclame : « Je vous offre la douleur que j'éprouve [...] de ne m'être pas servie avec soin et révérence des dons que j'avais reçus. Ne m'eussiez-vous donné, en souvenir de vous, à moi si indigne, qu'un léger fil de lin, j'aurais dû le recevoir avec un respect infini » (ibid., I, 5). Mais, reconnaissant sa pauvreté et son indignité, elle adhère à la volonté de Dieu : « j’ai dû combattre mon goût personnel — affirme-t-elle — , et considérer qu'ayant si peu profité de vos grâces, elles ne pouvaient m'avoir été accordées pour moi seule, puisque votre sagesse éternelle ne se trompe en rien. O Dispensateur de tous les biens, qui m'avez comblée gratuitement de tant de grâces, faites au moins qu'en lisant cet écrit, le cœur d'un de vos amis soit ému par votre condescendance, et vous remercie de ce que, pour l'amour des âmes, vous avez conservé si longtemps au milieu des souillures de mon cœur une pierre précieuse d'un tel prix » (ibid., II, 5). En particulier, deux faveurs lui sont plus chères que toutes les autres, comme Gertrude l’écrit elle-même : « La première est l'empreinte que vous avez formée sur mon cœur, par les splendides joyaux de vos plaies sacrées. La seconde est cette blessure d'amour si profonde et si efficace que, (dussé-je vivre mille ans dans le plus complet délaissement), je goûterais sans cesse un bonheur ineffable au souvenir de ces deux bienfaits. Ils me seraient à chaque heure une source suffisante de consolation, de lumière et de gratitude. Pour ajouter à ces faveurs, vous m'avez encore admise à l'incomparable familiarité de votre tendresse, en m'offrant l'arche très noble de votre divinité, c'est-à-dire votre Cœur sacré, pour que j'y trouve mes délices [...]. Enfin vous m'avez donné pour avocate votre très douce Mère la bienheureuse Vierge Marie, me recommandant plusieurs fois à elle avec autant de tendresse qu'en mettrait un époux à confier à sa propre mère l'épouse qu'il s'est choisie » (ibid., II, 23). Tendue vers la communion sans fin, elle conclut sa vie terrestre le 17 novembre 1301 ou 1302 à l’âge d’environ 46 ans. Dans le septième Exercice, celui de la préparation à la mort, sainte Gertrude écrit : « O Jésus, toi qui m’es immensément cher, sois toujours avec moi, pour que mon cœur demeure avec toi et que ton amour persévère avec moi sans possibilité de division et que mon trépas soit béni par toi, afin que mon esprit, libéré des liens de la chair, puisse immédiatement trouver le repos en toi. Amen » (Exercices, Milan 2006, p. 148). Il me semble évident que ces choses ne sont pas seulement des choses du passé, historiques, mais l'existence de sainte Gertrude reste une école de vie chrétienne, de voie droite, et nous montre que le cœur d'une vie heureuse, d'une vie véritable, est l'amitié avec Jésus, le Seigneur. Et cette amitié s'apprend dans l'amour pour Les Ecritures Saintes, dans l'amour pour la liturgie, dans la foi profonde, dans l'amour pour Marie, de manière à connaître toujours plus réellement Dieu lui-même et le bonheur véritable, but de notre vie . Merci. * * * J’accueille avec joie les pèlerins francophones présents ce matin, en particulier les jeunes du Centre Madeleine Danielou de Blois, ainsi que les Paroisses de Saint-Raphaël et de Pamataii. N’ayez pas peur de vous laisser guider par l’exemple de sainte Gertrude ! Fructueux pèlerinage à tous ! © Copyright 2010 - Libreria Editrice Vaticana
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 13/12/2016, 13:55 | |
| http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/brigitte/brigitte01.htm LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. 01. Préface et chapitre Ier. 1/40. TOME PREMIER VIE ECRITE D’ APRES LES DOCUMENTS AUTHENTIQUES par une religieuse de l’Adoration perpétuelle. AVEC APPROBATION EPISCOPALE. LIBRAIRIE SAINT-JOSEPH - LIBRAIRE-ÉDITEUR. 112, RUE DE RENNES, 112 - PARIS - 1879 TOME PREMIER. Le destin exceptionnel de Brigitte dite de Suède ayant tout à la fois, joué un rôle diplomatique, et atteint de rares degrés de vertus et de sainteté, lui valut, malgré sa condition de laïque, d'être en capacité d'intervenir auprès du clergé de son époque pour qu'il améliore voire purifie ses moeurs, et à la suite de son veuvage, alors exceptionnellement choisie par le Christ comme Son épouse spirituelle.
Les pratiques de sa mysticité, du témoignage de sa théologie scholastique, mais aussi sa biographie époustouflante, méritent qu'on médite sur sa destinée; ce n'est-ce pour nous chrétiens, en tant qu'exemple rarissime et mémorable dont, de front, nous pouvons nous inspirer, et que suivre pour édifier nos convictions, et améliorer notre discipline religieuses.PREFACE.CHAPITRE PREMIER. Patrie de sainte Brigitte. Sa famille, sa naissance en 1302. Introduction du Christianisme dans la Scandinavie. CHAPITRE II. Enfance et jeunesse de sainte Brigitte. Son action dans l'Église et dans la société, (1302-1315). CHAPITRE III - Mariage de Brigitte avec Ulpho, prince de Néricie. Sa vie comme épouse et mère (1315-1335) CHAPITRE IV - Brigitte est nommée surintendante de la reine Blanche. Sa position à la cour (1335-1339). CHAPITRE V - Brigitte quitte la cour. — Cécile. — Vœux de continence. Pèlerinages (1339-1341). CHAPITRE VI - Le retour en Suède. Ulpho entre dans l'Ordre des Cisterciens à Alvastra et y meurt. Veuvage de Brigitte (1341-1344) CHAPITRE VII - Brigitte au couvent d’ Alvastra. Ses mortifications. Le moine Gerrechinus (1344) CHAPITRE VIII - Visite à la cour. Humilité de sainte Brigitte. Retour à Alvastra Mort de Benoît (1345). CHAPITRE IX - Jésus choisit Brigitte pour épouse. Les révélations. Le discernement des esprits. Maître Mathias (1346) CHAPITRE X - Tentations. Nouvelles grâces. Maladie de sainte Brigitte. Son obéissance. CHAPITRE XI - Brigitte reçoit de Jésus-Christ la règle de l'Ordre du Très-Saint Sauveur. Pierre d' Alvastra. CHAPITRE XII - Révélations sur la vie cachée de Jésus, de la Très-Sainte Vierge et de saint Joseph. Wadstena. Le Livre des questions. CHAPITRE XIII - Jésus engage Brigitte à faire, le voyage de Rome. Amour naturel et surnaturel. Départ de la Suède. CHAPITRE XIV - Arrivée â Rome. — État de la ville sainte. Les Papes à Avignon. — Caractère de sainte Brigitte. (1347) CHAPITRE XV - Brigitte .et ses compagnons à Rome. Efforts de la Sainte pour apaiser la colère de Dieu. Clément VI. CHAPITRE XVI - Cola de Rienzo. — Brigitte visite les églises de Rome. Nouvelles grâces (1347-1350). CHAPITRE XVII - La peste noire. — Amour de sainte Brigitte pour le prochain. — Guérison et conversions miraculeuses. Lettres de Brigitte. CHAPITRE XVIII - Le Jubilé. — Zèle de sainte Brigitte pour les âmes. Persécutions. — L'Ave Maris Stella (1350). CHAPITRE XIX - Voyage de sainte Brigitte à l'abbaye de Farsa et à Bologne. Réforme de couvents. Catherine de Suède visite sa mère à Rome. Rencontre des deux Saintes. CHAPITRE XX - Catherine de Suède. Arrivée des deux saintes femmes à Rome. Souffrances et tentations. CHAPITRE XXI - Genre de vie de sainte Brigitte et de ses compagnons. Assistance merveilleuse dans le besoin. Mort du Pape Clément VI. (1351-1353). CHAPITRE XXII - Le Pape Innocent VI. — Le Cardinal Egidius Albornoz. Saint Sébastien. — Protection dans le danger. Pèlerinage à Assise. — L'Indulgence de la Portioncule. (1353 & 1354) PREFACE.Dans les temps désolants et désolés où nous vivons, c'est un vrai repos pour l'âme que de se reporter dans un passé où la foi a vaincu le monde alors exposé à des tempêtes plus violentes et, en apparence, bien plus dangereuses. Sainte Brigitte, de laquelle il ne faut point séparer sa digne fille sainte Catherine de Suède, a été une des merveilles de la grâce au quatorzième siècle. L'Eglise et l'Europe étaient en proie à mille déchirements. Depuis le commencement du siècle, les Papes ne résidaient plus à Rome, mais à Avignon. De là, des rivalités de peuples à peuples, des querelles, des secousses quasi-mortelles qui exposaient l'Église et le Saint-Siège aux plus graves dangers. C'étaient les préludes de la grande apostasie sociale dont nous sommes aujourd'hui les témoins et qui, selon tonte apparence, prépare de loin l'avènement de l'Antéchrist. II.Sainte Brigitte, comme, peu d'années après, sainte Catherine de Sienne, fat suscitée de Dieu pour travailler au retour de la Papauté à Rome. A ce point de vue, comme à tous les autres du reste, sa vie est d'un intérêt palpitant. Quelle chose étrange, en effet, étrange et touchante à la fois, de voir une riche et belle princesse, d'abord mariée et mère de famille, morte au monde comme la plus austère des Religieuses cloîtrées, arrachée à ses aspirations de solitude et de silence par la volonté souveraine de Notre-Seigneur, obligée de quitter sa patrie, la Suède, de traverser toute l'Europe, exposée à tous les dangers, menant aux yeux des hommes une vie incompréhensible, entreprenant des projets gigantesques, reprenant, par ordre, môme de Dieu, et les Papes et les rois et les peuples, et guidée pas à pas jusque dans les moindres détails par la Très-Sainte Vierge, qui l'avait choisie pour sa fille de prédilection, qui s'entretenait familièrement et fréquemment avec elle, lui donnant ses ordres, lui confiant les missions les plus délicates et les plus graves, l'envoyant à Rome et l'y employant à l'œuvre la plus grande, la plus difficile de ce siècle, le retour du Pape dans la Ville sainte. Que l'on joigne à cela une série presque non interrompue de révélations admirables que Notre-Seigneur lui ordonnait de consigner par écrit, des tribulations comme il s'en rencontre peu même dans la vie des Saints, la pratique des vertus les plus héroïques et les plus nécessaires à proposer aux générations présentes, et Son aura un ensemble de la vie de cette Sainte extraordinaire, qui, sous bien des rapports, ne ressemble à aucune autre. Les détails de la vie de sainte Brigitte ont en outre un caractère d'authenticité incontestable ; ils ont été recueillis par les personnes qui raccompagnaient toujours, entre autres par un vénérable et docte Religieux que Dieu lui-même avait préposé à la conduite spirituelle de sa grande et admirable servante, et qui fut également chargé de traduire, au fur et à mesure, en latin, ces fameuses révélations qui ont rendu le nom de sainte Brigitte si célèbre dans toute l'Église. III.Ce qui ajoute encore à l'intérêt de la vie de sainte Brigitte, c'est que les détails en sont peu connus, fort instructifs, on ne peut plus édifiants, et mêlés à toutes les grandes questions qui agitèrent la France et l'Europe au moyen âge. Dans un temps comme le nôtre, où l’on connaît si imparfaitement les choses spirituelles, les quelques extraits des belles révélations qui sont ici offertes au lecteur, leur donneront des notions du plus haut intérêt sur les mystères de Notre-Seigneur et de sa très-sainte Mère. A tous ces titres, j'ose appeler l'attention du public éclairé et pieux sur cette vie de sainte Brigitte et sur les révélations qui s'y mêlent au récit des événements, comme de riches broderies d'or dans un beau tissu de soie. L'orthodoxie de ces révélations a été solennellement reconnue par Je Concile de Baie dans une de ses sessions œcuméniques, et, bien qu'elles n'exigent pas de notre part un acte de foi proprement dite, elles n'en sont pas moins d'une grande valeur, selon le témoignage du savant Pape Benoît XIV. Paris, le 19 mars 1879, en la fête de saint Joseph, + L.- G. DESEGUR, Chanoine-Évêque de Saint-Denis. VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. CHAPITRE PREMIER. Patrie de sainte Brigitte. Sa famille, sa naissance en 1302. Introduction du Christianisme dans la Scandinavie. « Honorez les Saints qui sont comme des étoiles innombrables dont l'éclat céleste ne peut être comparé à aucune lumière de la terre ». Ces paroles furent dites un jour par la sainte Vierge à sainte Brigitte, alors que cette humble servante de Dieu était loin de pressentir qu'elle-même serait reçue parmi les Saints les plus glorieux du paradis. Il est bien consolant de croire à la communion des Saints. Nous avons besoin, dans les épreuves de cette vie, d'amis forts et puissants dont la protection nous aide à gagner le ciel, notre but final. Nous les trouvons, ces amis, dans les Bienheureux, et nous admirons en eux cet éclat surnaturel dont parlait la Reine de tous les Saints. De tout temps, l'Eglise de Jésus-Christ a vu surgir les Saints les plus glorieux aux époques où la souffrance et la persécution l'assaillaient le plus cruellement ; c'est par eux que les croyants de tous les âges voient se vérifier la promesse consolante du Sauveur : « Je serai avec vous jusqu'à la consommation des siècles ». S'il est permis d'appeler douloureuse une période de l'histoire de l'Eglise, c'est à coup sûr celle du quatorzième siècle. Des guerres cruelles ensanglantèrent l'Europe tout entière ; la robe de l'Epouse du Christ fut déchirée par le schisme ; les Turcs, encouragés par les discordes continuelles des peuples, tentèrent de nombreuses incursions pour mettre les chrétiens sous le joug de Mahomet ; enfin Rome, la ville sainte, qui, suivant la belle expression du Pape saint Léon, était devenue la maîtresse de la vérité après avoir été celle de Terreur (1), Rome se trouvait privée de son soleil, de son centre ; elle était sans Pape. (1) Sermo sancti Leonis in natali Apost. Petri et Pauli. Mais au milieu de ces tribulations, une étoile brillante se levait du côté du Septentrion, afin que "la lumière sortît du pays des ténèbres," suivant la parole du Pape saint Boniface dans la bulle de canonisation de sainte Brigitte, Cette étoile répandit ses rayons bienfaisants sur toute l'Europe et jusqu'en Orient, dans le pays béni où le Verbe éternel s'était fait chair. Saint Ansgar, un moine aussi savant que pieux du couvent de Corvey, fut le premier qui prêcha l'Evangile en Suède. En 826, le roi danois Harald VI, vint à Mayence, à la cour de Louis le Débonnaire, et y reçut le baptême avec sa femme, ses fils et beaucoup de gens de sa suite. Et comme il exprima le désir de voir prêcher l'Evangile dans le Danemark, Ansgar résolut de l'y accompagner et d'y travailler à la conversion des païens. Il parcourut en tous sens, malgré de nombreuses difficultés, la presqu'île Scandinave, dont il visita les parties les plus inaccessibles, et en dépit de bien des obstacles, il réussit à y introduire le christianisme. Après un séjour de longue durée en Danemark, le saint apôtre retourna en Allemagne, en 834 ; il devint archevêque de Hambourg, et plus tard, en 849, Archevêque de Brême. Ansgar alliait l'austérité du moine à une activité infatigable pour la diffusion de la foi ; aussi ses travaux furent-ils toujours bénis. En l’an 853, le zélé serviteur de Dieu retourna en Scandinavie et cette fois, il se consacra particulièrement à la Suède. Il gagna la faveur du roi Olof, qui lui promit d'exposer lui-même ses vœux au peuple ; c'était l'usage en Suède que les affaires publiques dépendissent plus du suffrage de la nation que du pouvoir royal. A la première assemblée générale qui eut lieu, Olof s'acquitta de sa promesse, tandis qu'Ansgar et ses compagnons, les mains levées vers le ciel, priaient avec ardeur. Le moment paraissait peu favorable, car les Suédois rassemblés avaient décidé de placer un de leurs anciens rois parmi les divinités qu'ils adoraient. Or, le saint apôtre venait leur annoncer la doctrine d'un monarque dont le royaume n'est pas de ce monde, dont la couronne est faite d'épines et dont le sceptre est une croix. Aussi, les rares chrétiens qui étaient en Suède et les amis d'Ansgar étaient-ils dans une grande anxiété. Mais une fois de plus, le Roi couronné d'épines manifesta la puissance qu'il exerce sur le cœur des hommes. L'assemblée résolut d'abord de consulter les dieux sur la nouvelle doctrine qui lui était proposée : la réponse des prêtres païens fut favorable au christianisme. Néanmoins, comme le peuple hésitait encore à se prononcer, un vieillard vénérable se leva et dit : « Écoutez, roi et peuple ! c'est une chose connue que le Dieu des chrétiens vient en aide à ceux qui ont confiance en lui ; beaucoup d'entre nous ont fait l'expérience de sa toute-puissante protection sur terre et sur mer. Pourquoi donc rejetterions-nous ce qui nous est utile et salutaire ? Pourquoi irions-nous chercher au loin ce qu'on nous offre dans la patrie même ? Un grand nombre des nôtres est déjà allé à Dorstadt pour y entendre la doctrine du Christ. C'est pourquoi je vous donne le conseil de recevoir le serviteur de ce Dieu qui est plus puissant à lui seul que tous vos dieux, et dont la protection sera une source de bénédictions pour nous ». Ces paroles pleines de force causèrent une impression favorable, et la fervente prière d'Ansgar pour la conversion des Suédois se trouva exaucée. L'apôtre de la Scandinavie visita encore le Danemark, puis repartit pour l'Allemagne, où il termina en 865, sa sainte carrière. Le règne de Jésus-Christ était fondé en Suède ; mais il se passa un temps bien long avant que la doctrine du divin Sauveur eût pénétré dans les mœurs de ces peuples sauvages. Les païens devenus chrétiens continuaient à se faire la guerre. Des luttes étaient fréquemment engagées pour régler la succession des rois du pays. La Suède, à la fin du moyen âge, ne possédait pas encore de gouvernement régulier. De tout temps, il est vrai, on avait maintenu la couronne dans quelques familles privilégiées ; mais le droit d'aînesse n'existait point. Les seigneurs choisissaient à leur gré un des fils du roi ; de là, de continuelles dissensions. Après que la dynastie des Ynglinger se fut éteinte, les familles des Stenkil, des Swerker et des Bonde se disputèrent la dignité royale. Des guerres incessantes firent de cette époque une période sanglante de l'histoire de la Suède. Lorsqu'en 1250 s'éteignit la famille des Bonde, à laquelle saint Eric avait appartenu, celle des Folkungen, ancêtres de sainte Brigitte, monta sur le trône. Un des plus beaux domaines de cette famille royale se trouvait à Ulfasa, si riche en souvenirs historiques. Il y existe encore aujourd'hui un château qui se fait remarquer par sa belle situation aux bords du pittoresque lac de Boren. C'est là que vivait au treizième siècle le conseiller et juge de la Gothie orientale, Magnus Minniscold, avec sa femme Ingrid Ylfra. Ils étaient les parents du célèbre Birger qui, dit-on, fut le fondateur de Stockholm. Birger épousa la sœur du roi Éric. Son frère Bengt Mansson, juge et conseiller d'Ulfasa, héritier du domaine, prit pour femme une jeune fille noble de la famille des Swerker ; elle était sans fortune, mais riche de vertus et de beauté ; on ne l'appelait que la belle Sigride. Bengt et sa femme furent les aïeux de sainte Brigitte. Une fille de Bengt, nommée Sigride, comme sa mère, épousa Birger Pederson, juge provincial , et s'établit avec son mari à Finstadt. Pederson, qui doit descendre du roi Eric, était pieux et vertueux comme ses ancêtres ; son père et son grand-père avaient fait les pèlerinages de Rome, de Saint-Jacques de Compostelle et de la Palestine. Pederson, animé du même désir, résolut d'aller en pèlerinage à Rome et à Jérusalem. Mais lorsqu'il eut atteint la ville sainte, et qu'il eut rendu hommage au grand Pape Boniface VIII, celui-ci lui donna le conseil de retourner en Suède, afin d'y travailler à la prospérité morale et matérielle du peuple. En fils obéissant de la sainte Église, Pederson repartit sans retard pour sa patrie et se consacra avec un zèle infatigable aux affaires de la province et du pays tout entier. Il se confessait le vendredi de chaque semaine, et s'imposait des pénitences très sévères. Il avait coutume de dire que le vendredi il disposait particulièrement son cœur pour supporter avec une sainte indifférence toutes les épreuves que Dieu voudrait lui envoyer durant les autres jours. Pederson et sa femme firent construire plusieurs églises et couvents ; parmi ces derniers se trouvait celui de Sko qui devint justement célèbre. Sigride avait déjà donné le jour à trois fils (Pierre, Benoît et Israël) et à trois filles (Ingrid, Marguerite et Catherine), lorsqu'elle devint la mère d'une sainte. La naissance de ce dernier enfant fut précédée par plusieurs prodigieux événements qui présagèrent les grâces extraordinaires réservées à sa vie. Un jour que Sigride se rendait au couvent de Sko, et qu'elle était, selon sa condition, richement vêtue, une des Religieuses en fut scandalisée, au point de l'accuser de vanité et d'orgueil, et de penser que des vêtements si recherchés, des perles et des pierres précieuses, s’accordaient mal avec la piété. Mais la nuit suivante, cette Religieuse eut une vision, et elle entendit ces mots : « Pourquoi nourris-tu de mauvaises pensées contre ma servante, en l'accusant de vanité et d'orgueil ? Tu es dans Terreur, C'est d'elle que naîtra une fille à laquelle je prodiguerai de si grandes grâces que tous les peuples de la terre en seront dans l’étonnement (1) ». (1) Vie et révélations de sainte Brigitte, par Clarus, t. I p. 14. Plusieurs mois avant sa délivrance, Sigride se sentait accablée par une profonde mélancolie ; mais Dieu la consola par un rêve et lui prédit l’heureuse naissance d'une fille. Quelques semaines plus tard, faisant un voyage sur mer, le navire, sur lequel elle se trouvait, se brisa contre un écueil et un grand nombre de passagers périt dans les îlots, Eric frère du roi, sauva Sigride et l’amena heureusement sur les côtes d'Oeland. La nuit suivante, elle aperçut, près de son lit, une apparition lumineuse et elle entendit ces mots : « Tu as été sauvée à cause du vase d'élection que tu portes dans ton sein ; élève-le dans l'amour de Dieu, car c'est Dieu qui te l'a donné ». Enfin aux approches de la naissance de l'enfant, un vénérable prêtre du voisinage, qui passait la nuit en prières, fut favorisé d'une vision céleste. Il aperçut un nuage éclatant de lumière ; au centre se tenait assise une vierge, un livre à la main, qui lui dit : « Une fille vient de naître à Birger Pederson ; la voix de cette enfant retentira dans le monde entier (1) » . (1) Bulle de canonisation. Peclerson et Sigride reçurent l'enfant nouveau-né avec un sentiment de profonde reconnaissance envers Dieu. Ils lui donnèrent dans le saint baptême le nom de Birgitta, du nom de son père Birger. Elle naquit au commencement de l’année 1302.
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| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. 2/40. CHAPITRE II. Enfance et jeunesse de sainte Brigitte. Son action dans l'Église et dans la société, (1302-1315). Les premières années de sainte Brigitte semblèrent démentir cette parole du Seigneur, que « la voix de l'enfant retentirait dans le monde entier », car l'aimable enfant était muette. En vain Birger et Sigride attendirent-ils les premiers bégaiements ; en vain la mère répétait-elle devant sa fille les doux noms de Jésus et de Marie ; aucun son ne s'échappait de ses lèvres. C'est ainsi que dès sa plus tendre enfance, Brigitte trouvait l'occasion de pratiquer la vertu de mortification dont elle devait donner plus tard des exemples si héroïques. Malgré les soins affectueux des siens, qui l'aimaient tendrement, on ne comprenait pas toujours ce que l'enfant désirait et ce dont elle avait besoin ; fréquemment on s'apercevait, mais trop tard, qu'elle avait été soumise à une privation. Mais elle restait toujours pleine de douceur et de patience ; elle témoignait d'une manière touchante sa reconnaissance pour tout ce qu'on lui donnait, pour le moindre service rendu. Lorsque Brigitte eut atteint l'âge de quatre ans, elle commença à parler, non en balbutiant, comme les enfants mais en s'exprimant nettement sur ce qu'elle avait vu ou entendu. Et tandis qu'elle avançait en âge, elle consacrait son temps à la méditation et à la prière ; elle jeûnait aussi beaucoup et n'était pas avare de bonnes œuvres (1). Il en résulta que Sigride eut accompli en peu de temps la tâche d'élever Brigitte dans l'amour de Dieu ; elle-même ne devait pas rester longtemps en possession du trésor qui lui avait été confié, et la petite Brigitte devait être privée de bonne heure des soins affectueux de sa mère. En Tannée 1310, Sigride tomba malade ; elle sentit bientôt qu'elle allait mourir ; une mort chrétienne fat le couronnement de sa sainte vie. Peu d'heures avant sa fin, s'adressant avec une grande sérénité à son époux et à ses enfants, qui l'entouraient en pleurant, elle leur dit : " Pourquoi vous plaignez-vous ?". (1) Termes de la Bulle de canonisation. " N'ai-je pas vécu assez longtemps, et ne devrions-nous pas plutôt nous réjouir de ce que je suis appelée maintenant auprès du Tout-Puissant ?" . Elle recommanda ensuite tout spécialement aux soins de Birger la petite Brigitte, qui n'avait que sept ans ; puis elle supplia Dieu qu'il voulût bien bénir son époux et ses enfants, et s'endormit paisiblement dans le Seigneur, qu'elle avait si fidèlement servi sur la terre. Birger comprenant que Brigitte réclamait des soins maternels, la confia à sa tante Catherine, qui était une femme de beaucoup de sens et de sagesse. Celle-ci discerna bientôt les dons merveilleux dont le Ciel avait orné l'enfant, et elle s'efforça de continuer avec zèle l'œuvre commencée par Sigride. Brigitte s'adonna à la prière avec une grande ferveur : elle passa maintes nuits à genoux dans un coin de sa chambre, s'entretenant affectueusement avec Jésus et Marie. Sa dévotion envers son Sauveur souffrant et agonisant était particulièrement fervente ; elle ne se lassait pas de méditer sur sa Passion et de pleurer sur ses douleurs, La sainte enfant n'avait pas encore huit ans, lorsqu'elle fut honorée d'une apparition de la très sainte Vierge. Au milieu d'une nuit, Brigitte se réveilla en sursaut, et aperçut en face de son lit un magnifique autel, sur lequel se tenait Marie, revêtue d'une robe éclatante et portant à la main une couronne précieuse : «Viens, Brigitte ! » lui dit la Mère du Sauveur- L'enfant s'élança de son lit, courut vers l'autel et tomba aux pieds de la Reine du ciel. Marie lui demanda alors : « Veux-tu cette couronne ?». Et lorsque Brigitte, muette d'émotion, baissa la tête et étendit les mains vers la couronne, Marie la lui posa sur le front, et l'enfant sentit l'étreinte du cercle brillant. Le souvenir de cette vision s'imprima en traits ineffaçables dans le cœur de la pieuse enfant. L'autel lui rappelait sans doute qu’elle devait, victime dévouée, brûler du feu dévorant de l'amour divin jusqu'au jour du couronnement céleste. A l’âge de dix ans, Brigitte assista un jour à un sermon sur les souffrances du divin Sauveur, et son âme en fut remplie de tristesse et de douleur. La nuit suivante, Jésus-Christ lui apparut, défait et sanglant, comme au jour de son crucifiement, et lui dit : " Voit, ma fille, jusqu'à quel point je suis couvert de plaies !". Brigitte, navrée de douleur à cet aspect lamentable, s'écria pleine d'épouvante : « Oh ! Seigneur, qui a osé vous maltraiter de la sorte ? ». Et Jésus lui répondit : « Ce sont ceux qui me méprisent et qui dédaignent mon amour ». La vision s'évanouit, laissant Brigitte dans un abîme de douleur et d'amour, À partir de ce moment, elle médita de plus en plus sur la Passion du Rédempteur, et toute sa nature fut empreinte d’une mélancolique gravité. Le divin Sauveur se manifesta d'une manière toute différente aux autres Saints durant leur enfance. Sainte Catherine de Sienne, à l'âge de six ans, aperçut au-dessus de l'église de Saint-Dominique un très riche trône tout éclatant de lumière, sur lequel était assis Notre-Seigneur, revêtu des ornements pontificaux et portant une mitre d'or. A ses côtés se trouvaient les princes des Apôtres, Pierre et Paul, et l’évangéliste saint Jean. Ils portaient des regards pleins d'affection sur Catherine, et Jésus-Christ lui donnait sa bénédiction à la manière des Évêques, en souriant doucement. Jésus apparut sous la forme d'un enfant à Véronique Guiliani, pendant qu'elle cueillait des fleurs dans les champs, et joua avec elle avec une grâce toute divine. La petite Brigitte ne devait point voir son Jésus dans une situation si aimable et si attrayante. Il voulait lui apprendre, dès son enfance, qu'elle aurait à parcourir la rude vie des souffrances, avant de posséder à jamais la couronne que la très sainte Vierge lui avait un jour posée sur le front. Ce fut ainsi que Brigitte vécut avec une admirable pureté de cœur, constamment en présence de son Sauveur crucifié ; son âme avait l'austère fermeté qu'inspirent les sombres forêts de sapins du Nord, sa patrie. Les biographes de sainte Brigitte ont conservé de son enfance une foule de traits charmants. Nous allons en citer quelques-uns. Catherine avait l'intention de faire élever Brigitte selon sa condition, et de l'instruire dans les arts et les sciences. Dans ce but, elle rassemblait souvent autour de sa nièce d'autres jeunes filles nobles, afin qu'elle pût étudier et travailler avec elles. Un jour, qu'au milieu de ses compagnes occupées à faire de la tapisserie, Brigitte brodait des fleurs d'or sur une étoffe précieuse, elle fut prise de la crainte de ne pouvoir terminer ce difficile travail à la satisfaction de sa tante ; elle s'adressa alors avec une confiance pleine de simplicité à la sainte Vierge, lui fit part de sa préoccupation et la pria de l'aider. Peu d'instants après, la tante entra dans la chambre où Brigitte se trouvait avec ses compagnes et y aperçut, avec un vif étonnement, une jeune fille majestueuse, d'une éblouissante beauté, qui travaillait avec la pieuse enfant. A l'arrivée de Catherine, la vision disparut, et Catherine dit à Brigitte : « Mon enfant, qui donc t'a aidée dans ton travail ? » . Brigitte rougit et assura sa tante qu'elle n'avait vu personne ; mais, plus tard, elle lui avoua qu'elle avait appelé la sainte Mère de Dieu à son secours, et que celle-ci l'avait exaucée. La tante conserva comme une sainte relique cet ouvrage qui était d'une rare beauté. Bien que Brigitte n'eût que douze ans, elle se levait souvent la nuit pour prier, pleurer et mortifier son corps innocent par de petites pénitences proportionnées à son âge. C'est ainsi que Catherine la trouva une fois, fondant en larmes au pied d'un crucifix et grelottant de froid. Elle crut devoir infliger une punition sévère, pour tempérer un zèle qu'elle considérait comme déraisonnable. Elle lui fit d'abord de sérieuses remontrances de s'exposer, si légèrement vêtue, au froid glacial d'une nuit d'hiver : puis elle saisit la verge pour l'en frapper. Mais à peine eut-elle touché les épaules de l'innocente enfant que la verge se brisa en mille morceaux. Catherine, qui d'abord avait feint simplement la colère, eut un mouvement d'irritation, et s'écria : « Brigitte, qu'as-tu fait ? De méchantes femmes t'auraient-elles enseigné de vilaines prières ou des formules enchantées ? ». Jusque-là, Brigitte avait opposé aux reproches de sa tante le silence le plus modeste ; mais maintenant elle repartit vivement : « Oh ! non, ma tante ; je ne me suis levée que pour louer Celui qui m'assiste toujours ». « Quel est-il ? » demanda la tante ; et Brigitte répondit : « C'est Jésus crucifié que j'ai vu ».
À partir de ce moment, Catherine sentit croître encore son amour pour l'enfant ; elle n'osa plus lui faire aucun reproche sur ses veillées de prières, et renonça à tempérer son zèle. Les tentations de l'enfer ne firent pas non plus défaut à notre Sainte. Satan reconnut dans cette innocente enfant une ennemie des plus implacables. Il eut un pressentiment des défaites qu'elle devait un jour lui infliger, et du grand nombre d'âmes qu'elle devait lui arracher. Aussi résolut-il de mettre tout en action pour anéantir l'œuvre de Dieu dans cette âme si pure. Il ne pouvait songer à la tourmenter déjà par des tentations intérieures ; car Brigitte, élevée loin du monde, dans le calme d'une vie retirée, avait une simplicité enfantine, qui la mettait à l'abri des mauvaises pensées et des inclinations pernicieuses. Il l'attaqua donc par le dehors, et chercha à l'effrayer par des visions infernales. Un jour que Brigitte se récréait avec d'autres jeunes filles, elle aperçut tout à coup à ses côtés un monstre horrible armé de mille mains et de mille pieds, qui s'efforçait de la saisir. Elle s'enfuit pleine d'épouvante dans son appartement, se jeta au pied de son crucifix, et demanda secours et protection au Sauveur. Jésus l'exauça aussitôt, et le démon fut contraint de lui avouer son impuissance. Brigitte le vit encore à côté d'elle dans son appartement ; mais il lui dit plein de rage : « Je ne puis te faire aucun mal, tant que le Crucifié ne le permettra pas » . Lorsque Catherine, pour laquelle Brigitte n'avait rien de caché, eut connaissance de ces attaques du malin esprit, elle lui conseilla de ne s'entretenir de ces apparitions qu'avec son confesseur, et d'avoir toujours une entière confiance dans le Crucifié, devant qui tout genou fléchit, au ciel, sur la terre et aux enfers. Brigitte s'épanouit belle et aimable, comme un lis transplanté du paradis sous le ciel sombre de la Scandinavie ; elle mûrissait doucement pour la vie d'amour et de souffrance qu'elle devait mener; elle devenait chaque jour plus digne de recevoir ces grâces extraordinaires qui sont rarement accordées, même aux Saints les plus glorieux, et dont Jésus et Marie la comblaient, comme une épouse et une fille privilégiée. Mais quelle sera la tâche de cette angélique enfant, dont l’âme innocente s'embrase du désir d'aimer, de souffrir et d'expier les péchés de ceux qui offensent si cruellement Jésus et le dédaignent en méprisant son amour ? Cette tâche sera aussi étendue, aussi élevée qu'elle est unique dans l'histoire des Saints. Au milieu des pieuses femmes et des vierges, Brigitte se distinguera par sa position spéciale dans l'Eglise et dans le monde. Elle devra aimer, souffrir et espérer, mais ce ne sera là que sa tâche secondaire.
Brigitte ne sera pas appelée comme sainte Lidwine, comme, de nos jours, la vénérable servante de Dieu, Catherine Emmerich, à. expier les péchés du monde par ses souffrances et ses prières, à partager d'une manière mystique les persécutions et les douleurs de la sainte Eglise ; mais elle devra combattre publiquement, avec courage et énergie, la corruption du siècle, par la parole et par l'action. Elle devra, comme une sainte prophétesse, parcourir, le bâton de pèlerin à la main, tous les pays de l'Europe, - annoncer aux pécheurs les châtiments menaçants de Dieu, - exhorter les peuples à la pénitence, - travailler à la conversion des pécheurs, - réformer les mœurs du clergé et des Religieux, si corrompues à cette époque en beaucoup de lieux, - enfin dicter aux Evêques, aux princes et aux rois des règles de vie, frappées au coin d'une sagesse divine. Brigitte passera aussi trente années à Rome privée de son Chef par la politique française, qui réussissait à retenir captif sur les bords du Rhône le Vicaire de Jésus-Christ. C'est de la ville sainte qu’elle exhortera constamment les Papes d'Avignon à rompre leurs chaînes et à revenir à Rome. Il lui sera encore donné d'éclaircir et de résoudre les questions théologiques les plus ardues, à une époque où, comme d'ordinaire, la piété et les sciences étaient à la fois en décadence. Bien qu'on puisse dire de sainte Brigitte, plus que de toute autre Sainte, qu'elle « a souffert divinement; » et bien que ses merveilleuses extases soient du domaine de la mysticité, sa vie, au lieu d'être passive, a été surtout active. Placée comme une lumière sur la montagne, elle devait donner l'exemple des vertus les plus sublimes aux vierges, aux femmes, aux veuves et aux Religieux ; au milieu des conditions politiques si inextricables de son temps, elle devait développer, vis-à-vis des Papes, des rois et des princes, une diplomatie surnaturelle, telle que l'histoire n'en avait jamais connu avant elle. Pour tous ces motifs aussi sa tâche fut d'une difficulté extrême. Il est de la nature de la femme de vivre dans le silence, loin du bruit et de la foule, qu'il s'agisse d'un cercle plus ou moins étendu, de la maison, de la famille ou du couvent. Modestement, elle doit remplir les devoirs qui lui sont imposés par Dieu ; plus elle agit doucement et sans bruit, plus elle opère de bien et correspond aux vues de Dieu, Cette obscurité est d'autant plus chère à la vierge et à la femme, que son âme est plus pieuse et plus pure. Les âmes elles-mêmes qui, dans les ordres actifs, se livrent avec un abandon héroïque à l'exercice de la charité chrétienne, ne perdent jamais cet esprit. Elles apparaissent un instant là où il y a quelque bien à faire, puis elles se dérobent le plus promptement possible aux regards étonnés du monde ; et si quelque cœur reconnaissant révèle les actes de leur amour pour le prochain, les Anges en sauront toujours plus à cet égard que les hommes. C'est pourquoi il en coûtait tant à Brigitte de se présenter comme un maître et un prophète. Elle eût beaucoup mieux aimé prier au fond d'un couvent pour la conversion des pécheurs, que de travailler à leur amendement et à leur salut avec le zèle d'un apôtre. Elle qui se nourrissait si volontiers de la lecture des Pères de l'Eglise, elle connaissait sans doute cette belle parole de saint Ambroise : « Il convient que dans les choses de Dieu, la femme se laisse instruire et ne veuille pas enseigner elle-même (1) ». Malgré toutes ces difficultés, la Sainte se soumettra à la volonté de Dieu en toutes choses. Elle saisira le bâton de pèlerin et parcourra la terre, enseignant, prophétisant et écrivant les huit volumes de ses merveilleuses révélations, qui étaient, dans les siècles précédents, des livres populaires. (1) De Hom. Santi Ambrosii quarta die infra Oct. Nativ. de S. Joan. Bapt. C'est une chose singulière que sainte Brigitte, qui compte, si l'on peut parler ainsi, parmi les Saints les plus connus, soit si fort ignorée de notre temps. On ne sait presque rien de sa vie, et encore moins de ses admirables écrits. La raison en est sans doute dans les tendances matérialistes du dix-neuvième siècle, tendances qui rendent inintelligibles les révélations de sainte Brigitte. Puissent les grands et les petits esprits de notre époque revenir à cette pieuse simplicité, sans laquelle l'entendement des choses divines est impossible; car Dieu cache aux sages étaux prudents les mystères de sa sagesse contenus dans les écrits des Saints, et il ne les révèle qu'aux simples (1). (1) Math. 11. XXV.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 13/12/2016, 22:34 | |
| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre III ème.
3/40. CHAPITRE III. CHAPITRE III - Mariage de Brigitte avec Ulpho, prince de Néricie. Sa vie comme épouse et mère (1315-1335). Brigitte était devenue une charmante jeune fille ornée de toutes les vertus ; elle était à la fois douce et modeste, pleine de simplicité et de décence, humble et obéissante, avec une pureté de conscience exquise, une patience sereine dans l'épreuve et une charité qui ne se lassait jamais. Elle estimait par-dessus tout la pureté comme le trésor le plus précieux, et elle n'avait d'autre désir que de consacrer son âme et son corps, dans une perpétuelle virginité, à son Sauveur crucifié. Mais lorsqu'elle eut atteint l'âge de treize ans, son père résolut de la marier avec Ulpho ou Wulf, prince de Néricie. Elle se soumit avec obéissance au désir de son père, bien que l'état de mariage lui inspirât, ainsi qu'elle le confia plus tard à sa fille Catherine, une répugnance telle qu'elle eût préféré mourir plutôt que d'y entrer. Elle trouva cependant dans l'accomplissement de l'adorable volonté de Dieu la force nécessaire pour le sacrifice qui lui était imposé. Ulpho Gudmarson était doué d'excellentes qualités. Bien qu'il n'eût que dix-huit ans, il exerçait déjà les fonctions de juge dans la province de Néricie avec une rare équité, et, durant toute sa vie, il demeura un modèle de vertus. Il aimait tendrement Brigitte, et ses instances pressantes firent hâter le mariage. Brigitte se sépara donc, en 1315, de sa bonne tante Catherine, qui lui avait tenu lieu de seconde mère, pour suivre son mari dans le domaine d'Ulfasa, où il résidait habituellement. Lorsqu'elle se trouva seule avec Ulpho, le soir même de la noce, elle lui rappela l'aimable histoire du jeune Tobie, qui était entré dans le mariage après de longues et ferventes prières, puis elle ajouta avec une douceur persuasive: « Nous aussi, Ulpho, nous sommes enfants des Saints, et nous ne devons point nous unir comme des païens, qui ne connaissent point Dieu (1). Supplions d'abord Dieu avec ardeur de sanctifier notre union, et de ne la faire fructifier que si nos enfants doivent un jour devenir citoyens du ciel ». Ulpho était trop vertueux, et aimait trop tendrement sa jeune épouse pour lui refuser d'accéder à une demande si pleine de piété. Pendant près de deux ans ils vécurent comme frère et sœur (2), s'efforçant de plaire à Dieu en toutes choses. Pendant que les deux époux, a l'exemple de la très sainte Vierge et de saint Joseph, persévéraient dans la virginité, ils se firent recevoir dans le Tiers-Ordre de Saint-François, et se soumirent aux pénitences les plus rigoureuses (3). On ne peut dire avec certitude dans quel lieu et à quelle époque Brigitte et son mari entrèrent dans le Tiers-Ordre ; ils n'existe aucun document précis à ce sujet. (1) Tob. 8, 5. (2) Bulle de canonisation. (3) Il n'est pas douteux que sainte Brigitte ait fait partie du Tiers-Ordre de Saint-François : les preuves abondent à cet égard ; nous n'en donnerons que quelques-unes. Dans son Histoire universelle de l’Eglise. Alzog dit : « Sainte Brigitte, de la famille royale de Suède, appartenait déjà au Tiers-Ordre de Saint-François alors qu'elle remplissait encore les devoirs d'épouse et de mère » . § 290 ; page 674. Dans son Menologium Sanctorum ex triplici Ordine sancli Francici 1693, le P. Fortunat Hubert nomme Brigitte « vera Sera- phici P. Francisci filia » et trouve dans ce fait le motif du désir qu'elle eut d'être enterrée dans le couvent des Glarisses. Dans son Histoire de tous les Ordres de religion et de chevalerie Helyot dit de sainte Brigitte et de son époux, tome IV p. 3, « Comme tous deux avaient revêtu l'habit de Saint-François, ils vivaient chez eux comme dans un couvent ». Enfin le 2 juin 1851, le Pape Pie IX accorda aux membres du Tiers-Ordre une Indulgence plénière à la fête de sainte Brigitte. (1) Ex annalibus minorum auctore L. Waddingo. Mais il est très vraisemblable que cela se fit à Skara, par l'intermédiaire du P. Agoth, Gardien du couvent des Franciscains, qui était maître en théologie, et renommé pour sa piété et sa science. Il demeura jusqu'à la fin de sa vie l'ami de Brigitte, qui de son côté l'aimait comme une enfant (l). La sainte règle du Tiers-Ordre, avec ses prières et ses pieux exercices, devenait pour les jeunes époux comme un Ange-gardien, et les excitait à pratiquer les vertus les plus sublimes. Brigitte remplissait toutes les obligations de la règle avec le zèle et l'exactitude d'une Sainte. Elle renonça à toute parure mondaine, évita les plaisirs bruyants et ne trouva son bonheur que dans l'observation des mortifications et des jeûnes prescrits. Ulpho aimait les fêtes brillantes et s'entourait volontiers du luxe qui convenait à son rang. Brigitte parvint tout doucement à l'en détourner. Elle sut si bien le captiver par le charme de ses entretiens, que bientôt il n'eut plus aucun goût pour les joies bruyantes du monde, ni pour les réunions de la Cour, se montrant disposé ainsi à céder à tous les désirs de sa pieuse compagne. Le château du prince de Néricie devint une école de vertus et de bonnes mœurs, car Brigitte savait exercer sur ses nombreux domestiques une surveillance pleine de prudence et de charité, et les amener tous à la piété. La puissance de son exemple porta non seulement ses subordonnés immédiats, mais encore un grand nombre de personnes de toutes les classes de la société, à entrer dans le Tiers-Ordre, et à se vouer à une vie de prière et de pénitence. Il était naturel que ceux qui la voyaient à l'œuvre voulussent imiter cette jeune princesse, si distinguée par son rang et sa piété. C'est ainsi que Brigitte contribua à répandre le Tiers-Ordre parmi les gens du monde, en Suède. Notre sainte continua dans le mariage ses prières nocturnes, et Ulpho, loin d'en être mécontent, rendait grâces à Dieu de lui avoir donné une épouse si pieuse ; il s'associait de jour en jour davantage à ses exercices de dévotion. Par les mains de Brigitte, il faisait distribuer de grandes sommes d'argent aux pauvres, et prenait une large part à toutes les œuvres de miséricorde que sa fidèle compagne lui recommandait. Brigitte recevait le Pain des Anges tous les dimanches et aux jours de fêtes de l'Église, avec un profond amour et une piété ardente ; elle ne connaissait pas de plus grande douleur que de rester privée de cette nourriture céleste. Elle veillait sur la pureté de son âme avec une sollicitude si anxieuse, qu'elle confessait ses moindres fautes en versant des torrents de larmes et en ressentant la plus vive contrition. Aussi son confesseur avait-il coutume de dire qu'elle portait en elle un signe évident de sa future sainteté, à raison de la profonde douleur qu'elle ressentait de ses plus légères fautes et imperfections, douleur que d'autres éprouvent à peine pour les plus grands crimes : aussi examinait-elle sa conscience avec tant de rigueur, quelle ne laissait pas échapper la plus faible tache. La Sainte avait fait disposer dans son château un petit oratoire où elle allait passer de longues heures, surtout en l'absence de son mari, pour y continuer dans une paisible solitude cette vie d'amour et de souffrance qu'elle avait commencée dès sa plus tendre enfance. C'est là qu'elle faisait ses prières et s'élevait souvent aux plus hauts sommets de la contemplation ; c'est là qu'elle scrutait sa conscience et pleurait ses moindres fautes. Elle avait aussi fait traduire les saintes Ecritures, les légendes des Saints et les œuvres des Pères de l'Église dans sa langue maternelle, et elle trouvait sa plus agréable récréation à étudier ces ouvrages. Lorsqu'arriva le moment que Dieu avait choisi pour bénir l'union des pieux époux, il devint manifeste que leurs saints désirs furent exaucés, car un des plus anciens biographes de notre Sainte écrivait : " Brigitte donna à son époux huit enfants, et au ciel autant d'élus" (1). Le prince Charles, l'aîné des fils d'Ulpho, vint au monde en l'année 1319. Il resta toujours le fils préféré de Brigitte, bien que dans sa jeunesse il lui eût coûté beaucoup de larmes. Charles était doué d'une nature gaie et chevaleresque ; il aimait l'éclat comme autrefois son père, et il était courageux jusqu'à la témérité. Brigitte dut user de toute son énergie pour dompter ce tempérament violent et emporté, qui le faisait plus ressembler à un habitant du Midi qu'à un homme du Nord. En un point cependant il avait une ressemblance parfaite avec sa sainte mère : c'était par sa dévotion envers la très sainte Vierge. Il l'aimait si sincèrement, qu'il avait coutume de dire qu'il préférerait supporter des tourments éternels, plutôt que de savoir la tendre et sainte Mère de Dieu troublée un seul instant dans sa béatitude céleste. Son frère Birger se montra sérieux et réfléchi dès son enfance et n'attrista jamais sa sainte mère. (4) Birger in vita S. Birgittae. En 1323, Brigitte eut une fille qui fut appelée Marthe, et deux ans plus tard un fils qui reçut le nom de Gudmar. Le père de notre Sainte devait quitter la terre après avoir eu la satisfaction de voir les quatre aînés de ses petits-enfants ; il mourut en 1328, La cinquième enfant de Brigitte, qui fut sainte Catherine de Suède, naquit en 1330 ; une année plus tard vint au monde Ingeborg, qui ne fut pas moins pleine de vertus. Brigitte, préoccupée avant tout d'élever pour le ciel les enfants que Dieu lui avait confiés, avait soin de leur donner pour maîtres des hommes qui alliaient une science profonde à une grande vertu. Parmi ceux-ci se distinguait particulièrement Herrman, qui fut pendant longtemps le gouverneur de Charles, et plus tard devint Evêque de Linkoping. Mais, de même que le fils de sainte Monique fut pendant longtemps la victime de tristes écarts, de même Brigitte vit son fils aîné entrer dans la voie large de la perdition, à mesure qu'il avançait en âge. Sa légèreté et son audace l'entraînèrent dans les aventures si variées qu'offrait le moyen âge, et il y commit de graves fautes. Un jour qu'il avait la conscience chargée d'un péché mortel, il entra dans l'appartement de sa mère, qui ne pouvait savoir ce qui lui était arrivé. Mais son regard illuminé lut jusqu'au fond du cœur de son fils, et, aussitôt qu'elle le vit, elle lui cria : « Hâte-toi de trouver un prêtre et de confesser le péché mortel que tu as commis ». Charles essaya de nier ; il affirma à sa mère que les légers écarts auxquels l'entraînait son tempérament, n'étaient pas de nature à offenser Dieu grièvement ; que d'ailleurs il ne se sentait coupable d'aucun péché mortel. Brigitte lui répliqua alors avec une grande fermeté : « Je sais avec certitude, mon fils, que tu as commis un péché mortel ; va donc et confesse-toi ». En même temps elle dirigea sur son fils un regard si calme et si ferme, que celui-ci sentit bien que l'œil de sa mère plongeait jusqu'au plus profond de son cœur ; aussi avoua-t-il sa faute, et courut-il plein de repentir et d'humilité se jeter aux pieds d'un prêtre, Brigitte conduisait souvent sa fille Marthe dans les hôpitaux, pour qu'elle prît part à ses œuvres de charité. Ses fils aussi durent souvent l'accompagner chez les pauvres et les malades. Elle les accoutumait ainsi à la vue des misères humaines et elle les encourageait à l'amour et à la miséricorde envers le prochain. Dans ces circonstances Charles était facilement ému jusqu'aux larmes, et il distribuait de riches aumônes. Mais c'était en vain que Brigitte espérait le voir arriver par là à une conversion complète. Après avoir quitté les chaumières des pauvres, il s'adonnait avec une nouvelle ardeur aux plaisirs du monde, recherchait de nouvelles aventures et s'exposait à de nouveaux dangers. Un jour Jésus dit à sa servante : " Tu t'étonnes de ce que je n'exauce pas celui que tu vois répandre tant de larmes et prodiguer de si larges aumônes aux pauvres en mon honneur " (1) Le Seigneur lui expliqua alors que les larmes et les aumônes à elles seules ne suffisent pas à sauver les âmes, et que l'amour de Dieu, si refroidi dans le cœur de son fils, devait y renaître avec vigueur avant qu'il pût obtenir la grâce d'une sincère conversion . Brigitte avait fort à cœur d'habituer ses enfants à observer fidèlement les jeûnes de l'Église ; mais Charles cherchait volontiers à se soustraire à cette obligation. (1) Révélations IV, 13. Une certaine année, il rompit le jeûne avec une regrettable légèreté le jour des vigiles de saint Jean-Baptiste, et sa pieuse mère en fut profondément affligée. Le glorieux Précurseur lui apparut alors et la consola en lui disant : « Puisque tu pleures si amèrement la faute de ton fils, et que tu préfères le voir me servir plutôt que de posséder tous les royaumes de la terre, je le prends sous ma protection à partir de ce moment et je lui donnerai mes armes ». Cette apparition qui ranima la confiance et le courage de notre Sainte, fut bientôt suivie d'une autre plus consolante encore ; Brigitte y vit (1) que saint Jean présentait son fils à Dieu en disant : " Voyez, Seigneur, celui qui se tient devant vous s'est voué à votre service : il s'efforce de lutter et de combattre, mais il ne peut arriver au triomphe, parce qu'il n'a point d'armes, et qu'il est trop faible. Quant à moi, je suis obligé pour deux motifs de l'aider, d'une part à cause des mérites de ses parents, et d'autre part à cause du zèle qui l'enflamme en mon honneur. Donnez-lui donc des armes afin qu'il ne succombe pas dans le combat ». Le Seigneur répondit : " Donne-lui ce que tu voudras et revêts-le du vêtement d'un soldat de Jésus-Christ " . (1) Révélations IV, 74. Alors apparut la glorieuse Vierge Marie accompagnée des princes des Apôtres, Pierre et Paul ; ils revêtirent le fils de Brigitte d'une armure spirituelle composée d'une cuirasse, d'une épée et d'un bouclier, images mystiques des vertus. Ce que la Sainte avait vu s'était réellement passé dans l'âme de Charles. A partir de ce jour il parut tout transformé ; s'il resta encore le jeune homme fougueux et ardent, dont elle surveillait les pas avec une certaine crainte, elle n'eut plus la douleur de le voir offenser Dieu grièvement. Il écouta dès lors avec humilité les remontrances de sa mère, devint un fils obéissant de la sainte Eglise, et ne connut plus d'autre désir que celui d'aller en Palestine pour combattre les infidèles et mourir pour la foi. La Bulle de canonisation donne une description courte, mais fort belle, de la vie que menait chez elle notre Sainte ; nous en extrayons le passage suivant : Elle veillait à la direction de sa maison et ne mangeait pas son pain dans l’oisiveté ; elle ouvrait ses mains aux pauvres et les tendait à ceux qui étaient dans la détresse ; car pour l'amour de Dieu, elle était infatigable à remplir les devoirs de la charité envers les nécessiteux, les malades et ceux que le monde méprisait. Du vivant même .de son mari, elle avait coutume de nourrir douze pauvres par jour dans sa maison ; elle les servait elle-même et leur donnait tout ce dont ils avaient besoin : tous les jeudis elle leur lavait les pieds, en souvenir de la sainte Cène du Seigneur. Elle fit reconstruire de ses propres deniers, dans sa patrie, beaucoup d'hospices délabrés. Elle visitait avec une grande piété les pauvres et les malades, comme une servante affectueuse, charitable et empressée. « Elle touchait, lavait, pansait et soignait leurs plaies, sans répugnance et sans dégoût... Elle possédait une admirable patience, de sorte qu'elle supportait sans murmures et sans plaintes, et avec la plus humble soumission, ses propres maladies, les offenses qu'elle recevait et toutes les adversités de la vie. Elle louait Dieu sans cesse, de plus en plus sa foi allait s'affermissant, son espérance grandissait et son amour devenait plus ardent. Elle estimait par-dessus tout la justice et l'équité, et méprisait avec une noble fierté les aiguillons de la chair et ses diverses tentations, la pompe orgueilleuse, le vain éclat et la vaine gloire…. Qui pourrait-on trouver qui fût plus sensé et plus prudent qu'elle, depuis son enfance jusqu'à sa dernière heure ? Elle était douée du plus rare discernement, et jamais elle n'appela bien ce qui est mal, ni mal ce qui est bien. De même aussi elle ne transformait point la lumière en ténèbres, ni les ténèbres en lumière ». C'est là certainement un magnifique éloge donné à notre Sainte par le Vicaire de Jésus-Christ. Brigitte fut en réalité cette femme forte dont parle l'Ecriture-Sainte, et dont la valeur est comparable à un trésor venu de loin. Beaucoup de jeunes filles se sont acquis de grands mérites, mais Brigitte les a toutes surpassées ; car « les charmes sont trompeurs et vaine est la beauté, mais une femme qui craint le Seigneur sera louée (1) ».(1) Proverbes de Salomon, 30, 31.
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| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre IV ème.
4/40. CHAPITRE IV. CHAPITRE IV - Brigitte est nommée surintendante de la reine Blanche. Sa position à la Cour (1335-1339). En sa qualité de proche parente du roi Magnus Smeek, qui régnait alors sur la Suède et la Norvège, Brigitte paraissait souvent à la Cour avec son mari ; tout le monde l'y admirait et l'honorait à cause de ses grandes vertus et de ses qualités charmantes. Lorsque, en 1835, Magnus épousa Blanche, la fille du comte de Nemours, il appela à sa cour le prince de Néricie et sa femme, afin de faire remplir à celle-ci les fonctions de surintendante de la jeune reine. Brigitte fut effrayée à l'idée de la charge que le roi voulait lui confier, et elle n'accepta que malgré elle une position qui l'obligeait à paraître à toutes les fêtes de la cour. Mais Ulphole désirant vivement, il insista auprès d'elle en lui représentant que, forcé de rester lui-même à la Cour, il ne se verrait pas obligé d'être séparé quelquefois pendant de longues semaines de sa chère épouse ; et Brigitte, toujours soumise, céda à son mari. Avant de quitter Ulfasa, elle confia l'éducation de ses deux plus jeunes filles, Catherine et Ingeborg, à l'abbesse du couvent de Risa-berg; Marthe et ses trois fils l'accompagnèrent à la cour. Peu de jours après l'arrivée de la jeune reine à Stockholm, devenue depuis 1260 la résidence des rois de Suède (1), le prince de Néricie s'établit au château royal avec sa famille. Ulpho et Brigitte avaient appris depuis longtemps à vivre dans le monde sans en user, à posséder les biens terrestres sans en jouir, de sorte qu'il n'y avait nul danger pour eux d'habiter à la Cour. Ulpho consacrait toutes ses forces aux affaires de l'Etat, et Brigitte redoublait ses prières et ses pieux exercices, afin d'assister efficacement le couple royal qui lui tenait de si près. (1) Les rois de Suède qui résidaient anciennement à Sigtuna s'établirent, après la destruction de cette demeure, à Upsala. Bien que la reine Blanche fût un peu légère et superficielle, elle ne tarda pas à prendre Brigitte en grande affection, et ne se lassait pas d'admirer son esprit, sa piété et ses bonnes mœurs. Elle avait apporté de France une cassette précieuse qui contenait des reliques de beaucoup de Saints, entre autres de saint Louis, roi de France; elle en fit don à Brigitte qui avait une grande vénération pour les saintes reliques. Il se passa quelque chose de singulier au sujet de ce présent. Les serviteurs d'Ulpho et de Brigitte, en remettant en ordre l'appartement de leurs maîtres, déplacèrent la cassette et la mirent, par mégarde, à un endroit moins convenable que le lieu qui lui était affecté. Brigitte vit alors jaillir du reliquaire une lumière brillante et entendit une voix qui disait : « Voici que le trésor de Dieu qui est honoré dans le ciel se trouve méprisé sur la terre. Allons-nous-en vers d'autres lieux » . Brigitte s'empressa alors de faire placer la cassette sur un autel (1). Les distractions de la cour et les devoirs de sa charge n'empêchèrent en aucune façon la Sainte de continuer la vie de prière intime dont elle avait contracté l'habitude. Stockholm et le château royal devaient être dorénavant le théâtre de ses admirables visions. (1) Extravag. 59, Un jour qu'à la suite d'une fête brillante elle cherchait à se délasser, non sur une couche molle, mais dans la prière, elle eut une vision singulière qu'elle dépeint elle-même de la façon suivante : « Pendant que je priais, je vis le ciel tout obscur, tandis que le soleil et la lune brillaient du plus vif éclat ; leur lumière se répandait sur toute l'étendue du ciel. En regardant attentivement, je distinguai de bons et de mauvais anges qui luttaient contre ces deux astres. Les mauvais anges toutefois n'eurent le dessus que lorsque se fût élevé vers le ciel a un dragon effroyable devant lequel disparut la clarté du soleil et de la lune. Le premier de ces astres pâlit d'abord, puis devint totalement noir ; le second se réfugia derrière la terre. Lorsque je tournai les yeux vers celle-ci, je la vis remplie d'animaux rampants et de serpents qui dévoraient tout ce qui se trouvait à la surface du sol, et qui tuaient les hommes à coups de queue, jusqu'à ce que le soleil fût tombé dans les abîmes et que la place de la lune ne pût plus être trouvée (1) ». Brigitte ne comprit pas alors le sens de cette terrible vision dont elle n'eut l'explication que onze ans plus tard ; elle supposa qu’elle se rapportait aux ardentes prières qu'elle faisait à ce moment pour le bonheur de la Suède et du jeune couple royal. Le règne du roi Magnus fut très heureux à son début- Le prince possédait en Mathieu Kettelmund un ministre vertueux et prudent, et en Brigitte une conseillère sage et éclairée de Dieu. La paix et la prospérité régnèrent dans le pays aussi longtemps qu'il suivit leurs conseils. Avant son avènement au trône, la vie du jeune Magnus Smeek n'avait pas été très régulière; mais il parut vouloir s'amender et se consacrer sérieusement à la pratique de la vertu et de la piété (2). C'est à ce moment qu'eut lieu son mariage avec Blanche et qu'il fit la conquête de Schonen et de Mand, qui coûta fort cher à la Suède. Magnus était encore trop peu affermi dans la vertu pour braver impunément les dangers inséparables de la possession d'une couronne et d'un sceptre. Blanche, qui était habituée aux magnificences de la cour de France, trouva bientôt trop modeste sa résidence le splendide château de Stockholm, et les fêtes de la cour. De son côté, Magnus en arriva à ne plus connaître d'autre moyen de satisfaire les caprices de sa femme et les siens qu'en chargeant ses sujets de lourds impôts. (1) Révélations VIII, 31. (2) Révélations VI, 20. Brigitte, entendant parler un jour des taxes nouvelles que Magnus voulait lever sur tout le royaume pour payer les dettes qu'avait occasionnées le train de la cour, pénétra chez le roi en tenant ses deux fils Charles et Birger par la main, lui fit voir ses torts avec une douce fermeté, et termina par ces paroles : « Seigneur, ne faites point cela, mais prenez mes deux fils, offrez-les en otage jusqu'à ce que vous soyez en mesure de payer, et n'offensez ni Dieu ni vos sujets (1) » . Le roi fut touché d'une démarche si généreuse, et la Sainte réussit encore une fois à le ramener à de meilleurs sentiments. (1) Alphonse de Jaen, Introduction au 8e livre des Révélations. Brigitte continua de prier pour le roi qu'elle aimait tant, et Dieu lui dit : « Le roi pour qui tu pries, doit réunir des hommes religieux qui soient sages de ma sagesse, et consulter ceux d'entre eux qui posséderont mon esprit ; ce d'après leur avis, il devra aussi s'informer des moyens de réédifier les murs de mon Eglise, au milieu des chrétiens, de glorifier Dieu à nouveau, et de faire refleurir la vraie foi, renaître l'amour divin et rappeler ma Passion au cœur des hommes. Il devra rassembler les chrétiens vertueux pour reconstruire, dans le sens spirituel, ce qui a été détruit..... Vraiment mon Eglise s'est éloignée de moi, à ce point que sans l'intercession de ma Mère, il n'y aurait plus de miséricorde à espérer (1) » . La princesse de Néricie fit part au roi de toutes ces paroles ; mais elle ne trouva pas toujours en lui une disposition favorable, et bientôt même Magnus se lassa de ses exhortations. La reine Blanche avait grande confiance en Brigitte et la priait de demander conseil à Dieu pour elle dans toutes ses peines (1). (1) Révélations VI, 26. Un jour que la Sainte priait pour Blanche avec une ferveur redoublée, Jésus-Christ fit connaître à sa fidèle servante la lutte qui se livrait dans le cœur de la reine. Elle vit comment d'un côté le bon esprit la sollicitait à la pénitence, à la vertu et au mépris des choses de ce monde, tandis que de l'autre le mauvais esprit s'efforçait de tout son pouvoir de l’empêcher de céder à ces bonnes inspirations. Le bon esprit la portait à renoncer aux biens superflus et à s'occuper du compte sévère que Dieu lui demanderait un jour. Mais le mauvais esprit lui murmurait secrètement à l'oreille : « Ne t'inquiète point ; Dieu est bon et facile à contenter. Jouis gaiement de la possession de tes biens, et donne généreusement ce qui t’appartient ; car tu as été créée pour être louée et faire la charité à ceux qui la demandent » . Alors, le bon esprit revenant à la charge, l'exhortait à descendre des hauteurs où l'orgueil la retenait, à s'humilier en faisant des pèlerinages, et à ne pas accumuler péché sur péché. (1) Révélations VIII, 12. Il inspirait au cœur de la reine un grand souci pour la pauvreté et la détresse du peuple, pour qui elle-même était devenue une charge ; il lui représentait l'exemple de sainte Elisabeth de Hongrie qui, bien que femme d'un prince, avait souffert le mépris et la misère, mais pour recevoir de Dieu des consolations et une couronne bien supérieures aux jouissances que lui eussent procurées tous les honneurs et tous les plaisirs de la terre. À son tour le mauvais esprit répondait : " Les pèlerinages sont le signe d'un esprit inconstant ; la miséricorde est plus agréable à Dieu que le sacrifice. Que serait-ce si tu étais indigne de la consolation divine, si tu ne pouvais supporter ni l'humiliation ni la pauvreté ? Tu te repentirais alors d'avoir entrepris une vie sévère. Alors, au lieu de posséder un royaume, tu n'aurais qu'un bâton à la main, au lieu ce d'une couronne, un chiffon sur la tête, et au lieu ce d'un vêtement de pourpre, un affreux cilice. Alors aussi l'impatience envahirait certainement ton cœur et tu souhaiterais de voir la fin de tes jours ". Brigitte vit la fin de cette lutte, qui se termina par une résolution généreuse de Blanche : « Dieu qui n'éprouve aucun homme au-dessus de ses forces, dit la jeune reine, daignera garder mon esprit, ma foi et ma volonté ; c'est à Lui que je m'abandonne entièrement ; que sa volonté s'accomplisse en moi ". Jésus dit alors à Brigitte : « Puisque cette femme est remplie de pareilles pensées, je l'exhorte à trois choses :
- premièrement, elle doit considérer l'honneur auquel elle a été appelée ;
- secondement, l'amour que Dieu lui a montré dans son mariage ;
- troisièmement enfin, les nombreux biens dont elle a été comblée dans cette vie mortelle.
Mais je l'avertis aussi de trois choses :
- la première, c'est qu'il lui faudra rendre compte, jusqu'au moindre denier, de tous ses biens terrestres, de l'acquisition et de l'emploi de chacun d'eux ;
- la seconde, c'est que son temps est de peu de durée, et qu'elle ignore le moment de sa mort ;
- la troisième enfin, c'est que Dieu ne ménage pas plus la Souveraine que les sujets.
Pour ce motif, je lui conseille trois choses :
- d'abord qu'elle éprouve un repentir sincère des fautes du passé ; qu'elle corrige sérieusement celles qu'elle aura confessées, et qu'elle aime Dieu de tout son cœur ;
- en second lieu, ce qu'elle ait la sagesse d'éviter le châtiment a du purgatoire, car de même que celui qui ce n'aime pas Dieu de tout son cœur mérite une grande punition, de même celui qui ne répare pas ses fautes, lorsqu'il le peut faire, ce mérite les flammes du purgatoire ;
- en troisième lieu, je lui recommande de quitter ce pour un temps et pour l'amour de Dieu ses amis selon la chair, et de se rendre au lieu te d'où un chemin peu long conduit de la mort ce au ciel, afin d'échapper à la peine du purgatoire ; c'est là que se trouvent, pour le soulagement et la délivrance des âmes, les Indulgences que les Papes ont accordées et que les Saints ont méritées de leur sang (1) ». Brigitte s'empressa de communiquer à la reine les exhortations et les conseils que Jésus-Christ lui avait donnés pour elle. Blanche en fut profondément émue ; elle supplia la messagère des paroles de Dieu de prier beaucoup pour elle, afin de lui obtenir la force d'accomplir la volonté du Seigneur. Mais peu de jours après, elle déclarait à la Sainte que les ordres de Dieu, dont elle avait reçu communication, lui paraissaient d'une exécution trop difficile, qu'elle ne pouvait se résoudre ni à faire un pèlerinage à Rome ni à réformer totalement la vie qu'elle avait menée jusqu'alors. (1) Révélations IV, 4. Brigitte reconnut avec une profonde douleur que la reine aveuglée prêtait de plus en plus une oreille attentive aux insinuations du mauvais esprit, et étouffait en elle les mouvements de la grâce. Elle redoubla ses prières et ses pénitences, et pleura sur les égarements du couple royal qui lui était si cher. Alors Jésus-Christ parla de nouveau à Brigitte et lui dit : « La reine a sollicité mes conseils par ton intermédiaire, et après qu'elle les eût reçus, ils lui ont paru trop difficiles. Va donc lui dire ce qui suit : Au temps du prophète Elie il y eut une reine qui aima son repos plus que moi-même, qui persécuta la vérité et voulut se maintenir par sa seule prudence. Il arriva donc que non seulement elle fut méprisée et méconnue autant qu'elle avait été honorée autrefois, mais encore qu'à l'heure de sa mort elle eut à endurer de grandes tribulations. C'est pourquoi, moi qui suis Dieu, et qui vois et connais exactement l'avenir, je dis à ta ce reine que ses jours ne sont plus nombreux. Le compte est lourd qu'elle aura à rendre au ce jour du jugement, et si elle n'obéit pas à ce mes paroles sa fin ne sera pas ce que fut son commencement (1) ». Le roi Magnus devenait aussi chaque jour plus sourd aux sages conseils que lui prodiguaient sa sainte parente et son fidèle ministre Kettelmund. Il laissa tomber étourdiment en d'autres mains les îles de Schonen et d'Alland, dont l'acquisition avait coûté si cher à la Suède ; ses sujets le détestaient, car il épuisait le pays par des impôts et des charges exagérés ; enfin, il alla si loin dans son aveuglement qu'il s'empara des biens ecclésiastiques et de sommes d'argent qui appartenaient au Saint-Siège. La mesure de ses iniquités, se trouvant ainsi comblée, il fut frappé d'excommunication. Mais Dieu offrit encore une fois sa grâce par l'intermédiaire de notre Sainte à ce roi endurci. La très sainte Vierge Marie dit à sa fidèle servante : « J'accorderai au royaume, qui t'a vu naître, mon secours contre les ennemis corporels et spirituels de Dieu ». (1) Révélations VIII, 14. Puis elle lui conseilla de dépêcher quelques princes du royaume au roi pour lui reprocher ses crimes. Si à la suite de cette démarche il ne se montrait pas disposé à s'amender et à reconquérir les pays traîtreusement livrés à l'ennemi, ils devaient déclarer au roi, seul d'abord, puis en public, qu'ils ne serviraient plus un Souverain séparé de l'Église et traître à ses devoirs envers elle, ni même son fils, si celui-ci imitait les vices de son père (1), Jésus-Christ lui-même promit à la Sainte de se laisser apaiser si le roi s'efforçait de bannir les vices que ses propres crimes avaient fait naître dans le pays, et d'expier ses erreurs par de bonnes œuvres, principalement par la fondation de couvents en l'honneur de la très sainte Vierge. Mais en même temps le Fils de Dieu prononça une menace terrible, pour le cas où le roi refuserait de s'amender : « Je me lèverai, dit-il, et n'aurai pitié ni du jeune homme ni du vieillard, ni des riches ni des pauvres, ni des justes ni des injustes ; je viendrai avec ma charrue, je détruirai les gerbes et les arbres, de telle sorte que sur mille il en restera à peine cent, et les maisons seront sans habitants (1). (1) Extravag. 80. Je labourerai ce pays dans la justice, et avec beaucoup de tribulations, jusqu'à ce que les habitants aient appris à « invoquer la miséricorde de Dieu (2), ». Brigitte, la sainte voyante de la maison royale de Suède, communiqua ces terribles menaces au roi et à la reine, restés jusque-là sourds à tous les conseils. Blanche s'en effraya, car elle savait que Brigitte était une grande servante de Dieu, et que ses paroles méritaient d'être crues; mais la force et le courage lui manquaient pour renoncer à sa vie dissipée. Magnus, au contraire, entassait crime sur crime, et n'accordait plus aucune confiance à Brigitte ; entraîné par un fatal orgueil, il se tourna vers les schismatiques, avec l'espoir d'en recevoir des paroles plus consolantes. Il cherchait à s'étourdir en tournant en ridicule les visions et les prophéties de Brigitte, et se raillait de la Sainte. (1) Extravag. 74. (2) Extravag. 76. Un jour que Birger, le fils de Brigitte, abordait le roi, celui-ci lui dit : « Eh bien ! mon ce cher, qu'a encore rêvé de nous cette nuit notre cousine, votre mère (1)? ». Birger se sentit profondément blessé en la personne de sa sainte mère, qu'il estimait au plus haut degré. Il sut néanmoins dominer l'émotion que lui causa cette mordante raillerie ; mais l'impression qu'il en reçut fut telle, que quarante ans après, comme nous le verrons par la suite, il en gardait encore le souvenir. (1) Clarus, Vie et Révélations de sainte Brigitte. Tome I, p.25.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 14/12/2016, 00:42 | |
| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre V ème.
5/40. CHAPITRE V. CHAPITRE V - Brigitte quitte la cour. — Cécile. — Vœux de continence. Pèlerinages (1339-1341). Dans cette situation la pieuse princesse de Néricie aspirait de plus en plus à quitter la Cour ; elle ne voyait que trop clairement que Magnus et Blanche, sortis des voies du salut, s'acheminaient à leur perte commune. Ulpho partageait les désirs de son épouse, et tous deux résolurent de ne pas demeurer plus longtemps à la Cour d'un roi sur lequel pesait l’excommunication. Brigitte se démit de sa charge, et Ulpho renonça à ses fonctions publiques, afin de pouvoir l'un et l'autre consacrer uniquement au service de Dieu le reste de leurs jours. Les gens de bien qui étaient employés à la cour virent partir avec un profond chagrin le prince et son épouse ; Mathieu Kettelmund en fut particulièrement affligé. Le roi et la reine eux-mêmes ne se séparèrent de Brigitte que contre leur gré, quelque importunés qu'ils eussent été parfois par ses exhortations sévères; tous deux conservèrent pour leur sainte parente une affection et une estime sincères. Plusieurs changements s'étaient produits au sein de la famille de Brigitte pendant son séjour à la cour ; Marthe s'était mariée ; Charles et Birger étaient fiancés, et le petit Gudmar était mort pendant qu'il suivait encore les cours de l'école de Stockholm. Il était allé à l'école de l'éternelle Sagesse pour y apprendre, mieux encore qu'auprès de sa sainte mère, à aimer Dieu. Dieu compensa cette perte en donnant presque à la même époque à Ulpho et à Brigitte un autre fils, qui reçut le nom de Benedickt (Benoît) et qui fut en effet un enfant particulièrement béni de Dieu. A son retour à Ulfasa, Brigitte eut soin avant tout de bannir de sa maison et de ses vêtements le luxe que sa position à la cour lui avait imposé ; car Dieu même l'exigeait de la Sainte, comme nous le verrons par le fait suivant. Pendant que Brigitte habitait encore Stockholm, elle avait fait faire pour le château d'Ulfasa un bois de lit plus somptueux que de coutume. Tandis qu'on le disposait dans son appartement, la Sainte se sentit frapper à la tête si violemment, que la douleur l'empêchait de se mouvoir. On la conduisit dans une autre partie de la maison, et là, elle entendit une voix qui lui dit : « Je n'étais pas debout contre la croix, mais j'y étais suspendu, et ma tête n'avait pas de lieu où se reposer : toi, au contraire, tu recherches le repos et la commodité ». Brigitte, baignée de larmes, n'eut pas plutôt entendu ces paroles, qu'elle se sentit de nouveau bien portante. A partir de ce moment, elle préféra, lorsqu'elle le put, dormir sur la paille recouverte d'une peau d'ours, que dans un lit. Brigitte devait être mère encore une fois. Mais lorsque l'heure de la délivrance fut proche, elle tomba tellement malade, qu'on désespéra de sa vie et de celle de l'enfant. Dominant ses douleurs, Brigitte demeura calme et résignée à la volonté de Dieu, prête à mourir s'il le désirait. Elle supplia seulement avec une confiance enfantine la très sainte Vierge de sauver la vie de l'enfant qu'elle portait dans son sein. Au milieu de la nuit, tandis que ses souffrances étaient extrêmes, la porte de son appartement s'ouvrit tout à coup pour donner passage à une vierge belle et majestueuse, couverte d'un vêtement de soie blanche. Les servantes qui veillaient Brigitte se retirèrent étonnées pour laisser passer cette apparition imposante. La vierge s'approcha du lit de la malade, se pencha sur elle avec affection, toucha; ses membres de la main, puis disparut. Brigitte mit au monde, sans plus de douleurs, une petite fille qui reçut au saint baptême le nom de Cécile (1). Quelque temps après, la très sainte Vierge apparut à notre Sainte et lui dit : « Lorsqu'au moment de donner le jour à ton dernier enfant, tu te trouvais dans l'angoisse, moi Marie, je suis venue moi-même à ton secours ; tu serais donc une ingrate si tu ne m'aimais pas. Veille par conséquent à ce que tes enfants soient aussi les miens (2) » . (1) Bulle de canonisation. (2) Birgerin vita S. Birgittae. Ulpho et Brigitte de plus en plus enflammés de l'amour de Dieu par les grâces extraordinaires dont ils étaient comblés, étaient remplis du désir de servir Dieu seul, et de se séparer d'un commun accord. En attendant que leur résolution fût bien arrêtée, ils décidèrent de vivre dans la continence (1), de faire vœu de chasteté et d'attirer la bénédiction divine sur leur projet par des bonnes œuvres et des pèlerinages. En 1339, l’année même où Brigitte avait quitté la cour, elle fit un pèlerinage avec son mari à Drontheim, en Norvège, au tombeau du saint roi Olof, qui avait détruit les derniers vestiges du paganisme dans la Norvège, et y avait souffert le martyre en 1033. Bien qu'ils eussent emmené des chevaux, le prince et la princesse de Néricie firent le voyage, qui dura trente-six jours, presqu'en entier à pied. La route de Drontheim est hérissée de difficultés ; elle traverse le Dovrefield, le Saint-Gothard des Alpes Scandinaves. Ce ne fut qu'au prix de grandes fatigues que les pieux pèlerins atteignirent ces sommets dont le sol consiste presque exclusivement en tourbe, en mousse, en pierres et en marécages. (1) Bulle de canonisation. De petits lacs, des ravins au fond desquels restait encore un peu de neige, des bouleaux difformes et rabougris, de longues collines couvertes de lichens où broutaient des rennes : tels étaient les spectacles qui s'offraient aux regards des voyageurs. Mais lorsqu'ils furent parvenus au sommet du Dovrefield, ils eurent sous les yeux un tableau enchanteur. Nulle part ailleurs qu'en Norvège, on ne rencontre cette abondance de cours d'eau, ce luxe de cascades; chaque roche a sa chute d'eau, chacune d'elle diffère de formes, d'aspect et d'effet pittoresque. Les unes tombaient à la droite des pèlerins, les autres étincelaient sur leur gauche dans la vallée ; d'autres encore grondaient dans le lointain comme un tonnerre souterrain. Tantôt on aurait dit au loin un filet d'écume qui ondulait sur la terre noirâtre, tantôt c'était un ruban qui, se détachant du sommet, flottait dans l'espace ; ici l'eau roulait bruyamment le long d'un rocher, là elle se précipitait librement dans le vide et formait ensuite une seule rivière qui se divisait en mille petits canaux. Du fond d'une grotte située au milieu de la montagne jaillissait un torrent qui allait bondissant jusque dans la vallée. Après qu'ils eurent passé le Dovrefield, la nature prit un caractère encore plus grandiose ; les montagnes devinrent moins abruptes, les vallées s'élargirent et bientôt apparurent les immenses horizons que la Norvège seule possède. La verdure, qui fait particulièrement le charme de ces contrées, y revêtait une teinte plus vive ; non seulement elle encadrait les rives des lacs et des fleuves, mais encore elle couronnait les rochers les plus abruptes et les cimes les plus élevées. Les pèlerins traversèrent ensuite une forêt de pins, puis des prairies jetées çà et là, et arrivèrent enfin sur une hauteur d'où ils virent à leurs pieds la ville de Drontheim, l'ancienne capitale des rois de Norvège. Brigitte avait contemplé les merveilleuses beautés de la nature avec un regard plein de piété et de foi, et n'avait cessé d'adorer avec amour le Maître de la création. Les pèlerins avaient atteint le but de leur voyage ; ils se trouvaient au cœur même de la Norvège. Là, l'océan devient la sombre mer du Nord. Le rivage n'a plus de contours arrondis, de formes adoucies ; tout est lignes brusquement brisées, rochers à pic et falaises verticales. Ulpho et Brigitte hâtèrent leur marche vers le vieux dôme royal de Drontheim, dont le calme et la paix leur firent oublier, auprès du tombeau du saint martyr, les fatigues et les peines de leur long voyage. On leur montra les effets du saint roi, qu'on y conservait, et la source d'Olof qui donnait de l'eau à un puits très profond taillé à pic dans le roc à côté de la sacristie (1). Après un court séjour en Norvège, où chaque lieu semble rappeler le souvenir de saint Olof, les pieux pèlerins reprirent le chemin du retour, enrichis de faveurs et de consolations divines. Ils avaient renouvelé leurs saints vœux sur la tombe du glorieux martyr, et confiants dans sa puissante protection, ils attendaient de Dieu la grâce et la force nécessaires pour les accomplir. Avant de rentrer à Upsala, Brigitte visita encore un de ses domaines situé sur les bords du lac intérieur, et y séjourna pendant quelque temps. Elle ne trouva pas dans la famille de son intendant, ni chez les autres personnes du lieu, la simplicité de vêtements et de mœurs quelle s'efforçait d'introduire partout ; la vanité et l’amour du luxe régnaient parmi ces gens ; la Sainte constata ces défauts, sans les blâmer. (1) Paysage d'automne de Guillaume Alexis, à travers la Scandinavie. Berlin, 1828. Mais il sembla que Dieu lui-même voulût lui infliger une pénitence pour avoir laissé transgresser la règle de l'Ordre qui, dans son troisième chapitre, prescrivait une grande simplicité dans les vêtements et l'éloignement de toute vaine parure. Pendant son séjour éclata dans l'habitation un incendie qui détruisit en particulier les effets et les parures de Brigitte et de ses suivantes. Et Jésus-Christ lui dit : « Tu tolères la vanité et les brillants vêtements dans ta maison, et tu ne blâmes pas la conduite des tiens, parce que tu crains de te rendre importune ; c'est pourquoi le feu a éclaté, afin que tu reconnaisses que, pour atteindre à la perfection, il ne suffit pas de s'amender soi-même, mais qu'il faut encore exhorter les autres, et particulièrement les siens, à une vie pieuse... En outre tu dois savoir que l'intendant de ce lieu se trouve en proie à un double vice ; il croit que tout est dirigé par le destin, c'est-à-dire par le hasard ou par des chances heureuses ; puis avec cette conviction, il emploie certaines formules magiques pour faire d'abondantes pêches dans le lac. Comme il fait partie de tes subordonnés, exhorte-le à se corriger, sinon il tombera entre les mains du démon et y trouvera sa perte ».
Brigitte avait supporté avec une complète indifférence la perte de ses précieux effets ; car elle considérait les biens de la terre comme un lourd fardeau, propre à rendre plus pénible le combat contre les mauvais esprits, qui ne possèdent rien sur la terre. Quant au reproche sévère du Seigneur, il la remplit de crainte et d'effroi ; elle fit donc venir le malheureux intendant, lui parla de son crime et l'engagea fermement à s'amender. Mais comme celui-ci ne se rendait pas aux conseils de sa maîtresse, une mort subite et épouvantable vint mettre fin à sa vie coupable (1), À partir de ce moment, la princesse veilla sur ses subordonnés avec un soin anxieux, et devint toujours plus sévère et plus scrupuleuse dans l'observation de la règle du Tiers-Ordre, où son âme s'épanouissait semblable à une noble vigne qui tire de son cep ses forces et sa vigueur. (1) Révélations VI, 76. Ulpho et Brigitte entreprirent en 1340, le pèlerinage de Compostelle, afin de visiter, à l'exemple de leurs pieux ancêtres, le tombeau de saint Jacques-le-Majeur, le premier d'entre les Apôtres qui obtint la palme du martyre, et qui fût de nouveau réuni à son divin Maître dix années après la mort de celui-ci. Accompagnés d'une suite assez nombreuse, ils firent, au prix de grandes fatigues et de nombreuses difficultés, le long voyage depuis le nord de la Suède jusqu'à la province de Galice, en Espagne, sur les bords de l'Océan. En passant par le diocèse de Linkoping, ils visitèrent le couvent de Sainte-Marie d'Alvastra, qui est situé au pied méridional de l'Omberg, et qui avait été fondé au milieu du douzième siècle par Alfhild, femme du roi Swerker Ier. Il avait été d'abord une abbaye de Bénédictins ; mais au temps de Brigitte, il appartenait aux Religieux Cisterciens. Notre Sainte parut y avoir été envoyée de Dieu pour aider ce Prieur à faire une sainte mort. Ce Religieux venait de se rendre coupable d’une grande faute en accordant à un excommunié l'honneur de la sépulture chrétienne. Brigitte assista à la messe qu'il disait pour le défunt ; à la dernière oraison, la servante de Dieu fût ravie en esprit et il lui fut révélé que le Prieur avait commis ce péché contre Dieu et la sainte Église pour l'amour de quelques avantages terrestres ; il devait en être puni en mourant lui-même le premier après celui qu'on enterrait (1). Brigitte qui n'avait pas hésité à reprocher au roi de Suède ses crimes, s'effraya à la pensée de communiquer cette révélation à un Prêtre, qu'elle vénérait, à l'exemple de son père saint François, comme son maître et son seigneur. Mais reconnaissant clairement que Dieu l'exigeait d'elle, elle fît avertir le Prieur qu'elle désirait lui parler seule pour lui faire une importante communication. La Sainte réussit à réveiller en lui les sentiments d'une sincère contrition ; il confessa ses péchés avec un profond repentir, se prépara à la mort et expira trois jours après. A cette époque vivait au couvent d'Alvastra un moine appelé Pierre Olafson qui se distinguait par sa vertu, ses pénitences, sa pureté angélique et sa grande science (1). (1) Révélations I, 13. Avec l'autorisation de ses Supérieurs, il se joignit aux pèlerins et les accompagna à Compostelle. Après qu'ils eurent atteint le terme de leur long voyage et vénéré les saintes reliques du glorieux apôtre, ils résolurent de visiter, pendant leur retour, d'autres saints lieux, en Espagne, en France et en Allemagne. Lorsqu'ils arrivèrent à Arras, Ulpho tomba si gravement malade qu'on craignit de le perdre. Il quitta l’hôtellerie où les pèlerins avaient coutume de séjourner et fut transporté dans la maison d'un Chanoine , qui consentit à le recevoir, ainsi que sa femme et Pierre Olafson. C'est là qu'il reçut des mains d'un Archevêque italien, André Chine, les derniers sacrements et qu'il se prépara à la mort avec une pieuse résignation. Mais Brigitte pria Dieu de ne pas laisser mourir son mari si loin de la patrie, en invoquant l'intercession de saint Denis, le puissant Patron de la France. Une nuit qu'elle priait au pied du lit d'Ulpho, le Saint lui apparut tout à coup et lui dit : « Je suis Denis ; je suis venu de Rome en France pour y prêcher l'Évangile. (1) Alphonse de Jaen. Lettres Comme tu m'honores d'une dévotion particulière, je t'annonce que Dieu veut se faire connaître au monde par toi. Je suis chargé de te protéger ; c'est pourquoi je t'assisterai en toute circonstance. Comme témoignage de la vérité de ce que je te dis, sache que ton époux ne mourra pas de cette maladie (1) » . Peu de temps après cette apparition consolante, qui révéla à Brigitte les desseins de Dieu sur elle, le malade rétabli, quittait Arras avec tous les siens. La très sainte Vierge apparut à notre Sainte dans cette ville, et lui dit : " Je suis la Reine du ciel et la Mère des pauvres ; je veux te montrer mon Fils tel qu'il a été comme homme, et tel qu'il fut suspendu à la croix ; ce sera pour toi le signe que tu verras les lieux où j'ai vécu durant ma vie terrestre. Tu y verras mon Fils des yeux du corps (2) ». Brigitte, dans l'excès de sa joie, s'écria avec le Prophète David : « Vos consolations ont réjoui mon âme, ô Seigneur, après qu'elle avait été accablée par la douleur ". (1) Clarus, Vie et Révélations de sainte Brigitte. t. I, p. XXVI. (2) Extravag. 66 P A cette même époque, Dieu fit connaître également à sa fidèle servante, pendant qu'elle était en prière, la haute perfection du Religieux qui les avait accompagnés à Compostelle et celui-ci, de son côté, eut une révélation de la sainteté de Brigitte. Pierre Olafson vit en esprit la princesse de Néricie ornée de sept couronnes, tandis que le soleil s'était complètement obscurci. Pendant qu'il s'étonnait de cette vision, il entendit une voix qui disait : « Ce soleil obscurci représente le roi de votre pays ; lui qui avait resplendi comme le soleil, il deviendra le plus méprisé des hommes, à la suite de l'outrage qui l'attend. Mais la femme que tu aperçois possédera les sept dons de Dieu, qui sont représentés par les sept couronnes qu'elle porte sur la tête (1) » . Afin de ne lui laisser aucun doute sur la réalité de cette vision, le Seigneur ajouta qu'il retournerait en Suède en bonne santé, et qu'il serait appelé à de hautes fonctions dans son couvent ; ce qui en effet eut lieu. Peu de temps après sa rentrée à Alvastra, Pierre Olafson fut élu Sous-Prieur, et un peu plus tard il devint Prieur de l'Abbaye. Les pieux pèlerins s'arrêtèrent encore à Aix, à Marseille et à Tarascon, pour y vénérer les bienheureux frères et sœurs chez lesquels le divin Sauveur avait reçu si souvent l'hospitalité durant sa vie terrestre. Puis ils continuèrent leur pèlerinage en visitant à Cologne les restes bénis des trois rois Mages, ainsi que ceux de sainte Ursule et de ses compagnes. Brigitte pria avec une dévotion inexprimable sur la tombe des trois Mages. A leur exemple, ne devait-elle pas bientôt abandonner sa patrie, ses amis et sa famille pour suivre l'étoile de la grâce qui devait la conduire au loin ? La Sainte-Vierge ne lui avait-elle pas révélé qu'elle aurait à faire un jour un pèlerinage plus lointain et plus pénible que celui qu'elle accomplissait en ce moment ? Mais nous trouvons encore un autre trait de ressemblance entre ces princes de l'Orient qui étaient allés autrefois à la recherche du Sauveur avec un si grand zèle, et les nobles pèlerins qui priaient sur leur tombeau. De même que les Mages, le prince et la princesse de Néricie « s'en retournèrent dans leur pays par un autre chemin ; eux aussi avaient reçu une plus claire connaissance de Jésus-Christ, et c'est pourquoi ils revenaient bien meilleurs qu'ils n'étaient partis (1) ». (1) Alia venerant via Magi, alia redeunt. Qui enim Christum viderant, Christum intellexerant, meliores utique quant vénérant, revertuntur. S. Ambros., hom., infra Oct., Epiph.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 14/12/2016, 01:50 | |
| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre VI ème.
6/40. CHAPITRE VI. CHAPITRE VI - Le retour en Suède. Ulpho entre dans l'Ordre des Cisterciens à Alvastra et y meurt. Veuvage de Brigitte (1341-1344) Notre Sainte et ses compagnons avaient recueilli, durant leur long pèlerinage, de nombreux et riches trésors de grâces. La prière, la méditation, la visite des églises et des sanctuaires remplissaient leurs journées, et pendant les courts instants de loisir qu'ils s'accordaient, leur conversation ne roulait que sur Dieu et les choses divines. Brigitte et Pierre discouraient avec tant de persuasion de la beauté et des avantages de la vie monastique, qu'Ulpho, aussitôt après son retour en Suède, prit la résolution d'entrer au couvent d'Alvastra. Il mit ordre à ses affaires, disposa de ses riches domaines, prit congé de sa femme et de ses enfants avec une grande sérénité, et alla se jeter avec la plus profonde humilité aux pieds du Prieur d'Alvastra, demandant qu'il lui permît d'être le dernier de ses fils. C'est ainsi que ce prince donna au monde un exemple de perfection tel qu'on en trouve rarement même dans la vie des Saints. Il renonçait à une couronne princière, aux possessions les plus magnifiques, à une position brillante, et aux joies de la vie de famille, qu'il pouvait goûter de la façon la plus heureuse au milieu de ses enfants ; il renonçait encore à une épouse qui était une Sainte, qu'il aimait plus que sa propre vie ; et cela pour se soumettre, en sa qualité de pauvre Religieux cistercien, aux jeûnes, aux veilles et à toutes les austérités de la vie monastique. Ses amis ne savaient s'ils devaient le blâmer ou l'admirer. Peu d'entre eux comprenaient que le prince de Néricie avait choisi la meilleure part en échangeant les biens périssables de ce monde contre le bonheur de l'état religieux, qui conduit au ciel d'une manière si rapide, si assurée et si aimable (1). (1) A cella ad cœlum ascenditur. S. Bernardus. Ulpho ne vécut que trois ans au couvent ; il mourut durant le noviciat, avant d'avoir prononcé les vœux perpétuels. Peu de jours avant sa mort, il vit encore Brigitte, la remercia de toute l'affection qu'elle lui avait témoignée, et lui fit ses derniers adieux tout rempli d'une sereine espérance de la retrouver un jour au ciel. Puis il retira de sa main un anneau qu'il avait constamment porté, le mit au doigt de sa femme, et la pria de se souvenir de lui toutes les fois qu'elle apercevrait la bague. Quand Brigitte eut consolé son mari et lui eut parlé des félicités qui l'attendaient au ciel, elle quitta le couvent d'Alvastra, pleine de calme et de sérénité. Ulpho mourut de la mort des justes, le 12 février 1344, à l'âge de quarante-sept ans, au milieu des prières de ses Frères. Plusieurs vieilles chroniques des Cisterciens lui donnent le titre de Bienheureux, bien que ce titre n'ait pas été confirmé solennellement par l'Eglise. Pendant les trois années qu'Ulpho avait passées au couvent, Brigitte avait vécu très retirée dans son domaine d'Ulfasa, uniquement occupée de Dieu et de l'éducation de ses enfants. Devenue veuve, elle pria avec ferveur pour le repos de l'âme de son époux, mais elle ne le pleura pas, se rappelant d'un cœur joyeux les paroles de l'Apôtre : « La femme non mariée et la vierge pensent aux choses qui sont du Seigneur afin d'être saintes de corps et d'esprit ; mais celle qui est mariée pense aux choses du monde : comment elle plaira à son mari (1) ». Cette règle aussi peut souffrir une exception ; et jusque-là toute la vie de Brigitte en avait été une preuve. Mais l'humble servante de Dieu n'y pensait pas. A dater de ce moment, Brigitte mit de côté ses vêtements princiers, distribua aux pauvres ses parures et ses bijoux, et se revêtit du simple costume d'une bourgeoise de Suède. Elle retira aussi l'anneau qu'Ulpho lui avait donné comme dernier cadeau et, lorsqu'on lui fit remarquer que ce fait témoignait de peu d'affection pour son époux, elle répondit : " Lorsque je perdis mon mari, je résolus d'ensevelir avec lui toute affection terrestre. Bien que je l’aie aimé autant que mon propre cœur, je ne voudrais pas le racheter contre le gré de Dieu, fût-ce même au plus vil prix. Pendant que je portais l'anneau, il m'était à charge parce qu'il me rappelait mon amour terrestre, toutes les fois que je l'apercevais". (1) Ire Epitre aux Corinthiens, VII, 34.
" Afin que mon âme puisse s'élever, dans l’amour de Dieu, je veux me passer d'anneau et d'époux, et ne me recommander qu'à Dieu " . Comme on supposait que Brigitte, à l'instar de son mari, se retirerait dans un couvent, on s'efforça de la détourner de ce projet. La cour et les gens du monde la pressèrent de se remarier ; mais elle repoussa les offres les plus brillantes. On l'accabla de reproches et on réunit un conseil de famille pour lui représenter combien elle avait tort d'en agir ainsi avec les siens, et qu'elle ne pouvait abandonner, sans commettre un péché, ses enfants dont quelques-uns avaient encore besoin de leur mère. Tous étaient contre elle à l'exception de son frère Israël, qui usa de toute son influence pour protéger et défendre sa sainte sœur (1). (1) Depuis l’année 1342, Israël avait été élevé à une des plus hautes dignités du royaume. Animé du désir de combattre les infidèles, il ne céda à la prière du roi de se consacrer entièrement au service de l'État que lorsque Brigitte, éclairée par une révélation divine, l'y eut déterminé. (Révélations VI, 95). Brigitte écouta avec calme tous les reproches, toutes les représentations qu'on lui fit. Puis elle répondit d'une façon aimable, mais énergique : « J'aurai soin de mes enfants ; et si je les quitte pour l'amour de Dieu, le Seigneur lui-même sera leur protecteur et leur défenseur. Je fais ce que Dieu demande de moi ; si vous m'aimez, vous devez désirer mon vrai bonheur ; si, au contraire, vous ne m'aimez pas, pourquoi tant vous inquiéter à mon sujet ? Qu'importe qu'une pauvre femme quitte le monde ? C'est pourquoi cessez de vous mettre en souci de moi, mais priez pour moi, afin que j'aie la force de persévérer ». La sainte veuve était donc fermement résolue à renoncer au monde, et à servir Dieu dans l'état religieux. Mais où devait-elle aller, et quel serait le couvent qui la recevrait ? Brigitte elle-même l'ignorait. Il lui avait été dit que Dieu se manifesterait par elle au monde, qu'un jour elle suivrait les traces du divin Sauveur dans la Palestine, mais elle ne savait encore de quel côté elle devait se diriger à ce moment. Elle se décida donc à agir selon les lois de la prudence et de la perfection, en restant dans sa position jusqu'à ce que Dieu lui eût fait connaître clairement sa volonté au sujet de l'avenir. La singularité de sa situation ne la troubla ni ne l'inquiéta nullement ; car elle avait fait abandon de sa volonté entre les mains de Dieu, puisqu'elle ne cherchait que lui seul (1). Elle fit ainsi un acte d'abnégation admirable. Désormais elle fut et demeura dans la main de Dieu, absolument comme l'humble instrument qui se laisse employer par son maître sans avoir de volonté. Quelque temps après sa mort, Ulpho apparut à sa sainte épouse, La sévère justice de Dieu retenait encore cette âme dans les flammes du purgatoire ; mais il lui était permis de réclamer le secours de Brigitte. Ulpho fit connaître à son épouse le motif par lequel il était encore privé de la vue de Dieu, et les moyens qui avaient le plus contribué à son salut. Il raconta que l'abstinence qu'il avait souvent observée durant son voyage à Compostelle, en se privant de boire même de l'eau sous le soleil ardent de l'Espagne, lui avait été comptée comme expiation de ses longues séances à table, et de ses manquements à la tempérance dans maints festins. (1) Révélations, V., 11. Il termina en disant :
« Je suis assuré de mon salut, bien que je n'en connaisse pas l'heure ; c'est pourquoi je te prie de faire dire des messes sans interruption pendant toute une année pour le repos de mon âme. Surtout n'oublie pas d'avoir ce soin des pauvres, et distribue-leur le prix des harnais, des chevaux et d'autres objets qui m'ont souvent fait pécher à cause du ce plaisir extrême qu'ils me causaient. Ne néglige pas non plus d'offrir quelques calices précieux pour le saint sacrifice de la messe, parce que de pareils dons font sûrement du bien à l'âme. Je laisse toutefois les biens immeubles à nos enfants, car ma conscience ne me reproche pas d'avoir acquis ou possédé ce quelque chose d'une manière injuste (1) ». Brigitte rendit grâces au Seigneur pour cette apparition, et s'empressa d'accomplir les pieux désirs de son époux. Elle partagea ses biens entre ses enfants, régla toutes ses affaires temporelles et ne garda pour elle-même qu'un minime revenu. Cependant sa charité envers les pauvres ne connaissait point de bornes, et lorsque ses propres moyens ne lui permettaient pas de soulager leur misère, elle plaidait leur cause avec un zèle infatigable auprès de tous ceux auxquels Dieu avait confié les biens de la terre. (1) Extravag. 56. Brigitte visita encore une fois tous ses domaines, afin d'y mettre personnellement tout en ordre, et d'y régler toutes les affaires avec prudence et bonté. Son voyage la conduisit à Skara ; elle y visita le couvent des Franciscains, dont le Père gardien Agot, son vieil ami, était depuis deux ans frappé de cécité, et souffrait en outre d'une maladie dangereuse qui lui causait de cruelles douleurs. Instruite du triste état de ce vénérable Religieux, Brigitte se rendit aussitôt à l'église du couvent, et supplia Dieu avec ferveur de guérir Agot. Tandis qu'elle était en prière, elle entendit une voix qui lui dit : « Agot est une étoile brillante ; il n'est pas bon que l'éclat de cette étoile soit terni par ce la santé du corps. Il a combattu le bon comte bat et se trouve au terme de sa carrière ; il ne lui reste plus qu'à être couronné. Comme preuve de ce que je dis, c'est qu'à partir de cette heure ses douleurs seront moins vives, ce et son âme sera tout embrasée de mon amour ».
Bien que sa prière ne fût exaucée qu'en partie, Brigitte se trouva néanmoins merveilleusement consolée par ces paroles. Les douleurs d'Agot cessèrent, et quoiqu'il restât privé de la lumière terrestre, l'éclat de la grâce resplendit de plus en plus dans son âme et il mourut comme un Saint, environ un an plus tard, en 1845 (l). Lorsque Brigitte arriva à Lodose, où elle avait de grandes propriétés, elle trouva tant d'occasions d'exercer sa charité, que ses modestes ressources furent bientôt épuisées. Un jour un de ses serviteurs vint la prier de vouloir bien donner une dot à sa fille qui désirait se marier, disant que lui-même était fort pauvre. Brigitte s'informa auprès de son intendant de la somme qu'il avait a sa disposition, et lorsqu'elle la connut, elle lui ordonna d'en donner le tiers à cet homme. L'intendant lui ayant objecté que celui-ci n'avait pas besoin d'une si forte somme, elle lui dit : « Donnez-la-lui, afin que lui et sa fille soient consolés et qu'ils prient pour nous » . (1) Révélations VI, 31, et Wadding. Ex annalibus minorum. Comme elle s'arrêta quelques jours dans la ville de Lodose, il s'assemblait chaque jour devant sa maison un grand nombre de mendiants auxquels elle faisait distribuer de riches aumônes. L'intendant représenta a sa maîtresse qu'il avait ii peine assez d'argent pour payer les frais d'auberge, et qu'il était forcé de recourir lui-même à un emprunt. « Comment pouvez-ce vous , disait le soucieux et fidèle serviteur, donner de si fortes sommes ; est-ce donc une si grande perfection que de donner aux pauvres et de faire soi-même des dettes ? ». Brigitte lui répondit en souriant : « Donnons aussi longtemps que nous le pouvons, car le bon Dieu a de quoi nous combler quand nous ce sommes dans le besoin. Je me prodigue à ces pauvres, parce qu'ils n'ont pas d'autre consolation ; quant à moi, dans ma détresse, je « me confie à Dieu ». A la suite de cet entretien, elle se rendit à l'église et pendant qu'elle y assistait à la sainte Messe, Jésus lui dit : « Notre fille est comme et une vierge qui a tellement hâte de voir son fiancé, qu'elle oublie son père, sa mère et tout ce qu'elle possède, jusqu'à ce qu'elle ait « trouvé celui qu'elle cherche. Que fera donc le fiancé ? Il enverra sans doute ses serviteurs et veillera à ce que sa fiancée ne manque de rien. C'est ainsi que nous aurons soin de toi à cause de ton amour. Car de même que l'amour m'a poussé à m'incarner dans le sein de la Vierge, de même l'amour de l'homme et attire Dieu dans son âme (1) ». Notre sainte fut encore honorée d'une autre consolation durant ce voyage. Le bateau qui la portait arriva de nuit et par un grand froid dans une île. Comme les habitants dormaient déjà, elle voulut, pour ne déranger personne, rester dans l'embarcation jusqu'au jour. Tandis que ses compagnons grelottaient, Brigitte ressentit une chaleur bienfaisante, en sorte que tous ceux qui la voyaient et la touchaient étaient saisis d'étonnement. L'ardeur de son cœur était plus grande que le froid glacial de la Suède. Quand ensuite, à l'aurore, la Sainte fît sa prière le Seigneur se plaignit à elle de ce que les hommes mettaient si peu de confiance en Lui, et blâma ceux qui ne savaient se garantir du froid que par des moyens extérieurs. (1) Extravag. 70. « S'ils mettaient leur espérance en moi, dit Jésus à sa fidèle servante, je leur donnerais la chaleur du corps et de l'âme, et je les embellirais devant la face de mes Saints (1) ». Brigitte en effet était belle devant Dieu et devant les Bienheureux habitants du ciel ; l'éclat de ses vertus devait bientôt éclairer le monde entier. La princesse de Néricie avait renoncé au monde, à ses pompes et à ses splendeurs ; mais elle devait faire encore un plus grand sacrifice, en se séparant de ses chers enfants avant de quitter la Suède. Brigitte avait appris à connaître à Stockholm, maître Mathias, docteur en théologie et Chanoine de Linkoping ; et depuis plusieurs années elle se trouvait sous sa direction spirituelle. Maître Mathias fut d'avis qu'elle demandât au Prieur d'Alvastra de lui donner un petit logement dans le vestibule du couvent, où elle pût se livrer en toute tranquillité à la prière et à la pénitence, en attendant qu'elle connût la volonté du Seigneur, auquel elle était toujours prête à obéir. Brigitte obtint d'autant plus facilement ce qu'elle sollicitait, que la réputation de ses rares vertus s'était déjà répandue par toute la Suède. (1) Révélations VI, 84. D'ailleurs Pierre Olafson, alors Sous-Prieur d'Alvastra, connaissait depuis longtemps, par révélation divine, la sainteté de la servante de Dieu. Ce n'est pas sans un grand sacrifice que Brigitte se sépara de ses enfants, qu'elle aimait de toute la tendresse d'une bonne mère. Il n'y a pas sur la terre de lien plus fort et plus intime que celui qui relie une mère à son enfant. L'enfant fait partie du cœur de la mère, et c'est pourquoi leur séparation est si inexprimablement douloureuse. Notre Sainte éprouva cette douleur dans toute son amertume ; mais elle la supporta avec une grandeur d'âme extraordinaire. Elle régla tout avec la plus grande sagesse, assura à ses enfants ses biens et ses possessions, et prit congé d'eux pour n'appartenir plus qu'à Dieu seul, qui lui était plus cher que tout ce qu'elle quittait à cause de Lui. Birger s'installa à Ulfasa avec sa pieuse femme Benoîte, La première femme de Charles était morte, et il s'était remarié avec une noble norvégienne, appelée Gydda. Birger et Charles devaient, en cas de besoin, offrir paternellement à leurs jeunes frères et sœurs asile et protection. Marthe, qui avait épousé depuis plusieurs années un puissant seigneur, Suvid Ribbing, mais qui était très malheureuse dans cette union, se sépara de sa chère mère en versant d'abondantes larmes. Néanmoins elle supporta son triste sort avec une résignation qui lui valut plus tard un heureux changement dans sa condition (1). La pieuse Ingebord, qui ne connaissait pas de plus grand bonheur que de servir Dieu dans la solitude du cloître, retourna, avec l'autorisation de sa sainte mère, au couvent des Cisterciennes, à Risaberg, où elle avait été élevée, et où elle avait laissé son cœur ; elle y prit le voile. Brigitte confia l'éducation de la petite Cécile aux Religieuses de Scheningen, et celle de Benoît aux moines d'Alvastra, (1) Clarus, Vie et Révélations de sainte Brigitte, Tome I, p. 22. Catherine, qui était d'une grande beauté et douée de rares talents, s'était fiancée, alors que son père vivait encore, avec Edgard, un jeune et riche gentilhomme (1). Brigitte se hâta de conclure le mariage ; sa fille, malgré son goût pour la virginité, ne manifestait nul désir de retourner avec sa sœur Ingeborg à Risaberg. Catherine aimait Edgard parce qu'elle espérait trouver en lui un protecteur et un frère, qui céderait à ses pieux désirs de vivre, à l'exemple de la sainte Mère de Dieu et de saint Joseph, en toute chasteté, et de conserver, comme épouse, sa pureté virginale. C'est la grâce que Dieu lui fit. C'est ainsi que se trouvèrent réglées les affaires temporelles de Brigitte ; elle n'avait plus rien à chercher en ce monde ; elle s'embarqua donc pour se rendre au couvent d'Alvastra, où l'attendaient de si nombreuses et de si grandes grâces . (1) Son nom suédois était Eggert de Karnen à Eggersnas.
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| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre VII ème.
7/40. CHAPITRE VII. CHAPITRE VII - Brigitte au couvent d’Alvastra. Ses mortifications. Le moine Gerrechinus (1344) Brigitte avait traversé le charmant lac de Boren aux eaux bleues ; à droite et à gauche, ses rivages étaient bordés de maisons de campagne, de champs, de forêts, de prairies et de villages dont les clochers s'élançaient fièrement dans les airs. Elle passa devant le couvent de Wreta, que le roi Inge le Jeune avait fondé en 1128 pour des Bénédictines, mais que le roi Charles Swerkerson donna plus tard aux filles de saint Bernard. Le bateau entra dans le lac Malar qui, avec ses îles innombrables offrait un aspect pittoresque. Brigitte passa aussi devant le château royal dont les murs étaient baignés par la mer Baltique (1), et dans lequel elle avait autrefois tant prié pour la prospérité de la Suède et du couple royal. Enfin à travers des marécages et des joncs, elle parvint dans le lac de Wetter, dont les rivages verdoyants appartenaient à la Gothie orientale, à la Gothie occidentale et aux provinces de Smaland et de Néricie. La Sainte longea ses magnifiques domaines sans les honorer d'un seul regard ; elle méprisait le monde et ses splendeurs pour l'amour de Dieu. Brigitte avait atteint le terme de son voyage ; absorbée en Dieu, elle n'avait rien vu des superbes panoramas qui s'étaient déroulés devant elle tout le long de la route. Arrivée au couvent, elle tenait les yeux modestement baissés et frappa humblement à la porte pour y être reçue. Lorsqu'elle y eût pénétré, les portes se refermèrent sur elle ; elle se trouvait enfin en terre sainte, et, dans sa joie, elle répétait doucement les paroles du Prophète royal:: " Notre âme, comme un passereau, a été arrachée du filet des chasseurs ; le filet a été rompu, et nous avons été délivrés (2)". (1) Le nouveau château, construit par Charles XI, se trouve sur remplacement de 1"ancien. (2) Psaume CXXIII, 7. La Sainte prit possession de la petite cellule que le Prieur d'Alvastra lui fit donner dans le vestibule du couvent. A partir de ce jour, elle ne franchit le seuil du couvent que lorsque Dieu lui-même l'y invita, ou que le devoir et la charité le lui commandèrent. Elle prenait part, dans l'église du couvent, mais sans être vue des moines, aux prières nocturnes du chœur, et souvent elle passait la nuit tout entière en prières devant le Saint-Sacrement de l'autel, l'objet de son plus ardent amour, et de sa plus profonde vénération. Brigitte, qui avait déjà pratiqué dans le monde des pénitences fort sévères, commença alors à mener une vie si austère qu'il est à peine croyable qu'une femme délicate ait pu la supporter. Depuis la mort de son mari, elle portait sur le corps, en l'honneur de la Très Sainte Trinité, une corde de chanvre garnie de nœuds très serrés. Autour des jambes, elle avait également des cordes à nœuds, qui se nouaient sous les genoux et qu'elle ne quittait jamais, pas même lorsqu'elle était malade. Elle ne faisait plus usage de linge, sauf d'un voile de toile dont elle se couvrait la tête. Elle portait de rudes vêtements de pénitence qu'elle couvrait d'effets semblables à ceux des pauvres. Elle observait avec la plus grande rigueur, non seulement les jeûnes de l'Église, mais elle en ajoutait d'autres, en sorte qu'elle jeûnait quatre fois plus par semaine que la règle ne l'exigeait. Elle passait plusieurs heures la nuit dans la prière et la méditation. Depuis la mort de son mari jusqu'à la sienne, elle n'accorda à son corps brisé par les prières et les jeûnes qu'un court repos pris en dormant quelque peu, sans se déshabiller, sur un tapis étendu par terre ou même sur le sol nu. Elle jeûnait tous les vendredis, au pain et à l'eau, en souvenir de la Passion et de la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ, sans parler des autres abstinences qu'elle s'imposait en l'honneur de divers Saints quelle vénérait plus spécialement. Ou bien son jeûne était complet, ou bien elle mangeait si peu à son repas qu'elle n'était jamais rassasiée en quittant la table. Les vendredis, elle prenait des cierges allumés dont elle se versait sur la peau les gouttes de cire brûlante, et les cicatrices de ces brûlures étaient si profondes qu'elles ne disparurent jamais. Elle avait aussi toujours à la bouche des racines très amères de gentiane. Elle passait un si grand temps, agenouillée, que ses genoux en devinrent durs et calleux comme ceux des chameaux (1). Durant la nuit, elle faisait de nombreuses génuflexions, s'étendait par terre en forme de croix, ou disait le chapelet en baisant la terre après chaque Ave Maria. Lorsqu'on demandait à la Sainte comment elle pouvait dormir sur la terre nue pendant les froids rigoureux qu'il fait en Suède, elle répondait en souriant : « Je ressens dans mon intérieur une telle chaleur, que je ne fais nulle attention au froid du dehors ». Sans aucun doute, la servante de Dieu était embrasée de ce feu qui faisait dire au Prophète David : « Mon cœur est devenu brûlant au dedans de moi, et dans ma contemplation le feu deviendra ardent (2) ». On peut soutenir avec raison que la mortification intérieure est préférable à l'extérieure, et que celle-ci n'a aucune valeur lorsque la première fait défaut; il n'en est pas moins vrai qu'on ne parvient jamais à se mortifier réellement au dedans, tant qu'on n'a pas dompté la chair rebelle, et qu'on ne l'a pas mise sous la domination de l'esprit. (1) Bulle de canonisation. (2) Psaume XXXVIII, 4. On ne trouvera jamais une âme sincèrement mortifiée à l'intérieur qui n'exerce aussi des pénitences corporelles, ou du moins qui n'en ait usé autant que le lui ont permis les forces du corps et la volonté des Supérieurs ecclésiastiques. Une âme immortifiée ne goûtera jamais les délices de l'oraison ni celles de l'amour de Jésus-Christ, qui rendent facile et léger tout ce qui paraît dur et insupportable à notre pauvre nature. C'est pourquoi les ouvrages ascétiques de tous les temps nous invitent à dompter la chair sans relâche, et à offrir notre corps en sacrifice à Dieu, si nous voulons faire un progrès sérieux dans la vie spirituelle. C'est également en vertu de ces principes que sainte Thérèse exhortait ses filles à mépriser définitivement la mort et la maladie, afin de réduire ces ennemis à l'impuissance dans le domaine spirituel. Si nous donnons notre chair à Dieu, en retour Dieu nous donnera son esprit. Depuis que le divin Sauveur a été attaché à la colonne et flagellé, depuis que sa face très sainte a été frappée, et que, de cette manière, les pénitences les plus dures ont été unies à l'œuvre de la rédemption, il ne peut y avoir de vie ascétique sans mortifications, car la sainteté, à laquelle doivent conduire les austérités de l'ascétisme, ne saurait exister sans un amour brûlant de Dieu, et le feu de cet amour est surtout entretenu par le bois de la croix. En ce qui concerne sa vie de prière, notre Sainte était à cette époque déjà maîtresse consommée dans la contemplation. Mais, dans sa profonde humilité, elle croyait n'y rien comprendre et, à l'instar des Apôtres, elle suppliait sans relâche le divin Maître de vouloir bien lui apprendre à prier. Un jour, à Mvastra, elle demanda à Dieu avec ferveur de lui faire connaître la manière de prier qui lui serait le plus agréable, et voilà qu'elle fut ravie en une extase merveilleuse. Elle apprit alors de Dieu même les plus admirables prières sur la vie, la Passion et les louanges de Jésus-Christ, ainsi que des prières à la Sainte-Vierge, qui toutes se gravèrent si profondément dans sa mémoire, qu'à dater de ce moment, elle les récita chaque jour, en y apportant la plus profonde dévotion. Un peu plus tard, la très sainte Vierge lui apparut et lui dit : « C'est moi qui t'ai obtenu ces prières ; et voilà pourquoi mon divin Fils te comblera de célestes consolations toutes les fois que tu les réciteras (1) ». Mais Dieu fît plus encore dans son amour miséricordieux envers Brigitte, Afin de combler jusqu'à son moindre désir, il lui enseigna diverses dispositions au moyen desquelles elle put sanctifier les actions les plus insignifiantes de la vie journalière. Il lui enseigna quelles devaient être ses pensées et ses courtes prières pendant qu'elle s'habillait, lorsqu'elle quittait sa chambre ou qu'elle se mettait à table pour y prendre ses modestes repas. Il lui apprit qu'elle devait sanctifier son court sommeil en offrant à Dieu son repos, et en le suppliant avec une confiance d'enfant de vouloir bien la préserver, durant la nuit, de toute vision trompeuse, et lui permettre de saluer la journée suivante, chaste de corps et d'esprit (2) » . (1) Révélations IV, 94. (2) Clarus, Vie et Révélations de sainte Brigitte, Tome II. Guidée ainsi par Dieu lui-même vers une vie parfaite de prière, Brigitte demeurait constamment dans le ciel ; son recueillement n'était jamais interrompu ; car tout ce qu'elle faisait, elle le faisait pour Dieu, n'ayant que lui en vue. Jésus et Marie étaient l'objet de ses pensées, de ses contemplations célestes, de son amour le plus tendre. Alvastra était devenu pour elle un aimable et silencieux Nazareth, où elle devait goûter pendant quelque temps les joies célestes de la vie cachée ; car au-delà de ce paisible couvent, l'attendaient les œuvres les plus grandes et les plus sublimes de la vie active, telles que Dieu n'en a jamais imposé à une autre Sainte. Brigitte devait nécessairement attirer les plus abondantes grâces du ciel sur les pieux habitants du couvent, où elle avait trouvé un asile hospitalier ; et de fait, ce couvent fut de plus en plus florissant. Mais la sainte veuve fut bientôt, sans s'en douter, un sujet de scandale pour un des Frères d'Alvastra, Il y avait dans le couvent un saint Frère convers du nom de Gerrechinus, qui n'était pas sorti de la maison depuis quarante ans, qui passait ses jours et ses nuits en prière, et qui avait reçu de Dieu des grâces extraordinaires. Ce saint homme, plein de zèle pour la règle et les sévérités de la vie monastique, se sentit troublé lorsqu'il apprit qu'on avait permis à une jeune et belle princesse d'habiter dans l'avant-cour du couvent; il lui sembla que tous les Religieux seraient exposés au danger de la rencontrer ou de se trouver d'une manière quelconque en contact avec elle : «Pourquoi, se disait-il en lui-même, cette dame demeure-t-elle dans un couvent de moines, contrairement à notre règle, et y introduit-elle un nouvel usage?». Puis il commença à murmurer contre le Prieur et le Sous-Prieur, qui avaient accordé une autorisation si étrange, et se demandait ce que pourrait bien dire leur fondateur saint Bernard, s'il était présent, lui qui ne voulait même pas regarder en face sa propre sœur. Peu après, ce Frère fut ravi pendant qu'il priait et il entendit une voix qui lui dit : « Cette femme, dont la présence te scandalise, est une amie de Dieu ; elle est venue dans ce couvent afin de cueillir, au pied de ces montagnes, des fleurs qui donneront à tous les peuples, jusqu'aux confins de la terre, des remèdes salutaires (1) ». Le bon Frère courut alors auprès du Prieur, lui avoua avec beaucoup de larmes et une grande contrition, qu'il avait murmuré contre la présence de la princesse de Néricie à Alvastra, et lui raconta comment Dieu l'avait instruit de la sainteté de sa servante. Peu de temps après, pendant qu'il était en prière dans le chœur, il vit Brigitte dans l'église ; elle fut subitement élevée de terre devant ses yeux, un torrent jaillit comme de sa bouche et une voix intérieure dit au Frère : « Voici la femme qui vient des extrémités de la terre pour abreuver les peuples de sagesse. Comme signe de ce que tu entends, elle te prédira de la part de Dieu la fin de ta vie : tu te réjouiras de ses paroles et de sa présence. Tes désirs seront bientôt satisfaits, afin que tu ne voies pas les maux qui viendront fondre sur cette maison avec la permission de Dieu (2) ». Gerrechinus qui, jusque-là, avait évité avec le plus grand soin de rencontrer la sainte veuve, ne souhaitait plus que de la voir et de l’entretenir ; ce qui était plus difficile que de la fuir, la Sainte observant la plus grande réserve. (1) Extravag, p. 55. (2) Extravag, p. 55. Enfin, ses vœux furent comblés. Brigitte instruite par Dieu de l'état de l'âme du bon Frère, le reçut avec la bonté et l'amabilité qui lui étaient habituelles, et lui dit qu'il mourrait dans un an pour entrer dans les joies du Paradis. Un an plus tard, pendant que Brigitte se trouvait encore à Alvastra, Gerrechinus sentit que sa fin approchait. Sur le point de mourir, il vit une inscription d'or dans laquelle se trouvaient les trois lettres P. 0. T. Il en fit part à ses frères et dit : « Viens, Pierre ; accourez Olaf et Th or do ». Après cet appel, il s'endormit. Les trois Frères qu'il avait nommés le suivirent de près dans l'éternité, et moururent dans la même semaine (1). La bienheureuse mort du frère Gerrechinus eut lieu exactement au jour et à l'heure que Brigitte lui avait prédits ; et celle-ci avait acquis un protecteur de plus au ciel. (1) Révélations, IV, p. 121.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 14/12/2016, 08:47 | |
| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre VIII ème.
8/40. CHAPITRE VIII. CHAPITRE VIII - Visite à la cour. Humilité de sainte Brigitte. Retour à Alvastra Mort de Benoît (1345). Après une année de tranquille retraite à Alvastra, notre Sainte reçut tout à coup de Dieu l'ordre formel d'aller à Stockholm, à la cour du roi. Brigitte en fut tout interdite ; depuis longtemps elle se contentait de prier pour la prospérité de la Suède et ne s'occupait plus des affaires du pays. Néanmoins, comme elle était disposée à obéir, elle entendit ces paroles consolantes : « Ne te mets pas en peine, Brigitte, de ce que tu feras et diras à Stockholm ; lorsque tu seras devant le roi, je mettrai mes paroles sur tes lèvres et t'inspirerai ce que tu auras à dire ». Pleine de confiance dans l'assistance de Dieu, la sainte veuve quitta Alvastra, et partit pour Stockholm, où l'attendaient Charles et Birger, heureux de revoir leur mère bien-aimée. Accompagnée de ses deux fils, Brigitte se rendit au château et pénétra dans l'appartement du roi, ne sachant toujours pas pourquoi elle y était venue; mais à peine eut-elle aperçu Magnus entouré de ses conseillers incrédules et infidèles, qu'elle lui parla avec une liberté tout apostolique du triste état de la Suède, et lui annonça les terribles châtiments de Dieu s'il ne s'efforçait de réformer ses mœurs et celles de ses sujets. Le roi Magnus resta interdit, La Sainte lui apparut à ce moment comme l'Ange de la justice divine, l'épée de la vengeance à la main, mais prêt à la détourner une fois encore de sa tête coupable, s'il consentait à se rendre à la voix de la vérité. Mais les grands du royaume, exaspérés d'un pareil langage, s'élevèrent contre Brigitte et cherchèrent à exciter le roi lui-même contre elle. Ces malheureux égarés préféraient les ténèbres à la lumière. Par son attitude, Magnus fît comprendre qu'il voulait qu'on honorât, dans la sainte veuve, sa parente et la princesse de Néricie si estimée autrefois ; elle n'eut donc à souffrir aucune offense dans cette occasion. Toutefois, avant son départ du château, quelques-uns des seigneurs les plus irrités osèrent traiter Brigitte de sorcière, de trompeuse et de calomniatrice des serviteurs du roi. Charles et Birger, qui ne pouvaient supporter de tels outrages, en demandèrent satisfaction aux insulteurs ; mais Brigitte supplia ses fils de se calmer et de renoncer à toute idée de vengeance. « Dieu m'est témoin , dit-elle, que j'aime mieux souffrir de telles injures pour l'amour de Jésus-Christ que de porter une couronne royale sur mon front. Laissez ces hommes, ils sont aveugles et guident des aveugles (1) » . A la prière de la reine Blanche, Brigitte séjourna pendant quelque temps encore à Stockholm, et sa présence ne manqua pas d'exercer une heureuse influence sur la vie du couple. (1) Berthold, Vie de sainte Brigitte, Berthold, un des plus anciens biographes de la Sainte, appartenait à l’Ordre des Brigittains et vivait dans le couvent de Marie du Paradis fondé à Florence en 1394. Nous ne voulons mentionner ici que quelques faits. Un certain Comte de Stockholm, qui exerçait sur le roi une influence considérable mais malfaisante, remarqua que depuis l'arrivée de Brigitte, celui-ci devenait de jour en jour plus froid et plus réservé avec lui. Il devina le motif de ce changement, et plein de colère contre Brigitte, il jeta de l'eau sur elle du haut d'une fenêtre pendant qu'elle traversait la rue pour se rendre à l'église. Elle supporta cette offense sans la moindre marque de mécontentement, disant à son frère Israël qui l’accompagnait : " Il est juste que je souffre cela. Que Dieu ait pitié de lui et ne lui en demande pas compte dans l'autre monde". Pendant que la Sainte assistait à la Messe, Jésus-Christ lui apparut et lui dit : « Cet homme qui par haine a répandu de l'eau sur toi a soif de sang et a versé du sang... Il m'a chassé de son cœur; qu'il se garde donc de ne pas mourir dans son sang (1) » . Prise de compassion pour cet égaré, Brigitte pria son frère de communiquer au Comte les paroles de Jésus-Christ, pour le faire rentrer en lui-même et le décider à amender sa vie. Mais le malheureux répondit: « Je me moque des songes : Dieu est miséricordieux et ne damne personne ». Peu après il mourut, ainsi que Jésus-Christ l'avait annoncé, d'une hémorragie terrible. Dans la ville suédoise d'Arboga vivait un chevalier renommé, qui jouissait à la cour d'une grande considération. Celui-ci avait également voué une haine implacable à l'innocente femme; mais comme il n'osait pas l'offenser directement, il pria un de ses amis de l'insulter aussi grièvement que possible durant son séjour à Stockholm. L'indigne ami, qui consentit à rendre un tel service, avait appris que Brigitte avait été invitée à dîner par un riche gentilhomme. L'occasion lui parut favorable ; il feignit d'être ivre et pénétra, sans être annoncé, dans la salle à manger, où la Sainte était assise à table, entourée d'un grand nombre de seigneurs et de dames nobles. (1) Révélations, IV, 122. Il s'approcha d'elle et lui dit : « Ecoutez, femme, vous veillez trop et vous vous occupez de rêves insensés; vous feriez mieux de manger, de boire, et de dormir davantage. Est-ce que Dieu aurait abandonné les gens pieux pour ne parler qu'aux orgueilleux? Il est absurde d'ajouter foi à vos paroles ». Les assistants indignés du procédé de l'intrus, voulurent le jeter hors de la. salle; mais la généreuse veuve d'Ulpho s'y opposa, et dit avec une douceur inaltérable: « Laissez-le, car c'est Dieu qui l'a envoyé. Il n'est que trop vrai que durant ma vie j'ai recherché souvent la louange, et ai offensé mon Dieu; pourquoi ne devrais-je pas écouter ce qu'il dit avec raison à ma confusion, car cet homme a dit la vérité ». Ces paroles édifièrent tous les assistants, et le misérable lui-même qui avait tenté de l'outrager, en fut touché au point qu'il se jeta repentant à ses pieds et avoua publiquement son tort (1). Pendant le temps que Brigitte demeura à la cour, elle s'efforça tout spécialement de détruire les abus et les injustices qui s'étaient glissés dans l'administration des bénéfices et dans celle des domaines royaux. (1) Révélations IV, 113. Suivant son conseil, le roi congédia un prêtre qui était chargé de la perception des impôts et qui s'était rendu coupable de fautes graves et de grandes vexations envers sa paroisse. Plein de rage contre Brigitte, ce prêtre indigne alla la trouver et lui dit : « Vous m'avez dépouillé de mon honneur et de mon bénéfice; qu'y avez-vous gagné? Vous auriez mieux fait de rester chez vous, au lieu de venir ici semer la discorde ». Elle répondit: C'est par mon conseil que le roi en a agi ainsi avec vous pour le salut de votre âme et le bien de votre honneur; un ecclésiastique qui s'est consacré à Dieu ne peut administrer une pareille charge sans faire courir à son âme les plus grands dangers ». « Que vous importe mon âme ? , répondit le prêtre, Laissez-moi faire ici-bas comme je puis; plus tard mon âme aura soin d'elle-même ». Alors la Sainte lui répondit avec fermeté: « Ce que j'ai entrevu dans les desseins de Dieu arrivera sans doute; je vous dis donc que si vous ne prenez garde à vous et n'amendez votre vie, vous n'échapperez ni au jugement de Dieu, ni à une mort-extraordinaire (1) ». Loin de se corriger, le malheureux prêtre s'irrita plus vivement contre Brigitte et chercha de toute manière à se venger de celle qu'il regardait comme son ennemie. Il se trouva un jour dans un des châteaux royaux avec Magnus, Brigitte et un grand nombre de seigneurs du royaume. Il se plaça à côté de la Sainte et, feignant d'être poussé lui-même, il la heurta si violemment qu'elle serait tombée si on ne l'avait soutenue. Le roi, témoin de l'offense faite à sa parente, voulut punir le coupable, mais Brigitte se jeta aux genoux de Magnus, demanda humblement pardon pour cet homme pervers et l'excusa autant que possible (2). Le prêtre cependant ne fut point touché par tant de bonté, il quitta le château en colère, mais il ne pouvait échapper à la main vengeresse de Dieu. Bientôt après il fut excommunié par son Évêque et mourut d'une mort terrible. En assistant à la fonte d'une cloche, l'airain enflammé s'échappa du moule et le brûla. Avant d'expirer, il confessa ses péchés et témoigna un sincère repentir des fautes qu'il avait commises contre la sainte femme (1). (1) Révélations VI, 9. (2) Berthold, Vie de sainte Brigitte. Mais, à cette époque, notre Sainte avait à endurer encore d'autres et de plus douloureuses épreuves. Un Religieux apporta, un jour, au roi et à ses conseillers un livre qui contenait la vie des Pères de l'Église. Il y lut quelques pages, en présence de la Sainte, pour démontrer que beaucoup de saints Pères s'étaient trompés en faisant une abstinence exagérée et en manquant de prudence. Il craignait, ajouta-t-il, que Brigitte ne fût victime d'une semblable illusion. Celle-ci, toujours disposée à supposer aux autres plus de raison et de sagesse qu'à elle-même, garda le silence avec une profonde humilité, et se demanda sérieusement si elle n'était pas la proie de vaines imaginations. Mais pendant qu'elle était en prière, elle entendit les paroles suivantes par lesquelles Jésus-Christ rendit la paix à son coeur troublé: " Ce moine a dit que beaucoup de Saints se sont fait illusion. En vérité, il a parlé selon sa fantaisie, mais non selon son devoir. Aucun de mes amis, qui m'ont aimé sagement, n'a été trompé ; mais ceux qui s'enorgueillissaient de leur austérité et de leur justice, qui se mettaient au-dessus des autres et refusaient d'obéir aux humbles, ceux-là se sont trompés. Et puisque ce moine a usé contre moi du livre des saints Pères, dont il ne sait imiter les vertus, j'ouvrirai contre lui le livre de ma justice (1) ». (1) Révélations VI, 9. Cependant ce n'étaient pas seulement des serviteurs indignes de Dieu qui doutaient de la Sainte ; les personnes même les plus honorables de cette époque ne pouvaient comprendre que Dieu se révélât d'une façon si extraordinaire à une veuve ignorante; aussi commençaient-elles à s'en défier. Un jour que la servante de Dieu dînait chez l'Evêque d'Abo, Hemming, elle mangea, pour la gloire de Dieu, les mets exquis qui lui étaient servis. L'Evêque se dit alors dans son cœur: « Si cette femme possède réellement le don de l'esprit, pourquoi donc ne s'abstient-elle pas de ces mets succulents? ». Brigitte ne se douta point de pareilles pensées ; mais lorsque, après le repas, elle fit sa prière, Dieu lui révéla le jugement de Hemming à son égard, et lui inspira en même temps la réponse quelle devait lui faire. (1) Révélations VI, 92. Brigitte obéit, et l'Evêque avoua qu'il avait eu en effet cette pensée pendant qu'il était à table ; il s'humilia de tout cœur, lui demanda pardon et la supplia de prier pour lui. Avant de le quitter, la Sainte lui donna, à la suite d'une autre révélation, la consolante assurance qu'il était particulièrement aimé de la Sainte-Vierge, et que la douce Mère de Dieu se chargerait elle-même de présenter un jour son âme à son divin Fils (1). Brigitte avait obtenu par ses prières cette faveur pour l'Évêque, qui avait jugé si sévèrement ses actions les plus insignifiantes. La Sainte soupirait après le moment fixé pour son départ de Stockholm ; elle prit congé du roi et de la reine qui auraient bien voulu la retenir encore à la cour. C'est avec une joie profonde qu'elle rentra dans le couvent de Sainte-Marie d'Alvastra, où l'attendaient cependant de nouvelles épreuves. La première nouvelle que le Prieur lui apporta dès son arrivée fut celle de l'incendie qui avait éclaté à Fondia, dans l'une de ses propriétés, et qui lui avait causé de grandes pertes. (1) Extravag, 104. Des meubles précieux et surtout une grande quantité de grains avaient été dévorés par les flammes. Brigitte respira avec satisfaction comme si elle avait été débarrassée d'un lourd fardeau, et dit avec un calme parfait: « Loué soit Dieu qui m'éprouve en toute justice; car j'ai souvent abusé de ses dons contre lui-même, et j'ai été ingrate jusqu'à cette heure. Je n'ai non plus prié avec le zèle désirable pour les âmes de mes ancêtres, qui ont possédé ces biens avant moi ; que Dieu soit glorifié et honoré de m'avoir débarrassée d'une partie au moins de ces biens ». Lorsque plus tard Pierre Olafson, auquel elle se confessait quelquefois, lui demanda ce qu'elle avait éprouvé dans son cœur en apprenant cette nouvelle, elle lui fit cette réponse digne d'un Sainte : « Le seul souvenir des biens de ce monde est pour moi un tourment. Je remercie Dieu de tout cœur de cette perte, car je désire être pauvre comme le fut mon divin Maître durant sa vie terrestre. Si donc Dieu le désirait, je mendierais volontiers mon pain. Un jour viendra où il faudra quitter tout ce que nous possédons ici-bas : c'est pourquoi je veux me priver volontairement et avec mérite des choses dont la possession n'est d'aucune utilité, et qu'il faudra quitter malgré moi à ma mort (1) ». Les enfants de la terre trouvent sans doute étrange un pareil détachement des choses de ce monde ; les enfants de Dieu, au contraire, qui savent estimer les biens terrestres à leur valeur, qui est si minime, ne trouvent pas ce sacrifice extraordinaire. Cratès le philosophe, dont parle saint Jérôme, en fit autant, et beaucoup d'autres encore méprisèrent les richesses temporelles (2). Mais Brigitte fit encore un bien plus grand sacrifice avec le même amour pour Dieu et la même soumission à sa sainte volonté. Son jeune fils Benoît, avait été dès sa plus tendre enfance, chétif et souffrant. Lorsqu'elle partit pour Stockholm, elle dut le laisser malade à Alvastra. A son retour elle trouva son état fort aggravé, et elle prit l'enfant dans sa cellule, lui consacrant jour et nuit les soins d'une mère dévouée. Benoît endurait de grandes souffrances, et sa sainte mère qui ne voyait pas sans un profond chagrin cette tendre fleur dépérir sous ses yeux, fut subitement troublée de la pensée que ce cher fils souffrait tant à cause des péchés de ses parents. (1) Berthold, Vie de sainte Brigitte. (2) Hom. de Saint Jérôme, liv. III de Saint Matth., cap. XIX. Baignée de larmes, elle supplia Dieu de la punir à la place de cet enfant innocent. Le démon lui apparut alors sous une forme hideuse et lui dit : « Femme, pourquoi t'affaiblis-tu la vue par les larmes que tu verses? Tu t'épuises inutilement, car les larmes d'une si grande pécheresse ne peuvent monter jusqu'au ciel ». Remplie d'effroi, Brigitte se réfugia, comme elle l'avait fait un jour dans son enfance au pied de la croix, pour demander protection et appui. L'ennemi malin disparut alors et Jésus-Christ se montra resplendissant de lumière à ses côtés ; il lui dit : « La maladie de cet enfant ne provient ni de ses propres péchés ni de ceux de ses parents, mais bien de sa constitution ; je lui ai envoyé cette épreuve afin qu'il reçoive une couronne d'autant plus belle. Jusqu'à ce jour tu l’as appelé Benoît ; dorénavant il sera nommé le fils des larmes et de la prière, et je mettrai bientôt un terme à ses souffrances ». Cinq jours plus tard on entendit tout à coup un chant mélodieux, semblable à celui d'une troupe d'oiseaux, auprès du lit de l'enfant, qui durant cette harmonie céleste s'endormit doucement dans les bras de sa mère (1). Il fut enseveli dans l'église du couvent d'Àlvastra, où reposait aussi son père et où Brigitte avait prié si souvent et avec tant de ferveur pour le bonheur de ses enfants. Notre Sainte ne pleura plus lorsque l'âme pure du pieux enfant se fut envolée au ciel ; merveilleusement consolée, elle accompagna la chère dépouille à sa dernière demeure, et se réjouit d'avoir donné au ciel un petit Saint. Les Cisterciens inscrivirent le nom de l'enfant dans leur ménologe, qui lui donna le titre de « Bienheureux (2). » (1) Ex vita abbrev. Sainte Brigitte. (2) Voir le Menologium Benedictinum de Gabriel Bucelinus. Il est d'usage chez les Bénédictins de revêtir de jeunes garçons, dès l’âge le plus tendre, de l'habit des Bénédictins avec un certain cérémonial. Ils gardent cet habit pendant qu'il font leurs études, à la suite desquelles ils peuvent rester dans l'Ordre ou suivre une autre carrière. Ces jeunes gens prient au chœur avec les moines, étudient et reçoivent leur nourriture de la cuisine du couvent; seulement on tient compte de leur jeunesse. C'est ainsi que le fils de Brigitte fut compté parmi des moines Bénédictins. Cet usage explique le grand développement que prit l’Ordre des Bénédictins. Voir Seidl, la Consécration à Dieu d'enfants dans les couvents de Religieux et de Religieuses, ou De pueris oblatis Passau 1871.
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| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre IX ème.
9/40. CHAPITRE IX. CHAPITRE IX - Jésus choisit Brigitte pour épouse. Les révélations. Le discernement des esprits. Maître Mathias (1346) Près de deux années s'étaient écoulées depuis que Brigitte habitait Alvastra. Quoiqu'elle fût pénétrée de gratitude envers Dieu et envers les moines de lui avoir accordé un si saint asile, elle sentait cependant que ce ne pouvait être pour elle un lieu de repos. Un jour qu'elle était en peine de sa situation présente et de sa vocation future, l'Esprit du Seigneur se répandit sur elle et l'embrasa d'une façon merveilleuse. Ravie en extase, elle aperçut un nuage lumineux d'où sortit une voix qui lui dit : « Je suis ton Dieu et je veux te parler ». Brigitte craignant que ce ne fût une illusion de l’ennemi, s'effraya de cette lumière extraordinaire qui l'environnait et de cette voix qui pénétra cette fois son âme plus profondément qu'elle ne l'avait fait dans les communications précédentes. Mais elle entendit de nouveau la voix qui disait : « Ne crains point, car je suis le Créateur de toutes choses, et non un imposteur. Sache que ce n'est pas à cause de toi seulement que je t'adresse la parole, mais pour le salut de tous les chrétiens. Ecoute donc ce que je vais te dire. Tu seras mon épouse. Tu verras et tu entendras des choses spirituelles, et mon Esprit sera avec toi jusqu'à ta mort. Crois donc fermement que c'est moi, moi qui suis né de la Vierge sans tache, qui ai souffert et ce qui suis mort pour le salut des âmes. C'est moi-même qui suis ressuscité des morts et qui suis monté au ciel, moi qui te parle à présent par mon Esprit (1) ». Bien qu'habituée depuis sa plus tendre enfance aux choses surnaturelles, Brigitte fut singulièrement surprise de cette apparition. (1) Extravag. 47. Son étonnement fut semblable à celui de la très sainte Vierge, qui, bien qu'accoutumée aux visites célestes, ne laissa pas que d'être effrayée lorsqu'un Ange lui parla de la grande dignité qui l'attendait dans le mystère de l'Incarnation, Brigitte ne pouvait comprendre les paroles du Seigneur qui élevaient à la dignité d'épouse de Dieu la pauvre pécheresse, la veuve d'Ulpho, et faisaient d'elle un vase d'élection et de grâces. Si une pensée d'orgueil avait pu naître dans son cœur, elle aurait porté envie à ces âmes bienheureuses qui, vivant dans la chasteté comme épouses de Dieu, osent appeler Jésus leur fiancé ; elle ne pouvait concevoir à ce moment que cette grâce extraordinaire pût lui tomber en partage ; aussi pleine d'étonnement, elle dit dans son cœur, comme un jour la plus pure de toutes les épouses du Seigneur : « Comment cela pourra-t-il se faire ? ». Et Jésus lui répondit : « Je t'ai choisie pour mon épouse ce pour te faire connaître mes secrets, parce que tel est mon bon plaisir. En quelque sorte aussi tu m'appartiens de droit, puisque, au décès de ton époux, tu as fait abandon de ta volonté entre mes mains, et que tu as prié et médité pour savoir de quelle manière tu pourrais être complètement pauvre pour moi. Pour l'amour de moi, tu as tout quitté ; c'est pourquoi tu es devenue mienne de droit. Pour un si grand amour je devais veiller sur toi d'une manière spéciale. Tu seras donc mon épouse et tu feras mes délices, comme ce il convient à Dieu de les prendre avec une âme chaste. Je ne te donne ni or ni argent, mais moi-même comme époux et comme récompense, moi qui suis le Roi de gloire (1) ».
Qui pourrait décrire la béatitude dont le cœur de notre Sainte fut rempli en entendant retentir ces paroles à son oreille ? A partir de ce jour la vision, la contemplation des choses et des mystères les plus merveilleux devinrent pour ainsi dire l'état habituel et permanent de Brigitte. Elle était encore sur terre, mais sa vie était au ciel, et le ciel s'abaissait souvent vers elle. Le monde des esprits se revêtait de formes et de figures, afin que l'épouse choisie du Seigneur pût voir et comprendre les mystères de Dieu. Mais la joie que goûtait la servante de Dieu devait être bientôt troublée par de nouveaux soucis. Est-ce vraiment l'esprit de Dieu qui me guide, se demandait-elle, ou bien est-ce l'esprit des ténèbres ? Ce doute cruel s'éleva de nouveau dans son âme ; l'on devrait presque s'étonner qu'il en eût été autrement. (1) Révélations I, 21 Le discernement des esprits est une des questions les plus difficiles de la théologie. Dans tous les temps, les hommes versés dans la science divine édifient des systèmes et des règles d'après lesquelles les confesseurs et les directeurs des consciences doivent discerner si les extases et les visions des âmes, qui leur sont confiées, proviennent du bon ou du mauvais esprit. Mais l'expérience enseigne combien est difficile en pratique l'application de ces règles ; car n'eût été cette incertitude, ni sainte Thérèse ni tant d'autres Saints, que Dieu daigna élever à des états extraordinaires, n'eussent tant souffert des jugements incertains de leurs directeurs. Nous trouvons la solution la plus simple et la plus facile de cette grave question dans les paroles que Brigitte, au milieu de ses doutes, entendit pour sa consolation de la bouche même de Jésus ; c'est pourquoi nous les rapportons ici textuellement. Un jour que Jésus vit son épouse bien-aimée plongée dans une méditation profonde, cherchant de quel esprit pouvait venir les paroles inexprimablement douces qu'elle entendait presque constamment, il lui dit : « Je suis ton Créateur et ton Rédempteur. Pourquoi t'effrayes-tu de mes paroles ? Pourquoi cherches-tu si elles proviennent du bon ou du ce mauvais esprit ? Dis-moi, qu'as-tu trouvé ce dans mes paroles qui ne te fût aussi prescrit ce par ta propre conscience ? Ou bien t'ai-je jamais ordonné quelque chose qui fût contraire à la raison ? ». Brigitte répondit : « Nullement ; tout cela est selon la vérité, et j'ai commis erreur en accordant la moindre place au doute ». Mais Jésus continuant, ajouta : « Je t'ai enseigné trois choses auxquelles tu peux reconnaître le bon esprit. Je t'ai appris à honorer Dieu qui t'a créée, et qui t'a donné tout ce que tu possèdes. Ta raison te dit également que tu dois l'honorer par-dessus tout. Je t'ai appris à garder la vraie foi, c'est-à-dire ce à croire que sans Dieu rien n'a été créé, et ce que sans Lui rien ne peut être créé. Je t'ai ce appris l'amour du renoncement à toutes les ce choses terrestres. Le contraire de ces trois enseignements peut te faire reconnaître l'esprit impur. Celui-ci t'engage à rechercher ta propre louange, et à t'enorgueillir des dons que tu reçois. Il t'entraîne aussi à l'infidélité et à l'intempérance et, dans ce but, il rend ton cœur ardent. Quelquefois même il trompe avec l'apparence du bien. C'est pourquoi je t'ai ordonné de toujours scruter ta conscience avec sincérité, et de l'ouvrir à de vrais hommes de Dieu. Ne doute donc pas que l'Esprit divin ne soit avec toi, lorsque tu n'as d'autre ce désir que Dieu et son amour. Moi seul je puis produire cet effet, et il n'est pas possible à Satan de t'approcher. Il peut arriver parfois que le démon obtienne pouvoir sur le corps des hommes vertueux, afin que leur récompense en devienne plus magnifique ; quelquefois aussi il obscurcit leurs consciences, mais il ne parvient jamais à régner sur les âmes de ceux qui croient en moi et qui m'aiment (1) ». L'Ange-gardien de Brigitte lui enseignait aussi à discerner les esprits et la consolait au milieu de ses scrupules en lui disant : « Toi qui es l’épouse du Seigneur, tu ne dois pas douce ter de la nature de l'esprit qui t'anime, car ta conscience t'indique toujours ce que tu dois prendre ou laisser (1) ». (1) Révélations I, 4. C'est à cette époque que Dieu fit don à son épouse de trois grâces merveilleuses, qu'elle conserva jusqu'à la fin de ses jours. Brigitte voyait des yeux de l'esprit ; elle avait l'entendement des choses surnaturelles, et elle sentait Dieu présent dans son cœur d'une manière admirable (2). Quant à la façon dont elle percevait les visions, Jésus lui-même lui dit : « La forme que tu considères ne t'apparaît pas en réalité comme tu la vois. Car si tu voyais la beauté spirituelle des Anges et des âmes des Saints, ton corps ne pourrait en supporter l'éclat ; le bonheur de l'âme en face de la vision la briserait comme un vase fragile. Si tu apercevais au contraire les démons dans leur réalité, ou tu ne vivrais plus que dans une douleur extrême, ou tu mourrais sur le coup, tant leur aspect est épouvantable ! C'est pourquoi les choses spirituelles t’apparaissent sous une forme corporelle. Les Anges et les âmes des Saints se montrent à toi sous l'image d'êtres qui possèdent vie et âme. Les démons t'apte paraissent sous la forme de créatures assujetties à la mort, ainsi que sous celle d'animaux et d'autres créatures. Les paroles spirituelles que tu entends, te sont adressées en paraboles, car autrement ton esprit ne saurait les percevoir. Mais ce qu'il y a de ce plus merveilleux, c'est que le mouvement de mon esprit soit senti dans ton cœur (1) » . (1) Révélations I, 54. (2) Révélations II, 18 et 19. Au sujet des sentiments que Brigitte éprouvait durant ses visions et de l'état dans lequel elle était plongée, elle dit elle-même à son Époux bien-aimé : « O Dieu très doux ; c'est ce merveilleux ce que vous faites en moi ; car, quand il vous plaît, mon esprit tombe dans un sommeil spirituel, puis vous réveillez mon âme pour lui faire voir, entendre et ressentir des choses surnaturelles. O mon ce Dieu, que vos paroles me sont douces ; mon âme s'en repaît, comme des mets les plus délicieux, avec une joie inexprimable. Car, en entendant votre voix, je me sens à la fois rassasiée et affamée ; rassasiée, parce que rien ne me délecte comme vos paroles ; affamée, au contraire, parce que j'éprouve un désir toujours plus ardent de les entendre (1) ». (1) Révélations II, 18. Tantôt on trouvait Brigitte assise ou debout, tantôt elle était prosternée contre terre, tout absorbée dans la prière, raide, sans mouvement, semblable à un cadavre, insensible aux sensations physiques, entraînée par le vol de sa pensée, et inconsciente de tout ce qui se passait autour d'elle. Elle ne voyait et n'entendait rien (2). Elle était toujours parfaitement éveillée lorsqu'elle avait ses visions ; elle tombait particulièrement en extase pendant la nuit, lorsque, durant ses privations de sommeil, elle persistait dans la prière ; les forces de son corps paraissaient alors diminuer, mais son cœur était tout embrasé et se remplissait d'allégresse dans le feu de l'amour. Son âme était merveilleusement consolée et son esprit rempli d'une certaine force divine, tandis que sa raison se trouvait illuminée surnaturellement (1). (1) Révélations V, 52 et IV, 77. (2) Alphonse de Jaen, Introduction (ou préface) au huitième livre des Révélations, chapitre IV. Brigitte elle-même ne pouvait comprendre par quel prodige elle, vivant sur la terre, pouvait s'entretenir avec Marie et avec les Anges du ciel, puis de nouveau avec les esprits des ténèbres. Un jour qu'elle y réfléchissait profondément, la Mère de Dieu lui adressa les paroles suivantes : « Tu te demandes, ma fille, comment ce moi, la Reine du ciel, et toi, habitante de la terre, nous pouvons nous entretenir ; coince ment une âme du purgatoire et une autre qui brûle en enfer peuvent converser ensemble. Je veux te l'expliquer. A la vérité je ne quitte jamais le ciel, parce que je ne cesse jamais de contempler Dieu ; de même l'âme qui gémit dans les enfers ne sort jamais de sa sombre prison ; non plus qu'une âme du purgatoire, avant sa purification. Toi-même tu ne nous rejoindras pas avant que ton âme ne se soit séparée de ton corps. Mais, par la puissance de l'Esprit de Dieu, ton âme et ton entendement sont élevés au-dessus de la terre, pour entendre les paroles de Dieu dans le ciel. Il te sera, donné aussi de connaître quelques tourments de l'enfer et du purgatoire, pour l'avertissement des méchants, pour la consolation des bons et pour leurs progrès dans la voie de la perfection. Sache cependant que ton corps et ton âme restent unis sur la terre ; mais le Saint-Esprit, qui est au ciel, te donne l'entendement et la compréhension nécessaires pour reconnaître sa volonté et pénétrer ses mystères (1) ». (1) Révélations IV, 139. C'est ainsi que Brigitte se trouvait jusqu'à un certain point ramené au paradis terrestre, à cet état d'innocence originelle, durant lequel nos premiers parents furent, jusqu'à leur chute, en relation avec Dieu, comme des enfants avec leur père ; époque heureuse où nous voyons le Seigneur se promener à travers les grandes allées de palmiers du paradis en conversant familièrement avec ses chères créatures pour les interroger et les enseigner. Il était donné à Brigitte de prêter l'oreille et d'assister aux entretiens de Jésus et de Marie, entretiens d'ineffable douceur, qui consolaient et instruisaient la sainte épouse de Dieu ; et ainsi elle pénétrait de plus en plus profondément dans les mystères de Dieu, tant pour son profit personnel que pour le bien de la chrétienté tout entière. Lorsqu'elle reprenait ses sens après chaque extase, elle se conformait fidèlement à l'ordre de Dieu, qui ne cessait de l'exhorter à une grande franchise avec son confesseur, et elle racontait à maître Mathias ou à Pierre Olafson ce qu'elle avait vu et entendu dans la vision ; elle remplissait ce devoir avec la sincérité d'une Sainte et la simplicité d'une enfant modeste, qui fait part à ses parents de ce qu'elle a vu de beau et de remarquable. Mais lorsqu'elle cherchait à décrire les ravissements de l'amour de Dieu, et les consolations célestes qu'elle goûtait durant ses extases, elle ne trouvait plus de paroles ; ses larmes et ses soupirs faisaient seuls pressentir les douceurs que son cœur avait éprouvées (1). (1) Révélations, VI, 52 (dernier parag.). Il ressort de ce qui a été dit jusqu'à présent que les visions de sainte Brigitte furent avant tout d'une nature spirituelle et intellectuelle, bien qu'elle en ait eu quelques-unes d'apparence corporelle, ainsi que nous l'avons vu dans l'historique de sa jeunesse. Maître Mathias, à qui Dieu avait confié, à cette époque, la direction de la Sainte, était particulièrement propre à cette fonction ; il avait expérimenté en lui-même la lutte entre l'esprit de mensonge et l'esprit de vérité, et il avait, avec la grâce de Dieu, remporté une victoire éclatante sur l'ennemi de son salut (1). (1) Alphonse de Jaen. Le démon l'avait tenté contre la foi d'une façon épouvantable. Toutes les hérésies inventées jusqu'alors contre l'Église catholique s'étaient présentées à son esprit d'une manière si séduisante (2), que sa raison, totalement obscurcie, ne savait plus discerner le juste de l'injuste. Dans ce cruel combat, il avait eu recours à la plus ardente prière en assurant Dieu sans relâche qu'il voulait vivre et mourir dans la vraie foi, comme un fils de la sainte Église ; c'est ainsi qu'il était parvenu à vaincre, en peu de temps, l'ennemi infernal qui avait cherché à lui ravir le précieux dépôt de la foi. Dieu l'avait récompensé de sa fidélité en lui accordant le don de l'entendement surnaturel, et plus tard, Mathias écrivit un excellent commentaire sûr l'Écriture sainte. (1) Révélations I, 3. (2) Révélations V, 11. Sa sainte pénitente, Brigitte, le seconda dans cette œuvre, non seulement par ses prières, mais fréquemment aussi par ses conseils, surtout lorsqu'il arriva à l'explication de l'Apocalypse (1). Cet homme de Dieu, si divinement éclairé, examinait les révélations de notre Sainte avec toute la rigueur de sa raison, et ne pouvait s'empêcher d'y reconnaître la main de Dieu. Brigitte lui disait aussi de mettre par écrit les révélations qu'elle lui communiquait, parce que Dieu voulait que tous les peuples de la terre apprissent à les connaître. Obéissant aux ordres du Seigneur, Mathias recueillait toutes les paroles qui sortaient de la bouche de la Sainte, et les envoyait à divers Evêques de la Suède (2). Tout le royaume connut bientôt les merveilles dont la princesse de Néricie était l'objet au couvent de Sainte-Marie d'Alvastra. Mais à la même époque, la Sainte endura aussi de grandes souffrances. Des théologiens et des Religieux éminents s'élevaient contre elle . Un moine dominicain alla même jusqu'à parler contre Brigitte du haut de la chaire. Se basant sur la parole de saint Paul : Mulier taceat in ecclesia, que les femmes se taisent dans les églises, il soutint que la Sainte et ses partisans étaient le jouet de vaines illusions, qu'il était déraisonnable d'ajouter si légèrement foi aux rêveries et aux imaginations d'une femme, et qu'il ne pourrait jamais se résoudre à croire à des visions ou à les approuver. (1) Révélations VI, 89. (2) Révélations, If 32. Mais voilà qu'une nuit, il eut un songe, et vit Brigitte en extase, et du feu tombant du ciel sur elle. Effrayé, il se réveilla ; lui, l'adversaire déclaré des visions, en aurait-il lui-même ? Il ne voulut jamais l'admettre, et tint tout pour une illusion. Il se rendormit et entendit une voix qui lui dit distinctement et par deux fois : « Personne ne pourra empêcher ce feu de rayonner ; car moi-même, qui suis le Tout-Puissant, je l'enverrai à l'orient et à l'occident, au septentrion et au midi, et beaucoup en seront embrasés ». A partir de ce moment le moine devint un zélé défenseur de notre Sainte et de ses révélations. Un jour, maître Mathias parlait avec un Religieux de grande science et de grande réputation du don des visions célestes que Dieu avait accordé à l'épouse de son choix. Celui-ci répliqua : « Il n'est pas vraisemblable, ni conforme à l'Ecriture que Dieu se soit éloigné de ceux qui mènent une vie d'abstinence et qui renoncent à tout, pour révéler ses mystères à des femmes pleines d'ostentation ». Mathias s'efforça, mais en vain, de le ramènera une meilleure conviction, en lui citant des preuves nombreuses. Quand Brigitte en eut connaissance et qu'elle en vit son confesseur quelque peu troublé et inquiet, elle se mit en prière, fut ravie en esprit, et entendit Jésus lui dire : « C'est pour beaucoup une maladie dangereuse de tomber ce malade du remède même. Il ne faut donc ce pas le leur donner, de peur que leur état ne s'aggrave. Mais moi, je suis le remède ce des malades, et la vérité pour ceux qui sont ce dans l'erreur. Ce Religieux ne demande point ce de remède, parce que son cœur est obstrué par la vaine science…Il apprendra que je suis Dieu, et un Dieu terrible ». Le moine ne tarda pas à être cruellement humilié par Dieu et eut une fin misérable (1), Mais ce qui convainquit maître Mathias, bien mieux encore que ces paroles, de l'authenticité de ces visions et révélations, ce fut la vertu chaque jour plus éclatante de la Sainte ; aussi exprimait-il franchement son opinion à cet égard devant les savants et les ignorants. (1) Révélations VI, 90. Il parla plus fréquemment des révélations dans ses sermons, et donna comme preuve de leur authenticité la pureté de vie sans tache et la perfection de celle que Dieu honorait de grâces si singulières. Brigitte, en ayant eu connaissance, le pria instamment qu'il voulût bien, pour l'amour d'elle, s'en abstenir à l'avenir: « Lorsqu'un seigneur puissant dépêche son envoyé à un ami , dit-elle, n'est-ce pas ce seigneur qui doit être loué ? ».Et lorsque Mathias prétexta qu'il convenait de louer les hommes et les femmes que Dieu offre lui-même en exemple au monde, la servante de Dieu répondit : « Ma barque est encore en pleine mer et loin du port ; aussi ai-je besoin de la prière ; nous ne voyons encore que le commencement, et c'est seulement la fin qui peut être louée ». Dans le dessein d'éprouver son humilité, le Prieur d'Alvastra raconta à Brigitte qu'un des moines prétendait qu'elle se laissait aller aux rêveries et qu'elle avait l'esprit dérangé. Elle répliqua avec calme : « Béni soit ce Père qui me connaît avec toutes mes imperfections. Il dit avec raison que mon jugement n'est pas sain et que mon esprit n'est pas lucide, car j'ai mieux aimé le monde que mon Dieu ; ce mais à l'avenir, je ne veux plus aimer que mon Créateur et ne plaire qu'à Lui seul ; alors je pourrai espérer d'avoir l'esprit droit, d'être agréable à Dieu et de ne l'être pas au monde. Demandez seulement à ce Père qu'il veuille ce bien prier pour moi, comme je m'engage ce moi-même à prier pour lui ». Cette réponse si humble, que le Prieur transmit au moine, convainquit celui-ci et ses compagnons que Dieu lui-même était l'auteur des visions et des extases dont ils étaient si souvent témoins. L'épouse de Dieu cependant persista dans sa profonde humilité ; convaincue de son néant, elle ne se laissait troubler ni par l'éloge ni par le blâme. Elle sut heureusement éviter le plus redoutable des écueils, l'orgueil, que tous les hommes et les Saints eux-mêmes rencontrent sur la mer agitée de cette vie. Brigitte ne posséda pas seulement l'humilité de l'intelligence, mais aussi celle du cœur et de la volonté. Après avoir joui du privilège d'entrevoir dans ses extases des mystères ineffables, après avoir été appelée épouse de Dieu par Notre-Seigneur, par Marie, par les Anges et les Saints, nous la trouvons humblement agenouillée, le visage contre terre et disant à son divin Epoux : « O mon Seigneur et mon Dieu, Roi de toute gloire, moi qui ne suis qu'un ver de terre entre vos mains, j'ose vous demander pourquoi vous voulez me prendre à votre service, moi qui ai épuisé mes forces dans le péché. O mon Seigneur, Fils de la Vierge, pourquoi avez-vous daigné vous abaisser jusqu'à une misérable veuve, et voulez-vous être l'hôte de celle qui est si pauvre de bonnes œuvres et si lâche dans la pratique des vertus ? Ne vous offensez pas, mon doux Seigneur Jésus-ce Christ, si j'ose vous adresser ces questions, car rien ne doit étonner de votre part, puisque vous pouvez tout ce que vous voulez ; mais c'est de moi-même que je m'étonne ce avec raison, parce que je vous ai tant offensé et me suis si peu amendée ». Dans ces circonstances, le Seigneur lui répondait toujours : « J'agis ainsi avec toi parce que tel est mon bon plaisir. Je puis faire ce que je veux de ce qui m'appartient ; et puisque tu es à moi, tu ne dois point t’étonner de ce qui t'arrive ce selon ma volonté. Aie soin seulement de souffrir avec persévérance, et tiens-toi prête à faire tout ce que je te commanderai. Car j'ai le pouvoir de te donner tout ce dont tu as besoin (1) ». L'humble épouse de Dieu inclinait alors la tête, et disait avec une paix profonde : « Je suis la servante du Seigneur ; ce qu'il me soit fait selon votre parole, ô mon ce Dieu ! ». (1) Révélations IV, 77 et II, 48.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 15/12/2016, 13:53 | |
| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre X ème.
10/40. CHAPITRE X. CHAPITRE X - Tentations. Nouvelles grâces. Maladie de sainte Brigitte. Son obéissance. Saint Grégoire dit que la responsabilité des dons reçus augmente avec leur nombre (1). Brigitte était profondément pénétrée de cette vérité. Son cœur, sa conscience et sa raison la présentaient constamment à sa pensée, et la voix admirablement douce du Seigneur qui résonnait à son oreille comme une mélodie céleste, l'encourageait sans cesse à correspondre, par un ardent amour envers Dieu, par la mortification et par le renoncement, aux grâces qu'elle recevait. « J'exige de toi , disait Jésus à sa nouvelle épouse, une plus grande soumission, parce que je t'ai donné de plus grandes grâces. (1) Cum enim augentur dona, rationes etiam crescunt donorum. (Hom. 9, in Evang. Matth.). « Quel que soit mon amour pour toi, je ne fais rien qui soit contre la justice, et puisque tous les membres de ton corps t'ont servi pour le péché, il faut qu'ils te servent aussi pour la réparation. Lors donc que, pour toi, ma tête percée par les épines s'est inclinée sur la croix, la tienne doit s'abaisser sous le sentiment de l'humilité. Et parce que mes yeux ont été remplis de sang et de larmes, les tiens doivent s'abstenir de tout ce qui pourrait les flatter ; parce que mes oreilles ont entendu les paroles outrageantes qui m'étaient adressées, les tiennes doivent se fermer devant les discours insensés ; parce que mes lèvres ont goûté un breuvage plein d'amertume et qu'on m'a refusé un breuvage salutaire, il faut que tes lèvres se ferment à toute mauvaise parole, et ne s'ouvrent que pour de bonnes conversations ; parce que mes mains ont été étendues et transpercées de clous, tes œuvres, qui sont symbolisées par les mains, doivent s'étendre sur les pauvres et dans le sens de mes commandements. Il faut que tes pieds, c'est-à-dire les dispositions par le moyen desquelles tu dois venir à moi, soient crucifiés pour les coupables joies de ce monde ; de même que j'ai souffert dans tous mes membres, il faut que tous les tiennent soient prêts à m'obéir. Il convient que l'épouse partage les travaux et les souffrances de l'époux, afin qu'elle trouve en lui un repos d'autant plus intime (1) ». Sous l'influence d'un pareil enseignement, la mortification de Brigitte ne connut plus de bornes ; son amour pour l'époux crucifié de son âme lui suggérait toujours de nouvelles pénitences, au point qu'elle se refusait aussi couvent que possible la jouissance d'un verre d'eau fraîche, privation très douloureuse pour elle qui était consumée d'un feu intérieur. A partir de ce moment aussi la rage de l'ennemi arriva à son comble ; il haïssait Brigitte comme son plus grand adversaire ; il lui portait envie à cause des merveilleuses faveurs que Dieu lui avait accordées, et il voulait à tout prix détruire en elle l'œuvre ébauchée de la grâce. Convaincu de sa propre impuissance, il n'avait pas, à la vérité grand espoir d'y parvenir ; mais Brigitte elle-même pouvait en arriver là ; elle était et demeurait libre de tourner contre le suprême Dispensateur les dons qu'elle en avait reçus et d'abuser de ses grâces. (1) Révélations I, 2 et I, 11. Satan fonda là-dessus ses espérances et résolut de tenter la Sainte de toutes les manières possibles, afin que, lassée enfin par ces tourments incessants, elle en vînt à faire servira sa perte le libre arbitre, qui est le don le plus précieux de Dieu, celui qui nous rend le plus semblables à la divinité. Notre Sainte dut donc connaître et subir toute la rage du démon. L'esprit de mensonge ne lui apparut plus sous cette forme épouvantable qui l'avait tant effrayée lorsqu'elle était encore enfant ; il choisit un moyen beaucoup plus dangereux, mais qui par cela même lui sembla plus efficace pour arriver à ses fins : il s'efforça de jeter le trouble dans la vie admirable de son âme, [color:d0b7=#660000 et de la faire tomber dans le péché en suscitant en elle de mauvaises pensées et de honteux désirs. Jésus avait dit : « Celui qui ne croit pas est déjà jugé ». L'ennemi voulut donc qu'avant tout Brigitte fît naufrage dans sa foi. Le très saint Sacrement de l'autel avait été de tout temps l'objet de son amour et de ses adorations, et jamais le moindre doute ne s'était élevé dans son âme contre cet admirable mystère de l'amour de Dieu. Un jour qu'elle assistait à la sainte Messe dans le plus profond recueillement, elle sentit, au moment de l'Elévation, que l'esprit des ténèbres s'approchait d'elle, et elle entendit ces mots horribles : « Insensée, crois-tu donc que ce petit morceau de pain est Dieu ? Il y a longtemps qu'il serait réduit à néant, quand même sa grandeur eût égalé la plus grande des montagnes. Il est non moins insensé de croire que Dieu se laisse toucher par un prêtre impur. Le prêtre que tu vois là m’appartient ; je puis l'emmener avec moi quand je le voudrai ». Brigitte, effrayée de ces pensées étranges et terribles, lutta par la plus fervente prière contre la tentation ; elle renouvela sa profession de foi ; elle savait bien que la sainteté des sacrements ne dépend pas du mérite ou de l'indignité de ceux qui les dispensent ; souvent elle avait admiré ce prodige d'humilité de Jésus qui permet que son corps adorable soit manié par des prêtres indignes. Bien que pénétrée de ces vérités, il lui sembla, sous le coup de la tentation, que la foi était sur le point de s'éteindre dans son cœur. Dans les angoisses de cette lutte violente, un Ange lui apparut tout à coup et lui dit : « Ma fille ne réponds pas à cet insensé, car celui qui s'est approché de toi est le père du mensonge ; mais tiens-toi prête, car ton Époux approche ». Jésus apparut alors et obligea Satan à confesser la fausseté de ses insinuations. Il affermit de nouveau la foi de son épouse, et la consola de ces paroles pleines d'amour : « Je veux qu'à partir de ce jour tu reçoives plus souvent mon Corps ; il est le remède et l'aliment qui fortifient l'âme. Chaque fois qu'une pensée de doute, sur le Corps du Christ, naîtra dans ton cœur, fais-en part à tes amis spirituels, et sois ferme dans la foi ; car tu sais, à n'en pas douter, que ce Corps, que j'ai pris dans le sein virginal de ma Mère, qui a été crucifié et qui règne maintenant dans le Ciel, est le même que celui que tu adores sur l'autel et que reçoivent les bons et les méchants (1) ». Satan ne se laissa pas décourager par cette première défaite, et il recourut à d'autres armes pour vaincre Brigitte. Lorsqu'elle se trouvait épuisée par le jeûne, il excitait en elle le désir de manger (1) ; il lui montrait les mets les plus exquis, en sorte que la pauvre pénitente, depuis longtemps habituée à mener une vie angélique, était tourmentée à ce point du désir de manger et de boire qu'elle ne pouvait plus songer qu'à des mets délicats et à des boissons rafraîchissantes. (1) Révélations IV, 61, et VI, 29. La Sainte triompha de cette tentation en redoublant ses jeûnes et ses veilles ; ce que saint Jérôme avait dit autrefois de sainte Paule pouvait se dire aussi de Brigitte : « Le jeûne était sa nourriture, et les veilles étaient son sommeil ». Le malin esprit lui rappela aussi la noblesse de sa naissance, sa parenté avec la maison royale de Suède, la couronne princière qu'elle était en droit de porter, et enfin les avantages de la nature et de la grâce qui lui étaient échus avec tant d'abondance. Brigitte repoussa ces pensées de vanité avec une sainte indignation et répondit au père du mensonge : « O démon, c'est par ton orgueil que tu es tombé. Que me servirait de chercher une vaine gloire, puisque le corps de la reine ne vaut pas mieux que celui de la servante, et que tous deux ont été faits de poussière et de terre. Pourquoi ne m'humilierais-je pas, moi qui suis incapable d'avoir une bonne pensée à moins que Dieu ne me l’inspire ? ». (1) Extravag. 57. Alors le Christ lui apparut, lui témoigna sa joie de la victoire qu'elle venait de remporter sur l'orgueil, la plus dangereuse de toutes les tentations, et lui dit que l'humilité est l'échelle sur laquelle on s'élève de la terre jusqu'au cœur de Dieu (1). Bien que l'esprit des ténèbres vît de nouveau ses espérances déçues, il ne songea nullement à renoncer au combat et résolut au contraire, de tourmenter de plus en plus l'épouse du Seigneur, afin que, de guerre lasse, elle finît enfin par se fatiguer et se refroidir dans le service de Dieu. Lorsque la nuit elle veillait pour prier, il lui fermait violemment les yeux, ou bien il étreignait tous ses membres ; et, ainsi que Jésus lui-même le dit à notre Sainte, il serait allé plus loin encore, si on le lui avait permis (2). Il profitait des petits défauts de caractère de Brigitte pour la porter à l'impatience, et l'empêcher de parler avec la douceur et la modération (3) qui conviennent à la servante de Celui qui a dit : (1) Extravag. 93. (2) Révélations, IV, 61 (3) Révélations, VI, 6. « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur ». Mais souvent elle goûtait les plus grandes consolations au moment même de la tentation. Un jour que Satan, sous la forme d'un nègre hideux, la sollicitait de nouveau de manger et s'efforçait de toute manière de l'y décider, Marie apparut avec une couronne éclatante sur la tête, et dit au tentateur : « Tais-toi, car cette femme m'a été confiée ». Satan répliqua : « Si je ne puis faire autre chose, je veux au moins jeter une épine dans le bas de son vêtement ». La Très-Sainte Vierge lui répondit : « Je lui prêterai mon assistance, et aussi souvent que tu lanceras contre elle cette épine, celle-ci te sera relancée sur la figure, et la couronne de Brigitte en sera embellie (1) ». La Sainte devait souvent encore ressentir la piqûre de cette épine ; mais dès qu'elle était menacée d'en être blessée, elle considérait avec une sainte attention la couronne d'épines de la Passion de Notre-Seigneur, et se l'enfonçait profondément dans l’âme ; elle continua ainsi à avancer avec courage et résolution dans le sentier escarpé de la perfection, et changea les épines acérées en brillantes pierres précieuses pour sa couronne céleste. (1) Extravag. 67. Le Seigneur dirigeait son épouse vers une sainteté toujours plus grande en lui enseignant lui-même les voies de la perfection, et en relevant ainsi avec une inexorable sévérité toutes les fautes qu'elle commettait. Souvent elle entendait les supplications que son Ange-gardien adressait à Dieu pour elle ; elle comprit alors avec quelle terrible rigueur elle serait jugée si elle n'expiait ici-bas tous ses péchés. Dans une de ses visions, elle entendit que son Ange demandait miséricorde pour elle et que le Seigneur lui répondait : « Soit, mon serviteur ; mais dis-moi quelle miséricorde tu sollicites pour mon épouse ». Et l'Ange répondit : « La miséricorde pour l'âme et le corps, afin qu'elle puisse réparer dans ce monde les péchés qu'elle y a commis, et qu'aucune de ses fautes ne tombe sous votre jugement ». Jésus répondit alors : « Qu'il soit fait selon ta volonté ». Puis s'adressant à son épouse, il lui dit : « Tu m'appartiens ; c'est pourquoi j'agirai avec toi selon mon bon plaisir. N'aime rien autant que moi, et, dans ce but, purifie-toi sans cesse de tes péchés, selon le conseil de ceux à qui je t'ai confiée. Ne cache aucune faute ; scrute ta conscience avec le plus grand soin ; ne tiens pas tes écarts pour insignifiants et ne te permets aucune négligence ; car je me souviendrai de tous tes manquements et les jugerai moi-même. Mais aucun des péchés que tu auras expiés par la pénitence durant ta vie ne tombera sous le coup de ma justice (1) ». Le Seigneur la pressait de s'amender lorsqu'il lui arrivait de ne pas combattre immédiatement un léger mouvement d'impatience, lorsqu'elle laissait échapper une parole dure, ou qu'elle infligeait d'une voix trop élevée un blâme même nécessaire. Il lui dit même que c'était sa volonté expresse qu'elle ne se mît plus en colère, et qu'elle ne parlât que lorsque le calme serait rétabli complètement dans son esprit ; mais que dans tous les cas où le silence n'était pas une faute, elle devait le préférer au désir de parler, afin d'augmenter le nombre de ses mérites (2). Un jour le Seigneur, faisant allusion au lien intime qui unissait Brigitte à la Très-Sainte Trinité, lui dit : « Sois ferme dans mon service ; tu es comme enfermée dans une forteresse dont tu ne peux sortir ni percer les murailles. Endure de bon gré une légère affliction, et tu jouiras un jour d'un repos éternel dans mes bras. Tu connais la volonté du Père ; tu entends les paroles du Fils ; tu sens et tu comprends mon Esprit ; et parce que ma Mère et mes Saints daignent te parler, tu es remplie de joie et de consolation. Persévère donc, sinon tu éprouveras ma justice, qui te contraindra à faire ce que te conseille aujourd'hui mon amour (1) ». (1) Révélations, I, 36, (2) Révélations, VI, 6. L'épouse choisie du Seigneur correspondait aux exigences divines avec une fidélité si héroïque, elle se gardait avec un soin si scrupuleux de la moindre faute, et s'efforçait tant de corriger les plus petits défauts de son caractère, qu'elle fut jugée digne d'entendre, dans une de ses visions, ce que son bon ange disait au Seigneur : « Seigneur, vous avez dit autrefois de votre nouvelle épouse que lorsque vous vous tournez vers le Midi, elle se tourne vers l'Occident. Maintenant, au contraire, vous pouvez dire que n'importe de quel côté vous vous tourniez, elle vous suit aussi bien qu'il lui est possible ». Jésus répondit à ces paroles si pleines de consolation pour Brigitte : « Il convient que l'épouse obéisse et s'humilie devant son Dieu (1) ». (1). Révélations, I, 46. Parmi les grâces nombreuses et admirables que Dieu accorda à notre Sainte à Alvastra, ce ne fut pas une des moindres pour elle que de recevoir une protectrice spéciale, avec laquelle elle vécut dans l'intimité, comme une sœur avec une sœur, jusqu’au lin de ses jours. Avant que Brigitte ne se rendît du fond de la Suède à Rome, elle devait voir la plus noble de toutes les Romaines, et être confiée à sa garde. Jésus et Marie voulurent donner à leur servante une Patronne spéciale ; ils choisirent dans ce but parmi la phalange glorieuse des Saints, non point une sainte Monique, ni une Paule, ni une Olympie, ni une Elisabeth, qui toutes étaient devenues dans le veuvage, comme Brigitte, un miroir de rare sainteté, mais une des plus aimables vierges, sainte Agnès. (1) Extravag., 52. Cette grande Sainte apparut souvent soit seule, soit en compagnie de la Très-Sainte Vierge Marie à l'humble veuve d'Ulpho, et lui prodigua des enseignements, des conseils et des consolations célestes. A partir de cette époque aussi, Marie disait souvent à Brigitte, avec l'accent d'une bonne mère qui confie sa fille à une sœur plus prudente et plus expérimentée : « Obéis aux conseils que te donne Agnès dans les visions ; et obéis aussi à ton directeur ; car tous deux t'instruisent dans le même esprit. Obéir à l'un, c'est obéir à l'autre (1) ». Brigitte se trouva donc placée à côté des saintes vierges, privilège que ne posséda aucune des autres saintes femmes. Elle était l'épouse nouvellement choisie du Seigneur, et à l'excellente école de sa sainte Patronne, elle aimait uniquement, comme celle-ci, et l'auteur de la vie, dont l'amour et la possession rendent les âmes chastes et virginales (2). (1) Révélations, IV, 5, et Extravag., 63. (2) Ex offic. S. Agnetis. Mais tandis que la vie de l'âme de sainte Brigitte s'épanouissait d'une manière toujours plus splendide au couvent de Sainte-Marie, les forces de son corps allaient en diminuant à vue d'œil. Plus épuisée encore par la résistance qu'elle opposait aux violentes tentations de Satan que par ses jeûnes et ses pénitences austères, elle tomba gravement malade ; et bientôt, dévorée par une fièvre ardente, elle ressemblait à un cierge qui après avoir brillé sur l'autel, est près de s'éteindre. Comment perdit-elle si rapidement ses forces, qu'elle fut en un instant au bord de la tombe ? Fut-ce par l'ardeur de la fièvre, ou bien par le feu de l'amour divin qui la consumait ? Personne ne saurait le dire. Quoi qu'il en soit, Brigitte supporta les souffrances de la maladie la paix dans le cœur et le sourire sur les lèvres, ce qui est le propre des saintes âmes lorsque Dieu les jette sur un lit de douleur ; elle ne changea rien à sa manière de vivre, et n'abandonna aucun de ses exercices habituels de pénitence et de mortification. Le Prieur d'Alvastra, maître Mathias, et l'Évêque de Linkoping, auquel la Sainte avait rendu des services importants par ses prières et ses conseils, et pour lequel elle avait reçu plusieurs révélations (1), firent venir à Alvastra les médecins les plus célèbres. (1) Révélations, III. 13, et VI, 22. Grâce à leur habileté, la malade fut bientôt guérie ; mais les forces de Brigitte parurent comme anéanties ; elle resta complètement épuisée et sa convalescence faisait très peu de progrès. Les médecins déclarèrent alors que les chances d'un rétablissement complet dépendraient de l'adoption d'un nouveau traitement, et de l'usage de certains bains. Brigitte ne s'y décida que difficilement parce que, après la mort de son mari, elle avait fait vœu de s'abstenir de bains et de tout ce qui pouvait soulager le corps. Maître Mathias, informé de ces dispositions, lui écrivit sur-le-champ et lui ordonna, en vertu de l'obéissance qu'elle lui devait, de se soumettre à toutes les prescriptions des médecins. Elle obéit, comme toujours, sans faire aucune objection, avec joie et contentement ; et lorsque Mathias alla la voir le lendemain, elle lui dit en souriant : « Mon Père, un ordre si absolu n'était pas nécessaire pour me faire obéir ; votre désir seul eût suffi ». Deux jours plus tard, Jésus lui apparut et lui dit : « Sache que, dans l'Ancien Testament, on appela pharisiens les hommes qui paraissaient religieux, mais qui au fond ne l'étaient pas. On les reconnaissait à trois signes : ils faisaient de fréquentes ablutions, afin de paraître purs ; ils jeûnaient et priaient publiquement, afin de passer pour saints ; ils enseignaient et ordonnaient beaucoup de choses qu'eux-mêmes pratiquaient le moins possible. Mais ces marques extérieures étaient de peu de valeur aux yeux de Dieu, parce que les intentions de ces hommes étaient perverties et que leurs âmes étaient souillées. De même qu'à une âme souillée les ablutions du corps ne servent souvent à rien, du moment que la conscience n'est pas purifiée ; de même l'ablution du corps ne peut causer aucun dommage à une âme qui est pure, lorsque cet acte se fait par un bon motif. J'ai donc éprouvé plus de satisfaction à te voir obéir à ton maître contre ton gré, que si tu avais persisté dans ta volonté, contrairement à ce qu'il t'avait ordonné (1) ». Lorsque maître Mathias visita de nouveau sa sainte pénitente, il remarqua qu'elle était presque hors d'état de parler, à cause de la grande soif qu'elle endurait. Il lui ordonna de faire trêve à ses habitudes, et de boire un peu d'eau entre les repas. (1) Extravag., 60. Elle obéit aussitôt, mais non sans éprouver une légère peine, car il lui semblait qu'il pourrait y avoir grand péril pour elle à modifier subitement toutes ses anciennes habitudes. Elle entendit alors la douce voix, dont le son la ravissait si souvent, et qui lui dit : « Pourquoi crains-tu de modifier ta vie ? Ai-je donc besoin du bien que tu fais ? ou est-ce par tes mérites à toi que tu entreras au ciel ? Obéis donc en toutes choses à ton maître ; dusses-tu manger et boire dix fois le jour, par obéissance, cela ne pourrait l’être imputé à péché (1) ». Marie aussi expliqua à la Sainte que de manger par obéissance était bien plus agréable à Dieu que de jeûner en suivant sa volonté propre (2). Aussi Brigitte s'abandonna-t-elle de plus en plus à la direction de son confesseur ; elle ne connut plus d'autre volonté, d'autre opinion ni d'autre jugement que les désirs et les commandements de celui qui remplaçait Dieu auprès d'elle, et dont les décisions lui étaient mille fois plus sacrées que tout ce qu'elle voyait et entendait dans ses visions et extases célestes. (1) Extravag., 61. (2) Révélations, VI, 49,
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 15/12/2016, 21:38 | |
| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre XI ème.
11/40. CHAPITRE XI. CHAPITRE XI - Brigitte reçoit de Jésus-Christ la règle de l'Ordre du Très-Saint Sauveur. Pierre d'Alvastra. Notre Sainte opéra des miracles sans nombre, aussi bien durant sa vie qu'après sa mort. Mais elle était elle-même la plus grande des merveilles. Brigitte avait été mariée, et cependant elle devient l'épouse choisie et préférée du Seigneur. Elle ne s'était jamais beaucoup occupée de sciences ni d'études, et sa sagesse, sa science profonde, même dans le domaine de la théologie, illuminent le monde entier. Elle est Religieuse, sans jamais vivre dans un couvent ; elle est la fondatrice d'un nouvel Ordre dans l’Eglise de Dieu, sans porter un seul jour l'habit de cet Ordre. Parmi les nombreuses grâces que Dieu accorda à notre Sainte pendant son séjour à Alvastra, une des plus signalées fut sans aucun doute la fondation de cet Ordre. Car elle n'en reçut pas la règle par l'inspiration du Saint-Esprit, comme la plupart des fondateurs d'Ordres, ni par l'entremise d'un Ange, comme il arriva à saint Pacôme, mais de la bouche de Jésus-Christ lui-même, qui la lui dicta mot pour mot. Et voici comment : dans une de ses visions, elle aperçut un homme et une vierge d'une rare beauté, et une voix lui dit : « Les deux personnes que tu vois sont Jésus-Christ et sa mère Marie ; ils t'apparaissent tels qu'ils furent durant leur vie terrestre ; mais il t'est impossible de connaître ou de voir leur corps, tels qu'ils sont maintenant au ciel ». Quand la voix se tut, Jésus ouvrit ses lèvres bénies et dit à Brigitte : « Je suis comme un roi puissant qui cultivait ses vignes. Pendant longtemps elles produisirent du très bon vin. Un jour les serviteurs du maître lui dirent : Seigneur, nous avons visité vos vignes, et nous y avons trouvé fort peu de ceps qui donnent du vin ; au contraire, la mauvaise herbe, qui n'est bonne qu'à être brûlée, y a poussée outre mesure ». Le Seigneur leur répondit : « Je planterai une nouvelle vigne ; on y portera des ceps, et ils y prendront racine…. Au moyen de cette vigne, un grand nombre d'autres, depuis longtemps desséchées, se renouvelleront, et recommenceront à rapporter ». Et lorsque peu après, Brigitte retomba en extase, Jésus continua de lui parler ainsi : « Je t'ai dit auparavant que je ressemblais à un roi qui cultivait de bonnes vignes dont les produits furent longtemps admirables. Par ces vignes, j'entendais les Ordres et les règles ce des saints Pères, par lesquels ceux qui avaient soif se trouvaient désaltérés, ceux qui souffraient du froid, réchauffés, les orgueilleux, ces humiliés, et les aveugles, éclairés ? Mais aujourd'hui, hélas ! les éléments de la culture des vignes sont dispersés, les gardes dorment, ce les voleurs entrent dans le domaine, les racines sont soulevées par les taupes, les ceps dépourvus de sève et desséchés ; enfin les grains sont jetés à terre par le vent, et foulés aux pieds (1). Afin que le vin ne vienne pas à manquer, je planterai une nouvelle vigne dans laquelle tu porteras les ceps de mes paroles ; mon ami les mettra en terre ; et moi-même, ton Dieu, j'y ajouterai ma grâce. (1) Au quatorzième siècle, la discipline s'était relâchée dans beaucoup de couvents. " J'enverrai dans cette vigne des gardiens qui ne s'endormiront pas la nuit. Je l'entourerai d'un mur formé par l'amour divin. J'y planterai et j'y affermirai les racines de la bonne volonté, qui ne seront point minées par les tentations du démon. Je veux étendre les ceps de l'activité et rendre doux pour beaucoup les grains de leur bonne intention et de leur dévotion. Toi donc, qui es destinée à porte ter les ceps, tu dois être forte et persévérante à porter ce que tu reçois, prête et vigilante à et l'accepter, fidèle et prévoyante à le garder, et afin que le démon ne te trompe pas. Pour ces motifs, tiens-toi ferme et aime-moi de tout cœur. Fuis l'orgueil, embrasse l'humilité, garde ta bouche pure et tes membres sans tache, en mon honneur. Obéis aux ordres que je t'ai donné ; scrute sans cesse ta conscience afin de discerner quand et jusqu'à quel point tu pèches. Relève-toi aussitôt que tu auras fait une chute ; ne te mets pas en peine des honneurs et des joies du monde, car lorsque tu me posséderas, toute chose te paraîtra douce. Et si tu m'aimes parfaitement, tout ce qui est en dehors de moi, c'est-à-dire ce qui est du monde, te semblera amer comme du poison (1) ". Le nouvel Ordre, qui suit la règle de Saint-Augustin, est connu généralement sous le nom de l'Ordre du Très-Saint-Sauveur, parce que Jésus-Christ lui-même le fonda par l'intermédiaire de sa fidèle servante, ou encore sous le nom de l'Ordre de Sainte-Brigitte. Les points principaux de la règle sont les suivants : « L'Ordre est fondé principalement en l'honneur de la Très-Sainte Vierge Marie pour soixante Religieuses et vingt-cinq Religieux. Je désire, dit Jésus à Brigitte, que cet Ordre, institué tout d'abord en l'honneur de ma Mère bien-aimée, soit établi par des femmes : j'en expliquerai moi-même, et de la manière la plus complète, les règles et les statuts.
Le fondement de cet Ordre, qui est le fondement du salut, c'est la vraie humilité, la chasteté parfaite et la pauvreté volontaire.
Les Sœurs doivent être au nombre de soixante et non davantage. (1) Introduction à la sainte règle, chap. I-III Elles seront assistées de prêtres, qui diront chaque jour la sainte Messe et chanteront l'Office.
Ils seront complètement exclus du couvent des Sœurs et habiteront dans un bâtiment particulier, qui communiquera avec l'église et avec le chœur inférieur. Le chœur des Sœurs devra se trouver immédiatement sous la voûte, de telle sorte toutefois qu'elles puissent voir célébrer les Saints-Mystères et entendre chanter l'Office des moines. Les prêtres devront être au nombre de treize, comme les Apôtres, dont le treizième, Paul, n'a pas travaillé le moins. Après cela, il y aura quatre diacres, qui pourront aussi devenir prêtres s’ils en ont le désir ; ils représenteront les quatre grands Docteurs de l'Église, saint Ambroise, saint Augustin, saint Grégoire et saint Jérôme. Puis huit Frères convers qui feront le travail et rendront aux prêtres les services nécessaires. Si maintenant on fait le total des soixante Sœurs, des treize prêtres, des quatre diacres et des huit Frères convers, on trouvera un nombre égal à celui des treize Apôtres et des soixante-douze disciples.
Les treize prêtres devront ne s'occuper que du service divin, de l'étude et de la prière, et n'accepter aucune autre affaire ou charge. Ils seront tenus d'expliquer tous les dimanches l'Evangile du jour au peuple dans la langue du pays.
Tous les membres de l'Ordre observeront un jeûne rigoureux, coucheront sur la dure, ne se couvriront que d'un vêtement pauvre et modeste, et porteront sur ce vêtement un symbole de la Passion du Seigneur. Les Sœurs porteront sur le voile une couronne de toile blanche, sur laquelle seront cousus, en forme de gouttes, cinq petits morceaux de toile rouge, en souvenir des cinq plaies et de la couronne d'épines du Seigneur. Elles auront aussi un anneau d'or au doigt, en signe de leur union avec Jésus-Christ, l'Epoux divin des âmes.
Les prêtres auront sur le côté gauche de leur manteau une croix de drap rouge, et au milieu de la croix un petit rond de toile blanche en forme d'hostie, en l'honneur du mystère du Corps du Christ, qu'ils offrent journellement en sacrifice à Dieu dans la sainte Messe, Les quatre diacres auront sur leurs manteaux un rond blanc, en signe de la sagesse incompréhensible des quatre Docteurs de l'Église, qu'ils représentent. Au milieu de ces ronds seront cousus quatre petits morceaux de drap rouge sous forme de langues, comme symbole du Saint-Esprit qui descendit un jour sous forme de langues de feu sur les disciples du Seigneur. Les Frères convers enfin porteront sur leurs manteaux, comme symbole de l'innocence, une croix blanche, et sur cette croix cinq petits morceaux de drap rouge, en l'honneur des cinq plaies. Lorsqu'ils prendront l'habit et prononceront les vœux, les Frères recevront, au lieu de l'anneau et de la couronne, une bénédiction spéciale de l'Évêque, et on récitera les mêmes prières que celles que dit l'Évêque lorsqu'il met l'anneau au doigt des Sœurs et qu'il leur pose la couronne sur la tête. Tous les Frères porteront aussi la tonsure, selon l'usage suivi dans d'autres couvents. Les Sœurs chanteront chaque jour l'Office de la Très-Sainte Vierge Marie avec trois leçons ; les Frères réciteront le grand Office. Il y aura chaque jour deux Messes conventuelles. Les Frères commenceront de très bonne heure les matines et les laudes, qui seront suivies de celles des Sœurs ; les heures seront chantées ainsi alternativement, afin que, du matin au soir, les louanges de Dieu ne soient jamais interrompues dans les églises des couvents de l'Ordre.
Les Frères et les Sœurs accompliront les œuvres de pénitence en usage dans tous les Ordres, et observeront un silence rigoureux aux heures déterminées de la journée. II devra aussi y avoir, dans un lieu approprié du couvent, une fosse qui restera ouverte comme une tombe, et où les Sœurs se rendront chaque jour après tierce.
L'Abbesse y jettera une pincée de terre avec deux doigts, et toutes ensemble réciteront le psaume De Profundis.
On placera aussi une civière chargée d'un peu de terre tout près de l'entrée de l'église, de manière que les entrants puissent toujours la voir, et que ceux d'entre eux qui la remarqueront se souviennent de la mort, et pensent, dans leurs cœurs, qu'ils sont poussière et qu'ils retourneront en poussière ». Quant aux Supérieurs de l'Ordre, Jésus dit : « L'Abbesse doit être élue par rassemblée conventuelle, d'après le conseil et avec l'approbation de l'Évêque. Elle sera, en l'honneur de la Très-Sainte Vierge, ma Mère, à qui cet Ordre est consacré, la tête et la maîtresse du couvent, de même que la Vierge, que l'Abbesse représente sur la terre, a été la Maîtresse et la Reine de mes Apôtres et de mes disciples après mon Ascension. L'Abbesse, après s'être concertée avec les Frères et les Sœurs assemblés, devra choisir comme confesseur de tous un des treize prêtres ; puis l'Evêque devra l'installer et lui donner les pouvoirs nécessaires ; Après que l'Evêque lui aura conféré d'une manière complète le pouvoir de lier et de délier, de punir et de corriger, tous les prêtres et les Frères, ainsi que les Sœurs de l'Abbesse, devront lui obéir en toutes choses et ne rien faire sans son ordre. L'Abbesse, en qualité de chef du couvent, devra être consultée pour le règlement des affaires et l'administration des biens du couvent.
L’évêque, dans le diocèse duquel se trouvera un couvent, sera le Père et le Visiteur des Sœurs aussi bien que des Frères, ainsi que le juge des cas et questions qui intéresseront les Sœurs et les Frères. Le prince du royaume ou du pays sera leur défenseur et les protégera dans tous les périls. Mais lorsque, dans un danger pressant, ils demanderont secours au Pape, celui-ci devra intervenir comme un bon tuteur, au-dessus de l'Évêque et du prince. On devra enfin prendre dans la règle de Saint-Benoît ou de Saint-Bernard la manière de corriger les transgressions, d'ensevelir les morts et de recevoir la visite de l'Evêque ; on devra aussi se reporter à ces règles pour compléter les prescriptions utiles dont Jésus-Christ n'aura pas dicté lui-même le texte ». Brigitte resta en extase pendant tout le temps qu'elle reçut cette règle, qui contient vingt-quatre chapitres et dont nous n'avons cité que les points les plus importants. Et afin qu’on voit comment il lui fut possible de saisir tous ces détails dans une extase, d'en conserver le souvenir et de mettre par écrit toute la règle, sans y apporter le moindre changement, nous allons rapporter ici ses propres paroles. « Tout ce que renferme cette règle , dit-elle, Dieu, le Créateur de toutes choses, a daigné le communiquer à mon indigne personne d'une façon si merveilleuse et en si peu de temps, que je ne saurais le raconter d'une manière satisfaisante. Aussi nul homme ne saurait comprendre, sans le secours d'une comparaison matérielle, comment tant de paroles ont pu être prononcées et saisies en un si court espace de temps. « Représentez-vous un vase renfermant une quantité d'objets précieux de tout genre : en une seule fois on le viderait devant vous, de manière à étaler devant vos yeux tous les objets ; mais on ne vous laisserait que le temps d'en embrasser d'abord l'ensemble d'un coup d'œil, puis de les distinguer les uns des autres, puis enfin de les ramasser tous un à un. De même, dès que Jésus-Christ eût ouvert ses lèvres bénies, tous les articles de cette règle, ainsi que les mots qui s'y rapportaient, se présentèrent devant moi, non toutefois, comme s'ils avaient été tracés sur le papier, mais d'une façon qui ne peut être connue que de celui qui les a entendus d'une manière si merveilleuse. Une puissance étonnante me permit de les saisir, et mon entendement parvint à les distinguer les uns des autres. Finalement, je restai plongée dans cette vision jusqu'à ce que j'eusse tout rassemblé dans ma mémoire, au moyen de la grâce de Jésus-Christ. Quand je fus revenue à moi, mon cœur fut rempli d'une telle ardeur et d'une telle joie qu'il n'eût pu en recevoir davantage sans se rompre d'allégresse.
Durant plusieurs jours, il fut comme un ballon gonflé outre mesure, jusqu'à ce que j'eusse communiqué tous les articles, mot pour mot, à un ami de Dieu (1) qui les transcrivit le plus rapidement possible. Après que tout eut été mis parfaitement par écrit, mon cœur et mon corps revinrent peu à peu à leur état naturel. Louange et honneur au Dieu Tout-Puissant. Amen (2) ». Invitée à plusieurs reprises par Dieu à mettre par écrit tout ce qu'elle entendait de lui dans ses extases, et à l'envoyer à ses enfants et à ses amis (3), elle rédigea toutes ses révélations dans sa langue maternelle, et son confesseur les traduisit en latin et les expédia aux Evêques et à d'autres hommes éclairés de Dieu. Mais Mathias ne pouvant quitter Linkoping, la résidence de l'Evêque, que de plus en plus rarement, pour visiter le couvent de Sainte-Marie d'Alvastra, Jésus ordonna à sa servante, de dire en son nom au Frère Pierre, qu'il voulût bien mettre les révélations en langue latine. En même temps le Seigneur lui fit dire que, pour chaque lettre qu’il allait tracer ainsi, il ne recevrait de lui ni or ni argent, mais bien un trésor impérissable. (1) Cet ami de Dieu était Pierre Olafson, autrefois Sous-Prieur d'Alvastra. (2) Règle du Saint-Sauveur, chap., XX (3) Révélations, VI, 101. Lorsque Brigitte communiqua, avec une modestie et une simplicité d'enfant, le message du Seigneur, tel qu'elle l'avait entendu, au Sous-Prieur d'Alvastra celui-ci ne consentit pas immédiatement à y faire droit, mais demanda le temps de réfléchir. Bien que dans la suite Pierre Olafson fût convaincu de l'authenticité des révélations de Brigitte, son âme se demandait encore en ce moment s'il n'y aurait pas quel qu’illusion du démon derrière ces merveilleuses visions et ces extases ? Après avoir repoussé cette pensée comme une tentation, il s'éleva en lui une véritable lutte entre son humilité et le désir de son cœur d'accéder à la demande de la Sainte. Rempli de ces pensées, Pierre se rendit le soir à l'église pour y prier et demander conseil à Dieu. Mais lorsqu'il eut résolu, par humilité, de ne pas accepter la communication de ces révélations divines, ni de les mettre par écrit, parce qu'il se croyait indigne d'une pareille tâche, il fut subitement comme frappé de la main de Dieu et renversé à terre, en sorte qu'il resta étendu sans mouvement, privé complètement de ses sens et de ses forces ; son esprit néanmoins conserva toute sa lucidité. Les moines le trouvèrent dans cet état, le portèrent dans sa cellule et le déposèrent sur son lit. Il demeura comme inanimé, une grande partie de la nuit. A la fin, comme inspiré de Dieu, il eut la pensée qu'il souffrait peut-être pour n'avoir pas voulu obéir aux révélations ni aux ordres de Jésus-Christ transmis par Brigitte, et aussitôt il dit dans son cœur : « O Dieu, s'il en est ainsi, ayez pitié de moi ; voici que je suis prêt à obéir et à écrire tous les mots qu'elle me communiquera de votre part ». Au moment même où il donna ce consentement, il se sentit complètement rétabli. Le lendemain il s'empressa de se rendre auprès de Brigitte, et lui offrit de mettre par écrit tout ce qui lui serait révélé. La Sainte, déjà instruite de ce qui s'était passé, lui dit que, dans une autre révélation, Jésus lui avait adressé les paroles suivantes : « Je l'ai frappé parce qu'il n'avait pas voulu obéir, puis je l'ai guéri ». Dis-lui donc : « Prends et lis, et revois ma parole écrite ; puis écris à ton tour : je te donnerai un docteur de ma loi comme compagnon de travail. En outre, sois-en bien assuré, mes paroles, que tu entendras sortir de la bouche de cette femme, opéreront un si grand œuvre, que les puissants seront humiliés et que les sages en demeureront interdits. Ne crois pas non plus ce que les paroles qu'elle te communiquera viennent du mauvais esprit, parce que je prouverai par des faits ce que je dirai ». A partir de ce jour, Pierre commença à mettre par écrit, sous la dictée de Brigitte, toutes les visions et révélations divines dont elle fut honorée. Bientôt après il fut élu Prieur. Cette nouvelle fonction accrut le nombre de ses occupations, et, comme de continuels maux de tête, dont il souffrait depuis son enfance ne lui permettaient d'écrire qu'avec beaucoup de peine, il demanda à Brigitte de prier pour lui. Lorsque la Sainte présenta cette requête au Seigneur, Jésus lui apparut et lui dit : « Va dire au frère Pierre qu'il sera délivré de sa douleur de tête ; qu'il transcrive donc courageusement les paroles que je te révèle ; car plus tard je lui donnerai encore des aides ». Depuis ce moment, Pierre Olafson resta trente ans sans ressentir la moindre douleur à la tête (1). (1) Extravag., 48 et 109. Lorsque ce fut un peu calmée l'allégresse que cette nouvelle grâce avait excitée dans l’âme de la Sainte, elle fut prise de l'inquiétude de savoir comment on trouverait assez de personnes pour fonder le nouvel Ordre ; et ce ne fut pas sans souci qu'elle envisagea l'avenir. La Très-Sainte Vierge lui apparut alors et lui dit avec bonté et douceur : « Ma fille, tu te mets en peine des personnes qui devront entrer bientôt dans cet Ordre. Sache que mon Fils, qui t'en a dicté lui-même la règle, connaît mille personnes pour chacune de celles que tu espères et que tu attends ». Brigitte, habituée à communiquer avec simplicité toutes ses pensées à la Mère de Dieu, lui répliqua : « O ma Souveraine, on trouvera aisément des femmes qui voudront bien se soumettre à l’Ordre ; mais il sera bien difficile de recruter des hommes qui consentiront à se placer sous le gouvernement d'une femme ; car beaucoup sont enorgueillis par la science, et le monde les comble d'honneurs et de biens ». Mais Marie calma encore les craintes de la Sainte, en rassurant que Jésus connaissait déjà ceux qu'il destinait à cette pieuse œuvre, et ceux que sa volonté y appellerait dans la suite. Cette communication remplit d'une nouvelle joie l'âme de Brigitte (1). Brigitte reçut encore du divin Sauveur une série de révélations célestes, qui contenaient beaucoup de prescriptions et de conseils pour les moindres détails du nouvel Ordre, ainsi que des instructions et des exhortations à la perfection pour les futurs Religieux. Toutes ces paroles portaient véritablement le cachet de la sagesse divine, et le Prieur d'Alvastra les transcrivit sous la dictée de la Sainte. Lorsqu'il mit la sainte règle par écrit, il lui fut sévèrement défendu d'y ajouter quoi que ce fût de ses propres pensées. Cependant il devait, sur Tordre de Jésus-Christ, rédiger lui-même, à l'usage des membres de l'Ordre, ce qui était indispensable pour diverses dispositions extérieures, ainsi qu'une explication sur les degrés de l'humilité (2), tels qu'il les avait appris dans la règle de Saint-Benoît. Ce fut là l'origine des Additions que Pierre Olafson rédigea pendant qu'il était Prieur d'Alvastra, et qu'il ajouta à la règle de F Ordre de Sainte-Brigitte. (1) Extravag., 19. (2) Extravag., 1. Pendant le temps que Brigitte passa encore au couvent de Sainte-Marie d'Alvastra, elle fut honorée de tant de révélations, que maître Mathias, auquel Pierre remettait de temps en temps les rédactions par lui faites, en avait déjà publié tout un volume avant l’année 1350. Dans la préface de ce livre qui commençait par ces mots : « Des événements prodigieux et terribles ont eu lieu dans notre pays ». Maître Mathias prouvait l'authenticité des visions de sa sainte pénitente, et citait de nombreuses conversions opérées par ses révélations, ainsi que plusieurs miracles par lesquels Dieu glorifiait alors déjà son humble servante.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 15/12/2016, 23:59 | |
| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. 12/40. CHAPITRE XII. CHAPITRE XII - Révélations sur la vie cachée de Jésus, de la Très-Sainte Vierge et de saint Joseph. Wadstena. Le Livre des questions. Parmi les révélations célestes dont Brigitte fat honorée à cette époque, celles qui se rapportent à la jeunesse de Jésus et à la jeunesse de sa très sainte Mère sont particulièrement gracieuses et touchantes. Nous croyons devoir les rapporter ici au moins en partie, parce qu'elles furent données à la Sainte précisément afin d'arriver par elle à la connaissance d'autres personnes. Quant aux révélations sur la Passion et la mort du divin Sauveur, que Brigitte eut aussi en grand nombre, elles se trouvent répétées presque mot pour mot dans les descriptions généralement connues qu'une âme merveilleusement favorisée de nos jours, la véritable servante de Dieu, Catherine Emmerich, en a faites à la suite des scènes de la Passion qu'elle voyait dans ses extases. Il a donc paru inutile de relater ici les révélations de même nature de sainte Brigitte. La Sainte-Vierge dit un jour à Brigitte : « Je vais t'exposer comment, dès l'instant que j'appris et compris que Dieu existe, je fus toujours remplie de sollicitude et de crainte au sujet de mon salut. Mais quand je sus que Dieu était mon Créateur et le juge de mes actions, je m'attachai tendrement à lui et je craignis toujours de dire ou de faire quelque chose qui pût l'offenser. Lorsque j'appris plus tard qu'il avait donné sa loi et ses préceptes à son peuple, et qu'il avait opéré en sa faveur tant de merveilles, je résolus dans mon cœur de n'aimer plus que lui, et toutes les choses de ce monde me devinrent amères. Puis ayant appris que ce même Dieu devait naître d'une Vierge et racheter le monde, je me sentis enflammée d'un tel amour pour lui que je ne désirais plus que lui, et ne pensais plus qu'à lui. Je m'éloignais autant que possible de la société et des entretiens de mes parents et de mes amis, et je donnais aux pauvres tout ce que je pouvais avoir, ne me réservant que le nécessaire pour me nourrir et me vêtir modestement. Rien ne me plaisait que Dieu, et je désirais toujours de vivre jusqu'au temps de sa naissance, avec la pensée que je mériterais peut-être de devenir l'indigne servante de la Mère de mon Dieu. Je fis aussi le vœu dans mon cœur de ne rien posséder ici-bas, et de garder la virginité, si Dieu l'avait pour agréable ; sinon, je lui demandai que sa volonté se fît, et non la mienne. Persuadée qu'il peut tout et qu'il ne voulait rien qui ne me fût utile, je remis entièrement ma volonté entre ses mains. « Lorsque arriva le temps où, selon la loi, on présentait les vierges au temple, je pris place parmi elles, pour obéir à mes parents, pensant en moi-même que rien n'est impossible à Dieu et que, puisqu'il savait que je ne désirais et ne voulais que lui, il pouvait bien si tel était son bon plaisir, me conserver dans la virginité ; sinon, je demandai que sa volonté se fît.
« Après avoir appris, dans le Temple, tout ce qui était prescrit, je retournai à la maison paternelle, et mon amour pour Dieu était plus ardent encore qu'auparavant ; chaque jour, je sentais croître en moi les flammes et les désirs de l'amour divin. Je m'isolai donc encore davantage, et je demeurai seule nuit et jour, craignant extrêmement que ma bouche ne dît ou que mon oreille n'entendît quelque chose qui pût offenser mon Dieu, ou que mes yeux ne rencontrassent quelque chose de mauvais. Mais d'autre part, le silence que je m'étais imposé était pour moi un sujet de crainte et d'angoisse, car j'avais peur de taire ce que j'aurais dû dire. Tandis que j'étais ainsi fortement troublée dans mon cœur, et que je mettais tout mon espoir en Dieu, il me vint à l'esprit de considérer quelle est sa puissance infinie, de rechercher comment les Anges et toutes les créatures le servent, et comment sa gloire est ineffable et sans bornes.
Et comme j'étais plongée dans l'admiration, je vis trois choses merveilleuses : - je vis un astre, mais non comme ceux qui luisent au ciel ;
- je vis une lumière, mais non comme celles qui brillent dans la nature ;
- je sentis une odeur qui ne ressemblait point aux parfums des fleurs dans les champs : elle était des plus délicieuses, presqu'ineffable ; elle me pénétrait tout entière et me plongeait dans une joie sans pareille. Peu après, j'entendis une voix qui ne sortait point d'une bouche humaine. J'eus peur ; je craignis que ce ne fût une illusion.
Mais je vis apparaître aussitôt devant moi l'Ange du Seigneur, sous l'apparence d'un jeune homme d'une grande beauté, mais non revêtue de chair, et qui me dit : « Je vous salue, pleine de « grâce, le Seigneur est avec vous (1) ».
« A ces paroles, je fus grandement consolée et j'en recherchai le sens en me demandant pourquoi l'Ange m'adressait ce salut. D'une part je me croyais indigne d'un si insigne honneur, et même incapable d'aucun bien ; et de l'autre, je savais que Dieu peut faire tout ce qu'il veut.
[L’Ange me dit alors : « L'Être saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu »].
A ces mots, je sentis un ardent désir d'être la Mère de Dieu, et mon âme inondée d'amour s'écria :
« Me voici, que la volonté de Dieu s'accomplisse en moi ! ». (1) Saint Luc, I, 28-38.Lorsque la Très-Sainte Vierge eut raconté à sa fille bien-aimée par quelle voie saint Joseph avait été miraculeusement calmé et consolé dans les peines et les appréhensions dont il souffrit avant la naissance du Sauveur, elle continua ainsi : « A partir de ce jour, Joseph me traita comme sa Souveraine, et moi de mon côté, je l'aidai humblement dans ses travaux. J'étais dans une prière continuelle, ne voulant ni voir ni être vue, sortant rarement, et seulement les jours de grande fête. Je m'appliquais à veiller, et à lire ce que lisaient nos prêtres ; je consacrais chaque jour un certain temps au travail des mains, et je jeûnais discrètement selon que ma nature pouvait le supporter pour le service de Dieu. Nous donnions aux pauvres tout ce qui nous restait au-delà du nécessaire, et nous étions contents de ce que nous avions. Joseph était si parfait pour moi que jamais il ne sortit de sa bouche une parole légère, ou désobligeante, ou courroucée. Il était patient dans la pauvreté, actif dans le travail, doux envers les injures, obéissant dans mon service, prompt à me défendre contre ceux qui voulaient attaquer ma virginité, et le très fidèle témoin des merveilles de Dieu.
Il était tellement mort au monde et à la chair, qu'il ne désirait que les choses du ciel ; et il croyait si fermement aux promesses de Dieu qu'il ne cessait de dire : « Qu'il me soit donné de vivre assez pour voir l'accomplissement de la volonté de Dieu ! ». Il paraissait très rarement dans les assemblées et les conseils des hommes, parce que tout son désir était d'obéir à la volonté de Dieu. C'est pourquoi sa gloire est si grande aujourd'hui ». Un autre jour, Marie parlant à l'épouse du Seigneur, lui dit : « Je t'ai raconté déjà quelques-unes de mes, douleurs. L'une des plus grandes a été celle que j'éprouvai lorsque portant mon Fils dans mes bras, je m'enfuyais avec lui en Egypte, et que j'appris le massacre des Innocents, ainsi que les poursuites d'Hérode contre mon Fils. Bien qu'instruite de ce qui avait été écrit à ce sujet, néanmoins le grand amour que j'avais pour mon Fils remplissait mon cœur de tristesse et d'amertume. « Tu pourrais à présent me demander ce qu'a fait mon Fils pendant tout le temps qui a précédé sa Passion. Je te répondrai qu'il fut soumis à ses parents, comme le dit l'Evangile, et qu'il se comporta comme les autres enfants, jusqu'à ce qu'il fût plus avancé en âge. Les merveilles ne manquèrent point à sa jeunesse : plus d'une fois les créatures, reconnaissant en lui leur Créateur, le servirent humblement ; plus d'une fois, les idoles furent réduites au silence devant lui, et la plupart d'entre elles tombèrent en pièces à son arrivée en Egypte. Les Mages annoncèrent qu'il opérerait de grandes choses ; les Anges apparurent maintes fois en lui offrant leurs services. Jamais il n'eut sur son corps la moindre souillure, ni aucun désordre dans sa chevelure. Plus avancé en âge, il ne cessait de prier et de pratiquer l’obéissance ; il se rendait avec nous, les jours de fête, à Jérusalem et dans les autres lieux. Il y avait une grâce si merveilleuse dans son regard et dans ses discours que beaucoup de personnes affligées disaient : « Allons trouver le Fils de Marie ; il nous consolera ».
« Pendant qu'il croissait en âge et en sagesse, bien que dès le commencement la plénitude de la sagesse fût en lui, il travaillait de ses mains, et nous adressait mille paroles de consolation toute divine, de sorte que nous étions continuellement remplis d'une joie ineffable.
Lorsque nous nous trouvions gênés ou embarrassés, ou que nous craignions pour l'avenir, il ne nous procurait ni de l'or ni de l’argent ; mais il nous exhortait à la patience, et ainsi nous étions merveilleusement préservés contre l'envie. Le nécessaire d'ailleurs ne nous manqua jamais ; il nous fut donné, tantôt par la compassion des âmes charitables, tantôt par notre travail, de sorte que nous eûmes de quoi pourvoir à nos besoins, sans superflu, parce que nous ne cherchions qu'à servir Dieu.
« A la maison, il s'entretenait familièrement avec nos amis et nos voisins, et leur parlait de la loi, de ses symboles et de ses figures ; parfois aussi il discutait en public avec les savants, qui, dans leur admiration, s'écriaient : « Voici que le Fils de Joseph enseigne les maîtres eux-mêmes ; quelque grand esprit parle en lui ».
Un jour que je pensais à sa Passion et qu'il me vit triste, il me dit :
« Ne croyez-vous pas, ma Mère, que je suis dans le Père, et que le Père est en moi ? Quand vous m'avez conçu, en avez-vous été atteinte ? ou bien m'avez-vous ce engendré dans la souffrance ? Pourquoi donc vous abandonnez-vous à la tristesse ? C'est la volonté de mon Père que je meure, et je veux ce que veut mon Père, Ce que j'ai de lui ne peut pas souffrir, mais la chair que j'ai prise de vous souffrira, pour que la chair des autres soit rachetée et leur esprit sauvé ».
" Il était tellement obéissant que lorsque Joseph lui disait :
« Fais ceci, ou cela il l'accomplissait aussitôt, cachant ainsi la puissance de sa divinité de sorte qu'elle ne pouvait être connue que de moi et quelquefois de Joseph ; car bien souvent nous vîmes une admirable auréole de lumière entourer sa tête, et nous entendîmes des voix d'Anges chanter au-dessus de lui. Plus d'une fois aussi, sous nos yeux, les esprits immondes, que les exorcistes exercés dans notre loi, n'avaient pu chasser, s'enfuirent à sa vue. Que ces choses, ma fille ne sortent point de ta mémoire, et rends grâces à Dieu, qui a voulu par toi manifester aux autres son enfance (1) ». (1) Révélations, I, 10 et VI, 58 el 59, Grâce à ces rapports si intimes avec Jésus et Marie, Brigitte, appelée à devenir la fondatrice d'un nouvel Ordre, se pénétra facilement de l'esprit monastique ; elle s'efforça de régler sa vie selon les instructions qu'elle avait reçues de Jésus-Christ. Le Seigneur lui désigna Wadsténa, le château de ses ancêtres, comme berceau de l'institut. De même qu'autrefois il avait prescrit à Moyse la construction du tabernacle jusque dans les moindres détails, de même il précisa à sa servante les dispositions intérieures du couvent. Et à ce moment déjà il promit des grâces toutes spéciales à ceux qui visiteraient plus tard l'église du couvent : « L'église, dit-il, devra avoir trois portes.
- La première s'appellera la Porte du pardon ; c'est par elle que les séculiers entreront. Quiconque en franchira le seuil avec un cœur contrit et avec la volonté de se corriger, obtiendra du soulagement dans les tentations, des forces pour la pratique du bien et une grande prudence dans ses actions. C'est pourquoi cette porte devra faire face à l'Orient, parce que l'amour divin et la lumière de la foi seront augmentés dans ceux qui la franchiront.
- La seconde porte sera appelée la Porte de réconciliation et de propitiation ; c'est par là que se rendront à leur chœur les Frères, dont la prière et la foi contribueront à ramener les pécheurs vers Dieu, à améliorer l'état du royaume et à apaiser la colère divine. Pour ce motif, cette porte fera face à l'Occident, car leur prière paralysera la puissance du démon, et l'empêchera de tenter les âmes autant qu'il le veut.
- La troisième porte se nommera la Porte de la gloire et de la grâce. C'est par là qu'entreront les Religieuses. Toute Sœur qui la franchira avec un cœur contrit et l'intention sincère de ne plaire qu'à Dieu, obtiendra en ce monde la grâce d'avancer de vertus en vertus, avec toutes sortes de consolations dans les souffrances et les tentations, et un jour la gloire éternelle. Cette porte devra être du côté du nord ; car de même que le froid de la malice provient du démon, de même celles qui passeront par cette porte seront comblées d'abondantes bénédictions et pénétrées de l'amour du Saint-Esprit ; elles sentiront également croître en elles l'ardeur du divin amour (1) ». Brigitte connut dans une vision merveilleuse que Satan s'opposait énergiquement à la fondation du nouveau couvent en affirmant ses droits sur Wadstena.Elle entendit la Très-Sainte Vierge Marie dire au Roi du ciel : « Mon Fils, donnez-moi Wadstena ». (1) Extravag. 31. Aussitôt apparut Satan qui entra en lutte avec Marie au sujet du lieu destiné à être consacré à la Mère de Dieu. Pour fonder sa possession, il se prévalait d'un triple droit. Il soutenait, en premier lieu, que c'était lui qui avait inspiré aux fondateurs du domaine la pensée de bâtir, et qu'il avait eu pour amis et pour serviteurs les principaux maîtres du château. Il prétendait secondement que ce lieu était un lieu de colère et de châtiment, les seigneurs de Wadstena ayant, sur ses conseils, puni leurs sujets avec une grande rigueur. Il alléguait enfin que ce lieu lui appartenait en vertu de la souveraineté qu'il y avait exercée durant de longues années et de l'obéissance qu'il avait obtenue dans ce château, dont il avait fait sa demeure. Marie lui répondit qu'il convenait au péché de fuir et de céder la place à la grâce et à la miséricorde. Et le Seigneur lui-même termina le différend en disant : « Ma Mère, votre ennemi a été longtemps le maître de ce lieu ; dorénavant c'est vous qui en serez la Maîtresse et la Reine (1) ».
Brigitte heureuse de pouvoir transformer le magnifique château patrimonial de l'orgueilleuse famille des Folkunger, en un paisible couvent, dédié à la sainte Mère de Dieu, résolut de faire le plutôt possible le voyage d'Alvastra à Wadstena, situé à quelques milles au sud du mont Omberg, dans une baie du lac Wetter. (1) Extravag. 24. Elle se mit en route, à cheval, accompagnée de quelques amis. Elle priait et s'absorbait en Dieu en chevauchant le long des rives du lac. Tout à coup, elle fut ravie en extase. Elle vit alors une échelle qui reposait sur la terre et dont le sommet touchait au ciel. Au degré le plus élevé, elle aperçut, au ciel, Jésus-Christ assis sur un trône merveilleux, comme un juge prêt à rendre une sentence. A ses pieds, elle remarqua la Vierge Marie, et autour d'eux était rangé un chœur innombrable d'Anges et de Saints. Au milieu de l'échelle, elle distingua un Religieux, bien connu d'elle, d'une grande science théologique, mais plein d'astuce et de malice diabolique. Sa physionomie et ses gestes exprimaient une grave inquiétude et une impatience des plus vives ; il avait plus l'air d'un esprit des ténèbres que d'un Religieux. Brigitte aperçut alors les pensées et les affections du cœur de ce malheureux prêtre, qui vivait encore ; elle entendit qu'il les exprimait dans une longue suite de questions, adressées au glorieux Juge dans un langage de haine et de colère. Elle vit et entendit aussi Jésus, le Juge suprême, répondre avec une douceur et une mansuétude célestes à chacune de ces interrogations dictées par l'incrédulité et l'impiété. Parfois ces demandes et ces réponses furent interrompues par des révélations que le Seigneur faisait à son épouse bien-aimée, ou par des paroles d'amour que Marie adressait à Brigitte. Nous ne voulons citer ici que quelques-unes de ces questions étranges et impies, et donner les réponses qui y furent faites. - Première question : O juge, pourquoi dois-je scruter la sagesse de Dieu, puisque j'ai la sagesse du monde ?
- Deuxième question : Pourquoi dois-je m'affliger et pleurer puisque la joie et la gloire du monde abondent en moi ?
- Troisième question : Dis-moi pourquoi et comment je dois me réjouir dans les afflictions de la chair ?
- Quatrième question : Pareillement, pourquoi dois-je avoir peur, puisque je dispose de la plénitude de mes propres forces ?
- Cinquième question : Pourquoi obéirais-je à d'autres si ma volonté est libre et en ma propre puissance ? • Réponse à la première question : Mon ami, celui qui est sage selon le monde, est aveugle par rapport à moi, son Dieu. Donc, afin d'acquérir ma divine sagesse, il faut la rechercher avec un grand zèle.
• Réponse à la seconde question : Celui qui possède les honneurs et les joies du monde, est agité de mille soucis et se trouve enlacé d'amertumes qui conduisent en enfer. Donc, afin qu'on ne s'écarte point de la voie du ciel, il est nécessaire qu'on soit affligé selon Dieu, qu'on demande avec sollicitude son salut éternel, et qu'on gémisse pour l'obtenir.
• Réponse à la troisième question : Il est fort utile de se réjouir en l'affliction et en l'infirmité de la chair ; car, quiconque souffrira dans sa chair, attirera ma miséricorde, et de cette façon il arrivera plus facilement à la vie éternelle.
• Réponse à la quatrième question : Quiconque est fort, n'est fort que par moi ; mais moi je suis plus fort que lui. C'est pourquoi il doit vivre dans la crainte, afin que sa force ne soit lui pas ôtée.
• Réponse à la cinquième question : Quiconque possède la liberté doit craindre et reconnaître que rien ne conduit plus facilement à la damnation éternelle que la volonté propre livrée à elle-même. Donc celui qui m'abandonne sa volonté et qui m'obéit, à moi son Dieu, celui-là aura le ciel sans aucun châtiment (1). Et de nouveau le Religieux apparut sur l'échelle et demanda entre autres choses : « Pourquoi, ô juge, ne laissez-vous pas voir votre gloire en ce monde aux hommes, afin qu'ils la désirent avec plus d'ardeur ? Et si les démons sont si difformes et si incomparablement hideux, pourquoi ne les laissez-vous pas apparaître visiblement, puisque personne ne les suivrait ni ne consentirait à leurs méchantes suggestions ? ». Le Juge répondit : « Ma gloire est inexprimable, incomparablement douce et aimable. Si donc elle se laissait voir telle qu'elle est, le corps mortel de l'homme en perdrait sa force et défaillirait comme les sens de ceux qui virent ma gloire sur la montagne » . (1) Révélations V, 4e Interrogation. « La joie de l'âme serait si grande que le corps ne travaillerait plus, et ne pourrait même plus travailler. Or, puisque d'une part il est impossible d'entrer au ciel sans les œuvres de la charité, pour que d'autre part, la foi de l'homme ait sa récompense, et que le corps reste vigoureux pour le travail, ma gloire se cache pour un temps, et ainsi, à force d'y aspirer et d'y croire, l'homme mérite de la voir avec plus d'abondance et de bonheur dans l'éternité ».
« Tu demandes ensuite pourquoi les démons ne sont pas visibles. Je te réponds que celui qui verrait leur affreuse laideur en perdrait les sens ; tout son corps en tremblerait, et le cœur, comme anéanti, succomberait de terreur. Afin donc que l'âme garde sa force, que l'homme ne soit pas privé de sa raison, que son cœur puisse se réjouir dans mon amour, et que le corps conserve aussi des énergies suffisantes pour travailler à mon service, la laideur des démons reste cachée ; en même temps leur méchanceté en est contenue (1) ». Après que le Seigneur eut de nouveau conversé avec sa fidèle épouse et lui eut donné des enseignements d'une sagesse divine, le malheureux moine posa de nouvelles questions inspirées par l'incrédulité la plus téméraire. (1) Révélations V, 8e Interrogation. Le Juge lui répondit : « Je te réponds et ne te réponds pas. Je te réponds, afin que d'autres apprennent à connaître la malice de tes pensées. Je ne te réponds pas, parce que ces choses ne sont pas manifestées pour ton profit, mais bien pour l'édification ou la conversion des générations présentes et futures : car tu ne songes point à vaincre ton opiniâtreté. Aussi, après ta mort, n'entreras-tu point dans ma vie, car pendant que tu es sur terre, tu hais la vraie vie. Il est écrit : Toutes choses servent au bien de ceux qui sont appelés à devenir saints, et Dieu ne permet rien sans raison (1) ». Et Brigitte vit de nouveau le Religieux sur l'échelle, et elle frémit en entendant les impiétés qu'il proférait : « O Juge, s'écria-t-il avec ironie, pourquoi donc, selon la parole de l'Évangile, les boucs seront-ils placés à votre gauche et les brebis à votre droite ? Trouveriez-vous, par hasard, votre plaisir à cela ?". (1) Révélations V, 11e Interrogation. « Si vous êtes le Fils de Dieu, égal au Père, pourquoi donc est-il écrit que ni vous, ni les Anges ne connaissez l'heure du jugement ? Si, enfin, l'âme de l'homme vaut plus que le monde entier, pourquoi donc n'envoyez-vous pas constamment en tous lieux vos amis et vos prédicateurs ? ». Jésus répondit avec une douceur et une bonté inaltérables : « Mon ami, tu n'interroges pas pour t'instruire, mais afin que ta malice devienne manifeste. Dans la divinité, il n'y a ni essence ni forme corporelle ; car ma divinité est esprit, et les bons et les mauvais ne peuvent demeurer à la fois avec moi, pas plus que la lumière et les ténèbres ne peuvent coexister ensemble. Ni la droite ni la gauche ne se trouvent corporellement dans ma divinité ; et ceux qui seront à ma droite ne seront pas plus heureux que ceux qui seront à ma gauche. Ces paroles sont symboliques. Par la droite, on entend la sublimité de ma gloire divine, et par la gauche, la privation et le manque de tout bien. Il n'y a ni boucs ni brebis dans cette gloire admirable qui n'a rien de corporel, d'impur ou de changeant. On représente souvent certaines qualités morales des hommes par des symboles ou des figures d'animaux ; ainsi l'innocence est représentée par la brebis, la lubricité par le bouc ; et quand il est dit que l'homme incontinent sera placé à gauche, il est parlé d'un lieu où il y a privation de tout bien. Sache donc que moi, Dieu, j'use souvent de paroles humaines et d'analogies, afin de nourrir l'enfant avec du lait, d'accroître la perfection du parfait, et d'accomplir l'Écriture, qui dit que le Fils delà Vierge sera un signe de contradiction, pour la manifestation de beaucoup de cœurs. Tu demandes ensuite pourquoi moi, Fils de Dieu, j'ai dit que j'ignorais l'heure du jugement. Je te réponds : Il est écrit que Jésus croissait en âge et en sagesse. Or, tout ce qui augmente et diminue est sujet à changement ; mais la divinité est immuable. Si donc moi, le Fils de Dieu, qui suis égal au Père, j'ai progressé, ce fut dans mon humanité. Lorsque j'ignorais quelque chose, c'était mon humanité qui l'ignorait ; car, en ma divinité, je savais et je sais tout, et le Père ne fait rien que le Fils ne fasse aussi. Le Père pourrait-il savoir quelque chose sans que le Fils et le Saint-Esprit ne le sussent aussi ? Non certes. Mais le Père seul, avec lequel le Fils et le Saint-Esprit sont une seule et même substance, une seule et même divinité, une seule et même volonté, connaît cette heure du jugement ; ni les Anges, ni aucune créature ne la savent ». Après cette réponse, le Seigneur, prenant un ton plus sévère, dit au moine qui se tenait toujours sur l'échelle : « Mon ami, tu m'as posé beaucoup de questions perfides : je veux à mon tour t'interroger, à cause de mon épouse Brigitte, ici présente. Pourquoi ton âme, douée de raison et capable de discerner le bien du mal, préfère-t-elle les choses périssables aux choses célestes ; pourquoi ne vit-elle pas selon sa conscience ? ». Le Religieux répondit : « C'est parce que j'agis contre la raison et que je permets aux sens de dominer la raison ». Et Jésus dit : « C'est pourquoi ta conscience sera ton juge ». Puis le Seigneur se tournant vers son épouse : « Vois, ma fille, lui dit-il, jusqu'où l'homme peut être entraîné par la malice du démon et par l'égarement de sa propre conscience. Il en arrive ainsi lorsqu'il n'oppose pas, dès le début, une résistance énergique à la tentation ».
Et s'adressant de nouveau à ce malheureux prêtre, le Seigneur continua de la sorte : « Tu me demandes pourquoi je n'envoie pas toujours et partout des prédicateurs, puisque l'âme est plus précieuse que le monde entier. Je te réponds qu'en vérité l'âme est plus précieuse et plus noble que l'univers entier, d'abord parce qu'elle est immortelle, puis parce qu'elle est toute spirituelle, et créée, comme les Anges, pour les joies éternelles. Puis donc que l'homme est plus noble et plus digne que toutes les créatures et qu'il est doué d'une raison qu'elles n'ont point, il doit aussi mener une vie plus noble. Mais si l'homme abuse de sa raison et de mes grâces, qu'y a-t-il d'étonnant que je frappe, à l'heure de la justice, ceux qui n'ont pas voulu profiter du temps de la miséricorde ? Et si je n'envoie pas toujours et partout des prêtres et des prédicateurs, c'est parce que moi, Dieu, connaissant à l'avance la dureté de beaucoup de cœurs, je veux éviter à mes élus des peines, des travaux, des fatigues et des souffrances inutiles. Et parce qu'un grand nombre d'hommes commettent le péché très volontairement et en toute connaissance de cause, parce qu'ils sont décidés à y persévérer plutôt que de se convertir, ils ne méritent pas de recevoir les messagers du salut. Mais, mon ami, je vais cesser maintenant de répondre à tes pensées, et en même temps tu cesseras de vivre. Tu sauras alors à quoi t'auront servi ton éloquence et ta sagesse humaines. Oh ! que tu serais heureux si tu avais fidèlement gardé tes vœux et si tu y avais conformé ta vie ! ». S'adressant ensuite à son épouse : « Ma fille, lui dit Jésus, celui que tu as entendu poser tant et de si singulières questions, vit encore en son corps, mais il ne vivra plus une journée entier. Les pensées et les affections de son cœur t'ont été dévoilées, non pas tant pour sa confusion, que pour le salut d'autres âmes. Et voici que son espérance et sa vie finiront avec ses pensées et ses affections (1) ». Le moine dépravé disparut aux regards de la Sainte, qui resta en extase ; mais elle ne vit plus que Jésus seul, entouré de la lumière et de l'éclat du ciel. Elle continua à prêter l'oreille aux suaves paroles que lui adressaient tantôt le Père, tantôt le Fils, et tantôt le Saint-Esprit. (1) Révélations V, 16e Interrogation. En dernier lieu, le Père céleste lui parla de cinq lieux merveilleusement sanctifiés, ainsi que des grands mystères qui s'y étaient accomplis, à savoir, de la sainte maison où était née la Très-Sainte Vierge Marie, de Bethléem, du Calvaire, du Jardin où Jésus avait été enseveli, et de la montagne des Oliviers, d'où il s'est élevé au ciel avec son humanité glorifiée. « Celui qui se rendra maintenant dans ces lieux, dit-il, avec un cœur pur et une bonne volonté, verra et goûtera combien je suis doux, moi, le Seigneur. Mais, lorsque tu seras arrivée toi-même dans ces lieux, je te révélerai encore de plus grands mystères (1) ». On était arrivé au château de Wadstena : un des compagnons de la Sainte saisit les rênes de son cheval pour la faire revenir de sa longue extase. Brigitte, rendue à la vie naturelle, parla de nouveau à ses amis avec simplicité et douceur ; mais elle ne put s'empêcher de regretter qu'on l'eût arrachée si brusquement à la suavité des consolations célestes. On visita en détail le magnifique château, et après un court séjour, on retourna au couvent d'Alvastra. (1) Révélations, V, 13. Brigitte apprit, dans cette seule vision, tout ce que renferme le cinquième livre de ses révélations, qu'on appelle communément le livre des questions. Le contenu de ce livre resta imprimé dans son cœur et sa mémoire, aussi profondément que s'il eût été gravé sur une table de marbre. Dès son retour au couvent de Sainte-Marie, elle le mit par écrit dans sa langue maternelle, et son confesseur le traduisit en langue latine, comme il avait coutume de faire pour les autres révélations.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 17/12/2016, 11:59 | |
| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre XIII ème.
13/40. CHAPITRE XIII. Jésus engage Brigitte à faire, le voyage de Rome. Amour naturel et surnaturel. Départ de la Suède.Lorsque Pierre Olafson eut terminé les instructions supplémentaires que, selon l'ordre du Seigneur, il devait ajouter à la nouvelle règle, Jésus dit à son épouse : « La règle est terminée, les fleurs y sont mises et les couleurs posées. Va maintenant au lieu où tu dois voir le Pape et l'Empereur (1) ».Bientôt après, le Seigneur exprima plus clairement encore sa volonté, en disant : « Va à Rome, et demeure dans cette ville jusqu'à ce que tu aies pu parler au Pape et à l'Empereur, et que tu leur aies communiqué ce que je te dirai pour eux (2) ». (1) Extravag., 41. (2) Extravag., 15. Depuis la mort de son époux, Brigitte attendait que Dieu décidât de son avenir. Elle recevait présentement un ordre formel ; mais que devait-elle faire à Rome, en attendant qu'elle pût y voir le Pape et l’Empereur ? Bien que Rome fût toujours la ville sainte, elle était précisément alors dans la désolation. Les successeurs de saint Pierre ne résidaient-ils pas depuis trente-sept ans, dans la ville d'Avignon, sur les bords du Rhône, en France ? Et l'espoir de les voir briser les chaînes de leur captivité ne semblait-il pas perdu pour longtemps ? Ces pensées remplirent de crainte l'âme de Brigitte, et suivant sa coutume, elle chercha secours et consolation dans une fervente prière. Elle eut alors une vision toute spirituelle, et elle entendit de nouveau résonner à son oreille la voix dont les doux accents avaient déjà si souvent rempli son âme d'une allégresse céleste. Cette voix lui dit : « Je suis le Fils du Dieu vivant. La règle que tu as reçue doit être confirmée par mon Vicaire, que dans le monde on nomme le Pape, parce qu'il a le pouvoir de lier et de délier, en mon lieu et place, et qu'il devra me rendre compte devant toute l'armée céleste. Le Pape doit donner l'autorisation de fonder un couvent au lieu qui t'a été montré pendant que tu recevais la règle ; car c'est là que cette règle doit être appliquée tout d'abord. Il doit aussi accorder aux Sœurs la permission de chanter chaque jour les Heures de ma Mère, qui ont été inspirées par le même Esprit que la règle ». Brigitte répondit avec une profonde humilité : « O puissance immatérielle ! Que votre condescendance est grande ! Je crois tout ce que l'Eglise catholique ordonne de croire. Je sais aussi avec une entière certitude que vous ne refusez votre miséricorde à aucun de ceux, quelque indignes qu'ils soient, qui la demandent avec une humilité sincère et la ferme volonté de réparer leurs fautes passées. C'est pourquoi votre grâce m'a donné la volonté de faire votre volonté ; vous en êtes témoin. Oui, vous le savez, si, par impossible, je pouvais augmenter votre gloire et votre béatitude en supportant toutes les maladies, souffrances, misères et tristesses de ce monde, et jusqu'à la damnation éternelle dans l'autre, je préférerais accepter ces douleurs et ces tourments plutôt que le bonheur éternel, si ce dernier devait diminuer votre gloire. O Dieu qui m'avez créée et rachetée de votre sang précieux, si vous voyez que je manque de foi, d'amour et d'espérance, je vous supplie d'y remédier par la toute-puissance de votre grâce. Vous habitez au plus intime de mon cœur ; vous êtes le bien-aimé de mon âme. Et lors même que je suis tout indigne de la visite et de la consolation de votre Esprit, je me place néanmoins sous la protection de votre toute-puissance, afin que vous puissiez disposer de moi selon votre bon plaisir. Bien que vous connaissiez les pensées de tous, ma bouche vous parle cependant sur l'ordre de mon âme. O Seigneur adorable, mon Rédempteur Jésus-Christ, moi, la plus indigne des créatures, je suis parmi vos fidèles serviteurs comme serait la plus petite des fourmis au milieu des grands chameaux qui portent de lourdes charges pour le profit et en l'honneur de leur maître. Et comment le Pape pourra-t-il croire que vous, le Dieu et le Seigneur des mondes, vous vous soyez abaissé à faire de si grandes choses pour une pareille fourmi ? Ou bien, comment cette règle lui sera-t-elle présentée ? ». Le Seigneur lui répondit : « Je n'ai ni commencement ni fin, et j'ai disposé toutes choses selon ma volonté et selon mon bon plaisir. Si quelqu'un demandait donc pourquoi je n'ai pas créé plus tôt le ciel et la terre, il faudrait répondre : Parce que telle a été ma volonté. De même, à celui qui demanderait pourquoi je n'ai pas plus tôt donné cette règle et voulu sa confirmation, il faudrait répondre : Parce que tel fut mon bon plaisir. L'Ecriture ne dit-elle pas que l'Esprit souffle où il veut ? Et il en est ainsi, en effet, car il souffle de différentes manières, où et quand il veut. Mais alors il en résulte une consolation si grande et le cœur est pénétré d'une allégresse telle que la grâce de l'Esprit peut seule les donner, et non les choses terrestres. Si donc le Pape, en entendant la lecture de cette règle, éprouve dans son cœur de semblables mouvements, il reconnaîtra d'où elle est venue. Alors aussi se présenteront trois témoins qui sont nés dans le même royaume que toi, qui te connaissent et comprennent parfaitement ce qui s'est passé en toi ; ce sont un Evêque, un prêtre et un moine. Tu les connais tous trois…. La paix et l'harmonie se multiplieront dans tout royaume, pays ou État où se construiront, avec l'autorisation de mon Vicaire, des couvents de cette règle, après que la première aura été achevé d'après mes ordres. Quant à toi, qui as reçu la règle, efforce-toi, dans la mesure de ton pouvoir, de la faire parvenir jusqu'au Pape. Je pourrais faire que cela eût lieu en un instant et qu'il la confirmât aussitôt. Mais la justice veut qu'une plus grande fatigue corporelle procure à l'âme une récompense plus grande. Travaille donc et coopère à cette œuvre autant qu'il te sera possible ; quant à moi, je la compléterai quand il me plaira (1) ». Brigitte, habituée depuis longtemps au langage mystique du Seigneur, comprit parfaitement le sens des paroles qui lui avaient été adressées, et entra dans les desseins de Dieu avec une soumission absolue. Elle reconnut qu'il ne plaisait pas h Dieu de lui prescrire un plan de vie déterminé, et qu'elle ne devait pas en savoir davantage sur son séjour à Rome, si ce n'est qu'il serait long, et parsemé de peines, de travaux et de souffrances. Elle s'abandonna sans la moindre hésitation aux ordres du Seigneur., et elle prit la résolution de ne jamais se rendre d'un endroit à un autre, pas même pour visiter des lieux sanctifiés, sans un ordre de Dieu ou de son confesseur (1) ; et jusqu'à la fin de sa vie, si remplie, si féconde, elle resta fidèle à cette détermination. (1) Règle du Très-Saint-Sauveur, ch. XXXI. Brigitte s'empressa, dès lors, de commencer les préparatifs du long voyage qu'elle voulait entreprendre au plus tôt possible. Mais il s'éleva en même temps une violente tempête dans son cœur. Il lui fallait dire adieu à ses enfants, pour ne plus jamais les revoir peut-être en ce monde. A la vérité, depuis deux ans elle avait appris à se priver de ses chers fils et de ses filles bien-aimées ; mais elle respirait le même air qu'eux, elle vivait sous le même climat, et la possibilité de les voir ne lui était pas enlevée d'une manière absolue. Elle devait se séparer de Charles, son préféré, qui lui avait coûté tant de larmes autrefois, auquel son caractère passionné rendait les conseils de sa mère si nécessaires, qui enfin l'aimait d'un amour si ardent. Elle devait se séparer pour toujours de l'aimable Catherine, dont la future sainteté s'épanouissait de plus en plus chaque jour ; et quel serait le sort delà petite Cécile, cette enfant particulièrement comblée de grâces, si après avoir terminé son éducation au couvent de Scheningen, elle ne se sentait pas la vocation de prendre le voile ? . (1) Extravag., 8. Ces pensées assaillirent violemment la Sainte, dont le cœur sembla se briser et le courage faiblir. Ne nous en étonnons pas. Les Saints (autant et plus que personne) ont à soutenir ces combats violents entre la grâce et la nature ; entre eux et nous, point de différence, si ce n'est qu'ils hésitent moins longtemps que nous entre Dieu et les créatures, qu'ils luttent avec plus de courage et qu'ils remportent plus rapidement la victoire complète. D'autre part, il n'est point d'amour plus légitime et plus désintéressé que celui d'une mère pour son enfant. Dieu lui-même, pour nous mieux dépeindre son amour des hommes, se plaît à le comparer à l'amour maternel quand il dit : « Est-ce qu'une mère peut oublier son enfant au point de n'avoir pas pitié du fruit de ses entrailles ? Mais quand même elle l'oublierait, pour moi je ne t'oublierai point (1) ». Le Seigneur lui-même « parle ici conditionnellement par son Prophète, ce si cela était possible » et précisément il paraissait à la Sainte aussi impossible de se séparer de ses enfants que de les oublier. (1) Isaïe, XLIX, 15. Avec l'amour maternel se réveilla dans le cœur de Brigitte l'amour du pays natal. Le ciel sombre et voilé qui s'étend au-dessus de la presqu'île Scandinave lui sembla mille fois plus attrayant que l'azur transparent qui prête un charme si merveilleux aux paysages de l'Italie. Brigitte aimait la Suède avec ses énormes roches dentelées, ses cimes inaccessibles, ses glaciers, ses sommets neigeux, ses cascades et ses lacs ; elle aimait les sombres forêts de sapins de sa patrie septentrionale, forêts qui allaient si bien à son âme grave et austère. Elle ne pouvait se décider à quitter son pays, et la tempête qui agitait son âme allait en augmentant. Jamais, au temps des tentations, elle n'avait lutté avec une telle angoisse, parce que la victoire ne lui avait jamais paru plus incertaine. Dans cette détresse extrême, le Seigneur consola sa servante par des visions spéciales ; et elle sut bientôt quel était celui qui attisait si fort dans son cœur le feu de son amour pour ses enfants et sa patrie. Tandis qu'elle était en prière, elle vit un petit feu sur lequel était placé un vase contenant un mets succulent ; elle vit également un homme vêtu d'or et de pourpre, fort occupé tantôt à souffler le feu, tantôt à retirer le bois. Contraint par Dieu, cet homme dit à la Sainte : « Il faut que je te montre ce que cela signifie. Le vase représente ton cœur ; le mets placé dans le vase figure les paroles extraordinairement douces que Dieu t’adresse ; enfin le feu est le symbole de l’ardent amour que le Seigneur a mis en toi. Mais moi je suis le démon qui porte envie à tes consolations. Je me soumets à l'humble fonction de souffler le feu, afin que la cendre, c'est-à-dire l'affection aux choses terrestres, monte dans le vase qui est ton cœur, et que ce mets agréable, les paroles du Saint-Esprit qui te sont inspirées, perde un peu de sa saveur. Je remue les tisons et le bois, afin que le vase, c'est-à-dire ton coeur, se penche vers la terre, autrement dit vers les choses terrestres, vers tes amis et tes parents, et qu'ainsi Dieu soit moins aimé (1) ».
(1) Extravag. 54. Dans une autre vision, Brigitte revit le vase mystérieux au-dessus du feu, et un enfant qui soufflait sur la braise afin d'échauffer le vase, « Pourquoi t'efforces-tu tant de maintenir le feu sous le vase ? » , lui demanda la Sainte. L'enfant lui répondit : « Pour allumer et enflammer de plus en plus en vous votre amour pour vos enfants ». « Et qui es-tu ? ». « Je suis, répondit-il, un homme d'affaires (1) » . La Sainte reconnut alors l'œuvre satanique que cet enfant avait tentée sur elle, en réussissant presque à lui faire préférer les créatures au Créateur, les enfants que Dieu lui avait confiés au Seigneur lui-même, l'Époux bien-aimé de son âme. Elle reconnut aussi que quelque légitime que pût être son affection pour ses enfants, le moment était venu de les haïr selon la parole même de l'Amour éternel, puisque cette affection menaçait de se mettre entre Dieu et son âme. D'une main courageuse elle brisa ce dernier lien, le plus fort de tous, afin que désormais rien ne pût empêcher son âme de s'élancer vers Dieu. Ainsi affermie dans la charité et l'humilité, Brigitte se disposa au départ. Une grande consolation lui était réservée : Pierre Olafson, alors Prieur d'Alvastra, se déclara prêt à la suivre à Rome, avec l'autorisation de ses Supérieurs, et à ne plus jamais la quitter. Un autre Pierre d'Alvastra, un prêtre distingué, se joignit à lui, et dès lors Brigitte voyait déjà auprès d'elle deux des témoins, dont le Seigneur lui avait parlé, un moine et un prêtre. (1) Extravag. 95. Les affaires temporelles de notre Sainte furent réglées en quelques heures. Elle visita encore divers lieux où sa présence était nécessaire et prit, avec un visage souriant, congé de ses enfants. Dans un couvent de Cisterciennes du diocèse de Strengnaes, vivait une sainte Religieuse, appelée Catherine, à qui la sainte Mère de Dieu daignait souvent apparaître. Brigitte entretenait avec elle des relations d'amitié, et elle alla la visiter une dernière fois, pour prendre congé d'elle. Au dernier moment, la Religieuse lui dit : « Ecoutez, Brigitte, ce que je vais vous dire n'est pas pour louer ni vous ni moi, je n'ai en vue que l'honneur de Dieu. Tandis que je priais, il n'y a pas longtemps, j'entendis une voix qui dit : Sache que si la bienheureuse Brigitte est méprisée aujourd'hui sur la terre, elle sera un jour honorée dans le ciel, et ceux qui ne sont pas encore nés célébreront son nom. Persévère donc dans le bien, car ce que je te dis maintenant s'accomplira certainement ». Dans la disposition d'esprit où se trouvait Brigitte à cette époque, la séparation qui lui parut la plus douloureuse fut celle de la famille royale, à laquelle elle tenait de si près par les liens de la parenté. Peu avant de quitter Alvastra, elle reçut de Dieu l'explication de la terrible vision qu'elle avait eue, onze ans auparavant, au château royal de Stockholm, et qu'elle avait appliquée sans aucune hésitation au roi et à la reine de Suède. Jésus lui dit : « Souviens-toi, mon épouse, de ce que je t'ai montré à Stockholm, sous l'image d'un ciel assombri. Je veux aujourd'hui t'en donner la signification. Le ciel sombre que tu as vu, c'est le royaume de Suède. Ce royaume, qui devait être paisible et juste comme le royaume du ciel, est ballotté par le vent de l'affliction et de l'iniquité, et se trouve ruiné par l'imposition de taxes injustes. Le roi et la reine, qui brillaient comme le soleil et la lune, sont maintenant noirs comme du charbon, parce qu'ils ont renié leur bonne volonté et perdu la pureté de leurs mœurs. Ils ont aussi élevé au premier rang un homme qui sort de la race des vipères, pour écraser mes amis et les âmes simples. Sache donc que ce dragon sera humilié et tombera plus vite qu'il n'est monté. Bien au contraire mes amis, dont quelques-uns mènent une vie angélique, seront élevés et délivrés de leurs tribulations, bien qu'il y en ait parmi eux qui se conduisent comme de mauvais anges. Mais le soleil pâlira jusqu'à ce qu'il soit arrivé au-dessous de la couronne, dans laquelle il ne voulait point demeurer. Et on dira de lui que ses ténèbres ont égalé son éclat (1) ». Et Dieu révéla encore à la Sainte que le roi Magnus était indigne, à cause de ses péchés, de faire construire le couvent de Wadstena, mais sans lui dire qui était appelé à réaliser cette œuvre, et sans lui faire connaître si elle-même vivrait jusqu'à la consécration du premier couvent de l'Ordre. Dans les desseins de sa Providence, elle devait rester dans l'ignorance sur ces deux points (1), et son regard prophétique ne devait discerner que l'horreur de la dévastation qui allait fondre sur sa patrie, ainsi que le châtiment de la peste, qui devait mettre un terme aux péchés de ses habitants. C'est pour ces motifs que Brigitte se sépara avec tant de douleur du roi Magnus, et qu'elle ne put retenir ses larmes en embrassant pour la dernière fois la reine Blanche, dont la volonté était naguère si droite. Mathias Kettelmund, le fidèle ministre du roi, venait de mourir ; Magnus avait perdu en lui son meilleur conseiller. Dans l'orgueilleux courtisan qui l'avait remplacé, Brigitte ne reconnut que trop tôt le dragon que le Seigneur lui avait ans auparavant, et dont la chute devait être d'autant plus terrible que, par ses conseils impies, le nouveau ministre précipitait de plus en plus le malheureux couple royal vers la ruine. Brigitte respira plus librement lorsque les portes du château royal se furent refermées derrière elle et qu'elle revit, bientôt après, le couvent de Sainte-Marie pour la dernière fois.
(1) Extravag, 27 •
Là le Seigneur l'exhorta de nouveau à faire mettre par écrit toutes les révélations qu'elle avait reçues, et à les envoyer aux Archevêques et aux Évêques, à ne tenir secrète aucune de ses paroles et à les porter elle-même au Chef de l'Église, En outre, pour en attester l'origine divine au Pape, elle devait emporter avec elle le témoignage des personnes qui aimeraient et goûteraient les paroles du Seigneur.
Enfin Dieu lui fit encore cette admirable promesse :
« Je te donnerai mon esprit, afin que partout où il y aura dissension entre deux personnes, tu puisses, si elles ont la foi, rétablir l'union entre elles, en mon nom, par la vertu qui t'est donnée (1) ».
Armée d'un tel pouvoir, Brigitte quitta la Suède ; elle se dirigea vers la ville éternelle, comme un Ange de paix, de lumière et de réconciliation. Elle était la colombe préférée du Seigneur, qui devait porter la branche d'olivier au-dessus des eaux troubles du péché qui submergeaient son siècle, pour la présenter à toutes les âmes de bonne volonté. Le cœur plein de joie et de confiance en Jésus et en Marie, elle allait remplir sa grande et sainte mission, ne cherchant que la gloire de Dieu et n'ayant d'autre désir que de lui plaire.
(1) Révélations, I, 52.
Elle quitta le couvent d'Alvastra vers la fin de Tannée 1346, accompagnée des prières et des vœux de maître Mathias et des pieux moines, qui voyaient partir avec elle leur Prieur bien-aimé. Outre Pierre Olafson et Pierre d'Alvastra, un autre prêtre suédois, Magnus Pedersson et quelques pieuses femmes accompagnaient la Sainte.
Parmi ces dernières se trouvait une Suédoise de condition qui, connaissant et redoutant l'inconstance de son mari, supplia la Sainte de prier pour lui. Pendant que Brigitte priait à cette intention, Jésus lui apparut et dit :
« Partez, et ne vous laissez détourner ni de votre chemin, ni de votre résolution ; car j'abrégerai le voyage de cette femme. Je préparerai son corps afin que si le réservoir vient à s'épuiser, son âme se remplisse d'une douceur ineffable (1) ».
(1). Extravag. 101.
Les voyageurs, après s'être embarqués, se dirigèrent vers l'Allemagne, traversèrent ce pays pour gagner le Rhin qu’ils remontèrent jusqu'en Suisse. Ils franchirent, non sans peine cette contrée montagneuse et ils arrivèrent enfin en Italie.
A Milan, ils visitèrent le tombeau de saint Ambroise, et, tandis que Brigitte y priait avec ferveur le glorieux Père de l'Église, elle vit tout à coup une apparition d'un aspect vénérable, revêtue du manteau épiscopal, portant la crosse et la mitre et enveloppée d'une lumière céleste, qui lui dit :
« Je suis l'Évêque Ambroise, et je viens te parler en parabole, parce que ton cœur ne saurait comprendre les choses spirituelles sans une image empruntée au monde matériel ».
Il lui dépeignit alors, sous les traits d'un adultère, le Prélat qui désolait alors l'Eglise de Milan en oubliant les liens sacrés qui l'unissaient à elle. En même temps il lui montra le châtiment qui l'attendait, s'il ne s'amendait bientôt (1).
Brigitte n'hésita pas à se rendre auprès de l'Archevêque pour lui faire entendre de salutaires avertissements. Mais ce Prélat, endurci par l'orgueil et l'amour du monde, ne prêta aucune attention à ses paroles, et l'indigne successeur de saint Ambroise se repentit trop tard d'avoir méprisé les exhortations de la princesse suédoise.
(1) Révélations. III, 6.
C'est à Milan aussi que tomba gravement malade la dame dont le Seigneur avait promis d'abréger le voyage. Elle sentit approcher sa fin, se prépara à la mort et s'éteignit en paix dans les bras de notre Sainte. Lorsqu'elle eut été ensevelie, Brigitte eut une extase et entendit le démon se plaindre de ce que cette âme ne lui avait pas été réservée.
Jésus lui répondit :
« Loin d'ici ! Après que tu l’as purifiée en châtiant son corps, je veux posséder son âme et l'honorer (1) ».
Pierre Olafson, le confesseur de la Sainte, tomba malade à Gênes, et cette circonstance obligea Brigitte d'interrompre une seconde fois son voyage. Dès qu'il fut rétabli, les voyageurs s'embarquèrent à Gênes et se rendirent par mer à la ville aux sept collines.
(1) Extravag. 101
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 19/12/2016, 20:25 | |
| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre XIV ème.
14/40. CHAPITRE XIV - Arrivée â Rome. — Etat de la ville sainte. Les Papes à Avignon. — Caractère de sainte Brigitte. (1347) Ce fut au printemps de l'année 1347, que Brigitte et ses compagnons arrivèrent à Rome. La douleur et la joie se disputèrent son cœur lorsqu'elle entra dans la ville sainte, dans ces rues teintes du sang des martyrs, où tant de grands sanctuaires s'offraient à sa vénération. Son pied allait fouler la nécropole des catacombes, qui semblable à un jardin destiné à la culture de roses magnifiques, avait été préparé et honoré par les Anges longtemps avant de recevoir les glorieux ossements d'innombrables martyrs (1), Brigitte devait suivre les traces des Apôtres et visiter le lieu où saint Pierre fuyant rencontra le Sauveur avec la Croix. (1) Révélations IV, 107. Elle devait voir la crèche de Jésus et le suaire de sainte Véronique avec la face ensanglantée du Sauveur, telle qu'elle l'avait vue un jour, dans une vision de son enfance. Son regard devait bientôt se reposer sur le gril de saint Laurent et sur les reliques de saint Etienne. Elle devait puiser à la source qui jaillit à l'endroit même où saint Paul versa son sang. Elle devait voir aussi le lieu du supplice de son aimable Patronne, sainte Agnès, et les murs orgueilleux du temple qui s'écroula au moment où Marie donna au monde le Rédempteur. Mais elle fut privée de la joie et de la consolation qui inondent toujours à Rome le cœur du pèlerin chrétien : son regard n'y put rencontrer le successeur de Pierre, le Vicaire de Jésus-Christ ; Rome était sans Pape ! Et parce que la Ville sainte avait perdu son chef et son centre, Brigitte la trouva dans un état inexprimablement triste et lamentable. « La force brutale avait pris la place du droit ; nul respect des lois, nulle protection de la propriété, nulle sécurité pour les personnes ; les pèlerins qui se rendaient aux tombeaux des Apôtres étaient pillés ; les paysans, volés aux portes de la ville; les femmes et les vierges étaient violées ; l'injustice trônait sur les sièges des juges; l'immoralité régnait dans le sanctuaire et la misère au sein des familles (1) ». Les églises de Rome étaient en ruines ; à Saint-Pierre et à Saint-Jean de Latran, les troupeaux paissaient l'herbe jusqu'au pied des autels. Le Capitole était devenu un vignoble ; le Forum, un jardin potager, et les obélisques égyptiens gisaient à terre, brisés et enfouis. Par suite du transfert du Saint-Siège, la discorde éclata à l'intérieur, la démoralisation devint générale et la population alla en diminuant. Les plus brillants poètes de cette Rome jadis si orgueilleuse avaient suspendu leurs harpes aux saules et ne répétaient plus que les lamentations du Prophète : « Comment est-elle assise solitaire, la ville pleine de peuple ? Elle est devenue comme veuve, la maîtresse des nations (2) ». (1) Muratori, Fragments de l'histoire de Rome. Antiquités italiennes du moyen âge, t. III. (2) Jérémie, Lamentations. I, 1. La vue de cet état si misérable et de ce délabrement général remplit l'âme de notre Sainte d'une douleur profonde, et dès ce moment elle prit la ferme résolution de travailler avec un zèle infatigable au retour du Saint-Siège à Rome. Qui donc a pu retenir pendant un si long temps les successeurs de saint Pierre dans le midi delà France, et pourquoi mirent-ils tant de lenteur à briser les fers de leur honteux esclavage ? Bien que ces questions paraissent appartenir à l'histoire, bien plus qu'à la simple biographie d'une Sainte, il est impossible de n'y pas répondre ici, au moins brièvement, parce que Brigitte, à dater du jour de son entrée à Rome et jusqu'au terme de sa glorieuse vie, se trouva en quelque sorte mêlée à l'histoire de l'Eglise et des peuples, comme ne le fut aucune Sainte, ni avant, ni après elle. « Le germe de l'opposition contre la Papauté existait en France bien longtemps avant le règne de Philippe le Bel ; il devait bientôt porter ses fruits funestes- Le Pape Boniface VIII, dès le début de son Pontificat, s'était donné beaucoup de peine pour rester en bonne intelligence avec le roi, mais ce fut en vain. Philippe le Bel ne recula ni devant la ruse ni devant la violence pour précipiter le Pape vers sa perte. Boniface fut le témoin d'une révolution telle que l'histoire en enregistre rarement. De juge suprême des empires et des rois de la terre, il se vit réduit à la plus complète impuissance, et il succomba bientôt sous les terribles événements que la politique française avait déchaînés en Italie. Il mourut en 1303. Il eut pour successeur Benoît XI, homme très remarquable ; mais le nouveau Pape succomba sous les difficultés de sa position. Le respect de la Papauté était fortement ébranlé. Les périls étaient de tous côtés, le secours nulle part. Benoît leva les interdits qui pesaient sur la France et sur la maison royale, avec l'espoir de conjurer ainsi la tempête ; il mourut peu après. Le 5 juin 1305, à la suite d'un Conclave agité, fut élu Pape Bertrand de Got, Archevêque de Bordeaux ; la Papauté devint alors française, c'est-à-dire que livrée aux intérêts français, elle perdit son caractère d'universalité en s'engageant dans un parti politique. Bertrand se trouvait en tournée pastorale à Lusignan, en Poitou, lorsqu'il apprit sa nomination. Il venait d'être témoin des déchirements de Rome ; effrayé de plus par le sort de Boniface VIII et de Benoît XI, il n'eut pas, à ce moment du moins, l'intention de se rendre au-delà des Alpes. Il pria les Cardinaux réunis à Pérouse de venir à Lyon, où il voulait se faire introniser. Le Pontificat de Clément V fut hérissé de difficultés ; il se caractérisa par la lutte incessante de la Papauté contre un asservissement qui devenait chaque jour plus accablant. Durant des années, Philippe le Bel le poursuivit de ses obsessions pour qu'il consentît à déclarer hérétique son prédécesseur Boniface VIII, parce que celui-ci avait défendu les droits indéniables de l'Eglise contre la puissance temporelle. Clément sauva la mémoire de son prédécesseur en livrant l'Ordre des Templiers à la haine et à la cupidité de Philippe. Ce fut certainement une situation cruelle pour un Pape (1) ». En 1309, le Pape entra à Avignon pendant l'Octave de l'Epiphanie. La pauvre petite ville, perchée sur la pointé d'un rocher à pic, coupée de rues étroites et sales, n'ayant que des maisons peu élevées et mal construites (1) ne se douta point alors qu'elle serait pendant soixante-dix ans la résidence des successeurs de saint Pierre, et qu'elle compterait bientôt parmi les plus grandes et les plus belles villes de l'Europe. (1) Reumont, Histoire de la ville de Rome, tome II, p, 770. C'est ainsi que la Papauté, même asservie, imprime à tout ce qui est en contact avec elle, le cachet de sa grandeur et de sa majesté. Clément V s'installa dans le modeste logement qui lui avait été préparé au couvent des Dominicains, et il y demeura tout le temps qu'il passa à Avignon (2). De cruelles maladies, des afflictions profondes eurent bientôt épuisé ses forces. Peu avant sa mort, il voulut retourner à Bordeaux dans l'espoir que l'air natal et les souvenirs de son enfance contribueraient à son rétablissement ; mais la mort le surprit avant qu'il n'eût atteint le terme de son voyage. Il s'éteignit dans le village de Roquemaure, le 20 avril 1314. Son successeur Jean XXII, gouverna l'Église avec sagesse et fermeté. C'est lui qui le premier eut l'idée de construire à Avignon un palais digne delà majesté du Saint- Siège. (1) Œuvres de Pétrarque, édit. De Bâle, in fol. p. 852. (2) Baluze, Vies des Papes d'Avignon, t. I, p. I5 Son Pontificat dura dix-huit, ans quatre mois et deux jours. Nous avons de lui une parole remarquable sur l'opinion publique : « Tout ce qu'elle loue, disait-il, mérite d'être blâmé ; tout ce qu'elle pense est plein de vanité ; tout ce qu'elle dit est faux; tout ce qu'elle blâme est bon ; tout ce qu'elle glorifie est méprisable (1) ». Au nombre des derniers projets de Jean XXII, celui du retour dans la ville éternelle était un des plus importants. Benoît XII reprit ce projet, et l'arrivée â Avignon d'une députation envoyée par Rome l'y décida complètement (1). Lui-même écrivant au roi de France (2) lui dit qu'il avait cédé aux pressantes instances de ses envoyés, et leur avait fait la promesse formelle de retourner à Rome. Au mois d'octobre 1335, la députation devait recevoir une réponse précise sur l'époque du départ. Aussi longtemps qu'il ne s'agit que d'une promesse vague les cardinaux ne songèrent point à s'opposer aux intentions du Pape . (1) Quidquid laudat, vituperio dignum est ; quidquid cogitat, vanum ; quidquid loquitur, falsum ; quidquid improbat, bonum ; quidquid extollit, infame est. Bzovius, Ann. 1334, n. 2. (2) Ptol. De Lucque.s. Hist. eccles. liv. XXIV, c. XLIII. (3) Raynald, Ann. 1335 no. 3. Mais lorsque vint le moment de donner une réponse définitive, une violente opposition contre le retour à Rome se forma dans le Conseil. Trois Cardinaux, agents secrets de Philippe de Valois, dit-on, s'efforcèrent de démontrer d'une manière péremptoire que le Saint-Siège devait rester en France. Benoît XII céda, et la députation romaine reçut une réponse négative (1). Tous les historiens ont loué la piété de Benoît XII, son amour pour l'Eglise et sa charité. Il était animé à un degré extraordinaire du sentiment du devoir ; et son caractère y puisait en certaines circonstances une énergie dont on voit peu d'exemples. Lorsqu'il s'agissait de droit et de justice, il n'avait égard à aucune influence. Les sollicitations importunes des grands ne le portèrent jamais à agir contre sa conscience. Il avait un grand mépris pour ces sortes de faiblesses ; et ne comprenait pas qu'on pût faire passer les intérêts des hommes avant ceux de Dieu : « Si j'avais deux âmes, dit-il un jour au roi de France, je pourrais vous en sacrifier une ; mais je n'en ai qu'une et je tiens à la garder (1) » . (1) Raynald, ann. 1325, n°5. Lorsque Benoît XII mourut après un Pontificat de sept ans, quatre mois et six jours, le 24 avril 1342, il fut pleuré par tous les peuples, car ils avaient éprouvé son amour et le considéraient comme un Saint. Les Cardinaux élurent comme successeur de Benoît XII, leur collègue Pierre Roger, qui prit le nom de Clément VI. Avec lui la Cour romaine changea bientôt d'aspect. Des meubles magnifiques, de brillants équipages et une étiquette princière remplacèrent la simplicité et la sévérité des mœurs d'autrefois. Mais cet éclat extérieur brillait moins que les aimables qualités de Clément VI, son grand cœur, sa noblesse d'âme, et sa générosité. Personne ne s'adressait en vain à lui, et, lorsqu'il était contraint de répondre par un refus, il le faisait d'une manière si aimable qu'on trouvait de la consolation dans son refus même. Aussitôt que les Romains eurent connaissance de l'élection de Clément VI, l'occasion leur parut favorable pour renouveler leur sollicitations et demander le retour du Saint-Père à Rome. (1) Baluze, Vies des Papes d'Avignon, p. 230, Ils lui envoyèrent donc une députation que le Pape reçut avec la politesse et la grâce qu'il savait habilement déployer dans ces circonstances. Les députés, outre le retour à Rome, firent encore deux autres propositions au Pape : en premier lieu, d'accepter le titre de sénateur de la ville, non comme Pape, mais comme chevalier Roger ; en second lieu de transformer le jubilé centenaire en un jubilé de cinquante ans. Clément concéda ces deux points, mais il éluda la question de son retour à Rome, et donna aux députés l'assurance qu'il désirait plus que personne le rétablissement de la résidence du Pape dans son centre naturel, qu'il saisirait avec ardeur le moment favorable à la réalisation de ce vœu, mais que ce moment ne lui paraissait pas encore venu (1). Sous le rapport politique, la position du nouveau Pape était fort difficile ; connaissant la ruse et la violence du roi de France dès qu'il s'agissait d'empêcher tout retour à Rome, il n'osa faire aucune tentative sérieuse pour briser ses fers, et il continua à construire le magnifique palais que Benoît XII avait laissé inachevé. (1) Baluze, Vies des Papes d'Avignon, t. III, p. 287. A la vérité Clément ne se souciait pas de quitter les sites pittoresques du Comtat-Venaissin, non plus que la ville d'Avignon si paisible et si hospitalière, son beau palais et sa Cour brillante, pour s'installer dans la Rome déserte, où l'attendaient la lutte des partis, le désordre et un peuple remuant et indocile. Telle était la situation lorsque Brigitte arriva en Italie. Jetons encore un regard sur le caractère de notre Sainte avant de la suivre dans ses premières pérégrinations à travers les rues désertes de Rome. Si nous cherchons à connaître les obstacles, les difficultés et les défauts de caractère contre lesquels Brigitte eut à lutter, nous éprouverons une admiration d'autant plus grande pour ses vertus héroïques. Vastovius nous dépeint Brigitte de la manière suivante : « Elevée sous le ciel sombre de la Scandinavie, elle avait dans sa vertu quelque chose de rude qui correspondait au climat qui l'avait vue naître. Rien que l'énumération de ses pénitences nous donnerait le frisson ou nous ferait croire à de pures inventions, si l'on ne savait que l'amour divin élève la nature humaine au-dessus d'elle-même. D'ailleurs Brigitte n'était dure que pour elle-même et dans son intérieur ; dans ses relations avec le monde, elle ne montrait que de la modestie, de la docilité, de la charité et même des manières agréables (1) ». La dureté et la rudesse naturelles du caractère de la Sainte étaient en réalité adoucies par les mœurs les plus polies et une certaine amabilité par lesquelles elle savait gagner les cœurs, à la cour aussi bien qu'au sein de sa famille. Sévère envers elle-même jusqu'à l'excès, elle sut toujours être douce et indulgente envers les autres. Quelque grand que fût son zèle pour les âmes, notre Sainte trouva des difficultés presque insurmontables à se montrer publiquement et à blâmer sans crainte les crimes des princes et des peuples. L'austère princesse du Nord n'avait pas le tempérament ardent d'une sainte Catherine de Sienne, ou de sainte Thérèse élevée sous le soleil brûlant de l'Espagne. Ce que leur enthousiasme naturel rendait facile à ces vierges héroïques, devenait extrêmement difficile au caractère plus calme de la fille du Nord ; plus d'une fois le Seigneur dut ranimer son courage chancelant et l'exhorter à avertir, à menacer et à châtier malgré tous ces obstacles. (1) Vastovius, Vies des Saints de Scandinavie, 1623. Elevée dans les préjugés et les idées si aristocratiques de la noblesse suédoise, elle était naturellement portée à l'orgueil. Nous avons déjà vu jusqu'à quel point la Sainte savait le réprimer ; mais il survivait toujours, et plus d'une fois encore elle dut le combattre par des actes d'une humilité héroïque. Son bon Ange déclare qu'elle a le cœur quelque peu arrogant et prétentieux (1), et Brigitte elle-même nous fait part, avec la simplicité qui est le propre des Saints, de l'entretien suivant qu'elle eut à ce sujet avec la Mère de Dieu. La Sainte-Vierge me demanda : « Que disent les femmes orgueilleuses dans ton royaume ? ». Je répondis : « J'en suis une ; c'est pourquoi j'ai honte de « parler en votre présence ». Et Marie reprit : « Bien que je le sache mieux que toi, je veux ce cependant te l'entendre dire ». (1) Révélations I, 12. Je répondis là-dessus : « Lorsqu’on nous prêchait la vraie humilité, nous disions : nos parents nous ont légué de vastes possessions et des mœurs polies, pourquoi ne les imiterions-nous pas ? Notre mère également tenait dans le monde un rang distingué ; elle était vêtue richement, elle avait beaucoup de serviteurs, et nous éleva au milieu des honneurs mondains ; pourquoi ne laisserais-je pas semblable héritage à ma fille, à laquelle j'ai enseigné à se tenir avec noblesse, à vivre au sein des plaisirs et à mourir entourée d'honneur et d'éclat (1) ? ». Ces sentiments que Brigitte s'attribuait ici à elle-même, avaient été du moins ceux des puissants et orgueilleux Folkunger, ses ancêtres ; c'étaient les sentiments de la noblesse suédoise et la princesse de Néricie avait été élevée sous l'influence de ce milieu. Brigitte aimait aussi la grande indépendance, et tout l'y autorisait : une naissance illustre, la richesse, le rang, sa position à la Cour, enfin son puissant empire sur tous ceux qui étaient en relation avec elle : Et cependant, après la mort de son mari, nous la voyons choisir pour elle-même une dépendance absolue. Elle obéit aux directeurs de son âme d'une façon qui semble dépasser encore l'obéissance d'une Religieuse, Quoique notre Sainte ne connût jamais le bonheur de vivre dans les murs paisibles d'un couvent, sa dépendance et son obéissance envers ceux qui tenaient la place de Dieu auprès d'elle ne connaissaient point de bornes. (1) Révélations VI, 52 Une gravité particulière et une profonde humilité vis-à-vis de ses directeurs spirituels la caractérisent d'une façon toute spéciale. La grande vénération quelle éprouvait pour eux ne lui permit jamais d'être avec eux en rapports intimes, comme l'avaient été sainte Paule avec saint Jérôme, Olympiade avec saint Chrysostome, et plus tard saint François de Sales avec sainte Françoise de Chantal. Le caractère sérieux de la fille du Nord était bien pour quelque chose dans cette réserve ; mais, au fond, elle provenait surtout de la profonde vénération qu'elle eut toujours pour ses directeurs spirituels. Elle fut toujours, comme une fille obéissante et sincère, aux pieds de ceux qui tenaient la place de Dieu auprès d'elle. Son caractère était trop sérieux pour qu'elle fût portée à s'attacher à qui que ce fût avec trop de vivacité. Brigitte vivait dans un complet détachement des créatures. Son existence se passait tout entière au ciel, et elle vécut en relation très intime avec les esprits bienheureux. Sur une simple salutation de sa part, à sa plus petite prière, le ciel s'ouvrait pour lui envoyer celui de ses habitants qu'elle avait invoqué. Telle est en traits abrégés la physionomie de la Sainte, que nous verrons maintenant à Rome, au centre de l'univers chrétien, se mêler d'une façon toute merveilleuse aux événements de l'Eglise et du monde. Tous les yeux étaient fixés sur Avignon ; les meilleurs citoyens romains priaient sans cesse pour le retour du Saint-Père à Rome, Mais jusqu'à ce jour le noble Etienne Colonna et le célèbre poète Pétrarque étaient les seuls qui missent quelque activité à cette œuvre. En vain ce dernier déployait-il sa brillante éloquence dans les longs entretiens qu'il avait avec Clément VI à Avignon. En vain sa riche imagination inventait-elle les expressions les plus touchantes, et son génie poétique créait-il des chants admirables ; Clément ne lui donnait toujours que des réponses évasives. Voici que maintenant Brigitte, une Sainte, entre en lice et oppose les armes de la prière à la ruse et aux intrigues de la politique française ; grâce à ce moyen elle eut raison de la force et de la puissance du roi de France. Brigitte avait reçu de Dieu l'ordre de se rendre à Rome et d'y rester jusqu'à ce qu'elle y eût vu le Pape ; elle savait donc qu'il viendrait et qu'elle aurait un jour le bonheur, dont elle était alors si cruellement privée, de baiser ses pieds et de recevoir sa bénédiction.
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| | | Claude Coowar
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 19/12/2016, 20:28 | |
| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre XV ème.
15/40. CHAPITRE XV - Brigitte et ses compagnons à Rome. Efforts de la Sainte pour apaiser la colère de Dieu. Clément VI. Le renom de sainteté que Brigitte s'était acquis en Suède par ses merveilleuses révélations et ses rares vertus, la suivit aussi en Italie, et tous les amis de Dieu, en grand nombre encore à Rome, saluèrent avec une joie intime l'arrivée de la princesse suédoise. Elle trouva pour elle et ses compagnons un logement convenable dans une maison attenant à l'église de Saint-Laurent à Damaso. Le quartier dans lequel était située cette maison ainsi que le palais du Cardinal-Vicaire, à qui elle appartenait était le douzième arrondissement appelé communément quartier di Parione (1), (1) Le docteur Sighardt a dépeint de la manière suivante, après son retour de Rome en 1864, l’état actuel de la demeure. Brigitte s'installa d'une façon aussi modeste que possible, et ne sortit jamais qu'accompagnée d'un des prêtres qui étaient venus avec elle. Elle avait toujours auprès d'elle, dit Alphonse de Jaen, deux pères spirituels d'un âge mûr, vertueux, chastes et expérimentés, qui lui restèrent attachés jusqu'à la mort. Il convenait que le chaste Epoux qui confia sa Mère virginale à un jeune homme vierge, remît aussi sa nouvelle épouse entre les mains de pères vierges et vertueux (1). De sainte Brigitte : " Le 8 octobre, jour de la fête de sainte Brigitte, nous allâmes nous promener au Marché aux fleurs (Campo di fiori) situé non loin du Tibre. Dans un angle de cette belle place se trouve l'église de Sainte-Brigitte et tout à côté, un petit collège, qui fut autrefois un hospice de l'Ordre de Sainte-Brigitte et une maison de pèlerins pour les Suédois ; elle est occupée aujourd'hui par des Français, qui y entretiennent trois prêtres. La façade et l'intérieur de l'église étaient ornés de guirlandes. La maison et la chambre, que la Sainte avait habitées pendant son long séjour à Pvome, étaient ouvertes au public. L'église, construite au seizième siècle, n'est pas grande, mais propre et élégante ; outre le grand autel, elle renferme environ huit autels latéraux. A gauche, sur un autel, se trouve un crucifix de grandeur moyenne, qui faisait des révélations à la Sainte, et à l'autel même est fixé le dessus de table, en pierre noire, sur lequel elle écrivait ses révélations. De là nous primes un escalier à droite, et passant dans le collège nous arrivâmes à la chapelle domestique de la Sainte. Cette chapelle est ornée de tableaux représentant des traits de la vie de sainte Brigitte ; au milieu de l'autel, Jésus lui présente la règle de l'Ordre. Le long des murs se trouvent des peintures du dix-septième siècle. Tout à côté est la chambre que la sainte habita avec sa fille sainte Catherine ; elle est toute en bois, avec un plafond en bois et sans aucun ornement. Dans le petit autel qui y fut placé plus tard, on a incrusté des reliques de sainte Brigitte, qui sont enchâssées avec art. Cette cellule, malgré son pauvre aspect, laisse une impression agréable. La prière, la méditation, l'étude, les œuvres de charité spirituelle et corporelle remplirent les journées des pèlerins suédois durant leur long séjour à Rome, Pierre Olafson, le confesseur habituel de la Sainte, bien qu'obligé do vivre en dehors de la clôture du couvent, en observait la sainte règle avec la plus rigoureuse exactitude. Il dormait sur des planches recouvertes d'un mauvais matelas, ou sur la terre nue. Très rigoureux et très sévère pour lui-même, il était toujours plein de douceur pour autrui et paraissait ne vivre que dans le Ciel (2) ".Brigitte redoubla de prières et de mortifications. Convaincue que tout acte mauvais, de grande ou de petite importance, doit être nécessairement puni par la pénitence de l'homme ou par la justice de Dieu, son zèle ne connaissait point de bornes. A l'aspect des églises dévastées, où les précieuses reliques des Saints demeuraient cachées au lieu d'être vénérées ; à la vue de la dissolution de tant de clercs, de la dépravation de tant de Religieux, elle était désolée. (1) Lettre d'Alphonse, chap. III. (2) Ex vit. Aquil. Joan Vasloviè. Sa douleur augmentait encore lorsqu'elle entendait, dans ses prières extatiques, les plaintes du divin Sauveur sur la ville sainte. Il lui semblait entendre résonner à ses oreilles les Impropères du Vendredi-Saint, lorsque Jésus lui disait : « O Rome, comme tu me récompenses mal des nombreux bienfaits dont je t'ai comblée (1). Ah ! si tu connaissais ta misère, tu pleurerais certainement et ta joie prendrait fin. O Rome, Rome, tes murailles sont démolies, c'est pourquoi tes portes sont sans gardes ; on vend tes vases sacrés, c'est pourquoi tes autels sont déserts ; on brûle le sacrifice vivant et l'encens du matin dans le vestibule, c'est pourquoi le Saint des Saints ne répand plus sa sainte et suave odeur (2). (1) Révélations, IV, 10. (2) Révélations, III, 27. Sur ces entrefaites, Brigitte eut la vision suivante : Il lui sembla que la terre tout entière se présentait à ses regards ; elle y vit un grand nombre de jardins plantés de roses et de lis. Dans un lieu plus spacieux, il y avait un champ d'environ cent pieds de longs et cent pieds de large. Sur chaque pied de surface, sept grains de blé étaient semés, et chaque grain se reproduisait au centuple. Soudain le Fils de Dieu apparaissant lui dit : « Je veux te donner l'intelligence de ce que tu as vu. La terre figure tous les lieux où règne aujourd'hui la foi chrétienne, et les jardins représentent ceux où les Saints de Dieu ont reçu leurs couronnes. Néanmoins il y a eu dans les pays païens, à Jérusalem et ailleurs, un grand nombre d'élus dont le lieu de repos ne t'a pas été montré. Le champ qui a cent pieds de long, et cent pieds de large représente Rome. Si tous les jardins de la terre étaient réunis, ils ne seraient certainement pas plus grands que Rome, qui compte, à elle seule, autant de martyrs qu'eux tous ; car elle est la terre choisie de l'amour de Dieu. Le froment que tu as vu semé dans chaque pied de terrain représente ceux qui sont entrés au ciel par la mortification de la chair, par la contrition et l'innocence de la vie. Les roses sont les martyrs empourprés de leur sang. Les lis sont les confesseurs qui ont prêché la foi par la parole et qui l'ont confirmée par les œuvres. Mais maintenant je puis parler de Rome comme le Prophète parlait autrefois de Jérusalem. Jadis, disait-il, la justice habitait en son sein et ses princes étaient les princes de la paix ; maintenant, au contraire, elle n'est plus qu'un monceau d'ordures, et ses princes sont homicides. Rome était autrefois comme une étoffe teinte des plus belles couleurs et tissée du fil le plus précieux. Son sol était teint de couleur rouge, c'est-à-dire du sang des martyrs, et tissé, c'est-à-dire mêlé avec les ossements des Saints. Mais aujourd'hui ses portes sont désertes, parce que leurs défenseurs et leurs gardiens se sont portés vers le mal. Ses murs sont écroulés et sans garde, parce qu'on n'a plus nul souci de la perte des âmes; car le clergé et le peuple, qui devraient être les murs de Dieu, sont dispersés çà et là ne cherchant plus qu'à satisfaire leurs basses convoitises. Ses vases sacrés se vendent avec mépris, parce qu'on administre les sacrements de Dieu pour de l'argent et des faveurs mondaines. Les autels sont désolés parce que ceux qui touchent les vases sacrés ont les mains vides de l'amour de Dieu, et parce que leurs yeux ne voient que la valeur matérielle des offrandes ; et bien qu'ils aient Dieu véritablement en leurs mains, leurs cœurs néanmoins sont vides de Dieu, parce qu'ils les ont pleins des vanités d'ici-bas. Le Saint des Saints, où autrefois on consommait le grand sacrifice, symbolise le désir de voir et de posséder Dieu ; c'est de là que devait s'élever l'amour de Dieu et du prochain, ainsi que le doux parfum de la continence parfaite et de la vertu. Mais actuellement le sacrifice s'accomplit dans le parvis, c'est-à-dire dans le monde; car l'amour des choses divines est changé en incontinence et en vanité mondaine. Tel est l'état de Rome que tes yeux contemplent aujourd'hui ; car beaucoup d'autels sont ravagés et le sacrifice est consommé dans les tavernes. Ceux qui offrent le sacrifice servent le monde plus que leur Dieu. Tu sauras cependant que, depuis le temps de l'humble Pierre jusqu'au moment où Boniface fit asseoir l'orgueil sur le trône, une quantité innombrable d'âmes est montée au ciel. Maintenant encore les amis de Dieu ne manquent pas à Rome ; et, si on les aidait, ils élèveraient leurs voix vers le Seigneur, et il aurait pitié d'eux (1) ». Bientôt après, notre Sainte fut honorée d'une apparition de la Très-Sainte Vierge, dont les lèvres laissèrent échapper ces paroles terriblement sévères : « Rome est comme un champ où l'ivraie a poussé en abondance. C'est pourquoi elle doit être purifiée, premièrement, par le tranchant du fer, puis par le feu, et enfin, la charrue devra y passer. J'agirai avec vous comme quelqu'un qui transplante des plantes. Tel sera le châtiment de cette ville ; c'est comme si le Juge prononçait la sentence suivante : Que toute sa peau soit arrachée, que tout le sang soit retiré de son corps, que son corps soit coupé en morceaux et que ses os soient brisés de telle sorte que la moelle puisse s'en échapper (2) ». (1) Révélations. III, 27. (2) Révélations, IV, 57, Pour conjurer ces terribles menaces d'un châtiment qui ne devait éclater que trop tôt, Brigitte offrait ses larmes et ses ferventes prières en faveur de la pauvre Rome délaissée : « O Mère de miséricorde, implorait-elle sans cesse, ayez pitié d'eux, intercédez pour eux (1). O mon Dieu très doux, je vous supplie pour les pécheurs au nombre desquels je compte aussi, afin que vous daigniez les prendre en pitié (2)». Alors le Seigneur la consola de nouveau en lui promettant d'admettre les pénitents à la réconciliation et en l'assurant qu'il avait toujours la même volonté de sauver les pécheurs, comme au jour où il mourut pour eux sur la croix ; il rappela enfin qu'il était toujours Celui qui avait pardonné et ouvert le ciel au larron qui demandait miséricorde (3). C'est ainsi que la crainte et l'espérance, la douleur et la joie alternaient dans le cœur de sainte Brigitte; la joie, à cause des grandes indulgences, qu'elle pouvait gagner à Rome, et des reliques innombrables des saints martyrs au milieu desquelles elle vivait maintenant ; la douleur, lorsqu'elle voyait combien peu étaient honorées ces saintes reliques, objet de sa plus profonde vénération, combien même elles étaient méprisées et honteusement profanées. (1) Révélations, III, 29. (2) Révélations, III, 23. (3) Révélations, IV, 10. Dans son profond chagrin, elle se tournait avec une confiance d'enfant vers la Très-Sainte Vierge, et lui ouvrait ainsi son cœur : « O Marie, bien que moi-même j'aie souvent manqué de miséricorde, j'appelle cependant votre miséricorde à mon aide et je vous supplie de vouloir bien intercéder pour la sainte ville de Rome, comblée de tant de faveurs. Je vois que plusieurs églises où reposent des ossements de Saints, sont désertes. D'autres sont encore visitées, mais les cœurs et les mœurs de ceux qui y sont préposés, sont bien loin de Dieu. Obtenez qu'ils apprennent à aimer, car j'ai lu que Rome peut compter jusqu'à sept mille martyrs pour chaque jour de l'année. Et bien que leurs âmes ne jouissent pas d'une moindre gloire au ciel, alors même que leurs ossements sont méprisés sur la terre, je vous supplie cependant de faire en sorte que vos Saints et leurs reliques soient plus honorés en ce monde, et qu'ainsi la piété du peuple soit réveillée ». La Mère de Dieu répondit à la Sainte : " Ah Si tu mesurais sur la terre cent pieds en longueur et autant en largeur, si tu ensemençais cet espace avec des grains de froment si rapprochés les uns des autres qu'il n'y eût que l'intervalle d'un doigt d'un grain à un autre, et que chaque grain donnât du fruit au centuple, le nombre des martyrs et des confesseurs de Rome, depuis le jour où Pierre y entra avec humilité, jusqu'à celui où Célestin quitta l'orgueil du trône pour retourner à sa vie solitaire (1) serait plus grand encore que celui de tous ces grains ". (1) Après la mort de Nicolas IV, on éleva au trône pontifical Pierre Morone, un pauvre et saint moine, sous le nom de Célestin V. Accoutumé à, une vie toute contemplative, ce Pape ne tarda pas à se croire incapable de diriger la barque de saint Pierre pendant les tempêtes du treizième siècle; il renonça donc à une charge qui lui parut trop lourde à porter. Le 13 décembre 1291, le saint Père réunit les Cardinaux en un Consistoire; il parut au milieu d'eux revêtu des vêtements pontificaux et lut lui-même l'acte de son abdication. Il déposa ensuite ses insignes, reprit le grossier habit d'ermite et quitta l'assemblée, qui l'accompagna de ses larmes et recommanda aux prières de Pierre Morone l'Eglise restée orpheline. On raconte qu'au moment de descendre du trône pontifical, il guérit un paralytique. (Card. S. Géorgie Op. met., liv, III, c. XII Rubeo. Vila Bonifocie VIII. p. 13.) Marie raconta ensuite à Brigitte, que du temps de Romulus, le fondateur de Rome, il y avait déjà dans cette ville des âmes justes et bonnes qui s'efforçaient d'aimer Dieu, le Créateur de toutes choses, et de le servir autant qu'il était en leur pouvoir ; que plus tard, après l'expansion du christianisme, des âmes en quantité innombrable étaient arrivées, dans cette ville, à une vertu, à une perfection et à une sainteté de plus en plus élevée (1). L'expression « siège d'orgueil » dont Jésus et Marie s'étaient servis à plusieurs reprises pour désigner le Siège de saint Pierre, exprime le déplaisir que Dieu éprouvait de l'éclat et de la magnificence dont s'entourait le Pape alors régnant. Ces paroles pénétrèrent profondément dans l'âme de Brigitte ; car elle ne comprenait que trop bien le contraste qui existait entre le palais d'Avignon, la splendeur de la Cour de Clément VI, et la simplicité apostolique qui devait distinguer les successeurs de saint Pierre. A la vérité, elle priait, mais elle était non moins résolue d'agir et de faire tout ce qui dépendait d'elle pour déterminer le Pape h revenir à Rome, En même temps son âme si humble vit combien il lui serait difficile d'exercer une action décisive sur les événements du monde ; elle ne voulait point devenir l'institutrice des peuples ni l’Ange-gardien des Papes d'Avignon, chargé de les avertir et de les exhorter ; et si, néanmoins, fidèle à la voix du Seigneur, elle accepta ce rôle, la mission qui lui fat imposée correspondait si peu à ses désirs et à ses penchants naturels, qu'elle n'adressa jamais aux Vicaires de Jésus-Christ les révélations qu'elle avait reçues pour eux, sans y avoir été contrainte par un ordre exprès du Seigneur. (1) Révélations III, 27. Bientôt après son arrivée à Rome, Brigitte écrivit au Pape Clément, sur l'ordre et au nom de Jésus, ce qui suit : « Je t'ai élevé et laissé monter au faîte de tous les honneurs. Lève-toi donc pour mettre la paix entre les rois de France et d'Angleterre, qui sont semblables a des bêtes féroces et qui trahissent les âmes. Viens ensuite en Italie prêcher la parole de Dieu et annoncer l'année du salut et de l’amour divin ; viens fouler de nouveau sous tes pas les rues arrosées du sang de mes martyrs, et je te donnerai une récompense qui n'aura pas de fin. Rappelle-toi les temps passés où, tandis que tu m'excitais témérairement à la colère, je me taisais ; où tu faisais ce que tu voulais et non ce que tu devais, tandis que moi-même je suis resté patient, semblable a un juge qui ne juge pas. Mais mon heure approche, et je viens te demander compte du mauvais emploi de ton temps et de ton audace. De même que je t'ai laissé monter tous les degrés, de même je te ferai descendre d'autres degrés d'un ordre spirituel ; tu en feras l'expérience dans ton corps et dans ton âme, si tu n'obéis pas à mes paroles. Ta langue verbeuse se taira, et le nom que tu portes sur terre, sera en oubli et en opprobre devant ma face et celle de mes Saints. Je te demanderai compte aussi de ton indignité avec laquelle, bien qu'avec ma permission, tu as parcouru tous les degrés des honneurs ; ce dont je me souviens mieux que ta conscience si négligente. J'examinerai encore jusqu'à quel point tu as été lâche pour rétablir la paix entre les rois et quelle injuste faveur tu as accordée à un parti. Je n'oublierai pas que de ton temps l'ambition et la cupidité florissaient dans l'Église et s'y multipliaient, et que tu aurais pu réformer et améliorer beaucoup de choses. Mais toi, qui aimes la chair, tu n'as pas voulu agir. Lève-toi donc avant que ta dernière heure ne vienne à sonner, et efface maintenant par ton zèle les négligences des temps passés. Que si tu as des doutes sur la nature de l'esprit qui a dicté ces paroles, sache que la personne qui te les transmet et que le royaume d'où elle vient sont connus ; il s'y est opéré par elle des prodiges et des choses terrifiantes; la justice et la miséricorde que je t'annonce vont venir de tous les points de la terre. Ta conscience te dit également que mes exhortations sont sages, et que mes efforts pour te persuader sont pleins de charité. Si ma patience ne t'avait supporté, tu serais déjà descendu plus bas qu'aucun de tes prédécesseurs. Scrute donc le livre de ta conscience et vois si je dis la vérité (1) ». Brigitte envoya cet écrit par un Evêque de ses amis, à Clément VI, à Avignon. La situation de ce Pape était des plus difficiles sous le rapport politique, car l'Europe tout entière se trouvait dans des embarras inextricables. En Espagne, les rois de Castille et d'Aragon préparaient des événements terribles, par leur cruauté et leur ambition; l'Angleterre et la France recommençaient leurs anciennes hostilités, et, en Allemagne, l'irritation contre la cour d'Avignon allait grandissant, à la suite de la querelle de Louis de Bavière avec la curie. Clément VI, loin de dédaigner les avertissements de la princesse du Nord, dont il connaissait depuis longtemps les merveilleuses révélations et les rares vertus, s'entremit avec le plus grand zèle pour rétablir peu à peu la paix. (1) Révélations, VI, 63. Mais, malgré ses efforts et son habileté, il ne parvint pas à ramener la paix entre les partis. Les Anglais l'accusèrent de partialité envers la France; ce reproche n'était pas sans fondement, et Jésus-Christ lui-même le lui avait fait dans la lettre de Brigitte. Tout ce qu'on put obtenir ce fut une trêve de trois ans, qui ne fut même pas respectée (1). Quant à son retour à Rome, Clément ne voulut pas en entendre parler ; il chercha toujours à éluder cette question, et enchaîna de plus en plus la Papauté à la France en nommant des Cardinaux français. Brigitte qui voyait empirer le triste état des choses à Rome, écrivit à Alphonse, Evêque de Jaen, pour l'engager à faire part au Pape de la condition misérable où se trouvait plongée la ville sainte. Sa lettre commençait ainsi : « Vénéré Père, entre autres communications qu'il y a lieu de faire à Notre Très-Saint Seigneur, le Pape, il importe de l'instruire de la situation déplorable dans laquelle se trouve la ville, qui, tant au spirituel qu'au temporel, était autrefois si heureuse. Aujourd'hui elle est au comble du malheur moral et matériel. Elle est malheureuse matériellement, parce que ses princes temporels, qui devraient être ses défenseurs, sont devenus ses plus cruels spoliateurs. C'est pourquoi ses maisons sont dévastées, et la désolation règne dans beaucoup d'églises où reposent les ossements bénis des Saints, de ces Saints qui opèrent d’admirables prodiges, et dont les âmes sont magnifiquement couronnées dans le royaume de Dieu. Ses temples aussi, après avoir vu s'écrouler leurs dômes et violer leurs portes, ont été transformés en étables. Cette ville est malheureuse au spirituel, parce qu'un grand nombre d'ordonnances, que de saints Papes avaient établies sous l'inspiration du Saint-Esprit, pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, sont aujourd'hui abolies. En revanche, une foule d'abus se sont introduits à l'instigation de l'Esprit mauvais, pour déshonorer Dieu et pour perdre les âmes ». (1) Baluze, Vitœ Pap. Avenn., t. III, p. 284. Brigitte cite ensuite avec la plus grande précision différentes lois ecclésiastiques, et montre de quelle manière elles ont été transgressées et par quels abus elles ont perdu leur force. Elle peint tout cela avec les couleurs les plus vives, se plaint amèrement de la décadence des Ordres religieux et de la mauvaise foi avec laquelle une masse de laïques foulent aux pieds les commandements de Dieu et de sa sainte Eglise, et elle termine enfin en disant: « Ne soyez donc pas étonné, vénérable Père, si j'appelle Rome une ville malheureuse, à cause des abus que je vous signale et de tant d'autres encore. Il est à craindre que la foi catholique ne disparaisse dans un avenir prochain, s'il ne vient un homme qui, aimant ouvertement Dieu par-dessus tout et le prochain comme lui-même, abolisse tous les abus. Ayez donc compassion de l'Église et de son clergé, que Dieu aime de tout son cœur, en même temps qu'il a en horreur les coutumes pernicieuses. Devenus orphelins, pour ainsi dire, par l'absence du Pape, l'Eglise et le clergé n'en ont pas moins défendu le siège du Père commun comme il convient à des fils, et ils ont résisté avec sagesse aux traîtres en restant fermes au milieu de grandes tribulations (1). Tout en restant en France, Clément fit tout ce qu'il put pour améliorer la situation de Rome ; mais il refusa obstinément la seule chose que Brigitte et le monde entier espéraient de lui, c'est-à-dire son retour à Rome ; et ce fut en vain que la Sainte lui adressa sans cesse la même supplication : « Quittez Avignon ; revenez dans la ville des Apôtres ». Pour la consoler de l'insuccès de ses efforts, le premier et le plus saint de tous les Papes, saint Pierre daigna lui apparaître. Il lui parla avec une affection toute paternelle, et ranima ses espérances en lui disant : « Je te certifie que tu seras encore en vie, quand on entendra crier ici : Vive le Vicaire de Jésus-Christ! Et tu le verras de tes yeux; car je minerai la montagne des délices, et ceux qui y sont assis en descendront. Quant à ceux qui ne voudront pas en descendre de bon gré, ils y seront contraints contre l'attente de tous. Car Dieu veut être exalté avec vérité et avec miséricorde (2) ». (1) Révélations IV, 33. (2) Révélations IV, 4. Brigitte que son inclination naturelle portait toujours à la prière et à la contemplation, et qui vivait presque exclusivement dans les extases et les visions, ressentit une profonde douleur de ne pouvoir visiter, à cause du peu de sécurité des rues de Rome, les quelques églises qui étaient encore consacrées à l'exercice du culte divin. Dieu ne voulut pas laisser plus longtemps stériles les désirs de la Sainte. Dès la première année de son séjour à Rome, cette ville devint le théâtre d'une révolution aussi inattendue qu'étrange, révolution qui eut pour résultat d'anéantir la puissance despotique des barons, et de rétablir, pour quelque temps du moins, la tranquillité, l’ordre et la sécurité.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 19/12/2016, 21:26 | |
| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre XVI ème.
16/40. CHAPITRE XVI - Cola de Rienzo. — Brigitte visite les églises de Rome. Nouvelles grâces (1347-1350). L'état misérable de Rome réveilla chez quelques nobles âmes de ce temps-là le souvenir de l'ancienne Rome, jadis si glorieuse et si déchue alors. Il y avait des coeurs généreux qui frémissaient d'horreur à la vue de ces ruines qu'une poignée de tyrans se disputait, et ils songeaient très sérieusement à une restauration. Un homme surtout se crut appelé à remplir cette tâche : c'était Nicolas Gabrini, connu sous le nom de Cola di Rienzo, abréviation de Nicolas Lorenzo (1). (1) Cristophe, Histoire de la papauté t. VIII, p. 112. Cola était de basse origine, mais doué d'une rare intelligence ; il s'occupait beaucoup de l'étude de l'antiquité. Sa brillante imagination le persuadait qu'il était capable de faire renaître le passé de Rome, et qu'en cas d'insuccès, il parviendrait au moins à opérer une étonnante révolution dans l'état présent. Rienzo possédait le talent, rare alors, d'exprimer sa pensée avec facilité et sans préparation, d'une manière saisissante et passionnée ; ce qui lui donnait une grande influence sur le peuple. Néanmoins il ne joua point de rôle politique avant 1344. A cette époque, un de ses frères fut assassiné. Il poursuivit en vain le châtiment de ce crime, et pour se venger, il résolut de se jeter dans la vie publique et de délivrer sa patrie de la tyrannie qui l'accablait. Une occasion favorable s'offrit bientôt. Les treize citoyens ou seigneurs à bannière qui administraient les treize quartiers de la ville, envoyèrent une seconde députation à Clément VI, pour le supplier de nouveau de revenir dans la capitale de la chrétienté. Rienzo réussit à en faire partie et se rendit à Avignon. Dans une des nombreuses audiences que le Pape lui accorda, il dépeignit avec une éloquence si brillante et des couleurs si vives les injustices, les brigandages et les cruautés de la noblesse romaine et la ruine sociale qui en était résultée, que Clément, saisi d'indignation contre les barons; nomma Rienzo, qui paraissait si dévoué au bonheur de Rome, Notaire du Siège Apostolique dans la Ville-Sainte. Peu après, celui-ci retourna à Rome et y exerça sa nouvelle charge avec beaucoup de désintéressement et de justice. Sa protestation courageuse contre la corruption générale ne tarda pas à lui gagner la faveur du peuple, dont il s'efforçait d'attiser la haine contre la noblesse par d'ardents discours. En 1347, il se sentit assez puissant pour oser frapper un coup décisif. Il avait su mettre le peuple complètement de son parti, tandis que l'orgueilleuse noblesse de Rome l'estimait peu et le craignait encore moins. La révolution était déjà accomplie dans les esprits ; il ne restait plus qu'à la faire passer dans les faits. L'occasion favorable ne tarda pas à se présenter. La plupart des barons étaient hors de Rome vers la fin du mois d'avril (1), Cola di Rienzo mit à profit l'absence de ses adversaires ; il rassembla le peuple au Capitole. Les Romains ont encore aujourd'hui l'habitude d'aller se distraire à la campagne aux mois d'avril et de mai, et lui fit donner lecture des articles de la nouvelle Constitution, qui devait ramener Tordre dans la république. On le couvrit d'applaudissements et personne n'osa protester, car l'exaltation du peuple eût brisé toute résistance. Rienzo était devenu maître de Rome ; il mit la main sur tous les quartiers de la ville et reçut du peuple les titres de Tribun et de Libérateur, qu'il partagea avec Raymond d'Orvieto, le représentant du Pape. Clément était trop prudent pour ne pas reconnaître qu'il devait se contenter de ce qu'on voulût bien soumettre à son approbation un changement qui s'était produit à son insu, Dans l'intervalle, Rome avait complètement changé d’aspect ; l'ordre, la tranquillité et la justice y régnaient de nouveau. Les barons, rendus responsables de leurs crimes, n'avaient plus le courage de troubler la paix publique. La sécurité était rendue à la ville et les lois avaient repris leur empire. On établit dans tous les quartiers des greniers remplis de blé pour les besoins des habitants. Les églises furent restaurées, les nobles furent obligés de veiller à sûreté des rues, et les pèlerins chrétiens purent de nouveau visiter les sanctuaires de Rome sans être molestés. Notre Sainte fut extrêmement heureuse de ce revirement inespéré. Les reliques bénies des Saints de Dieu, qui lui étaient si chères, n'étaient plus livrées à la profanation. Brigitte pouvait visiter les sanctuaires et donner satisfaction aux aspirations de son cœur : « Sans faire attention au froid rigoureux, ni à l'ardeur du soleil, ni aux difficultés d'un chemin fatigant, ni à la neige, ni à la pluie, ni à la grêle, elle faisait chaque jour les stations déterminées par l'Eglise et visitait divers autres sanctuaires, allant toujours à pied, bien que sa position lui eût permis de monter à cheval et que la marche excédât les forces de son corps épuisé (1) » . C'est en cela qu'elle trouvait son bonheur, sa joie la plus douce, et toute occupation qui l'en détournait lui devenait un fardeau. (1) Bulle da canonisation. Suivant le désir exprimé par son confesseur, Brigitte, dès son arrivée à Rome, s'était mise à l'étude de la langue latine. Pierre d'Alvastra la lui enseigna, et non seulement, elle pa à la comprendre en peu de temps, mais elle sut encore la parler facilement et correctement. Cependant l'étude aride de la grammaire, à laquelle Pierre l'astreignait, n'était point du goût de cette âme tout extatique, et elle aimait bien mieux visiter les églises que de s'occuper des règles de la langue latine. Un jour qu'elle s'en affligeait, la Mère de Dieu lui dit : « Pourquoi, ma fille, es-tu si abattue ? ». Brigitte répondit en toute simplicité : « Ma chère Dame, je suis triste parce que je ne visite pas les lieux saints qui sont à Rome ». Et Marie repartit : « Il t'est bien permis de les visiter avec humilité et une pieuse vénération ; car à Rome, les Indulgences que les Saints de Dieu ont obtenues de mon Fils par leur sang glorieux et leurs prières, sont plus grandes que les hommes ne peuvent le croire. Cependant, ma fille, n'abandonne pas pour cela l'étude de la grammaire, ni l'obéissance envers ton père spirituel (1) ». (1) Révélations VI, 105. Si toute âme chrétienne trouve déjà une si grande joie à prier sur les tombeaux des Princes des Apôtres, à visiter les églises de Rome et à vénérer pieusement les glorieuses reliques des Saints de Dieu, nous pouvons comprendre ou du moins deviner les délices inexprimables que goûtait notre Bienheureuse dans la Ville éternelle, et avec quelle force elle était sans cesse attirée vers ces lieux saints, où l'attendaient des grâces si merveilleuses. Brigitte s'était assimilée d'une façon spéciale toute la sainte mystique de l’année ecclésiastique, et il est historiquement prouvé que beaucoup d'apparitions de Saints dont elle fut honorée, coïncidaient avec leurs fêtes. De même, ses visions et ses révélations sur les mystères de la vie de Jésus et de Marie, venaient habituellement la réjouir aux jours où l'Eglise célèbre ces mystères dans son Office et sa liturgie. Nous ne citerons ici que quelques-unes des grâces et des faveurs innombrables dont Dieu comblait sa fidèle servante. Lors d'une visite à l'église de Saint-Laurent hors-les-murs, sur la route de Tivoli, pendant que la Sainte, plongée dans le recueillement, priait devant le sépulcre en marbre qui renferme les reliques de saint Laurent et de saint Etienne, ce dernier lui apparut environné d'une lumière céleste. Il lui raconta que dès sa jeunesse il avait aimé le Seigneur, et lui parla de la magnificence de la couronne qu'il possédait maintenant. Brigitte était tout heureuse de l'éclat rayonnant du martyr, quand celui-ci la quitta en lui disant : « Parce que tu te réjouis de ma gloire, tu arriveras, par ma prière, à une plus haute connaissance de Dieu, et l'Esprit de Dieu restera avec toi. Tu iras aussi à Jérusalem, le lieu de ma passion (1) ». Une fois qu'elle priait dans l'église de Sainte-Marie-Majeure, au jour même delà fête de la Purification de la Très-Sainte Vierge, elle fut soudainement ravie en esprit et vit le ciel ouvert, tout préparé comme pour une grande fêle. Elle aperçut ensuite un temple d'une rare beauté, où se tenait le vénérable vieillard Siméon, prêt à recevoir dans ses bras l’Enfant-Jésus, avec un ardent désir et une joie indicible. Elle vit aussi la Très-Sainte Vierge s'approcher dans une admirable humilité, portant son divin Fils sur les bras pour l'offrir au Temple, d'après la loi du Seigneur. Puis elle aperçut une grande multitude d'Anges et de Saints ; des vierges et des femmes saintes précédaient la Mère de Dieu et l'entouraient avec une joyeuse vénération. (1) Révélations, VI, 403. Un Ange portait devant elle une épée longue et très large ; cette épée symbolisait les extrêmes douleurs que Marie avait endurées à la mort de son Fils bien-aimé, douleurs figurées à l'avance par le glaive dont Siméon avait dit qu'il transpercerait son âme. Tandis qu'absorbée dans la prière, l'épouse du Seigneur contemplait la joie des Bienheureux, il lui fut dit : « Vois quel honneur et quelle gloire sont rendus à la Reine du ciel en cette fête, à cause du glaive de douleur qui l'a frappée à la Passion de son cher Fils (1) ». Et la vision disparut, laissant Brigitte inondée d'une félicité céleste. (1) Révélation, VII, 2. Un prêtre célébrait sa première messe, un jour de Pentecôte dans une église de monastère. Brigitte qui assistait à l'Office divin, vit au moment de l'élévation du corps de Notre-Seigneur, descendre du ciel un feu qui se répandit sur tout l'autel. Elle aperçut un pain entre les mains du prêtre, dans le pain un agneau vivant, et dans l'agneau une face humaine, tout enflammée. Elle entendit alors une voix qui lui dit : « De même que tu as vu descendre le feu sur l'autel, de même, le Saint-Esprit , en un jour semblable à celui d'aujourd'hui, descendit sur mes Apôtres et enflamma leurs cœurs. Par la parole sacramentelle, le pain devient un agneau vivant, ce qui est mon Corps. Et la face est en l'agneau et l'agneau en la face, parce que le Père est dans le Fils, et le Fils dans le Père, et le Saint-Esprit en tous deux ». Et l'épouse du Seigneur vit encore, en la main du prêtre, à l'élévation de la sainte Eucharistie, un jeune homme d'une beauté admirable qui lui dit : « Je vous bénis, vous qui croyez, et je serai un juge pour ceux qui ne croient pas (1) ». Dans ses prières mystiques et ses révélations, Brigitte fut éclairée, dès cette époque, sur les mystères dont toute la grandeur et la suavité ne devaient être dévoilées que dans les siècles postérieurs au sien. Au sujet de l'Immaculée-Conception de la Très-Sainte Vierge Marie, le Fils de Dieu lui dit : « Ma Mère a été si belle à sa naissance, qu'il n'y eut aucune tache en elle. Les mauvais esprits s'en aperçurent bien et en eurent un tel dépit, que du fond des enfers retentit la voix unanime des démons, pour dire : « Une vierge s'avance si riche de vertus, si merveilleuse, qu'elle surpasse tous les hommes qui sont sur la terre et au ciel, et qu'elle arrivera jusqu'au trône de Dieu. Si nous nous élevons contre elle avec tous nos pièges, elle les déjoue tous ; ils se rompent comme de l'étoupe et ils se disjoignent comme de vieilles cordes. Si nous nous avançons contre elle avec toute notre malice et notre impureté, elle nous abat, comme le faucheur coupe le foin. Que si nous cherchons à lui inspirer le goût des jouissances sensuelles et des plaisirs du monde, elle rejette ces suggestions plus vite que ne s'éteint une étincelle dans un torrent impétueux (1) ». (1) Révélations, VI, 108. La Très-Sainte Vierge dévoila ensuite à Brigitte l'aimable mystère de l'adoration et de la vénération du divin Cœur de Jésus. Et de même qu'au treizième siècle la glorieuse sainte Gertrude avait reçu des révélations célestes sur le Cœur adorable du Fils de la Vierge Immaculée, de même ce Cœur béni devait se montrer à la nouvelle épouse du Seigneur avec son inexprimable richesse d'amour et de compassion, afin qu'elle pût y trouver un refuge assuré au milieu des souffrances, des peines et des combats de la vie. (1) Révélations, IV, 103. La Mère de Dieu dit à Brigitte : « Le Cœur de mon Fils est suave comme du miel et immaculé comme la source la plus pure, parce que toute vertu et toute bonté procèdent de lui comme de leur source. Il est aussi tout ce qu'il y a de plus aimable et de plus doux ; car qu'est-ce qui est capable de réjouir l'homme autant que le souvenir de l'amour extraordinaire que Jésus nous a témoigné, dans l'œuvre de la Rédemption, par ses labeurs, sa doctrine, sa douceur et sa patience? Sa charité ne s'écoule pas comme l'eau : elle reste, elle dure, et embrasse tout, parce qu'elle demeure avec les hommes jusqu'au dernier moment, à tel point que le pécheur qui serait aux portes de la perdition, mais qui de là implorerait du secours, avec la volonté de s'amender, serait arraché à sa perte (1) ». (1) Révélations, IV, 101. Une des églises préférées de sainte Brigitte était la célèbre Basilique de l’Apôtre saint Paul située sur la route d'Ostie. Du côté droit du chœur de ce temple, si splendide autrefois (1), se trouvait un crucifix au pied duquel notre Sainte aimait particulièrement à prier. Un jour que, prosternée à terre, elle priait avec ferveur devant ce crucifix, Jésus lui adressa la parole du haut de la croix et promit une riche récompense à quiconque réciterait avec dévotion les quinze prières de la Passion et de la mort de Notre-Seigneur qui lui avaient été révélées au couvent d'Alvastra. C'est dans cette église surtout qu'elle aimait à contempler et à pleurer la Passion et la mort de Jésus-Christ, Abîmée dans la douleur et l'amour, elle songeait à son arrestation, à ses liens, à sa flagellation, à ses humiliations, à ses cruelles souffrances, au portement de la croix, à sa mort sur le bois ignominieux de la croix. Depuis longtemps elle désirait connaître le nombre des plaies que le corps adorable du Sauveur avait reçues. Sa piété devait être satisfaite sur ce point à Rome. Un jour que le Christ daigna parler de nouveau à Brigitte du haut de cette croix (1), il lui dit de joindre un Pater et un Ave à chacune des quinze prières de la Passion, ajoutant que si durant une année, elle récitait journellement ces quinze Pater et Ave, elle aurait à la fin de l'année honoré de la prière dominicale et de la Salutation angélique chacune de ses plaies sacrées. A partir de ce moment et jusqu'à l'heure de sa mort, Brigitte n'a cessé de réciter chaque jour quinze Pater et quinze Ave. (1) Dans la nuit du 15 au 16 juillet 1S23, ce temple magnifique devint la proie des flammes. D'après cette révélation, le nombre des plaies de Notre-Seigneur se monte à cinq mille quatre cent soixante-quinze (2). Lors d'une de ses nombreuses visites à la même église, le sacristain du monastère de de Saint-Paul attenant au temple, lui fit don de quelques reliques de sainte Anne, la mère de la Très-Sainte Vierge Marie. Pendant que Brigitte se demandait dans sa joie comment elle pourrait les enchâsser et les vénérer pieusement, sainte Anne lui apparut et lui dit : « Mes reliques, que vous venez de recevoir, seront une source de consolations pour ceux qui aiment, en attendant qu'il plaise à Dieu de les glorifier davantage encore à la résurrection du dernier jour (1) ». (1) Jusqu'à notre époque, le peuple romain avait coutume d'honorer avec dévotion cette image vénérable du crucifix, sous le nom de : Crucifix qui a parlé à sainte Brigitte. (2) Clarus, Vie et révélations de sainte Brigitte; préface des prières révélées, t. IV, 113 et 114. C'est ainsi que presque chaque visite d'église, chaque exercice de piété était marqué pour Brigitte d'une grâce nouvelle, d'une nouvelle faveur de la part de Dieu et de ses Saints. (1) Révélations, VI, 104.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 19/12/2016, 23:50 | |
| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre XVII ème.
17/40. CHAPITRE XVII - La peste noire. — Amour de sainte Brigitte pour le prochain. — Guérison et conversions miraculeuses. Lettres de Brigitte. Pendant que Clément VI appliquait tous ses soins à arrêter la guerre qui ravageait comme un incendie la France, l'Angleterre, l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne, l'Orient envoyait en Europe le plus terrible des fléaux, la peste. Elle avait déjà décimé la plus grande portion de l'Asie, sans que rien n'eût annoncé son arrivée en Europe, lorsqu'elle apparut tout à coup à l'embouchure du Don et dans les îles de l'Archipel. Les navires italiens qui se trouvaient dans les ports du Levant, s'effrayèrent de la violence de l'horrible épidémie et mirent aussitôt à la voile pour échapper à son influence ; mais ils n'étaient pas à mi-chemin de la traversée que déjà une grande partie des équipages avait succombé. Ils relâchèrent en Sicile pour y laisser leurs malades, et la mortalité se mit immédiatement à sévir dans cette île. A leur entrée dans les ports de Pise et de Gênes, les navires ne comptaient plus que quelques hommes, qui moururent aussi, dès leur débarquement. L'épidémie éclata incontinent dans ces deux villes et se répandit de là avec une rapidité effrayante en Toscane, dans la Romagne, dans le royaume de Naples et les Marches de la Lombardie. Elle franchit ensuite les montagnes, et s'étendit sur la Savoie, la Provence, le Dauphiné et la Bourgogne. En 1349, elle parcourut tous les pays situés sur le littéral de l'océan Atlantique, et en 1350, elle ravagea l'Allemagne, la Frise et la Hongrie. Elle pénétra enfin jusque dans les régions glaciales et dévasta la Russie, le Danemark, la Norvège et la Suède (1). Ce dernier pays vit ainsi dans le terrible fléau de Dieu l'accomplissement des menaces que, dans une inspiration prophétique, la princesse de Néricie avait fait entendre quelques années auparavant. (1) Chron. De Piza, t. XV, p. 1020. Pétri Azarii Chron. t. II, c.3. Les épidémies du temps de Pharaon, de David, de Périclès, de saint Grégoire n'étaient rien à côté de celle-ci. Aucune de celles qui l'ont précédée ou suivie n'a immolé autant de victimes, ni enlevé aussi rapidement (1). En Allemagne et dans les pays du Nord, on l'appela la mort noire ; en Italie, on la nomma la mort violente ; toutefois elle ne sévit guère au-delà de cinq mois dans le même pays. Durant les années 1348 et 1349, ce terrible mal occupa si exclusivement la scène du monde, que bien peu d'autres événements y trouvèrent place, et que même le retour du Pape à Rome n'éveilla qu’une médiocre attention. Durant tout le cours de l'épidémie, Clément VI fit généralement preuve de courage, de zèle et de charité, comme on pouvait l'attendre du Père commun des fidèles. Quelque précieuse que pût être à l'Eglise la vie de son Chef, quelque épouvantables que fussent les ravages de la maladie à Avignon, il ne songea pas à fuir. A l'exemple du bon Pasteur, il demeura à la tête de son troupeau. (1) Gui de Cauliaco chirurgia, Ludgini, 1507, tract, de apost., fol. 35. Hist. Cortus, t. XII, lib IX, c. 14. Petrarch. ep. farn., lib. VIII, ep. 7, ad Socratem. Il envoya des médecins aux pauvres, pourvut à l'alimentation publique et s'occupa de la sépulture des morts ; à cette fin il acheta un champ situé hors de la ville, et y fit construire une chapelle sous le vocable de Notre-Dame de Champ fleuri, en la dotant d'un bénéfice annuel pour perpétuer le souvenir de la fondation. Il dépensa également des sommes considérables pour le transport et l'ensevelissement des cadavres, et entretint une police vigilante pour prévenir la propagation delà maladie (1). Mais la mortalité était trop grande pour permettre au Pape d'étendre ces mesures salutaires au-delà des limites de sa résidence. Il compléta ces mesures, en conférant à tous les Métropolitains le pouvoir d'accorder par eux-mêmes ou parleurs suffragants et curés une absolution générale à tous les moribonds, victimes de la peste ; il y ajouta les plus riches Indulgences pour les prêtres et les fidèles qui se dévoueraient au service corporel et spirituel des malades (2). La peste éclata à Avignon au mois de janvier et dura plus de six mois ; sept Cardinaux succombèrent, et, plus de cent vingt mille personnes périrent dans la ville papale et le Comtat-Venaissin. (1) Fantoni, istoria della città d'Avignone, t. II, lib. II, p. 200 (2) Baluze, Vitœ papar, t. I; p. 294. Ce que le Pape fut pour Avignon, Brigitte le fut pour Rome. Dans ce temps de désolation, sa charité et sa compassion envers les malheureux pestiférés ne connut pas de bornes ; elle n'eut jamais la pensée d'abandonner la ville sainte et elle s'exposa courageusement au danger. Pierre Olafson et les deux autres prêtres suédois partagèrent avec un charitable dévouement les périls et les mérites de sainte Brigitte et, comme elle, ils furent épargnés par l'épouvantable fléau. En Italie, la moitié environ de la population succomba. Pétrarque dit que la peste dépeupla le monde et le laissa presque sans habitants (1). On estime que, dans plus de deux cent mille villages et châteaux, il ne resta pas un être vivant. Quand la pauvre Rome eut été ainsi, comme une terre d'ivraie, purifiée par le fer et par le feu, suivant les avertissements de la Mère de Dieu, et que la terrible épidémie se fut éloignée, un vaste champ s'offrit à la charité miséricordieuse de notre Sainte. On la vit parcourir les rues de la Ville éternelle en faisant le bien, comme autrefois le divin Sauveur lui-même, dont elle suivait les traces avec une si admirable fidélité (1). (1) Mundum omnem gentibus spoliavit... universus fere orbis sine habitatore remansit. Fa., lib. VIII, ep. 7, ad Socratem, Brigitte se mit à visiter les hôpitaux et à servir les malades avec un tel dévouement, que les grandes dames romaines, peu habituées à rencontrer tant d'humilité et d'abnégation chez une princesse, en demeuraient remplies d'étonnement et d'admiration. Notre Sainte rendit aux pauvres tous les services que la tendresse d'une mère peut prodiguer à ses enfants. Non seulement elle les caressait et consolait avec une bonté et une douceur inexprimables, mais elle leur préparait encore leurs aliments, lavait et raccommodait leurs vêtements. Elle portait l'amour des pauvres à ce point que parfois elle se mêlait, inconnue, à la foule des pauvres pèlerins du couvent de Saint-Laurent in panis et pernât de l'Ordre de Sainte-Claire, demandait l'aumône et baisait avec gratitude le morceau de pain sec qui lui était tendu (2). (1) Révélations, IV, 57. (2) Bulle de canonisation. Surius nous raconte le trait suivant de sa charité envers les malheureux. Un jour que, selon son habitude, elle faisait les stations, elle vint à passer devant l'église de Sainte-Praxède et aperçut à l'entrée une pauvre femme qui gisait à terre sans connaissance. Brigitte essaya de la relever et de la rappeler à la vie ; mais ne pouvant y réussir, elle pria le prêtre suédois, Magnus Pedersson, qui l'accompagnait, de l'aider à porter la malade à l'hospice voisin de Saint-Antoine. Magnus s'y prêta volontiers ; et tous deux portèrent la pauvre femme à travers les rues de Rome, jusqu'à l'hôpital. Brigitte laissa ensuite une somme d'argent à l'administrateur de l'établissement et recommanda la malade à sa sollicitude personnelle. La sainte veuve visita souvent cette femme, qui était Norvégienne, et, après son rétablissement, elle lui donna pendant quelque temps l'hospitalité dans sa propre maison. On découvrit bientôt que cette malheureuse était sujette à de fréquents accès d'épilepsie. Brigitte, pénétrée de compassion, pria pour elle, et lui passa son rosaire autour du cou ; le terrible mal disparut instantanément et sans retour (1). (1) Surius in vit. S. Birgittae, § 27. A cette époque déjà, Dieu glorifiait sa fidèle servante par de nombreux miracles, dont nous relaterons encore le suivant. A la suite d'une longue maladie, un fils de Latinos d'Orsini, à Rome, était à la mort. Les médecins l'avaient abandonné, et l'on attendait sa fin. La mère, désolée, se tenait au chevet de son fils moribond, lorsque tout à coup elle se dit à elle-même : « Oh ! si dame Brigitte venait et qu'elle pût toucher mon enfant, il guérira ! ». Quelques instants après, notre Sainte entra, contre toute attente, dans la chambre du malade. Elle consola la mère affligée, et l'invita ensuite à la laisser seule avec le moribond. Quand tous les assistants se furent retirés, Brigitte pria longtemps et avec ferveur auprès du lit de l'agonisant. Puis, le touchant du bord de son vêtement, et approchant son visage de celui du malade, elle dit : « Dors, mon enfant, dors ». Elle rappela alors la mère et lui dit : « L'enfant ne mourra pas ; il repose tout doucement » . Brigitte s'éloigna. Le jeune garçon se réveilla peu après, gai et content, et assura qu'il n'éprouvait plus la moindre douleur. Il raconta à ses parents que la dame étrangère venue de la Suède avait prié près de lui, qu'elle l'avait touché et guéri. Il se leva ensuite en pleine santé et alla jouer avec ses frères et sœurs. Brigitte ne possédait pas seulement la science de guérir les maux du corps ; sa prière et sa parole étaient aussi un remède céleste pour les maladies de l'âme bien autrement graves et douloureuses. Un baron romain qui jouissait d'une grande considération et qui ne s'était, dit-on, jamais confessé, fut atteint d'une maladie mortelle. L'épouse du Seigneur eut compassion de lui, et pria pour sa conversion. Le divin Sauveur apparut à Brigitte et lui dit : «Dis à ton confesseur d'aller visiter ce malade et de le confesser ». Pierre Olafson se hâta de se rendre auprès de lui mais il fut éconduit par le malade, qui assura qu'il n'avait besoin ni de lui ni de son ministère et qu'il s'était confessé assez fréquemment. Le lendemain, sur l'ordre de Notre-Seigneur, Pierre retourna auprès du baron, qui lui réitéra sa réponse. Brigitte, ayant alors connu par révélation l'état d'âme de ce malheureux, envoya une troisième fois auprès de lui son confesseur, qui lui dépeignit cet état tel que Jésus-Christ l'avait montré à la Sainte : « Faites pénitence au plus tôt, lui commanda cette fois Olafson au nom de Dieu, car le Seigneur veut bien avoir pitié de vous et vous faire grâce ».Le malade pénétré de douleur et de repentir, répondit alors : « Comment pourrez-vous me persuader que Dieu me pardonnera les crimes énormes que j'ai commis ? » . Le confesseur répliqua : « Votre repentir vous sauvera, je vous le jure, eussiez-vous commis des péchés plus grands encore ». Et le malade reprit : « Je désespère de mon salut, parce que je me suis livré au démon, qui a souvent conversé avec moi ; voilà pourquoi je ne me suis jamais confessé durant les soixante années de ma vie, et que je n'ai jamais reçu la Sainte Communion ; mais je veux maintenant me confesser à vous, mon Père, car je n'ai pas souvenir d'avoir jamais versé des larmes comme celles que je répands en ce moment ». Ce jour-là donc le pénitent se confessa quatre fois, et le lendemain il communia après une nouvelle confession. Le sixième jour il mourut d'une sainte mort. A son entrée dans l'éternité, Jésus fut pour lui un juge miséricordieux ; car le Seigneur dit à son épouse : « Cet homme est déjà purifié ; le repentir qu'il a montré à sa mort est le signe de sa délivrance. Mais tu me demanderas peut-être : « Comment un homme souillé de tant de crimes a-t-il pu obtenir ainsi, aux derniers moments, la grâce d'une vraie contrition ? ». Je te réponds : « Ii la doit à mon amour d’abord, car j'attends la conversion des hommes jusqu'à la dernière heure, puis aux mérites de ma Mère. Bien que le cœur de cet homme fût sans affection pour Marie, il avait toutefois l'habitude d'éprouver une certaine compassion pour ses douleurs, lorsqu'il y pensait, ou lorsqu'il entendait prononcer son nom. Voilà pourquoi il est arrivé au salut par un chemin court, et il sera sauvé (1) ». Peu après, sur l'ordre de Jésus-Christ, Brigitte se mit à la recherche d'un Frère convers, qui habitait un couvent de Rome et qui gardait sur la conscience un péché grave qu'il n'avait jamais voulu confesser. (1) Révélations VI, 97. La Sainte lui dit : « Examinez votre conscience avec plus de soin ; vous cachez quelque chose, et vous ne pourrez mourir, jusqu'à ce que vous l'ayez confessé ». Le Religieux répartit : « Je ne sache pas que j'aie rien dissimulé en confession ». Mais Brigitte lui répliqua avec douceur et gravité : « Mon Frère, sondez-vous, et voyez dans quelle intention vous êtes entré au couvent, dans quelle intention vous y avez vécu jusqu'à ce jour, et vous trouverez la vérité dans votre cœur ».
Alors le Frère fondant en larmes lui dit : « Loué soit Dieu qui vous a envoyée vers moi. Maintenant que vous avez parlé de mon secret, je dirai la vérité à ceux qui m'entendent. Oui, j'ai tenu en mon cœur quelque chose que jamais je n'ai osé ni pu déclarer ; toutes les fois que je confessais mes autres fautes, ma langue demeurait comme liée par rapport à ce péché ; sous l'empire d'une fausse honte, j'essayais toujours d'étouffer les remords de ma conscience. Chaque fois que je faisais l'aveu de mes fautes, j'inventais une nouvelle formule pour clore ma confession : Mon Père, disais-je, je me reconnais coupable de tout ce que j'ai dit et aussi de tout ce que je n'ai pas dit ; et ainsi je me persuadais que mes péchés cachés m'étaient pardonnés. Mais aujourd'hui, Dame Brigitte, pour plaire à Dieu, je voudrais avouer devant le monde entier le péché que j'ai si longtemps celé dans mon cœur. C'est pourquoi je vous remercie et vous demande de prier pour moi ». Le Frère se confessa ensuite avec une entière sincérité, et il expira dans la nuit même (1). Brigitte avait également acquis un grand pouvoir sur les mauvais esprits ; et d'une seule parole ou au moyen d'une courte prière, elle délivra un grand nombre de possédés. Une femme, revenue à Dieu après une vie de désordre et de crimes, se disposait à reprendre son existence coupable, parce que, jour et nuit, le démon la torturait dans son corps et dans son âme, au point de lui ôter tout courage pour persévérer dans le bien. Brigitte apercevant un jour cette malheureuse en son pitoyable état, s'approcha d'elle et, en présence de nombreux témoins dignes de foi, elle dit d'un ton d'autorité : « Arrière d'ici, Satan ; assez longtemps tu as molesté cette créature de Dieu ». De ce moment cette femme fut délivrée, non seulement des terribles attaques du démon, mais même de toute tentation et de toute mauvaise pensée. Elle exprima sa reconnaissance à la Sainte et fit une bonne fin (1). (1) Révélations IV, 93 Un Religieux était, depuis douze ans, cruellement tenté, lorsqu'il recevait la Sainte-Communion, et même lorsqu'il prononçait les doux noms de Jésus et de Marie. Il fut complètement délivré de toutes ses tentations par une courte prière que Brigitte fit à son intention ; et son cœur ne goûtait plus d'autre joie que celle de recevoir le Corps adorable du Sauveur et de prononcer les saints noms de Jésus et de Marie (2). Ces événements, et plus encore la haute vertu et l'admirable piété dont Brigitte donnait l'exemple dans ses visites aux églises stationnâtes, lui valurent bientôt à Rome la réputation d'une grande Sainte. On la recherchait, on se recommandait à ses prières, on la consultait de vive voix et par écrit, et son nom n'était prononcé qu'avec admiration et respect. (1) Révélations I, 16. (2) Révélations VI, 3. Brigitte condescendait à toutes les demandes avec la simplicité d'une enfant. Elle touchait et guérissait les malades ; elle priait sans relâche ; elle donnait le conseil qu'on lui demandait, et néanmoins elle restait toujours l'humble et modeste servante du Seigneur, à qui il ne vint jamais à la pensée de s'enorgueillir des dons qu'elle avait reçus du dispensateur de tous les dons. Alphonse de Jaen, qui a eu pendant plusieurs années le bonheur de vivre auprès de notre Sainte et d'être avec elle en relations journalières, dépeint en ces mots sa profonde humilité : « Elle n'était pas seulement humble à l'extérieur, en présence des hommes; au dedans d'elle-même et devant Dieu, elle se regardait comme une pécheresse si grande et si indigne des grâces du ciel, qu'elle demeurait saisie d'étonnement à l'endroit des faveurs merveilleuses et des paroles dont Jésus-Christ l'honorait dans ses prières ; parfois même elle allait jusqu'à blâmer le Seigneur de l'avoir choisie, elle la plus indigne des créatures, pour ouïr et voir des choses célestes et recueillir ses divines paroles. Jamais elle ne s'enorgueillit des grâces dont Dieu la comblait ; au contraire, elle s'humiliait sans cesse avec d'abondantes larmes, ainsi qu'il m'a été donné de le voir moi-même. Elle se considérait comme une grande débitrice envers Dieu et redoutait d'autant plus son jugement. Elle eût préféré demeurer dans l'ombre et tenir cachées les lumières et révélations qu'elle recevait d'en haut, pour n'exposer à aucun péril la vertu d'humilité si précieuse à ses yeux (1).» Un témoin plus grave encore que l'Évêque de Jaen, le Pape Boniface XI, affirme que l'humilité de notre Sainte fut « admirable et éprouvée (2) ».
Cette disposition d'âme se manifeste également dans les lettres de Brigitte. Les passages où elle instruit et enseigne sont d'un style magistral ; mais, les conseils donnés, sa parfaite modestie réapparaît aussitôt. Nous ne citerons que deux de ses lettres. La première est adressée à un clerc qui, après une vie fort imparfaite, s'efforçait de toute son âme de se consacrer à Dieu et à la pratique de la vertu. (1) Lettres, chap. III. (2) Bulle de canonisation. Désirant l'éclairer sur les écueils qu'il pouvait rencontrer dans la vie spirituelle, Brigitte lui écrivit dans les termes suivants : « Louange et honneur au Dieu tout-puissant pour toutes ses œuvres !
« Que celui-là aussi soit honoré éternellement, qui a fait agir sa grâce en vous. Dans le temps des neiges et des glaces, la semence confiée à la terre ne lève qu'aux rares endroits exposés aux rayons du soleil ; maïs quand vient la saison chaude, on voit surgir de la verdure et des fleurs. C'est alors que se révèlent la nature et la qualité des semailles. Le monde me semble de même engourdi et glacé par le froid de l'orgueil, de la convoitise et de la luxure, parce qu'il y a hélas ! très peu d'âmes dont les paroles et les œuvres témoignent d'un véritable amour de Dieu. Aussi, de même que jadis les amis de Dieu se sont réjouis en voyant la résurrection glorieuse de Lazare, ainsi encore les amis de Dieu se réjouissent à la vue d'une âme qui se dégage des trois vices susdits, lesquels conduisent en toute vérité à la mort éternelle.
« En outre, après sa résurrection, Lazare eut deux sortes d'ennemis : les ennemis de son corps, et les ennemis de son âme. Les juifs, qui haïssaient Dieu, en voulaient à son corps ressuscité ; et les démons, qui ne cessent de s'obstiner dans leur révolte contre Dieu, en voulurent à son âme. « II en est de même encore aujourd'hui : celui qui, une fois sorti triomphant de la mort du péché, se propose de garder la chasteté, et de fuir l'orgueil et la convoitise, se trouve immédiatement en face de deux sortes d'adversaires : les hommes qui haïssent Dieu cherchent à lui nuire en son corps, pendant que les démons s'efforcent de perdre son âme. Et les uns et les autres s'y emploient de deux manières. Les mondains le blâment d'abord en paroles ; puis ils font volontiers tout ce qu'ils peuvent pour lui faire abandonner la bonne voie et l'amener bientôt à reprendre la funeste habitude de vivre comme eux-mêmes. Or, un homme de Dieu qui débute ainsi dans la vie spirituelle, ne saurait mieux triompher de la méchanceté de ces ennemis, qu'en supportant d'abord avec patience leurs paroles blessantes, et en redoublant ensuite, sous leurs yeux mêmes, de zèle et de ferveur dans l'exercice des bonnes et saintes œuvres spirituelles, ce Les démons tentent à leur tour de tromper de deux manières celui qui a commencé une vie nouvelle. Ils cherchent par tous les moyens à faire retomber le nouveau serviteur de Dieu dans ses anciens péchés. S'ils n'y peuvent réussir, ils s'efforcent de le pousser à des bonnes œuvres déraisonnables et imprudentes, telles que jeûnes excessifs, veilles et pénitences exagérées, dans le but d'épuiser ses forces corporelles et de l'amener ainsi à se relâcher dans le service de Dieu,
« Contre la première tentation il n'est pas de meilleure défense qu'une ' confession humble, sincère et fréquente, avec une véritable et profonde contrition des fautes passées.
« Le remède le plus efficace contre la seconde tentation, c'est une profonde humilité, qui porte, dans l'exercice des œuvres et des mortifications, à préférer à son propre sentiment la direction spirituelle d'une personne âgée. Ce remède sera d'autant plus salutaire que le conseil émanera de quelqu'un qui sera moins digne que celui auquel il s'adressera ; car alors il y aura lieu de compter, en toute assurance, sur le secours de Dieu, si toutefois celui qui donne le conseil, comme celui qui le reçoit, se préoccupe de l'honneur et de la gloire de Dieu.
« Et maintenant, cher ami, comme tous deux, vous et moi, nous sommes ressuscites du péché, nous allons ensemble supplier Dieu de nous accorder sa divine assistance, à moi, pour parler, et à vous, pour obéir. Et nous devons l’implorer d'autant plus, que vous, qui êtes considéré, noble et sage, vous avez daigné prendre conseil de moi, créature misérable, ignorante et ignorée. J'espère, en effet, que Dieu, en considération de votre humilité, fera tourner au salut de votre âme et de votre corps ce que je vous ai écrit à son honneur, « Brigitte (1) ».
Un Evêque, qui administrait la Marche d'Ancône au nom de la sainte Eglise romaine, demanda conseil à Brigitte. Sa conscience s'inquiétait de demeurer éloigné de son diocèse et de ne pouvoir, à raison de ses fonctions administratives, diriger les âmes confiées à sa garde. Il pria la Sainte de lui dire s'il serait plus agréable à Dieu qu'il retournât dans son diocèse pour s'occuper de ses brebis ou qu'il continuât à remplir sa charge. (1) Révélations IV, 79. Brigitte lui fit par écrit la réponse suivante : « Louange éternelle à Dieu pour tous ses biens. Amen ! Mon Seigneur et mon Révérend Père, je vous présente tout d'abord mon humble salutation. Bien que je vous sois inconnue, vous m'avez demandé en toute humilité, de prier instamment Dieu pour vous. Je suis tenue en conscience de vous dire que je suis, hélas ! une grande pécheresse, et tout à fait indigne de prier pour vous. Vous réclamez aussi quelques conseils spirituels pour le salut de votre âme. Dieu ayant égard à l'humilité de votre foi a voulu répondre paternellement à vos désirs ; et, au lieu de considérer mes péchés, il lui a plu de ne voir que l'humble demande de votre cœur. Hier en effet, pendant que je priais pour vous, mon Seigneur Jésus-Christ apparut en esprit à sa très indigne pécheresse, et me dit : à Toi, à qui il est donné de voir et d'entendre des choses spirituelles, écoute et sache « que tous les Évêques, Abbés et autres Prélats de l'Église qui abandonnent leurs églises et les brebis commises à leur garde pour exercer d'autres fonctions, dans le but d'arriver à des charges plus élevées et d'être estimés des hommes sont, alors même qu'ils ne se rendent coupables d'aucune injustice dans leur administration, semblables à des animaux immondes qu'on a revêtus d'habits pontificaux ou d'ornements sacerdotaux.....»
« J'en ai conclu, mon Révérend Père et Seigneur, que vous devez vous demander, dans l'intime de votre conscience, si vos diocésains, ces brebis du Christ qui vous sont confiées, sont gouvernés avec sollicitude en votre absence. Si les âmes ne sont pas négligées et si vous avez la conviction de pouvoir travailler, dans votre charge administrative, bien plus que dans votre diocèse, à la gloire de Dieu et au salut des âmes, alors, demeurez dans vos fonctions, selon la volonté de Dieu, à la condition toutefois de n'y point rester par recherche des honneurs et d'une vaine célébrité. Que si votre conscience vous dit le contraire, n'hésitez pas à résigner vos fonctions dans la Marche, à rejoindre votre église et à résider dans votre diocèse pour gouverner vos brebis, qui sont -celles de Jésus-Christ, et les paître par la parole, par l'exemple et par l'action, non comme un mercenaire négligent, mais comme un pasteur diligent et fidèle. Pardonnez-moi, mon Seigneur et Père, d'oser vous écrire ces choses, moi qui suis une femme ignorante et une misérable pécheresse. Je prie notre bon et vrai Pasteur, qui a daigné mourir pour ses brebis, de vous donner la grâce du Saint-Esprit afin que vous gouverniez dignement son troupeau et que vous fassiez jusqu'à la mort sa volonté très glorieuse et toute sainte. « Brigitte (1) ».
(1) Révélations VII, 29.
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| | | Claude Coowar
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 19/12/2016, 23:52 | |
| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre XVIII ème.
18/40. CHAPITRE XVIII - Le Jubilé. — Zèle de sainte Brigitte pour les âmes. Persécutions. — L'Ave Maris Stella (1350). Dans le paganisme, on célébrait par de grandes fêtes le passage d'un siècle à un autre ; à dater de l'ère chrétienne, on le célébra par des prières, des Offices solennels et des Indulgences. Mais l'inexprimable bienfait du jubilé proprement dit ne devait être accordé à l'Eglise et au peuple fidèle que vers la fin du moyen âge, sous le Pontificat de Boniface VIII. Le 18 janvier 1300, jour de la fête de la Chaire de Saint-Pierre, le saint Pape monta en chaire et annonça le premier jubilé. Se fondant sur la tradition de l'Eglise sur les Indulgences accordées aux pèlerins de Rome, il publia, en vertu de sa charge de Pasteur suprême, une Indulgence plénière pour ceux qui, dans le courant de l'année, viendraient, de loin ou de près, visiter la Basilique des Apôtres, et confesseraient leurs péchés avec une vraie contrition. Les habitants de Rome devaient consacrer un mois, et les étrangers quinze jours à ces exercices de piété. L'affluence des pèlerins fut énorme ; la foi parut animée d'une nouvelle vie à la suite des luttes qui avaient pénétré du terrain politique dans celui de la vie intérieure. La Papauté apparaissait de nouveau dans toute sa grandeur et sa puissance universelle, et Boniface avait lieu de se réjouir lorsqu'il ferma solennellement le jubilé la veille de Noël (1). Ce fut une des dernières joies de ce grand Pape, auquel le monde présenta bientôt un calice d'amères souffrances en retour du bienfait qu'il lui avait accordé. Boniface vida la coupe avec l'héroïsme d'un Saint, et quelques années plus tard, il devait apprendre, dans les joies éternelles du ciel, les grandes et nombreuses bénédictions que les jubilés, inaugurés par lui, apporteraient aux hommes dans tous les siècles. (1) Reumont. Histoire de Rome t. II, p 650. Cinquante années s'étaient écoulées depuis, années d'immenses souffrances pour la sainte Eglise, à laquelle l'exil de Babylone, comme on appelle à juste titre les soixante-dix ans que les Papes ont passés à Avignon, et la démoralisation d'un grand nombre de ses fils, même dans le clergé, causèrent de profondes blessures. Néanmoins cette Mère miséricordieuse, oubliant ses propres souffrances, ouvrit derechef le riche trésor des Indulgences, afin d'octroyer aux justes de nouvelles grâces et le pardon et le salut aux pécheurs. La situation de Rome était très différente de ce qu'elle avait été lors du premier jubilé ; elle paraissait en effet s'opposer à toute amélioration durable. Cola de Rienzo était apparu dans le domaine politique et en avait disparu comme un météore brillant ; il n'avait pas justifié les grandes espérances que les Romains avaient fondées sur lui, et, après une paix de courte durée, la ville éternelle s'épuisait de nouveau dans une agitation confuse et anarchique. Annibal de Ceccano, Légat du Pape, déploya toute la magnificence d'un Prince de l'Eglise lorsqu'il publia le jubilé ; mais il ne réussit pas à se faire bien venir du peuple. Toutefois l'affluence des pèlerins fut plus considérable, encore que cinquante ans auparavant ; il y eut comme une migration des peuples des régions occidentales vers Rome. Le bienfait tout spirituel de cette année jubilaire, qui s'ouvrit au moment où la fureur de la peste commençait à s'apaiser, fut alors ce que l'arc-en-ciel avait été autrefois après le déluge, un signe de réconciliation du ciel avec la terre, et une source de consolations célestes pour ceux que la maladie avait épargnés. Les fidèles en général virent approcher cette époque avec une joie inexprimable, et chacun s'empressa d'en profiter pour le salut de son âme. Il fallait, pour gagner l'Indulgence, visiter les églises des Apôtres Saint-Pierre et Saint-Paul à Rome. Malgré les difficultés du voyage provenant du mauvais état des routes, du danger des brigands et des frais de transport à cette époque, le nombre des pèlerins que leur piété conduisit à Rome fut tellement extraordinaire, que tous les historiens le citent comme un fait étonnant. En voyant ces torrents d'hommes qui se pressaient dans les rues de la ville éternelle, on n'aurait pas cru que depuis trois ans une épouvantable épidémie avait changé la surface de la terre en un désert. Les rues étaient si encombrées qu'on était poussé en avant, qu'on fût à pied ou à cheval. A partir de la fête de Noël, jour de l'ouverture du jubilé, jusqu'au 28 mars, jour de Pâques de cette année-là, il y eut quelquefois 1.200.000 pèlerins, et jamais moins d'un million. De Pâques à la Pentecôte, le chiffre le moins élevé fut de 800.000. Durant l'été, l'affluence diminua un peu, à cause de la chaleur et des travaux des champs. Mais vers la fin de l'année et à mesure qu'approchait la fin du jubilé, les pèlerins arrivèrent de nouveau en aussi grand nombre qu'aux premiers jours. Les gens du peuple étaient venus d'abord ; les gens de condition vinrent pour la clôture. Il était touchant de voir toutes les classes de la société arriver l'une après l'autre pour embrasser les autels du protecteur de l'Église et pour implorer la grâce du Dieu qui frappe et qui guérit, qui châtie et qui pardonne. Il serait difficile de décrire l'allégresse qui remplit le cœur de notre Sainte lorsqu'elle vit affluer dans la ville éternelle ces grandes masses de pieux pèlerins. Il serait non moins difficile de décider en quoi le zèle de Brigitte éclata davantage, si ce fut en gagnant les saintes Indulgences ou en excitant par ses paroles et son exemple les fidèles à les gagner. L'ardeur et la dévotion avec lesquelles cette femme délicate visitait les églises stationnales malgré la glace et la neige, malgré les torrents de pluie qui tombèrent d'une façon extraordinaire à cette époque, puis la piété toute céleste qui illuminait son visage pâli par les souffrances et la mortification, ne manquaient pas de produire une profonde impression sur les pèlerins. Ce premier sentiment faisait place à la plus vive admiration lorsqu'ils apprenaient que la pieuse pénitente, qu'ils voyaient souvent demander l'aumône au milieu d'eux, était la princesse de Néricie, autrefois si puissante et proche parente de la maison royale de Suède. Dieu se servit, pendant le jubilé, de sa fidèle servante pour arracher un grand nombre d'âmes à leur perte et les gagner au ciel. Elle reçut quelques révélations sur la préparation et la disposition de conscience nécessaires pour gagner l'Indulgence du jubilé ; sur l'ordre de Jésus-Christ, elle les fit connaître au peuple fidèle. Elle exhortait les pèlerins à se confesser sincèrement, avec un véritable repentir, et à recevoir dignement le très saint sacrement de l'autel, comme condition première et indispensable, pour gagner le trésor de grâces qu'offrait aux âmes l'amour compatissant de Dieu ; elle était encore admirablement éloquente à faire voir comment la véritable pénitence est capable de reconquérir la grâce perdue, d'effacer le péché, et de retrouver toutes les richesses de la miséricorde divine.Brigitte reçut et publia la révélation suivante sur les grandes Indulgences qu'on peut gagner à Rome : « Les Indulgences des églises de Rome sont plus grandes qu'on ne le suppose ; car les hommes qui recherchent ces Indulgences avec un cœur parfait, c'est-à-dire avec un cœur purifié par la pénitence, n'obtiennent pas seulement le pardon de leurs péchés, mais aussi la gloire éternelle. Quand l'homme donnerait mille fois sa vie pour Dieu, il ne mériterait pas encore la moindre des gloires accordées aux Saints. Les fautes sans nombre qu'il commet méritent aussi des châtiments innombrables, et dut-il vivre mille ans, il ne parviendrait pas à satisfaire à la justice de Dieu ni à payer ses dettes. Mais, par le moyen des Indulgences, beaucoup de peines sont totalement remises, et les plus longues et les plus rigoureuses se trouvent extrêmement diminuées. Enfin, ceux qui quittent la terre après avoir gagné les Indulgences dans un esprit de parfait amour et de contrition sincère, sont dispensés de tout châtiment, parce que moi Dieu, je n'accorde pas seulement à mes Saints et à mes élus l'objet de leurs demandes, mais je leur donne encore au double et au centuple par pur amour (1) ». Pendant l’année du jubilé, on exposait, les dimanches et jours de fête, dans l'église de Saint-Pierre, le suaire que sainte Véronique avait présenté à Jésus-Christ sur la voie douloureuse, et la foule y devenait si compacte qu'il y eut des jours où plusieurs personnes y trouvèrent la mort (2). Un chevalier: hollandais osa une fois, en présence de notre Sainte, mettre en doute l'authenticité de cette précieuse relique. (1) Révélations VI, 102. (2) Reumont, Histoire de Rome, tome II, page 885. Peu après, Jésus-Christ parlant à Brigitte, lui dit: « Quant à mon suaire, qu'il sache que de même que la sueur de mon sang ruissela de mon corps sur le sol, dès le début de ma Passion, de même la sueur coula de mon visage pour la consolation des générations à venir (1) ». Grâce à la publication de toutes ces révélations et aux admirables exemples qu'offrait la vertu de sainte Brigitte, le zèle et la dévotion des fidèles s'accrurent à tel point qu'on ne pouvait trouver assez de prêtres à Rome pour recevoir les confessions des pieux pèlerins. Cette pénurie de confesseurs obligea à confier ce saint office à plusieurs prêtres qui n'étaient pas des meilleurs ni des plus zélés ; il fallut donner ainsi satisfaction aux dévots pèlerins qui ne se lassaient pas d'assiéger les confessionnaux jour et nuit, afin d'obtenir le pardon de leurs péchés et de participer ensuite à l'Indulgence si enviée du jubilé. (1) Révélations IV, 81. Mais bientôt des doutes s'élevèrent parmi les fidèles sur la validité de l'absolution donnée par les prêtres absolument indignes d'une fonction si éminente. Il s'agissait tout particulièrement du Pénitencier nommé par le Pape, et dont les mœurs et la vie n'étaient rien moins qu'édifiantes. Dieu montra à Brigitte le lamentable état d'âme de ce Prélat, et lui dit en même temps : « Sache que l'absolution qu'il donne, en vertu de sa fonction et de son rang ecclésiastique, à ceux qui se confessent à lui, est agréée de Dieu, aussi bien que celle des prêtres les plus justes (1) ». Brigitte calma les craintes des fidèles, que ces scrupules avaient rendus perplexes, et alla trouver ensuite le Pénitencier indigne pour lui reprocher sa conduite avec une franchise tout apostolique et l'exhorter à s'amender. De la part de Jésus-Christ elle lui dit ces paroles sévères, dont elle-même ne saisissait pas alors la signification : " Vous aurez ce que vous désirez, mais vous ne le posséderez pas ; d'autres s'empareront de ce que vous aurez amassé ". L'orgueilleux Prélat méprisa l'avertissement de la servante de Dieu. Bientôt après, il obtint un archevêché qu'il avait vivement sollicité depuis longtemps, et mourut le même jour (2). (1) Révélations VI, 73. (2) Révélations VI, 73. De nombreux pèlerins de la Suède et de la Norvège vinrent à Rome pour y puiser au trésor de grâces de l'Église, Le terrible châtiment de la peste, qui avait éclaté en Suède au commencement de Tannée jubilaire, avait rendu humbles les orgueilleux enfants de la Scandinavie ; ils se rendirent en foule à la Ville sainte, afin d'implorer sur les tombeaux des Princes des Apôtres la grâce et la miséricorde divines pour eux et leur patrie. Brigitte donnait la plus cordiale bienvenue aux pèlerins du Nord ; elle leur prodiguait ses secours et ses conseils dans tous leurs besoins, et offrait volontiers un asile dans sa modeste demeure à ceux d'entre eux qui étaient pauvres, Pierre Olafson, qui s'était acquis à Rome une haute estime par son zèle pour les âmes et par sa vie exemplaire, fut nommé par le représentant du Pape, l’Evêque d'Orvieto, Pénitencier de la nation suédoise et confesseur à l'église de Saint-Pierre, avec des pouvoirs extraordinaires (1). (1) Révélations VI, 71. Parmi les pèlerins suédois se trouvait le grand maréchal du roi Magnus. Il alla voir Brigitte, qui réussit bientôt à embraser ce courtisan, adonné jusqu'alors aux plaisirs et aux jouissances du monde, d'un tel amour de Dieu, qu'après s'être confessé avec une grande contrition, il fit chaque jour à pied et tête nue, la visite des églises stationnales, demandant avec instance à Dieu de mourir et de ne jamais revoir sa patrie, plutôt que de retomber dans ses péchés d'autrefois. Dieu exauça cette pieuse requête; car en s'en retournant, il tomba malade à Montefiascone, où il mourut. Le Seigneur manifesta à Brigitte l'heure de sa mort et lui dit : « Vois, ma fille, ce que peut la bonne volonté, et combien grande est la miséricorde de Dieu. Cette âme avait été dans la gueule du lion, mais sa bonne volonté l'arracha des dents de la bête, et maintenant elle est en la voie qui conduit à la vraie patrie, et elle participera à tout le bien qui se fait dans l'Église de Dieu (1) ». Un chevalier de Schonen, que Brigitte avait également converti par ses prières et ses exhortations, mourut quelque temps après avoir gagné l’indulgence du jubilé et apparut à la Sainte. (1) Révélations IV, 34. Elle vit le défunt couvert d'un vêtement écarlate mais parsemé de quelques taches noires. Après qu'elle se fut bien laissé voir à la Sainte, l'apparition s'évanouit, A trois jours de là, le défunt lui apparut une seconde fois, et son vêtement rouge était orné de quelques pierres précieuses resplendissantes. Tandis que la Sainte cherchait en sa pensée la signification de tout ceci, le Seigneur lui dit : « Cette âme était enveloppée dans les affaires du monde ; mais comme elle avait vraiment la foi, elle vint à Rome pour gagner l'Indulgence et obtenir l'amour de Dieu, ainsi que la grâce de ne plus jamais l'offenser par un péché volontaire. Le vêtement écarlate dont était revêtue l'âme du défunt symbolise l'amour divin qu'elle a reçu bien qu'imparfaitement avant sa mort corporelle. Les taches noires signifient l'affection naturelle qu'elle éprouvait pour ses parents et sa patrie, affection qui l'agitait encore trop puissamment et l'enchaînait à cette vie périssable. Néanmoins elle a résigné sa volonté à la mienne, et par là elle a mérité d'être purifiée et préparée à des choses plus sublimes. Les pierres éclatantes que tu as remarquées au vêtement du défunt, dans la seconde apparition, annoncent que, par l'effet de sa bonne volonté et de l'Indulgence jubilaire, son âme est déjà plus près de la couronne tant désirée. Vois donc, ma fille, et juge combien de grâces les Indulgences de la ville de Rome procurent aux hommes, pourvu qu'ils y viennent en pèlerinage avec une intention pure et sainte; car c'est vraiment à cause des Indulgences, méritées et acquises par le sang de mes Saints, que l'amour et la grâce de Dieu sont accordés aux fidèles, et appliqués dans la plus large mesure (1) ». Brigitte porta également cette révélation à la connaissance du peuple fidèle, afin d'exciter davantage encore les pieux pèlerins à profiter du trésor inépuisable des Indulgences, et à louer et glorifier avec elle ce Dieu qui accordait aux hommes un moyen si facile et si aimable d'écarter les châtiments dus au péché, et d'arriver à la gloire de la bienheureuse éternité-Tous les compatriotes de Brigitte ne vinrent pas à Rome avec des intentions pures. (1) Révélations IV, 81. Parmi ces pèlerins indignes se trouvait un avocat de la Gothie orientale, que Brigitte reçut avec une cordialité sincère, et que, sur sa prière, elle hébergea dans sa propre demeure. Il se montra très dévot et chercha à gagner la confiance de la Sainte ; mais il n'avait d'autre but que d'épier sa manière de vivre et de lui faire une mauvaise réputation. Marie apparut alors a sa fidèle servante et l'avertit des sentiments de ce traître : « Pourquoi, lui dit-elle, as-tu donné l'hospitalité à cet homme qui tient des discours trompeurs et dont la vie et les mœurs ne te sont pas connues ? ».
Brigitte répondit : « Si j'avais su déplaire à Dieu en cela, je ne l'aurais pas plus reçu qu'un serpent ». Marie continua : " Ta bonne volonté t'a préservée et a retenu le cœur et la langue de cet impie, pour l'empêcher de te nuire, à toi et aux tiens. Car le démon, dans sa malice, a amené parmi vous un loup revêtu d'une peau de brebis, pour vous préparer une grande affliction (1). » Bien qu'effrayée par cet avertissement, notre Sainte ne put cependant se résoudre à éloigner cet hypocrite de sa maison".
Elle continua à exercer envers lui la vertu d'hospitalité, et employa tous les moyens que sa charité et son zèle envers les âmes purent imaginer pour amener son hôte à de meilleures dispositions. Mais ni ses exhortations ni ses prières ne parvinrent à briser l'obstination du pécheur endurci . Il retourna en Suède et eut une fin déplorable : il mourut subitement la nuit, sans avoir reçu les sacrements de l'Église et en maudissant Dieu et ses Saints (1) ». (1) Révélations IV, 16. Pierre Olafson se vit à regret revêtu d'une dignité ecclésiastique; mais en fils humble et soumis de Saint-Bernard, il accepta avec joie les peines et les travaux qui se rattachaient à à sa nouvelle fonction, et rendit d'importants services à l'Eglise durant l'année jubilaire. Sa grande science et sa piété lui avaient gagné depuis longtemps déjà la confiance du Vicaire du Pape, qui se réjouissait d'avoir trouvé un appui solide dans le Religieux suédois. Il arriva qu'un jour un pèlerin, appartenant à la plus haute noblesse de Suède, vint trouver Pierre pour se confesser à lui. Le malheureux s'était souillé d'une manière si épouvantable du péché dont l'Apôtre dit qu'il ne doit pas même être nommé parmi les chrétiens, que Pierre n'osa pas, malgré ses pleins pouvoirs, lui donner l'absolution. (1) Révélations I, 32. Le lendemain le pauvre pécheur revint au confessionnal et demanda l'absolution. Le Religieux, pénétré d'horreur devant des crimes si monstrueux, n'osa pas encore le délier de ses péchés. Le pauvre pénitent se rendit alors auprès de Brigitte, lui avoua ses crimes avec des torrents de larmes, et lui raconta en gémissant que le confesseur lui refusait la grâce de l'absolution, Brigitte cacha le dégoût que lui inspirait le récit de tels vices, consola avec de douces paroles le pécheur repentant, et promit de prier pour lui et pour le confesseur. Lors donc qu'elle se fut prosternée à terre, demandant miséricorde pour le pauvre pécheur, et conseil et lumière pour Pierre Olafson, le Fils de Dieu lui dit : « Dis à ce bon confesseur d'absoudre tous les pécheurs qui viendront à lui avec une vraie contrition, jusqu'à ce qu'il s'en présente un duquel je dirai qu'il ne devra pas être absous. Qu'il se garde néanmoins de prévenir le jugement public de l'Église (1) ». (1) Révélations VI, 71. Lorsque Pierre eut connaissance de ces paroles, il n'hésita plus à prononcer l'absolution désirée; et notre Sainte se réjouit, avec les Anges du ciel, de la conversion d'un pécheur qui fit véritablement pénitence. D'après l'ordre du Seigneur, Brigitte s'employa également à faire accorder à tous les confesseurs, pendant le jubilé, le privilège d'absoudre des cas réservés, qui sont habituellement de la juridiction des Evêques. Ainsi que Jésus-Christ le dit lui-même, cette exception à la règle devait empêcher que les pauvres pécheurs ne fussent renvoyés de l'un à l'autre, soumis à des interrogatoires répétés, rebutés de la confession et de cette façon exposés au danger de mourir avec leurs péchés (1). C'est ainsi que l'épouse du Seigneur était devenue, en réalité, le canal par lequel de nombreuses grâces devaient être accordées au monde, la conversion aux pécheurs et une grande consolation à l'Église. Elle fut en quelque sorte le centre de toute la vie spirituelle, et son influence sur toutes les classes de la société était extraordinaire. (1) Révélations VI, 72. Le peuple et les pauvres affluaient vers elle, car ils voyaient en elle une mère, une fidèle compagne de leur propre vie, qui demeurait avec eux et qui aimait à demander l'aumône. Les princes et la noblesse allaient la voir, parce qu'ils considéraient comme de leur devoir de visiter la princesse de Néricie, si proche parente de la maison royale de Suède, et de lui rendre les hommages dus a sa position. Le concours de ces circonstances valut à Brigitte de devenir une des Saintes les plus populaires que nous honorons dans l'Eglise. Mais bientôt une terrible persécution devait s'élever contre elle dans cette Rome même qui estimait si hautement la servante de Dieu. La licence du peuple romain formait un vif contraste avec la dévotion des pèlerins. Le Légat du Pape, le Cardinal Annibal de Ceccano, était un Prélat qui unissait à une grande piété une rare prudence dans l'administration de l'Etat, Il s'efforça avec le plus grand zèle de pourvoir la Ville sainte, pendant le jubilé, de tout ce dont elle avait besoin, de veiller à la sûreté des routes et d'agir en toute chose avec la douceur et la charité qui conviennent à un gouvernement ecclésiastique. Craignant le manque de vivres pour les masses de peuple qui affluaient à Rome, et voulant permettre aux plus pauvres pèlerins de gagner l’indulgence du jubilé, il réduisit peu à peu le nombre des jours déterminé pour les exercices de dévotion, et le limita finalement à un seul jour. Cette sage disposition mécontenta un grand nombre de Romains, qui ne songeaient qu'à s'enrichir par la prolongation du séjour des pèlerins. Ils excitèrent une émeute contre le Cardinal,, et la fureur du peuple s'accrut encore lorsque Annibal un jour jeta aux Romains ces paroles sévères : « Vous êtes vous-mêmes la cause de ce que le Pape reste éloigné de Rome (1) ». Le peuple égaré alla jusqu'à dévaster son palais, blesser ses serviteurs et même attenter à sa vie. Brigitte, pénétrée de douleur à la vue de ces crimes, reprocha leur impiété aux Romains et les exhorta à la pénitence et à de meilleurs sentiments. A cette occasion elle publia quelques-unes de ses révélations, dans lesquelles les abus et les vices alors régnants étaient sévèrement réprimandés. (1) Reumont, Histoire de Rome, t. 11, p. 885. Elle s'adressa aussi au Vicaire du Pape, l'Évêque d'Orviéto, pour le prier d'intervenir avec plus de résolution, afin de comprimer l’émeute et de châtier les crimes commis contre le Cardinal. Mais les efforts de la Sainte restèrent cette fois sans résultat, L'Évêque d'Orviéto tint peu de compte de ses exhortations ; il refusa de croire à ses révélations et chercha à se persuader qu'elles n'étaient que le fruit de la vive imagination d'une femme exaltée. Cependant le peuple, chaque jour plus irrité, ne cessa de persécuter le Cardinal que parce qu'il crut trouver dans Brigitte un objet plus digne de sa haine. La Sainte supporta toutes ces adversités avec patience, sans murmure ni plainte, avec l'humilité la plus profonde et en louant le Seigneur (1),. Elle s'affligea néanmoins de ce que même le représentant du Pape, l'Évêque d'Orviéto, n'accordait aucune foi aux paroles du Seigneur. Jésus-Christ la consola alors en lui disant : « Pourquoi te troubler de ce que cet homme prétend que mes paroles sont fausses? Le blâme de ce Prélat m'a rendu moins bon, ou deviendrai-je meilleur s'il me donne sa louange? Je suis immuable ; ma béatitude ne peut être ni augmentée ni diminuée, et je n'ai nul besoin de louange (1). Sache cependant que cet Evêque n'obtiendra jamais ce qu'il recherche de toute la force de son âme ; bien au contraire, il abandonnera tout ce qu'il a amassé et mourra loin de sa maison (2) ». Brigitte communiqua ces paroles à l'Evêque, qui n'en tint pas plus compte que de celles du passé. Quelques jours plus tard il quitta la Ville sainte pour se rendre à Avignon, où peu après son arrivée, il mourut d'une façon imprévue. La haine des gens malintentionnés contre Brigitte n’en subit aucune diminution. On se mit à la tourner publiquement en dérision, à la railler et à l'insulter ; enfin, le peuple complètement égaré, alla jusqu'à l'appeler vagabonde, sorcière, diseuse de bonne aventure, et à la menacer de mort. (1) Bulle de canonisation. Le cri horrible : « Au feu, au feu l'hérétique ! » retentissait à ses oreilles lorsqu'elle se hasardait dans la rue. La servante de Dieu demeura toujours calme et résignée en face de si grandes insultes ; toutefois, lorsque la rage du peuple parut être à son comble, elle songea à quitter Rome pour un temps, afin que ses compagnons ne fussent pas exposés au même danger qu'elle, et que les faibles, parmi les pèlerins suédois, n'en prissent point de scandale. (1) Révélations II, 28. (2) Extravag., 102. Elle ne put cependant arrêter aucune résolution, parce qu'elle s'était promis, en quittant sa patrie, de ne jamais changer de lieu sans un ordre direct de Jésus-Christ ou de son confesseur. Tandis qu'elle était en prière pour demander à Dieu le conseil et la lumière nécessaires, Jésus lui apparut et lui dit : « Tu désires savoir, d'après ma volonté, si tu dois rester à Rome, où tu as tant d'ennemis qui veulent ta mort, ou bien si tu dois pour quelque temps te soustraire à leur méchanceté. Je réponds que, si tu me possèdes, tu n'as personne à craindre. Je saurai contenir leur malice par ma puissance, afin qu'ils ne soient pas en état de te nuire. Et bien que j'aie laissé un jour à mes ennemis la permission de me crucifier, ils ne pourront pas aujourd'hui te nuire ou te mettre à mort ». Le même jour Brigitte fut encore honorée et grandement consolée par une apparition de la Bienheureuse Vierge Marie, qui lui dit : « Mon Fils, qui a pouvoir sur les hommes, sur les démons et sur toutes les créatures, contient d'une manière invisible toute tentative de malice de tes ennemis. Moi-même je serai le bouclier protecteur pour toi et les tiens contre toutes les attaques de tes ennemis corporels et spirituels. A cet effet, je veux que chaque soir tu réunisses toute ta maison et que vous chantiez l'hymne Ave maris Stella, et je vous viendrai en aide dans toutes vos peines et dans toutes vos nécessités (1) ». Pénétrée de reconnaissance pour Jésus et pour Marie, ses puissants protecteurs, Brigitte n'eut plus la pensée de quitter Rome. Dès le même soir, elle rassembla sa petite communauté, lui fit part de l'ordre de la Sainte-Vierge, et chanta chaque jour avec les siens l'hymne si gracieuse de la sainte Mère de Dieu (2). A partir de ce moment, les persécutions contre Brigitte cessèrent. (1) Extravag., 8. (2) En souvenir de cette circonstance, Pierre Olafson et sainte Catherine de Suède introduisirent l'usage, dans l'Ordre de Sainte-Brigitte, de chanter chaque jour l’Ave maris Stella ; et cette coutume a été suivie jusqu'à notre époque avec la plus grande fidélité par les filles spirituelles de Sainte-Brigitte L'Ave maris Stella était devenu pour elle un rempart protecteur. Marie veilla sur la vie de sa fille bien-aimée et rendit sa voie sûre jusqu'au jour où Brigitte devait contempler Jésus dans le ciel, et chanter les louanges de sa puissante protectrice dans les joies éternelles du Paradis.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 20/12/2016, 12:33 | |
| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre XIX ème.
19/40. CHAPITRE XIX - Voyage de sainte Brigitte à l'abbaye de Farsa et à Bologne. Réforme de couvents. Catherine de Suède visite sa mère à Rome. Rencontre des deux Saintes. Le Seigneur avait ordonné à sa fidèle servante de ne pas abandonner Rome aussi longtemps que la tempête de la persécution y sévirait contre elle ; elle devait apprendre à se confier toujours plus fermement en Lui et à faire l'expérience de sa puissante protection. Mais à peine l'affection et la vénération du peuple pour Brigitte eurent-elles repris le dessus, que Jésus-Christ lui donna l'ordre de partir sans retard pour Castelnuovo, localité appartenant à l'abbaye de Farsa, où il lui tenait prête une chambre. La Sainte, toujours disposée à obéir, se mit aussitôt en route, accompagnée de son confesseur Pierre Olafson et de deux matrones suédoises qui étaient venues avec elle à Rome.Farsa, une des trois abbayes les plus célèbres de l’ ltalie au moyen âge (Mont-Cassin 5 Nonantula et Farsa), située sur la petite rivière Farsa, dans la Sabine, existait déjà avant les incursions des Lombards ; elle fut détruite par eux avec un grand nombre d'autres abbayes et couvents ; mais elle fut reconstruite en 681 par un prêtre, Thomas de Maurienne, qui vint à Farsa à son retour de Terre-Sainte, et bientôt elle eut une grande réputation. Richement dotée par les rois lombards d'abord, puis parles Carlovingiens, ainsi que par d'autres bienfaiteurs ; comblée ensuite par les Papes de privilèges et d'immunités, elle garda pendant longtemps une bonne et sévère discipline selon la règle de Saint-Benoît. Il y avait entre autres une ordonnance remarquable, qui fut octroyée en 750 par le duc de Spolète, Lupo, à la requête de l’abbé Fulcoald, et qui défendait aux personnes du sexe d'entrer dans l'abbaye ou dans les cellules en dépendant, et de suivre, tout le long du monastère, d'autres chemins que celui qui leur était spécialement réservé. Dans le cours des siècles, l'abbaye subit des vicissitudes fort nombreuses. Après avoir été l'asile de la vertu et de la science, elle tombait quelquefois dans une décadence déplorable. Alors l'immoralité et l'orgueil y régnaient à la place de la forte et sévère discipline d'autrefois, et les richesses du monastère devinrent souvent une cause de perdition pour les moines. Puis apparaissaient de nouveau des hommes distingués qui réussissaient à opérer une heureuse révolution avec l'aide de quelques moines bien intentionnés. Ce changement se produisit en particulier au commencement du onzième siècle, sous l'humble et zélé abbé Hugues. Celui-ci fît venir successivement à Farsa des moines de Subiaco, de Cassino et de Ravenne ; mais ils n'obtinrent qu'un médiocre résultat. Dans l'intervalle arriva en Italie le célèbre abbé Odilon de Cluny, avec son ami, l'abbé Guillaume de Saint-Bénigne de Dijon. L'abbé Hugues en profita pour introduire, sous leur direction, la réforme de Cluny dans son monastère. A travers des destinées diverses, l'abbaye de Farsa s'est maintenue jusqu'à notre époque. Lorsque Brigitte arriva à Castelnuovo, distant de vingt milles environ de Rome, elle alla, accompagnée de son confesseur, frapper à la porte du splendide monastère, et demanda humblement l'hospitalité pour quelques jours. On la repoussa avec dureté, en alléguant l'ancien usage qui en défendait l'accès aux femmes, bien que hélas ! une pratique tout opposée se fût introduite sous l'Abbé de cette époque. Tout ce que Brigitte put obtenir à force d'instances, et encore à grand-peine, ce fut d'être autorisée à se loger avec ses compagnons dans une cabane de berger délabrée, située dans le voisinage de l'abbaye, et ressemblant à une caverne. Sereine et contente, la princesse de Néricie se rendit à ce gîte pour s'y reposer un peu des fatigues du voyage. Alors le divin Sauveur lui apparut brillant d'un éclat céleste, et lui dit, en souriant doucement : « C'est ici la chambre que je t'ai préparée ; elle sera pour toi l’école du salut, dans laquelle tu pourras amasser des mérites et apprendre des choses sublimes. Toi qui as vécu autrefois dans de grandes et belles maisons, tu pourras maintenant connaître par l'expérience ce que mes Saints ont souffert en habitant dans les cavernes (1) ». La docile élève du Seigneur profita de cette exhortation et y fut très fidèle. Tout absorbée en Dieu, elle contemplait la vie des premiers chrétiens, leurs Offices de nuit dans les catacombes, leur vie de mortification et de renoncement, leur martyre, avec la cruauté des bourreaux et des tyrans, et leurs ardents soupirs vers Dieu et vers le ciel, martyre non sanglant, qui brisait leurs cœurs, et auquel Brigitte savait si bien compatir. Elle n'interrompait ces chères méditations que pour obéir fidèlement au Seigneur, et travailler à atteindre le but de son voyage. L'intention de Jésus-Christ, en envoyant son épouse à Farsa, était de réformer cette abbaye, dans laquelle la discipline monastique avait presque complètement disparu à cette époque. Après avoir eu quelques entretiens avec l’indigne Abbé, Brigitte reconnut en lui un homme totalement livré à la vanité et à l'ambition. Deux choses surtout la frappaient : d'abord elle ne le voyait jamais dire la Messe dans l'église du monastère, puis il n'était pas vêtu avec cette simplicité et cette pauvreté qui régnaient dans les Ordres de Saint-Benoît et de Cîteaux. (1) Extravag., p. 97. Mais c'est la Bienheureuse Vierge qui devait bien lui apprendre en quel misérable état se trouvait l'âme de ce Religieux. Tandis que Brigitte réfléchissait sur ce qu'il convenait de faire pour obtenir la réforme de l'abbaye, Marie lui apparut et lui demanda : « Que vois-tu en cet Abbé qui soit répréhensible ? ». Brigitte répondit : « Je vois qu'il dit rarement la sainte Messe ». Marie répliqua : « Ce n'est pas ce qui le rend condamnable, car il y en a un grand nombre qui, se souvenant de leur passé, s'abstiennent, par humilité, de célébrer chaque jour les saints mystères, et qui, malgré cela, ne me sont pas moins agréables. Mais que vois-tu encore en lui ? ». Et Brigitte répondit : « II ne porte pas l'habit prescrit par saint Benoît ». Marie excusa encore l'Abbé de ce chef en disant : « II arrive souvent qu'une coutume vient à s’établir ; et bien qu'on doive blâmer tous ceux qui savent qu'elle est mauvaise, cependant il ne faut point s'empresser de condamner ceux qui n'ont aucune notion des vraies règles, et qui pratiqueraient volontiers la pauvreté si la coutume contraire ne prévalait depuis longtemps. Ecoute-moi, et je te montrerai les trois points par lesquels il est réellement en faute. D'abord son cœur, où Dieu devrait reposer, est rempli d'une affection coupable pour les créatures; en second lieu, après avoir renoncé au peu qu'il possédait, il désire maintenant avec ardeur le bien d'autrui ; puis il a promis de se renoncer lui-même , et pourtant il s'abandonne complètement à sa propre volonté ; enfin Dieu a créé son âme aussi belle que celle d'un Ange, et il devrait en conséquence mener une vie angélique; mais, hélas! son âme ressemble aujourd'hui à celle de l'ange qui renia Dieu par orgueil. Il est grand devant les hommes ; mais qu'est-il devant Dieu ? Dieu seul le sait (1) ».
(1) Révélations, III, 22. Brigitte mit par écrit les paroles de cette révélation et les envoya au Religieux indigne. Dans une entrevue qu'elle eut avec lui bientôt après, elle le supplia avec larmes et instances d'amender sa vie et de sauver son âme. Enfoncé et perdu dans la vanité des joies et des biens de ce monde, auxquels il ne voulait pas renoncer, le moine orgueilleux méprisa les supplications et les exhortations de la Sainte. Lorsqu'elle le vit pour la dernière fois, avant son départ de Farsa, elle lui dit, au nom de Jésus-Christ, ces sévères et terribles paroles : « En votre qualité de Supérieur et d'Abbé de ce monastère, vous devriez servir de miroir aux Religieux ; mais vous n'êtes connu que par vos péchés et par vos crimes. Vous devriez être la consolation des pauvres et dispenser des aumônes à ceux qui sont dans le besoin ; au lieu de cela, vous êtes devenu un grand seigneur par les aumônes d'autrui ; ce qui le prouve, c'est que vous êtes plus souvent dans les châteaux que dans votre abbaye. Vous devriez être un docteur et une mère pour vos Religieux, et vous êtes devenu pour eux un père dénaturé et une marâtre. Vous vivez dans la luxure et la magnificence, et eux ils sont dans l'affliction et murmurent tout le long du jour. Si donc vous ne vous corrigez pas, je vous enlèverai votre charge, je vous chasserai de vos châteaux, et vous n'aurez plus rien de commun avec le dernier de vos Frères. Vous ne retournerez pas non plus dans votre patrie, ainsi que vous l'espérez, et vous n'entrerez jamais dans ma patrie céleste (1) ». Sur ces paroles, Brigitte quitta le hautain Prélat, qui se railla de ses menaces, mais qui ne devait les voir s'accomplir que trop tôt. Il fut déposé de son rang par l'assemblée conventuelle de l'abbaye de Farsa, fit une terrible maladie et mourut misérablement (2). Notre Sainte retourna triste et accablée à Rome. Elle pleura sur le sort du malheureux Abbé de Farsa, qui avait méprisé la voix de Dieu, et elle s'efforça, par ses prières et ses larmes, d'obtenir de Dieu la grâce d'une réforme complète pour le monastère. Sa prière ne fut pas vaine, car bientôt après la mort de cet Abbé, Farsa vit refleurir la discipline monastique et la fidèle observance de la sainte règle. Tandis que Brigitte, peu de jours après son retour à Rome, était, selon son habitude, plongée dans une profonde contemplation, elle reçut de nouveau l’ordre du Seigneur de partir pour Bologne, afin d'y réformer le couvent des Dominicains, dont l'esprit et la discipline se trouvaient également dans de fâcheuses conditions. (1) Extravag., 105. (2) Révélations, III, 22. Découragée par l'insuccès de sa dernière mission, elle s'effraya de cet ordre, et devint encore plus triste ; car elle ne pouvait s'empêcher de penser que ses efforts resteraient aussi infructueux qu'à Farsa. Elle sentait de -plus toute la difficulté qu'il y avait pour une femme de se poser en réformatrice d'un couvent de l'Ordre des Frères-Prêcheurs. Ainsi qu'elle le raconte elle-même, dans ses révélations, elle pensait et repensait sans cesse : si tu es toi-même bonne et vertueuse, cela suffît certainement. Que t'importe de redresser et de convertir les autres, ou d'instruire les bons ? Cela n'est pas l'affaire d'une personne de ton rang. Mais, en même temps, Brigitte sentait très bien, ainsi qu'elle en convient, que ces raisonnements rendaient son cœur dur, augmentaient la raideur de son caractère et affaiblissaient l’amour de Dieu dans son âme. Cette fois encore, la Mère de Dieu vint à son aide, lui reprocha de nourrir des pensées si égoïstes et si dénuées de toute charité, et l'exhorta à travailler sans relâche et avec un nouveau zèle au salut et à la sanctification des âmes (1). Elle lui dit aussi ces paroles consolantes : « Sache, ma fille, que, pour chaque parole ou action inspirée par l'amour de Dieu et l'amendement des âmes, ainsi que pour chaque heure de tribulation endurée par amour de Dieu, les amis de Dieu seront récompensés, qu'ils aient ou non fait de nombreuses conversions (2) ». La Sainte, fortifiée et encouragée de nouveau, se mit en route, en compagnie de son confesseur et de deux femmes suédoises, prête à tout faire pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, quand même elle ne devrait pas obtenir de résultats plus favorables qu'à son premier voyage. Arrivée à Bologne, elle visita aussitôt l'église de Saint-Nicolas, afin de prier sur le tombeau de saint Dominique, d'honorer les reliques de ce grand fondateur d'Ordre, et de demander à lui-même conseil et assistance pour la réforme de son monastère. Tandis qu'elle était prosternée avec la plus profonde dévotion devant le magnifique mausolée du glorieux patriarche, la Sainte-Vierge, Patronne spéciale de saint Dominique, lui apparut et lui raconta combien l'Ordre des Frères-Prêcheurs lui tenait à cœur, de quelle manière il avait été fondé sous l'inspiration du Saint-Esprit, et tout le bien qu'il avait déjà opéré et opérerait encore (1). (1) Révélations, IV, 21. (2) Révélations, IV, 31. Remplie de consolation céleste, Brigitte quitta le tombeau du Saint, pour commencer sa délicate mission sous la protection de la Bienheureuse Vierge. Elle se dirigea avec ses compagnons de voyage vers le monastère où, contre son attente, elle fut reçue avec un grand respect par le Supérieur et par la Communauté tout entière. Le Prieur, qui depuis longtemps avait entendu parler des révélations merveilleuses de notre Sainte et de ses vertus plus admirables encore, s'estima heureux d'apprendre à la connaître, et lui fit donner un logement convenable dans les dépendances intérieures du couvent. A la suite de quelques entretiens avec le Prieur, Brigitte sut combien d'abus s'étaient glissés dans le couvent, et combien peu les moines paraissaient disposés à se soumettre à une réforme quelconque. Elle-même ne savait trop que décider sur quelques points. (1) Révélations, III, 17. Certains adoucissements avaient été apportés à la règle ; mais le Pape les avait approuvés, et Brigitte se demandait, si, dans le cas d'une réforme, ils devraient être maintenus ou supprimés de nouveau. Afin d'être éclairée à cet égard, elle s'adressa par une prière fervente à la Mère de Dieu, qui lui apparut, et Brigitte lui dit alors : « Ne vous mettez pas en courroux, ô ma Souveraine, si je vous interroge. Ces moines, en faveur desquels le Pape a mitigé l'austérité de la règle, sont-ils donc à reprendre s'ils mangent de la viande et d'autres mets qu'on leur sert ? ». Marie répondit que le Pape avait permis cet adoucissement à cause de la faiblesse humaine et afin de rendre les Frères plus dispos à prêcher, en sorte que ni le Vicaire de Jésus-Christ ni ceux qui vivaient selon cette règle plus douce n'étaient à blâmer ». L'épouse du Seigneur, continuant à interroger, dit : " Dominique a prescrit que les habits ne fussent faits ni du meilleur ni du plus mauvais drap ; faut-il blâmer les Religieux parce qu'ils portent des vêtements plus fins ? " . Marie répliqua : « Dominique, à qui la règle a été inspirée par l'Esprit de mon Fils, a ordonné de ne point porter d'habit précieux, afin que les Frères ne pussent être accusés de vanité. Il ordonna aussi de ne pas employer du drap le plus mauvais et le plus dur, afin qu'ils ne fussent pas trop incommodés par sa rudesse, quand ils voudraient dormir après le travail. Nous louons Dominique d'avoir édicté ces règles, mais nous blâmons ses Frères qui portent l'habit par vanité et non par besoin, et qui s'écartent de la règle tant pour l'étoffe que pour la forme ».
Brigitte demanda encore : « Peut-être y a-t-il lieu de reprendre les Frères qui élèvent à votre Fils de grandes et somptueuses églises ; sont-ils condamnables parce qu'ils mendient beaucoup pour construire de tels édifices ? ». La Bienheureuse Vierge répondit : " Quand l'église est assez spacieuse pour contenir ceux qui y viennent ; quand les murailles s'élèvent assez pour ne point incommoder ceux qui sont entrés ; qu'elles sont assez solides pour n'être pas renversées par un vent violent ; quand, enfin, la toiture est fortement assemblée, cela doit leur suffire ; car un cœur humble, dans une église modeste, est plus agréable à Dieu que des murs élevés qui ne renferment que les corps de ceux qui prient tandis que leurs cœurs restent en dehors. C'est pourquoi il n'est pas nécessaire que les Frères remplissent les coffres d'or et d'argent pour les constructions ; car il ne servit non plus de rien à Salomon d’avoir élevé de splendides édifices, lorsqu'il en vint à ne plus aimer Celui en l'honneur de qui ils avaient été construits (1) ". Brigitte, cependant, hésitait toujours à faire le pas décisif ; les représentations et les exhortations bienveillantes restaient sans le moindre effet sur le frivole Prieur, et elle ne pouvait se décider à agir avec sévérité ni à menacer des terribles jugements de Dieu, comme à Farsa, parce qu'elle croyait avoir été envoyée auprès de pécheurs endurcis (2). L'hospitalité et le profond respect, dont elle était l'objet au monastère, l'empêchaient encore davantage d'agir avec énergie et décision. Elle pensait en elle-même : « Si mon Dieu, qui est tout-puissant et le Seigneur de tous, a supporté avec patience celui qui l'a trahi, pourquoi ne devrais-je pas moi, sa créature, supporter bien plus encore ceux chez qui je demeure, afin qu'ils ne deviennent pas pires par mes reproches et mes blâmes ». (1) Révélations, III, 18. (2) Révélations, IV, 76. Jésus-Christ montra à son épouse que cette pensée, qui procédait, à la vérité, de la crainte de Dieu, ne répondait nullement au zèle qu'elle devait avoir pour son honneur ; puis il ajouta : « Parle maintenant avec assurance des transgressions de ceux qui me sont devenus insupportables par leurs péchés non interrompus. Si le blâme que tu leur infligeras les endurcit contre moi, il ne te sera pas imputé à pécher d'avoir parlé ; au contraire, ta récompense n'en sera que plus grande. Les Apôtres aussi prêchèrent à beaucoup d'hommes, et, bien qu'ils ne les aient pas tous convertis, leur récompense n'en fut pas moindre ; il en sera de même pour toi. Dis-leur donc que s'ils ne s'amendent pas, je les visiterai tout à coup avec une telle sévérité que tous ceux qui en entendront parler en gémiront d'effroi, et ceux qui l'éprouveront en seront anéantis. Car je les jugerai comme des voleurs, les couvrant d'une confusion inexprimable devant les Anges et les Saints, pour n'avoir pas pris l'habit religieux afin de mener une sainte vie. Ils sont devant mes yeux comme des brigands possédant des biens qui ne leur appartiennent pas, mais qui sont destinés à ceux qui vivent pieusement. Et je les jugerai comme des trompeurs avec mon glaive qui mettra en morceaux tous leurs membres, de la tête aux pieds. Je les remplirai également d'un feu ardent qui ne s'éteindra jamais, car je les ai avertis comme un père plein de bonté, et ils n'ont pas écouté. Je leur ai fait connaître les paroles de ma bouche, comme cela n'était jamais arrivé auparavant, et ils les ont méprisées. Si j'avais envoyé mes paroles aux païens, ils les auraient peut-être accueillies et se seraient repentis de leurs péchés. C'est pourquoi je ne les épargnerai pas, et je ne recevrai en leur faveur ni les prières de ma Mère bien-aimée ni celles de mes Saints ; mais aussi longtemps que je demeurerai dans ma gloire, qui est sans fin, ils resteront eux-mêmes dans les tourments. Néanmoins, tant que leur âme sera enfermée dans leur corps, la porte de ma miséricorde leur sera ouverte (1) ». (1) Révélations, VI, 8. Lorsque Brigitte eut entendu ces menaçantes paroles, elle n'hésita plus un instant à tout entreprendre pour le salut des moines égarés. Elle se rendit en toute hâte au monastère, fît appeler le Prieur et lui communiqua mot pour mot ce que Jésus-Christ lui avait révélé sur l'état déplorable de la Communauté. Le courage et le zèle de notre Sainte s'étaient de nouveau ranimés, et, après qu'elle eut annoncé au fils dévoyé de Saint-Dominique les châtiments qui l'attendaient, elle le supplia avec une éloquence si entrainante.de ne pas mépriser le pardon et la miséricorde que Dieu lui offrait encore une fois, que, touché par un rayon de la grâce, il tomba à ses pieds se déclarant prêt à faire tout ce qu'elle lui demanderait de la part de Dieu. Brigitte, remplie d'une joie inexprimable par ce changement inespéré, lui ordonna de purifier avant tout son âme dans le sang de l'Agneau divin, par une sincère et humble confession, de modifier ses mœurs, d'amender sa vie, et de travailler ensuite avec le plus grand zèle à la réforme de son monastère. Elle lui promit aussi de l'aider dans cette sainte œuvre par ses conseils et ses prières. Lorsque, à quelques jours delà, le Prieur eut confessé ses péchés à Pierre Olafson, en versant des torrents de larmes, et qu'il se fut réconcilié avec Dieu, il alla trouver Brigitte et lui fit part de sa résolution de renoncer aux pouvoirs et au titre de Prieur, afin d'expier sa vie dans l'humilité et l'obéissance, comme le dernier des Frères. Brigitte refusa de l'approuver, fermement convaincue qu'en sa qualité de Supérieur il contribuerait d'une manière efficace à la réforme de toute la Communauté. Elle lui ordonna de conserver sa charge ; de même qu'il avait été autrefois un objet de scandale pour ses subordonnés, de même il devait désormais devenir pour eux un modèle éclatant de toutes les vertus. La servante de Dieu ne s'était pas trompée ; l’exemple du Prieur agit merveilleusement sur tous les Frères ; la discipline intérieure fut rétablie, les abus cessèrent, et Brigitte vit bientôt refleurir les vertus monastiques, la mortification et le renoncement dans une maison dont les habitants se distinguaient à peine jadis, par leurs mœurs et leurs sentiments, des enfants du siècle. La complète réforme du couvent rendit nécessaire pour quelque temps encore le séjour de notre Sainte à Bologne. Tandis qu'elle travaillait avec un zèle infatigable à cette œuvre si importante, Pierre Olafson vint un jour, d'une façon tout imprévue, lui demander la permission de retourner à Rome. Pour expliquer sa demande, il n'alléguait d'autre raison qu'une impulsion secrète qui le poussait extraordinairement à partir pour cette ville aussi promptement que possible. Brigitte s'effraya à la pensée de rester seule au monastère ; mais elle n'osa élever aucune objection ; elle demanda la bénédiction de son confesseur, et ne lui montra même pas combien il lui était dur d'être privée de lui. Pierre accéléra son voyage, et, dès son arrivée à Rome, il alla à l'église de Saint-Pierre, prier sur le tombeau du Prince des Apôtres, pour Brigitte et ses peines. En approchant du saint tombeau, il y aperçut une jeune femme qui, tout en larmes, priait avec effusion. Pris de compassion il s'avança vers l'étrangère, pour la consoler et s'informer du motif de son chagrin, lorsque, à sa grande surprise, il reconnut en elle Catherine, l'aimable fille de notre Sainte. Les larmes de Catherine furent bientôt séchées lorsqu'elle vit près d'elle Pierre Olafson, le confesseur de cette mère qu'elle cherchait en vain depuis huit jours par toute la ville. Après une courte mais fervente action de grâce, ils sortirent ensemble de la Basilique. Pierre connut alors le motif pour lequel le Seigneur l'avait appelé à Rome, et Catherine lui raconta qu'ayant ressenti un extrême désir de revoir sa mère, elle avait obtenu de son mari la permission d'aller à Rome pour y gagner l'Indulgence jubilaire; qu'elle s'était informé, durant huit jours, de la demeure de Brigitte ; mais qu'elle n'avait pu rien apprendre, sinon que celle-ci avait quitté la ville quelques semaines auparavant avec son confesseur, sans avoir fait connaître ni le but ni le motif de son voyage. Catherine et Pierre louèrent Dieu dont ils venaient d'expérimenter d'une manière si évidente la miséricordieuse Providence, et partirent ensemble le lendemain pour Bologne. Les deux Saintes se revirent avec un bonheur indescriptible, Brigitte reconnut dans l'arrivée de Catherine l'accomplissement de la prédiction du Seigneur, qui avait promis, à plusieurs reprises, de lui envoyer une compagne pour ses pénibles travaux et ses déplacements (1). Catherine, qui avait toujours vénéré sa mère comme une Sainte, fut extrêmement heureuse de la revoir, de recevoir sa bénédiction et d'entendre sa voix bénie. Catherine fut reçue et hébergée avec beaucoup d'affection et de respect par le Prieur désormais si pieux du couvent de Saint-Nicolas. Mais Brigitte, qui avait accompli à Bologne sa pieuse tâche, résolut de retourner à Rome aussitôt que possible, pour y visiter les sanctuaires avec sa fille. Elle quitta donc le monastère avec les siens au milieu des prières et des bénédictions des moines qui, par elle, étaient redevenus de véritables fils de Saint-Dominique ; et se dirigea tout épuisée de corps, mais l'âme pleine de reconnaissance et d'allégresse, vers la ville aux sept collines. (1) Vita S. Catarinœ, cap. IV.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 20/12/2016, 13:44 | |
| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre XX ème.
20/40. CHAPITRE XX - Catherine de Suède. Arrivée des deux saintes femmes à Rome. Souffrances et tentations. Nous interrompons ici la biographie de notre Sainte pour jeter un regard rapide sur la vie de Catherine de Suède, que nous verrons, à partir de ce moment, inséparablement unie à sa mère. Catherine montrait déjà, comme enfant, un amour admirable pour la pureté, et une répulsion non moins vive pour ceux qui avaient perdu cette aimable vertu. Brigitte avait confié l'enfant, sans le savoir, à une nourrice qui menait une vie très légère. Chaque fois que cette femme la prenait dans ses bras pour lui donner à manger, Catherine se détournait d'elle avec horreur et étendait en souriant ses petites mains vers sa mère et d'autres personnes vertueuses, ne voulant recevoir sa nourriture que d'elles. Lorsque Catherine fut, à l'âge de cinq ans, confiée pour son éducation, à la pieuse Abbesse de Risaberg, elle parut si illuminée des rayons de la grâce divine, que toutes les Religieuses crurent voir en elle un petit Ange. En avançant en âge, Catherine s'adonna aux exercices de piété avec une ardente dévotion. Elle récitait tous les jours les heures de la Très-Sainte Vierge, et, depuis son enfance, les sept psaumes de la pénitence, avant de se coucher. A genoux sur la terre nue, elle consacrait quatre heures de la journée à méditer la douloureuse Passion et la mort de son divin Sauveur ; elle paraissait toujours si totalement absorbée en Dieu que son seul aspect enflammait tous les cœurs de l'amour divin. De retour au foyer paternel, elle fut mariée à Edgard, un jeune et vertueux gentilhomme. Toute à Dieu et à sa Mère virginale, la pieuse vierge fit si bien par ses saintes exhortations et ses prières instantes, qu'avec l'assistance de Celui qui met dans le cœur de ses élus toute pensée chaste et toute pureté, elle décida son époux à faire avec elle vœu de virginité. S’étant ainsi engagés, par un serinent sacré, à garder une chasteté perpétuelle, les deux nouveaux mariés s'aimèrent tendrement dans le Seigneur, et, sous les apparences d'une splendeur mondaine tout extérieure, ils trompèrent l'ennemi de la chasteté par un saint artifice. Ce vœu fut agréable à Dieu, ainsi que le prouve le petit incident suivant qui mérite d'être mentionné. Un jour que, selon l'usage de ce temps, le pieux gentilhomme était à la chasse, et poursuivait avec sa meute un daim, il arriva que Catherine dût, pour faire un petit voyage, traverser avec une de ses femmes la forêt dans laquelle l'animal avait cherché un refuge. La pauvre bête s'approcha sans crainte de la jeune femme, comme pour lui demander protection, et posa doucement sa tête fatiguée sur les genoux de la chaste vierge. Lorsque Edgard et les autres chasseurs arrivèrent près d'elle, elle demanda humblement la liberté de son prisonnier qu'elle tenait caché sous son manteau. Il va sans dire que la requête fut accordée ; et le daim s'élança joyeux dans la forêt, pendant que le jeune époux et ses amis, pleins de joie et de consolation, rendirent grâces à Celui qui dompte et apprivoise les animaux de la forêt. Le pieux couple se soumettait aux plus grandes austérités. Après avoir passé la majeure partie de la nuit en prières et en exercices de pénitence, ils dormaient étendus sur le plancher de l'appartement, n'ayant qu'une couverture et un traversin. En hiver même, ils n'apportaient aucun adoucissement aces rigueurs, car plus ils se privaient, pour l'amour de Dieu, de toutes les aises de la vie, plus ils se sentaient pénétrés et embrasés de l'amour divin. Catherine s'efforça d'amener son mari à adopter les pieux exercices que dans sa jeunesse elle avait vu pratiquer à sa sainte mère Brigitte ; car elle avait un extrême désir de conformer sa vie à l'éminent modèle qui lui était si cher. Aux veilles et aux prières les pieux époux unirent donc des jeûnes rigoureux, afin de faire épanouir dans leurs âmes toutes les vertus. Ils s'adonnèrent, par amour de Dieu et pour leur propre salut, à une foule d'abstinences sévères ; car ils avaient reconnu que l'abstinence prolonge la vie, préserve la chasteté, réconcilie avec Dieu assure la victoire sur les mauvais esprits, éclaire l'intelligence, fortifie l'âme, dompte le vice, et attire le cœur vers Dieu en le remplissant d'ardeur. Leur union fut bienheureuse, parce qu'ils s'efforcèrent, en se confiant au miséricordieux amour de Dieu, d'imiter, autant que possible, la sainte union de la Bienheureuse Vierge Marie et de saint Joseph. Ils étaient dans l'état du mariage, comme deux lis odoriférants dans le jardin du Seigneur ; devant Dieu, ils resplendissaient de l'éclat de la pureté virginale, et, devant les hommes, ils répandaient par l'exemple de leurs vertus, un parfum des plus agréables. Cependant quelques-uns de leurs parents, irrités de la vie spirituelle qu'ils menaient et dont le sens leur échappait, cherchèrent bientôt l'occasion de rendre Catherine suspecte à son frère, le prince Charles, en l'accusant, auprès de lui, de singularité et de toutes les folies imaginables. Charles, encore trop étranger aux choses d'en haut, accabla sa sœur et son mari d'injures et d'offenses, mais ceux-ci les supportèrent avec une humble patience et ne changèrent rien à leur vie journalière. Catherine se mit à renoncer peu à peu aux vêtements précieux, si contraires aux anciennes et louables coutumes de sa patrie. Elle dédaigna le luxe des vêtements, si fort à la mode alors dans la noblesse suédoise, ainsi que toute parure superflue. A son exemple, plusieurs de ses amies quittèrent les habillements luxueux et les vaines parures. Il en fut de même de Gydda, la seconde femme de Charles, qui d'abord avait opiniâtrement repoussé les conseils de Catherine, et qui, à la suite d'un avertissement divin, s'abandonna à la direction de sa pieuse parente. Un jour que Gydda s'était trouvée dans une chapelle de la Très-Sainte Vierge, à Colmar, et qu'elle y avait prié avec Catherine devant une image de la Mère de Dieu, elle était tombée tout à coup dans un léger sommeil. Il lui avait semblé alors que Marie regardait avec un doux sourire la sœur de son mari, tandis qu'elle lui jetait à elle-même un regard sévère et menaçant. Troublée par cette vision et fondant en larmes, Gydda avait prié la Mère de Dieu et, dans son chagrin, elle lui avait dit : « Pourquoi, ô ma chère Souveraine, me regardez-vous d'un air si sévère ? ». La Bienheureuse Vierge lui répondit : « Et toi, pourquoi ne te rends-tu pas au conseil de ma chère Catherine ? Si tu voulais changer ton habillement et tes mœurs, selon ses avis et son exemple, je te regarderais également avec joie et bonté ». A son réveil, Gydda renonça joyeusement au luxe et aux parures, et s'appliqua, avec un zèle persévérant, à imiter en tout la pieuse Catherine. Lorsque Charles, encore très mondain à cette époque, s'aperçut de ce changement admirable, il gronda vivement sa sœur en lui disant : « Il ne te suffit pas de faire toi-même la nonne, il faut encore que tu transformes ma femme en Religieuse, et que tu la rendes ridicule aux yeux du monde ! ». Catherine supporta ces nouvelles injustices avec une grande sérénité ; elle ne s'affligeait que des louanges qu'on donnait à ses grandes vertus ; et lorsque quelqu'un la louait, elle suppliait aussitôt, au nom de la miséricorde de Jésus-Christ, qu'on voulût bien ne rien dire ni rien penser de semblable. Lorsque Brigitte quitta la Suède, ce fut Catherine qui eut le plus de peine à se séparer de sa mère bien-aimée. Elle s'en ouvrit elle-même plus tard à Catherine de Sienne, en lui disant : « Aussitôt que ma mère fut partie, le sourire quitta mes lèvres, mes yeux baignés de larmes demeurèrent tournés vers l'Orient, vers la route sur laquelle ma bonne mère avait laissé la dernière trace de ses pieds. Il n'y eut plus de joie pour moi, et même l'amour de mon Edgard ne parvint pas à me consoler (1) ». Près de quatre années s'étaient écoulées depuis le jour où Brigitte avait quitté sa patrie pour se rendre à Rome, quand Catherine fut saisie d'un désir si intense de l'y suivre, qu'elle en était toute consumée. Elle, autrefois si resplendissante de fraîcheur et de beauté, devint pâle et languissante. Lorsque son pieux époux s'en aperçut, il la pria de lui faire connaître la cause de ses soupirs et de son chagrin. Pleine de confiance en la bonté d'Edgard, Catherine lui ouvrit tout son cœur. Cet homme sage et prudent qui connaissait la perfection de la vie de son épouse, pensa aussitôt que ce désir pouvait venir du Seigneur, en sorte qu'il n'osa pas le contredire d'une manière péremptoire. Il craignit néanmoins d'exposer aux dangers d'un si long voyage une vierge si belle et si jeune, car Catherine avait à peine dix-neuf ans ; il hésita, pour ce motif à donner son consentement. (1) Surius, Vita S. Catarinœ. Mais vaincu enfin par la crainte de Dieu, et n'osant pas résister à la volonté d'en haut, il céda aux vives instances de sa femme. On s'occupa aussitôt des préparatifs du départ, et Catherine attendait impatiemment le jour où elle pourrait quitter sa patrie. Cependant l'antique persécuteur de toute vertu, qui n'a d'autre pensée que d'anéantir les saints projets, ou du moins d'en retarder l'exécution, inspira au prince Charles une si violente colère contre le dessein de sa sœur, qu'il écrivit à son beau-frère Edgard pour le menacer de mort s'il permettait à sa femme de sortir de sa patrie. Cette lettre arriva aux mains de Catherine, en l'absence de son époux. Devinant ce qu'elle contenait, elle l'ouvrit, la lut, puis la remit à son oncle Israël, prince aussi puissant que pieux. Celui-ci consola affectueusement sa nièce, l'engagea à ne pas se laisser détourner de son pieux dessein par les menaces de son frère, et lui promit de protéger son mari contre tout danger. Il lui fit ensuite de riches présents et ne chercha plus qu'à hâter le départ. Catherine, de son côté, ne perdit pas un instant; elle se sépara de son mari, pleine de gratitude et d'affection, et s'embarqua en compagnie du maréchal de Suède, Gorstago Thunasson, et de deux dames suédoises d'un certain âge. Après avoir éprouvé de grandes fatigues et de grandes difficultés sur mer et sur terre, Catherine et ses compagnons franchirent, avec une joie inexprimable, les portes de la Ville sainte, au mois d'août de l'année 1350. Nous venons de voir avec quelle aimable attention la providence de Dieu aida Catherine à retrouver sa chère mère. Dans les premiers jours de septembre, les deux saintes femmes revinrent à Rome. Le voyage, et surtout les peines spirituelles que Brigitte venait d'endurer, avaient complètement épuisé ses forces. Néanmoins, comme elle ne pouvait se résoudre à diminuer, si peu que ce fût, ses veilles et ses jeûnes rigoureux, elle en arriva à un tel état de faiblesse que son esprit ne pouvait plus saisir ni comprendre exactement le sens des révélations célestes, dont elle était toujours honorée. Alors Jésus lui dit : « Donne à ton corps la nourriture dont il a besoin. Car ce que j'aime, c'est que le corps reçoive le nécessaire pour que l'esprit ne soit pas dans l'impossibilité de saisir et de comprendre les choses divines, à cause de l'affaiblissement exagéré des forces physiques (1) ». La sainte Mère de Dieu exhorta également Brigitte à modérer quelque peu son zèle, en lui disant : « Tu dois agir avec prudence et soumission en tout ce que tu fais. Car il est plus agréable à mon Fils de voir manger que de voir jeûner contre l'obéissance. Ainsi donc, ma fille, pratique le jeûne avec prudence ; et lorsque tu seras malade, tu devras être un peu plus indulgente pour ton corps, et en avoir quelque pitié comme d'une créature déraisonnable, afin qu'il ne succombe pas sous le poids. Proportionne tes jeûnes à ta vigueur, et mets en tout temps ta confiance en la miséricorde de mon Fils (2) ».
Brigitte obéit, et, grâce aux soins affectueux que lui prodigua sa fille, les forces lui revinrent rapidement. Catherine raconta à sa mère ce qui s'était passé en Suède et lui parla de l'épouvantable peste qui avait ravagé la pauvre Scandinavie. Mais Brigitte, bien qu'éloignée de sa patrie depuis longtemps, ne savait que trop bien ce qui était arrivé à tous ceux qui lui étaient chers ; du centre de Rome, son regard de voyante apercevait les faits qui se passaient dans le Nord. (1) Révélations VI, 91. (2) Extravag. 56. C'est ainsi qu'elle annonça un jour à sa fille que maître Mathias était décédé la nuit précédente, car pendant sa prière, elle avait entendu une voix qui disait : « O maître Mathias, que tu es heureux de recevoir au ciel une si belle couronne ! Viens maintenant auprès de la Sagesse qui n'aura jamais de fin (1) ». Des pèlerins suédois, qui vinrent à Rome vers la fin de l'année jubilaire, apportèrent des détails précis sur le jour et l'heure de la mort de Mathias ; c'était bien l'heure où notre Sainte avait entendu les paroles ci-dessus. Brigitte visita avec Catherine les églises stationnâtes et tous les saints lieux de la Ville éternelle. Puis, après quelques semaines de séjour à Rome, Catherine songea à retourner en Suède avec ses compagnons de voyage. (1) Révélations. Le jour du départ était déjà fixé, lorsque, sur l'ordre du Seigneur, Brigitte demanda inopinément à sa fille si, pour plaire à Dieu, elle ne consentirait pas à rester auprès d'elle à Rome, et à accepter, pour l'amour de Jésus-Christ, les peines et les fatigues d'une vie entièrement consacrée au Seigneur. Catherine, tout embrasée de l'amour divin, répondit avec une sainte fermeté que, si Dieu le désirait, elle quitterait volontiers non seulement ses amis et ses parents, sa chère patrie, ses richesses et ses joies, mais encore son époux, qui lui était plus cher que sa propre vie. Après qu'elle eut ainsi consenti à demeurer pour toujours auprès de sa mère, Jésus dit à Brigitte : « Ta fille Catherine est la compagne que je t'ai promise depuis longtemps. C'est une belle plante, que je veux soigner moi-même, afin qu'elle devienne un arbre aux fruits abondants. Et comme elle a besoin de la rosée de ma grâce, je l'arroserai de ma Sagesse. Je veux agir envers elle comme un père envers sa fille, recherchée et demandée en mariage par deux prétendants. L'un d'eux est pauvre et l'autre riche. Mais la jeune fille les aime tous deux. Le père, homme sage et prudent, voyant l'affection de son enfant se porter vers le prétendant sans fortune, dorme à ce dernier des vêtements et des cadeaux ; mais, au riche, il accorde la fille elle-même. C'est ainsi que je ferai. Catherine m'aime ; mais elle aime aussi son époux. Comme je suis le plus riche et le Seigneur de toutes choses, je comblerai celui-ci de mes dons. Je lui donnerai ce qui sera le plus utile à son âme; j'ai résolu de le prendre près de moi ; la maladie dont il souffre en ce moment est un indice de sa mort prochaine (1) ». Après avoir partagé pendant quelque temps les peines et les austérités de sa sainte mère, Catherine fut subitement prise d'effroi à la pensée de continuer ce genre de vie si sévère. Elle songea à la patrie, à sa liberté d'autrefois, au tendre amour de son mari, et, comme elle ne repoussa pas ces pensées, elle tomba bientôt en une tristesse si inquiète qu'elle supplia sa mère de l'autoriser à retourner en Suède. Brigitte, reconnaissant dans ce désir une tentation, se mit à prier avec ferveur pour sa fille. Jésus alors lui apparut et lui dit : " Dis à cette jeune vierge qu'elle est veuve, et que je lui conseille de demeurer auprès de toi. Désormais je prendrai moi-même soin d'elle (2) ". (1 et 2) Révélations, VI, 118. Bien que Catherine se fût soumise humblement à l'ordre de Dieu, elle continua de nourrir le désir de revoir sa chère patrie ; sa pensée et ses vœux restaient tournés vers le lointain Septentrion. Elle lutta de toute la force de sa vaillante âme contre la tentation, sans parvenir à la vaincre. S'adressant alors à sa mère, elle la pria de lui indiquer un remède qui pût apaiser la tempête de son âme. Brigitte, qui avait déjà triomphé de toutes les tentations de ce genre, proposa à sa fille un moyen salutaire, en lui conseillant de se soumettre avec humilité à une pénitence corporelle. Catherine fit selon l'avis de sa mère ; elle condamna son corps aux plus rudes flagellations, et dompta ainsi toutes les tentations. La sainte année jubilaire touchait à sa fin. Du fond de sa résidence d'Avignon, Clément VI fit tout ce qui était en son pouvoir pour faciliter le gain des Indulgences aux innombrables pèlerins qui affluèrent de toutes parts à Rome, dans les dernières semaines du jubilé. Il nomma une Congrégation de quatre Cardinaux, qui devait examiner l'état déplorable de la ville et y porter remède. (1) Reumont, Histoire de Rome T. II. p. 892 Mais cette mesure n'atteignit pas non plus son but. Les rues de Rome continuèrent à n'offrir que peu de sécurité ; les jeunes filles en particulier n'osaient se hasarder à paraître en public. Aussi Brigitte défendit-elle à sa fille de visiter les églises stationnales si ce n'est en nombreuse compagnie de pèlerins et sous bonne escorte. Ce fut un douloureux sacrifice pour Catherine, qui ne connaissait pas de plus grand bonheur que de prier dans les églises et de puiser au trésor des Indulgences. Elle pleura souvent amèrement lorsqu'elle voyait partir sa mère pour les stations avec Pierre Olafson, tandis qu'elle-même devait demeurer au logis avec les servantes. Un jour que Brigitte lui réitéra le refus de l'emmener, elle s'en affligea et pensa en elle-même : « Malheureuse que je suis ! quelle vie misérable je mène ici ! Il est facile aux autres de faire leur salut et d'amasser sans cesse de nouveaux trésors spirituels en visitant les lieux saints et en assistant à la célébration des saints mystères. Quant à moi, je suis privée de toutes ces grâces. Combien sont heureux mes frères et mes sœurs qui servent Dieu dans ma chère patrie, tandis que je languis ici misérablement. Ne vaudrait-il pas mieux ne pas vivre du tout que de mener une existence si inutile ?». Tandis que Catherine avait l’âme remplie de tristesse et d'amertume, et pleurait dans sa petite chambre solitaire, sa mère et Pierre Olafson y entrèrent à leur retour des stations. Ils lui demandèrent affectueusement la cause de sa tristesse; mais la douleur l'empêchait de proférer aucune parole. Brigitte réclama alors une réponse au nom de l'obéissance, et lorsque Catherine entendit le mot d'obéissance, elle dit en poussant un profond soupir : « Ma mère, je ne puis parler ! ». Elle ressemblait à une mourante ; son visage était pâle et ses yeux éteints ; sa respiration s'arrêta sous la violence de l'émotion qu'elle ressentait et qu'elle ne parvenait pas à dominer. Brigitte, profondément affligée, n'opposa que la patience, la douceur et la prière à ce singulier état de sa fille. La nuit suivante, Catherine rêva que le monde entier était en flammes ; elle se vit elle-même seule dans une petite plaine, tremblant de peur et ne sachant de quelle manière échapper à ce redoutable incendie. La Bienheureuse Vierge Marie lui apparut alors, et Catherine lui dit aussitôt en la suppliant : « O chère Dame, secourez-moi ! ». Marie lui répondit : « Comment puis-je t'aider puisque tu désires avec tant d'ardeur retourner dans ta patrie, auprès de tes amis et de tes parents ? Tu méprises les promesses que tu as faites à Dieu ; tu lui désobéis ainsi qu'à moi-même, à ta mère et à ton père spirituel ». Catherine s'écria avec effroi : « Ah ! ma très douce Souveraine ! je veux bien volontiers faire tout ce que vous demanderez de moi ». Et la Très-Sainte Vierge dit encore : « Obéis donc à ta mère et à ton père spirituel, qui tiennent ma place auprès de toi ; c'est là ce que je désire de toi, ce qui seul me sera agréable ». Lorsque Catherine sortit de son sommeil, elle courut pleine d'humilité vers sa mère, se jeta à ses genoux et la supplia de lui pardonner son opiniâtre désobéissance, qui avait si profondément affligé Dieu, la glorieuse Vierge Marie, et elle-même. Après avoir raconté très sincèrement à sa mère sa vision nocturne, elle lui fit la promesse de lui obéir jusqu'à la mort, et de rester la fidèle compagne de ses pénibles travaux et de ses voyages loin de la patrie bien-aimée. Brigitte se réjouit de cette conversion merveilleuse, et, dans sa reconnaissance, elle s'écria : « Ce changement est l'œuvre de la droite du Très-Haut (1); loué soit Celui qui fait que tout tourne à bien à ceux qui aiment Dieu (2) » . Brigitte résolut alors de réduire davantage sa fille sous le doux joug de l'humilité et de l'obéissance. Elle appela donc le P. Pierre d'Alvastra, son maître de langue, prêtre très expérimenté dans la conduite des âmes, et le supplia de recevoir le vœu d'obéissance de sa fille. Pierre se rendit au désir de la pieuse et prudente mère ; Catherine lui fit ce vœu et l'observa si fidèlement qu'elle n'osait rien faire sans sa permission. Notre Sainte fut très heureuse en voyant les rapides progrès que sa fille faisait dès lors dans la vertu ; sa joie s'accrut encore en entendant, dans une de ces célestes extases, l'éloge de sa fille tomber des lèvres bénies de la Bienheureuse Vierge Marie. (1) Psaumes LXXVI, 10. (2) Rom. VIII 28. Un jour que Brigitte suppliait naïvement la Mère de Dieu de développer de plus en plus dans son cœur l'amour de Jésus-Christ, Marie l'engagea à se dérober à son doux entretien, et à terminer là sa céleste contemplation pour vaquer à ses soins maternels envers sa pieuse fille. Puis la Très-Sainte Vierge loua l'amour de Catherine pour la sainte pauvreté, amour si grand qu'on lui procurait la joie la plus vive en lui permettant de porter les vêtements les plus vieux et les plus misérables. Marie ajouta ensuite : « Heureuse celle qui a renoncé si volontairement au monde ! Elle a quitté son mari, ses parents et ses amis selon la chair, afin de pouvoir les assister selon l'esprit, et elle ne s'est pas inquiétée de ses biens terrestres. C'est pourquoi tous ses péchés lui sont remis, et, en échange de ses possessions d’ici-bas, elle recevra le royaume du Ciel, et Jésus-Christ lui-même pour Epoux, Et tous ceux qui l'aiment obtiendront, à cause d'elle, de se rapprocher de Dieu (1) ».
(1) Extravag, 69.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 20/12/2016, 20:23 | |
| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre XXI ème.
21/40. CHAPITRE XXI - Genre de vie de sainte Brigitte et de ses compagnons. Assistance merveilleuse dans le besoin. Mort du Pape Clément VI. (1351-1353). La petite communauté de notre Sainte menait une vie toute monastique. Pierre Olafson resta le confesseur habituel de Brigitte, tandis que le P. Pierre d'Alvastra était à la fois son maître et l'administrateur de la petite maison ; il s'occupait des affaires temporelles, et tous lui obéissaient. Catherine partageait avec sa mère les leçons de grammaire et récitait avec elle les heures canoniales. La douceur et l'amabilité de la pieuse vierge tempéraient un peu la rigoureuse austérité que sainte Brigitte avait communiquée à son entourage. Jésus-Christ lui-même prescrivit à Brigitte le genre de vie qu'elle devait suivre avec les siens durant son séjour à Rome : « Je vous conseille, dit-il, de consacrer au sommeil quatre heures avant minuit et autant après. Néanmoins, celui qui pourra raisonnablement se contenter d'un repos moins long, sans trop épuiser ses forces, en aura plus de mérite et une plus belle récompense. Vous donnerez ensuite quatre heures à la prière et à d'autres exercices de piété, afin que chacune de vos heures soit fructueuse pour le ciel. Vous pourrez employer deux heures pour les repas et la récréation ; mais si vous abrégez ce temps, Dieu vous en récompensera. Vous emploierez six heures au travail, pour faire vos devoirs de toute nature. Vous prendrez ensuite deux heures pour les vêpres, les compiles et d'autres prières pieuses. Le soir, vous accorderez également deux heures au repas et à une innocente distraction pour le soulagement du corps. Le matin, au réveil, vous garderez un silence de quatre heures, que vous ne devrez rompre qu'avec une permission et pour le strict nécessaire. Ce temps écoulé, vous pourrez prendre un léger rafraîchissement corporel. « J'ai dit dans mon Évangile que celui qui donnerait un verre d'eau froide en mon nom recevrait sa récompense. Je récompenserai également toute mortification, même la moindre, si vous la pratiquez en mon honneur et avec une vraie piété. Vous savez déjà que vous devez observer vos jeûnes en voyage, La vie conventuelle vous offrirait peut-être plus de repos et d'abondance. Usez donc avec une prudente discrétion des choses nécessaires au corps ; prenez un seul potage soit aux herbes, soit à tout autre apprêt, mais, par amour de Dieu, n'en prenez pas davantage. Quanta la viande et au poisson, je vous autorise à en avoir de deux espèces à table, vous engageant à vous abstenir du reste par amour de moi. Pour le pain, mangez ce qui vous sera servi, et s'il vous en faut plus, demandez-en à votre maître en mon nom. Agissez pour l’eau comme pour le pain. N'oubliez pas qu'un malade ne peut suivre la règle comme un autre qui se porte bien ; il manifestera donc son besoin, et l’on pourra lui donner ce-qui se trouvera ; en outre, puisque vous avez résolu de ne rien posséder, vous ne devrez non plus rien donner ni rien recevoir sans permission. Je vous avertis que le démon vous dresse des pièges à toute heure. Je vous conseille, pour ce motif, de veiller scrupuleusement sur vos paroles inutiles pendant les temps de silence. Confessez-vous-en sincèrement, et faites-en une juste pénitence. La pénitence serait plus sérieuse, si votre parole était irréfléchie ou indiscrète. Mais si quelqu'un avait parlé avec impatience ou colère, il devrait au plus tôt chercher un lieu convenable pour y réciter à genoux un Ave Maria en demandant humblement pardon à Dieu. Enfin, chaque vendredi, vous devrez venir au chapitre (1) avec la ferme volonté de ne cacher aucune de vos fautes et la résolution de ne pas retomber ; vous devrez vous acquitter volontiers de la pénitence imposée et vous appliquer sérieusement à vous corriger (2) ». (1) On entend ici, par chapitre, l'accusation qu'on a coutume de faire en public, dans les couvents, des fautes commises contre la sainte règle. (2) Extravag., 05. Ce genre de vie ne suffit pas au zèle ardent de Brigitte ; elle ajoutait au précepte en consacrant une grande partie de la nuit à la prière et à la contemplation : au point du jour elle se confessait à Pierre Olafson, qui se soumettait également à toutes les austérités de la règle de son Ordre. Tous deux ensuite quittaient la maison, à l'aube, pour visiter les églises stationnais, et ne rentraient que vers neuf heures. Brigitte avait un tel soin de la pureté de son âme, qu'elle recourait souvent deux fois et même trois fois par jour à la confession. Elle pleurait alors les petites fautes inhérentes à la fragilité humaine si amèrement aux pieds de son confesseur, que celui-ci avait parfois de la peine à la consoler et à la calmer. Le fait suivant prouve à quel point Dieu a pour agréable l'ardent désir de la grâce de l'absolution. Durant une des confessions de Brigitte, son confesseur fut réclamé par un prêtre de Rome. Pierre oublie, en se levant, de donner l'absolution à sa sainte pénitente. Le soir de ce même jour, au moment où Brigitte se disposait à prendre son repos, le Saint-Esprit lui dit : « Lève-toi, ma fille, fais un acte de contrition, puis agenouille-toi humblement pour recevoir l’absolution ; car ton confesseur ne te l'a point donnée aujourd'hui ». Après la lui avoir accordée, le Saint-Esprit ajouta : « Celui qui ne prend pas garde aux petites choses, sera bientôt en défaut dans les grandes ; car même un péché véniel deviendra mortel, si, malgré les remords de la conscience, on y persévère sans souci (1) ».
Brigitte observait les vœux monastiques avec la consciencieuse rigueur d'une sainte Religieuse. Son amour pour la sainte pureté était si vif qu'il lui valut, à elle qui avait été mariée, le titre et les droits d'épouse de Jésus-Christ. Son obéissance envers les Prélats, son Supérieur et son confesseur était si parfaite, si constante, qu'elle osait à peine lever les yeux sans la permission de son directeur (2). Lorsqu'elle visitait les églises stationnales ou quelque autre saint lieu de Rome, en compagnie d'un des prêtres que Dieu avait préposés à sa garde, elle ne leva pas une seule fois les yeux sans en avoir obtenu l'autorisation de son père spirituel. Elle craignait néanmoins toujours de ne pas atteindre à la perfection de cette vertu ; et même après l'humble et fidèle accomplissement d'un ordre, elle s'inquiétait du moindre mouvement d'opposition qui avait pu s'élever dans son âme en le recevant. (1) Révélations, VI, 114. (2) Bulle de la canonisation. Un jour qu'elle témoignait à Notre-Seigneur sa peine d'avoir obéi avec quelque impatience, Jésus-Christ daigna la consoler lui-même en lui disant : « Je suis en celui à qui tu dois obéir ; aussi seras-tu récompensée et obtiendras-tu la rémission de tes péchés en retour de ta bonne intention d'obéir malgré les résistances de la chair (1) ». Brigitte pratiquait la pauvreté avec une fidélité inébranlable à l'exemple de son Père séraphique saint François, qui avait coutume de nommer la pauvreté sa chère épouse. Elle demandait à genoux à Pierre d'Alvastra ce dont elle avait besoin pour elle-même ou pour les siens. Habituellement elle ajoutait avec humilité : « Je vous prie, mon Père, au nom de Jésus-Christ, de m'accorder ce que je vous demande ; je crois en avoir besoin ». (1) Révélation VI. 43. A l’entendre, il eût semblé qu'elle n'avait jamais rien possédé en propre, et que le mince patrimoine qui servait à elle et aux siens ne lui appartenait pas. Sa grande préoccupation était de pourvoir aux besoins des autres, n'hésitant pas à se refuser tout, pour leur éviter une privation ; quand le nécessaire même lui manquait, elle savait le dissimuler aux regards attentifs de l'affectueuse Catherine. Le Seigneur paraissait se plaire à mettre son épouse aux prises avec la pauvreté, comme il l'avait été lui-même durant sa vie mortelle ; aussi lui en fit-il sentir souvent l'aimable fardeau. Brigitte se trouva dans une grande pénurie d'argent, vers la fête de tous les Saints, en l'année 1351. Ne recevant depuis trois ans aucun envoi de fonds de la Suède, elle avait dû faire divers emprunts qui la mirent dans un grand embarras lorsque les prêteurs vinrent à lui réclamer leurs avances. Jésus-Christ lui dit alors : « Emprunte sans crainte les sommes nécessaires, tranquillise tes créanciers et promets-leur de les rembourser intégralement le premier dimanche après l'Octave de l'Epiphanie, le jour de l'exposition du saint suaire » . Brigitte se conforma à l'ordre du Seigneur, et, dans l'après-midi du dimanche indiqué, arriva un messager de Suède, porteur d'une somme si considérable, qu'elle lui permit d'acquitter, le jour même, toutes ses dettes (1). (1) Extravag. 103. Il lui resta peu de chose en mains pour l'entretien de sa communauté, et elle se trouva bientôt réduite de nouveau à la plus extrême pauvreté. Dans cette extrémité, elle envoya Catherine, en compagnie de plusieurs pieuses Romaines, à l'église de Saint-Pierre, pour implorer le secours de Dieu devant l'autel de saint Jean l’ Evangéliste. En entrant dans le temple, la fille de Brigitte aperçut une pèlerine étrangère, portant un ample vêtement blanc avec un manteau noir, le visage caché par un voile blanc. L'inconnue s'empressa d'aborder Catherine, de la saluer par son nom, et de lui demander de vouloir bien prier pour l'âme d'une Norvégienne. Sur les questions de Catherine, l'étrangère répondit qu'elle arrivait de Suède, et que Gydda, la femme de Charles, était décédée récemment. La jeune vierge l'invita alors à l'accompagner auprès de Brigitte, qui lui offrirait volontiers l'hospitalité. Mais l'étrangère déclina l'offre en s'excusant de ne pouvoir s'arrêter davantage ; puis elle reprit : « Priez pour la Norvégienne, car Gydda vous a légué la couronne princière en or qu'elle portait habituellement dans les grandes cérémonies ». A ces mots, la pèlerine disparut. Catherine, toute surprise, se tourna vers les femmes qui priaient près d'elle, pour leur demander ce qu'était devenue l'étrangère avec laquelle elle venait de s’entretenir. Elles répondirent : « Nous vous avons bien entendu parler avec quelqu'un, mais nous ignorons à qui vous vous adressiez, car nous n'avons point vu de pèlerine étrangère » . Catherine, saisie de crainte, se hâta de rentrer à la communauté, et de faire part à sa mère de ce qu'elle avait vu et entendu. Sans répondre, Brigitte se retira aussitôt dans sa chambre pour prier. Dieu lui révéla alors que l'âme de Gydda était apparue à Catherine pour lui demander secours contre les peines du purgatoire où elle était retenue pour l'expiation de quelques fautes légères (1). Peu de temps après, la nouvelle de la mort de la pieuse femme de Charles fut confirmée à Brigitte par l'un de ses amis, Ingwald d'Admundsson, qui arrivait de Suède. Il lui apportait, en vertu du legs de la défunte, le cercle d'or qu'elle ceignait de son vivant, selon la coutume du pays. La vente de ce bijou produisit une somme si considérable, qu'elle pourvut à la subsistance de Brigitte et des siens durant une année entière. (1) Vita S. Catharinœ. Cap, X Dieu glorifia aussi par des miracles l'admirable pauvreté de sa fidèle servante. Durant une maladie qui retenait Catherine au lit, un ami de Brigitte, da nom de Ludovic, riche baron romain, fit témoigner à notre Sainte le désir de visiter sa fille. Brigitte n'y consentit qu'à regret, car elle avait à cœur de dissimuler aux yeux du monde la sainte pauvreté qui se pratiquait dans sa demeure. La vue de la couche misérable sur laquelle reposait la malade, et qui se composait d'une paillasse, d'un petit traversin et d'un vieux manteau en guise de couverture, ne pouvait manquer de révéler à l’éminent visiteur à quel degré de privation se trouvaient réduites les deux princesses suédoises. Mais Jésus-Christ qui, en revêtant lui-même les livrées de la pauvreté, a couvert d'honneur et de gloire l'indigence de ses pauvres, releva ici la bassesse de la pauvreté volontaire en déployant aux yeux du riche et puissant Ludovic les ineffables richesses de sa grâce. En entrant avec sa suite dans l'appartement de la jeune vierge, le baron vit un lit décoré avec splendeur et tout recouvert d'or et d'écarlate. A sa sortie, le noble seigneur témoigna sa surprise à son entourage : « Ces princesses suédoises passent pour pauvres parce qu'elles contractent souvent des emprunts d'argent pour faire face aux premières nécessités. Elles feraient mieux de vendre, pour subvenir à leurs besoins, la pourpre précieuse et le riche ameublement que nous venons de voir, plutôt que de se priver des aliments et des vêtements nécessaires (1) ». Après son rétablissement, Catherine fit, avec la permission de sa mère, une promenade hors des murs de la ville sainte, en compagnie de quelques dames romaines. Quand on fut arrivé dans les belles vignes qui sont aux portes de Rome, une des dames pria Catherine, qui était de haute taille, de lui cueillir une belle grappe de raisin qu'il lui était impossible d'atteindre. Catherine portait sous son simple et pauvre manteau des vêtements vieux et usés ; aussi rougit-elle légèrement en rejetant son manteau pour exaucer le désir de sa compagne. (1) Vita S. Catharinœ, cap. X. A ce moment, Catherine parut vêtue d'une robe de soie précieuse de couleur hyacinthe, et l'une des Romaines s'écria dans sa surprise : « Mais Catherine ! qui aurait jamais cru que vous vous seriez décidée à porter des vêtements aussi magnifiques?». Les serviteurs présents rendirent témoignage de ce fait, ainsi que Pierre d'Alvastra, le confesseur de sainte Catherine (1). L'entretien suivant, que Brigitte eut avec la Mère de Dieu, au sujet de ses affaires temporelles, témoigne des embarras domestiques dans lesquels elle se trouva parfois engagée pour assurer aux siens l'indispensable. Nous laisserons la parole à la Sainte elle-même. Marie avait rappelé à sa fille qu'elle ne devait pas se mettre en souci du lendemain, mais se confier en Dieu qui donne la nourriture aux passereaux, et qui a un soin tout particulier de ceux qu'il a rachetés de son sang précieux. Je lui répondis : « O aimable Souveraine, qui êtes riche et belle, riche parce que vous êtes aimée de Dieu, belle, parce que vous n'avez jamais péché, écoutez-moi, moi qui suis pauvre de vertus et riche de péchés. Aujourd'hui, nous avons encore le nécessaire, mais tout nous fera défaut demain. Comment donc ne serions-nous pas en soucis ?». (1) Vita S. Catharinae, cap XI. La Sainte-Vierge répondit : « Si vous possédez des choses dont vous puissiez vous passer, vendez-les, afin de pouvoir vivre sans inquiétude ». Je répondis : « Nous avons les vêtements indispensables et quelque peu de vaisselle pour notre table. Le prêtre a ses livres, et nous possédons un calice, ainsi que les ornements nécessaires pour la sainte Messe ». La Sainte-Vierge répliqua : « Le prêtre ne doit point demeurer sans livres, ni vous sans Messe ; puis aussi pour le saint sacrifice, il vous faut un calice et des ornements ; toutes ces choses vous sont donc indispensables ». Je repris alors : « Peut-être devrais-je engager ma parole, et emprunter de l'argent pour quelque temps ? ». La Mère de Dieu répondit : « Si tu es assurée de pouvoir rembourser à l'échéance, emprunte ; sinon, ne le fais point ». Et moi, je lui dis : « Dois-je recourir aux travaux manuels pour gagner le pain des miens ?». Marie reprit : « Que faites-vous actuellement de vos journées ? ». Je répondis : « J'apprends la grammaire, je prie et j'écris ». Alors la Mère de Dieu dit : « Il ne convient pas que tu renonces à ces occupations pour t'adonner à des soins matériels ». Et moi : « Mais de quoi vivrons-nous demain ? ». La bonne Mère répondit : « Si Vous n'avez plus rien, demandez l'aumône au nom de Jésus-Christ (1) ». Brigitte se soumit avec joie, et toutes ses préoccupations temporelles disparurent à la consolante pensée de pouvoir se mêler aux pauvres pour mendier l'obole de la charité. Dieu envoya d'autres épreuves encore à sa servante. Depuis son arrivée, Brigitte occupait la maison du Cardinal Hugues Roger, située non loin de l'église de Saint-Laurent in Damaso En l'année 1351, le représentant du Cardinal lui donna congé, avec injonction d'abandonner les lieux dans le délai d'un mois. Cette nouvelle affligea vivement Brigitte ; elle craignait de ne pas trouver aisément une demeure qui fût dans les mêmes conditions de convenance pour elle et sa fille, dont la beauté éblouissante commençait à faire sensation à Rome. Elle implora avec larmes le secours divin ; mais le Seigneur voulant éprouver sa fidélité, lui dit : « Parcours la ville, durant ce mois, avec ton confesseur, et tâche de découvrir une maison qui puisse te convenir ainsi qu'aux tiens ». (1) Révélations VI, 46. Brigitte par obéissance, s'en alla par toute la ville, en compagnie de son confesseur ou de son maître-Pierre d'Alvastra, mais sans rencontrer d'habitation convenable. Deux jours avant l'expiration du terme, elle fit plier ses hardes et son modeste bagage, pour quitter la maison et aller s'installer dans une hôtellerie publique. Accablée de chagrin et de souci, elle se mit en prières, demandant avec larmes le secours du ciel pour elle et pour sa fille. Jésus-Christ lui apparut alors et lui dit avec la douceur la plus aimable : « Tu t'inquiètes de n'avoir pu trouver une demeure convenable. Apprends maintenant que j'ai permis cette épreuve pour embellir ta couronne céleste. Tu devais faire par toi-même l'expérience des embarras et des souffrances qu'endurent les pauvres pèlerins hors de leur patrie, afin d'apprendre à compatir à leur situation. Sache que tu ne seras pas chassée de cette maison ; bientôt le propriétaire t'informera que tu peux y rester, avec les tiens, tranquillement et en paix, comme jusqu'à présent ». Brigitte, tout heureuse, courut à Pierre Olafson, pour lui faire partager sa joie, après l’avoir associé à ses peines. Elle lui parlait encore quand arriva un messager qui lui remit une lettre du Cardinal Hugues Roger, frère du Pape Clément VI, auprès duquel il résidait à Avignon. Le Cardinal consolait la Sainte et rengageait avec une grande amabilité à user de sa maison aussi longtemps qu'il lui plairait (1). L'heureuse issue de cette affaire remplit le cœur de Brigitte de reconnaissance et de joie. Au milieu des incidents journaliers de la vie, notre Sainte demeura toujours fidèle à deux grandes préoccupations : ses communications intimes avec Dieu dans la prière et la contemplation, et son zèle ardent pour le salut des âmes et le bien-être de l'Eglise. Les plus petites choses comme les plus élevées portaient Brigitte à converser familièrement avec Jésus et Marie, de même que Jésus et Marie se servaient de tout pour instruire leur fidèle servante, la consoler et la réjouir de faveurs célestes. (1) Extravag., 307. La nature avec ses ornements, les objets sensibles, l'habillement de Brigitte, son modeste mobilier, ses occupations, tout, en un mot, devenait pour le divin Epoux et sa sainte Mère, une occasion de faire connaître la vérité à notre Sainte et de la diriger dans la voie de la grâce. Ainsi, le Sauveur lui dit un jour : " Tu as rencontré aujourd'hui dans la grammaire le proverbe : Il vaut mieux prévenir que d'être prévenu : c'est ainsi que moi, je t'ai prévenue par la douceur de ma grâce, pour empêcher le démon de régner sur ton âme (1) ". Dans une de ses prières extatiques, elle entendit ces paroles consolantes de la bouche de la Mère de Dieu : « Je suis la Mère de la miséricorde et je prépare les vêtements de ma fille pendant qu'elle dort, sa nourriture pendant qu'elle s'habille, et sa couronne et tous les biens pendant qu'elle travaille (2) ». Les joies célestes et les extases dont ses prières étaient favorisées ne firent jamais perdre de vue à Brigitte le salut des âmes et la prospérité de l'Eglise. Son regard se portait sans cesse vers la France, où le successeur de saint Pierre vivait dans un regrettable exil ; et, bien que son espoir dans le retour de Clément VI diminuât chaque jour, elle ne cessait de redire ces suppliantes paroles : « Saint Père, revenez à Rome, qui, sans vous, n'a ni centre ni soleil ! ». (1) Révélations VIII, 31. (2) Révélations IV, 38. Le pape Clément VI avait acquis Avignon en l'année 1348. Cette ville était, à la vérité, enclavée dans les propriétés de l'Eglise, qui, depuis 1229, se trouvait en possession des magnifiques plaines du Comtat-Venaissin, mais elle appartenait encore aux Souverains de Naples. Il négocia avec Jeanne, l'infortunée reine de Naples, dont le trésor était complètement épuisé et il obtint Avignon pour la faible somme de 80,000 ducats. Mais ce Pape ne devait pas jouir longtemps de son acquisition. Depuis la fin de l'année 1351, Clément VI était très souffrant. La maladie, toutefois, dans ses intermittences autorisait l'espoir d'une guérison. Mais dans les derniers jours de 1352, l'état du malade empira ; il reçut les sacrements de l'Eglise dans les sentiments d'une grande humilité et d'une profonde dévotion, et mourut subitement le 3 décembre de la même année. (1) Christophe, Histoire de la papauté, t. IX, p. 167. C'est à bon droit qu'on dit de Clément VI qu'il fut une noble et belle apparition dans l'histoire du quatorzième siècle (1). On lui a reproché d'avoir dilapidé les biens de l'Église, - mais il le fit pour consoler les pauvres (1) ; - pour mener à bonne fin d'utiles entreprises - et pour porter secours à la France, sa patrie, que la guerre avait épuisée (2). Pouvait-on en faire un meilleur usage ? Pétrarque lui-même, si sobre de louanges envers les Papes d'Avignon, rend justice à la douceur et à la bonté de Clément VI (3). Mais comment concilier ces appréciations d'une incontestable justesse avec les jugements sévères que portait sur le compte de ce Pontife la Vérité éternelle elle-même dans les inspirations que recevait Brigitte ? La réponse est aisée. Sous bien des rapports, Clément VI fut certainement une personnalité éminente ; mais de tous les Papes d'Avignon, il fut le seul qui ne tenta rien pour briser les chaînes que la politique française imposait aux Successeurs de saint Pierre; son séjour aux bords du Rhône le liait publiquement à un parti; il n'apparut plus aux regards de l'univers comme le Père commun de la chrétienté, et, dès lors, il devint un objet de scandale pour un grand nombre de fidèles, Jésus-Christ qui avait dit , durant le cours de sa vie mortelle, cette sévère parole : « Malheur à l'homme par qui le scandale arrive (1) ». (1) Thessger, Histoire de la ville d'Avignon, t. II, p. 14. (2) Baluze. Vitœ pap. Avenn., p. 264 et 278. (3) Nulli major inest elementa ; nomen ab ipsis dignum rébus abit, Carmen cardin. Joannie de Columna, édi. Basil., p. 100. Jésus-Christ, qui ne fait acception de personne (2), blâme et punit le scandale même en celui qui porte la tiare ; il châtie avec d'autant plus de rigueur que celui qui a scandalisé les faibles et les petits a été plus élevé en dignité. A l'approche de sa fin, Clément se tourna vers son Sauveur avec un redoublement d'amour et de repentir, et il mourut en union avec Celui dont il avait été le Vicaire sur la terre ; et ainsi son Juge vint au-devant de lui, comme un père affectueux, pour le recevoir au seuil de l'éternité. (1) Matthieu XVIII, 17. (2) Matthieu, XXII, 16.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 21/12/2016, 00:16 | |
| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre XXII ème.
22/40. CHAPITRE XXII - Le Pape Innocent VI. — Le Cardinal Egidius Albornoz. Saint Sébastien. — Protection dans le danger. Pèlerinage à Assise. — L'Indulgence de la Portioncule. (1353 & 1354) Le savant et chaste Innocent VI succéda à Clément VI. Naturellement économe de son propre bien, et convaincu qu'il fallait l'être encore davantage de celui de l'Eglise, il bannit toute magnificence de sa cour, réduisit les dépenses de sa maison et congédia les serviteurs inutiles ; les Cardinaux durent imiter l'exemple du Pape et rétablir la simplicité dans leur train de maison (1). (1) Baluze, Vitae Pap. Avenn. T. I, p. 357 Sainte Brigitte, étant en oraison, reçut la révélation suivante sur Innocent VI : « Ce Pape, dit Jésus à sa servante, est de meilleure trempe que ses prédécesseurs et d'une étoffe à recevoir les meilleures couleurs. Mais la malice des hommes veut qu'il vous soit bientôt enlevé ; sa bonne volonté lui sera comptée au ciel pour orner sa couronne et augmenter sa gloire. Néanmoins, s'il avait connaissance des révélations que je t'ai faite, il croîtrait en perfection, et ceux qui les lui porteraient en seraient plus magnifiquement récompensés (1) ». Notre Sainte n'eut point de rapports directs avec Innocent ; elle ne fit que prier pour lui. Elle ne lui écrivit jamais et ne lui demanda point de revenir en Italie. Elle reconnut que le nouveau Pape nourrissait au fond de son cœur le projet de ramener le Saint-Siège à Rome., mais qu'il ne serait donné qu'à son successeur de l'accomplir. L'Europe se trouvait, à la mort de Clément VI, dans de graves complications politiques, et Innocent VI eut à résoudre une foule de questions importantes et difficiles. La situation des domaines du Saint-Siège, presque entièrement aux mains des tyrans, était fort critique. (1) Révélations IV, 13. Depuis le jour de la défaite des comtes de la Romagne, l'autorité temporelle des Papes y était méconnue; les villes de Montefiascone et de Montefalcone étaient seules à la reconnaître encore (1). Il ne s'agissait donc de rien moins que d'entreprendre une guerre de conquête et le Pape y était résolu. Mais pour mener à bonne fin cette entreprise, il lui fallait, avant tout, un homme capable qui joignît le talent d'un capitaine à celui d'un homme d'État. Fort heureusement que cet homme se trouvait dans le Sacré-Collège même. C'était Egidius Alvarez d'Albornoz, Cardinal fort remarquable du quatorzième siècle. Le 30 juin 1353, Innocent VI choisit Albornoz pour son Légat en Italie, avec les pouvoirs les plus étendus, en soustrayant toutefois Naples et la Sicile à son gouvernement. Il ne pouvait mettre à sa disposition aucun moyen matériel ; le trésor papal était épuisé, et de toutes les puissances auxquelles des subsides furent demandés, l'Allemagne fut la seule à répondre à l'appel du Père commun des fidèles. Mais la rare habileté du Légat suppléa à tout ce qui manquait. 1) Baluze, Vitae Pap. Avenn. T. I, p. 323. Le Cardinal Albornoz remporta d'éclatantes victoires. En 1354, il avait, dans le court espace de quatre mois, soit par d'habiles négociations, soit par la force des armes, reconquis au profit de l'Eglise romaine tout le patrimoine de Saint-Pierre et le duché de Spolète, et lorsque, trois ans plus tard, il fut rappelé à la Cour du Pape à Avignon, Innocent VI lui conféra le titre de Père de l'Eglise, aux applaudissements unanimes des Cardinaux et du peuple (1). Les saintes filles du Nord, Brigitte et Catherine, accompagnèrent de leurs prières le pieux général dans toutes ses conquêtes. La ville sainte toutefois se trouvait toujours dans un état désolant ; des émeutes de tout genre tenaient Rome dans une agitation continuelle, et, en 1353, il y eut un nouveau soulèvement contre les barons soupçonnés d'avoir vendu des grains à l'étranger. L'explosion du mécontentement populaire fit ouvrir tous les greniers, sans ramener le calme. En cet état de choses, le séjour de Rome n'était pas sans embarras pour Brigitte et sa fille Catherine, dont la beauté attirait de plus en plus tous les regards. (1) Baluze, Vitae. Pap. Avenn. T. I p., 359 Sous la direction de sa sainte mère, la jeune vierge faisait de rapides progrès dans la voie de la perfection ; elle avait, d'ailleurs, des manières pleines de grâce, une conversation des plus aimables, une intelligence vive et un brillant savoir. Aussi beaucoup de grands barons de Rome briguèrent la main de la belle Suédoise, comme on avait coutume d'appeler Catherine, et les offres les plus magnifiques lui furent faites. La vierge répondit avec une humble fermeté qu'elle avait fait vœu de chasteté perpétuelle et qu'elle ne contracterait jamais d'union avec un époux mortel. Aveuglés par la passion, les prétendants résolurent d'arracher par la menace et la violence ce qu'ils n'avaient pu obtenir à force de promesses et de flatteries. Catherine put se convaincre, à la façon dont son refus fut accueilli, qu'elle n'avait pas de pires ennemis que ceux qui rampaient à ses pieds, en protestant de leur amour. Elle comprit que son innocence avait besoin d'un protecteur dévoué, et elle le chercha dans la glorieuse phalange des soldats du Christ dont le front a déjà reçu le laurier de l'éternelle victoire. Le premier samedi de l’année 1353, Catherine se rendit à l'église de Saint-Sébastien hors les murs, pour y recevoir la sainte communion ; comme l'heure du Saint-Sacrifice n'était point sonnée, ses suivantes la quittèrent au seuil de l'antique et célèbre sanctuaire. L'église était encore déserte ; seul, un prêtre, que Catherine ne pouvait apercevoir, était agenouillé derrière l'autel, abîmé dans sa prière. La vierge, se croyant seule et sans témoins, se prosterna devant l'autel, et dit assez haut pour être entendue du prêtre : « O mon Très cher Sauveur, vous qui avez pris votre corps adorable dans le sein de la Vierge immaculée et qui avez permis qu'il fût étendu douloureusement sur la croix, je viens, moi pécheresse indigne, supplier votre ineffable miséricorde de daigner me garder, afin que je ne tombe pas dans le péché. Et puisque j'avais, par votre grâce, un époux, choisi mais mortel, comme protecteur de ma pureté, il me faut, à présent, dans mon veuvage, un autre défenseur de ma chasteté ; or je veux choisir, à cet effet, saint Sébastien, le combattant très valeureux et le propagateur de vos saints commandements ; confiez-moi, ô mon aimable Jésus, à sa garde et à sa sollicitude » . Catherine entendit ensuite la sainte Messe et reçut le très saint Corps du Seigneur, à la fois comme gage de la divine protection de Jésus en cette vie et de sa béatitude future dans la vie éternelle (1). Nous apprendrons bientôt à quel point cette protection extraordinaire lui était nécessaire et dans quelle large mesure elle lui fut accordée. Quelques semaines plus tard, le 20 janvier, jour de la fête de son glorieux Patron, Catherine entreprit de faire, avec la permission de sa mère et en compagnie de plusieurs dames romaines, un nouveau pèlerinage à l'église de Saint-Sébastien, située à environ deux milles de Rome. L'un des orgueilleux barons, qui avaient osé prétendre à la main de Catherine, se tint caché, avec une suite nombreuse, dans les vignes qui bordaient le chemin que devaient suivre les pèlerins. En apercevant Catherine avec ses compagnes, il donna ordre à sa troupe de se tenir prête à l'enlever. (1) Vita S. Catharinae, cap. VI Il crut d'autant plus à la facile exécution de son impie projet qu'il n'aperçut point, dans le groupe, Brigitte, que d'importantes affaires avaient retenue en ville. Les mercenaires sortirent de leur embuscade pour s'emparer de l'innocente enfant ; mais leur malice fut déjouée par le Seigneur qui protège et défend toujours ceux qui mettent en lui leur espérance. Au moment où les lâches sicaires allaient fondre sur leur proie, ils virent accourir dans leur direction un cerf et se précipitèrent à sa poursuite. Catherine et les dames profitèrent de cette diversion pour rebrousser chemin en toute hâte vers la ville ; elle échappa ainsi aux embûches de son persécuteur, comme un daim échappe au chasseur, comme un oiseau échappe à l'oiseleur. A sa rentrée, Brigitte, qui avait vu en esprit le danger qu'avait couru sa fille, s'écria : « Béni soit le cerf qui t'a délivrée aujourd'hui des poursuites de l'ennemi ! car la glorieuse Mère de Dieu a daigné me révéler, durant l'oraison, le péril auquel tu as échappé ». A partir de ce jour, Catherine, n'osant plus franchir les murs de Rome, ne se rendait en pèlerinage aux sanctuaires situés hors de la ville, que lorsque sa sainte mère avait reçu par révélation l'assurance d'une protection d'en haut. C'est ainsi que, dans la même année, la veille du 10 août, jour de la fête de saint Laurent, Brigitte dit à sa fille : « Demain nous irons, avec la grâce de Dieu, en pèlerinage à Saint-Laurent ». Catherine répondit : « Je crains que le baron que vous connaissez ne vienne m'enlever en route ». Mais Brigitte lui répliqua avec le calme et l'assurance qui n'appartiennent qu'aux Saints : « Je mets ma confiance en Notre-Seigneur Jésus-Christ et je crois fermement qu'il nous délivrera des mains de cet homme, et que, dans sa grande miséricorde, il nous gardera de tout péril ». Catherine s'en remit aux lumières surnaturelles de sa mère, bannit toute crainte de son cœur, et vit approcher, avec la joie sereine d'un enfant, l'heure d'aller prier au tombeau du glorieux martyr, dont l'amour envers Dieu fut plus fort que les flammes qui, en lui donnant la mort, lui avaient procuré la vie éternelle. Le jour même de la fête, les deux saintes femmes se mirent en route de grand matin, sans autre compagnie que celle de leurs saints Anges-Gardiens, Brigitte fit sur elle-même, et sur Catherine cinq fois le signe de la croix, en mettant sa chère fille sous la protection des cinq Plaies du divin Sauveur, et en la recommandant à la garde de saint Laurent. Elles se trouvèrent bientôt hors de Rome, sur la route de Tivoli, et atteignirent, en priant et en chantant des hymnes pieux, la basilique du Saint, située à un mille de la ville. Personne ne les avait importunées durant ce trajet assez long, personne ne les avait dérangées dans leur dévotion. Le baron cependant, qui poursuivait Catherine avec tant d'acharnement, avait été informé du projet des pieuses femmes, et s'était caché avec ses serviteurs dans une vigne, tandis qu'il faisait sombre encore, afin d'enlever la jeune vierge lorsqu'elle passerait à l'aube du jour. Mais Dieu l'humilia lui-même dans le piège qu'il avait tendu à l'innocente Catherine. Longtemps après le lever du soleil, alors qu'une grande partie de la journée était écoulée, les serviteurs du baron, las d'une si longue attente, demandèrent : « Seigneur, qu'attendons-nous si longtemps en ce lieu ? ». Le baron répondit : « Nous attendons la ravissante dame que nous avons l’intention d'enlever aujourd'hui ». Les serviteurs répliquèrent : « Il y a longtemps qu'elle a passé ; elle doit être arrivée maintenant à l'église de Saint-Laurent. Pourquoi ne nous avez-vous pas donné le signal de nous en emparer ? Elle n'était accompagnée que d'une seule femme au visage pâle et sévère ». Le baron s'informa alors si le jour avait déjà paru : « Certainement, seigneur ; il fait grand jour, et le soleil est déjà bien haut dans le ciel ». Alors seulement le malheureux reconnut que sa malice avait attiré sur lui la main de Dieu. En vain il ouvrit les yeux : son regard ne rencontrait que d'épaisses ténèbres. Avec la lumière de la grâce avait aussi disparu pour lui la clarté de la lumière terrestre. Saisi de crainte et d'épouvante, il commanda qu'on le conduisît immédiatement à l'église de Saint-Laurent ; en y entrant, il demanda à ses gens s'ils voyaient Brigitte et sa fille. Après les avoir distinguées dans la foule, ils en informèrent leur maître qui se fit conduire vers Brigitte. Celle-ci toute recueillie dans la prière aux côtés de Catherine, se montra surprise d'être entourée de tant de monde. Le coupable se jeta aux pieds des princesses suédoises, qui se tenaient là tremblantes et les yeux modestement baissés ; confondu par son malheur, il leur avoua sa méchanceté, les supplia humblement de lui pardonner son crime pour l'amour de Dieu, et ajouta avec serment que dorénavant il voulait être leur protecteur et leur défenseur le plus zélé contre tous ceux qui oseraient les poursuivre ou attenter à leur innocence. Touchée de reconnaissance pour l'assistance que Dieu leur avait accordée, et toute joyeuse à la vue des sentiments de componction du pauvre pécheur, Brigitte invita sa pieuse fille à s'unir à elle pour supplier Dieu en sa faveur. Elle-même se mit à genoux et pria pendant quelques instants avec cette confiance et cette ferme espérance que Dieu ne refuse jamais d'exaucer ; elle supplia son divin Epoux de vouloir bien rendre la lumière des yeux au coupable dont le cœur venait d'être touché des rayons de la grâce. A peine eut-elle cessé sa prière, que le pécheur repentant, plein d'amour et de vénération, saisit sa main et la pressa contre ses lèvres ; car la demande de Brigitte avait été exaucée. Quand les deux saintes femmes eurent achevé leurs dévotions, le baron les accompagna jusqu'en ville, et, depuis lors, il leur voua un profond respect et les combla de bienfaits. Dans la suite, il glorifia le Dieu tout-puissant en témoignant de la réalité du miracle, dont il avait été l'objet, devant le Pape Urbain V et ses Cardinaux (1). (1) Vita S. Catharina, cap. VI. Cet incident fit une grande sensation à Rome. La vénération dont Brigitte jouissait de nouveau dans la ville sainte, s'en accrut au point que ceux-là mêmes qui avaient voulu autrefois la brûler comme une diseuse de bonne aventure et une trompeuse, la proclamaient maintenant une vraie servante de Dieu et une grande Sainte. Brigitte n'ayant en vue que la gloire de Dieu mit à profit cette heureuse disposition des esprits pour publier un grand nombre de ses révélations. Le peuple et les grands reçurent avec un sentiment d'humilité les écrits de la Sainte, bien que leurs vices y fussent impitoyablement flagellés. Ces écrits furent-répandus jusque dans les provinces les plus éloignées de l'Italie. La vie de Brigitte était un labeur incessant. Les travaux pénibles auxquels elle se livrait, les pénitences et l'épuisement de ses forces menacèrent souvent d'abattre son âme ; mais son amour était fort comme la mort, et sa lampe était toujours pleine d'huile. Au sein des souffrances et des difficultés, l'admirable femme resta calme, courageuse et résolue, semblable au rocher contre lequel viennent se briser les vagues furieuses de la mer, sans parvenir à l'ébranler. De célestes consolations venaient souvent interrompre cette vie si pénible à la nature ; elles succédaient à de grandes épreuves comme une récompense agréable, ou comme une préparation à de nouvelles souffrances. Un jour que l'épouse du Seigneur était ravie en extase et priait avec allégresse, le Fils de Dieu lui dit : « Dis-moi donc quelle est ta volonté ? Bien que je sache toutes choses, je veux néanmoins que tu me le dises dans ta propre langue ». Brigitte se tut ; il lui sembla qu'elle n'avait plus de volonté, que la volonté de Dieu était devenue la sienne. Mais n'y avait-il point-là une illusion ? Et ne s'exposait-elle pas à mentir ainsi à l'éternelle Vérité ? Cette pensée d'humilité tint ses lèvres closes. Son Ange-Gardien, prenant alors la parole, répondit pour elle : « Sa volonté est selon qu'il est écrit : que votre volonté se fasse sur la terre comme au Ciel ». Et le Seigneur répliqua : « Voilà ce que je cherche et ce que je veux ; voilà l'obéissance qui me plaît le plus (1)». Mais l'Ange-Gardien, continuant de converser avec le Seigneur, dit : « Que toute l'armée céleste célèbre vos louanges, ô Seigneur, pour votre amour inénarrable ! Vous avez confié votre épouse à ma garde. Voici que je vous la rends, car je l'attirais déjà à vous alors qu'elle n'était encore que jeune enfant. D'abord je lui ai donné une pomme, et lorsqu'elle l'eut mangée, je lui dis : Ma fille, suivez-moi encore, et je vous donnerai du vin très doux ; car, dans la pomme, il n'y a qu'une faible saveur, tandis que le vin renferme une grande douceur et réjouit l'âme.
Après qu'elle eut goûté le vin, j’ajoutai : Avancez encore, suivez-moi toujours, je vous donnerai ce qui dure toujours et ce qui contient tout bien ».
(1) Révélations VI, 30. Quand l'Ange eut cessé de parler le Seigneur expliqua ses paroles ; il fit comprendre à son épouse qu'en suivant son bon Ange, elle était entrée dans une union toujours plus intime avec Lui, au point de mériter, par un abandon complet de sa volonté propre, de devenir sienne à juste titre et toute à lui. Ensuite Jésus la confia de nouveau à son Ange-Gardien, en disant à celui-ci : « Tu m'a remis mon épouse, mais je veux que tu la gardes encore jusqu'à ce qu'elle soit fort avancée en âge. Veille sur elle, afin que le démon ne lui dresse pas des embûches sans qu'elle s'en aperçoive : orne-la de vertus et par-là de beauté. Nourris-la de ma parole, nourriture exquise qui remplit l'âme d'une joie céleste (1) ». Ces visions, dont sainte Brigitte fut comblée, inondaient son cœur d'une félicité inexprimable. Mais en lui envoyant parfois, de plus dures épreuves au lendemain même de cruelles souffrances, Dieu récompensait sa fidèle servante d'une manière plus mystérieuse encore. Brigitte s'en réjouissait parce qu'elle connaissait la valeur merveilleuse des tribulations ; son âme avait atteint ce degré mystique, inconcevable pour le vulgaire, où elle n'a plus d'autre désir que celui de souffrir et d'être méprisée pour Dieu. (1) Révélations, VI, 14. Elle goûtait la joie jusque sous le fardeau de la croix ; c'est qu'elle savait que le signe de la croix est le signe de la victoire et qu'après les quelques années de cette vie, les hommes perdent pour toujours le glorieux privilège, refusé aux Anges de souffrir pour Jésus, objet de leur ardent amour. Le 4 octobre de l'année 1354 devait procurer à notre Sainte une grande joie spirituelle. Le jour de la fête de son Père séraphique, Brigitte visita l'église de Saint-François à Ripa ; ainsi nommée â raison de la proximité du Tibre, sur les rives duquel les fils de Saint-François avaient établi leur demeure depuis 1229. Le séraphin d'Assise y apparut à l'épouse de Jésus-Christ et lui dit : « Viens dans ma cellule, pour manger et boire avec moi (1) » . Dès qu'elle fut de retour à sa maison, Brigitte se hâta de faire ses préparatifs pour se rendre à Assise, dans un esprit de prompte obéissance. Elle se méprenait comme autrefois saint François lui-même, qui, sur l'invitation reçue de Dieu de préserver la maison du Seigneur d'une ruine imminente, avait voulu rebâtir la vieille église de Saint Damien à Assise. (1) Révélations, VII, 13. Elle entendit les paroles du Saint suivant le sens naturel, comme cela lui arriva parfois lorsque Jésus et sa glorieuse Mère lui parlaient, et lui demandaient de recueillir le sens spirituel de leurs paroles (1). Brigitte se disposa donc au pèlerinage d'Assise, et Jésus lui ordonna d'emmener Catherine, qui désirait depuis longtemps aller prier dans la célèbre chapelle de la Portioncule. Il promit à sa servante de la protéger, elle et sa fille, contre tout danger, et il l'encouragea à partir sans crainte. Les deux Saintes se mirent donc en route, en compagnie du confesseur de Brigitte, du Père Pierre d'Alvastra et de deux pieuses matrones. Les chemins étaient sillonnés de troupes armées ; la reprise du duché de Spolète par le Cardinal Albornoz ne datait que de quelques semaines. Afin d'éviter la rencontre des soldats, nos pèlerins abandonnèrent la route de Spolète et prirent un sentier qui passait à travers un pays montagneux ; à la chute du jour, ils se trouvèrent au sommet d'une montagne, ne sachant plus s'orienter. La pluie tombait à torrents, et aucun abri ne s'offrait aux pèlerins épuisés de fatigue. (1) Lettres d'Alphonse, chap. IV. Tout à coup retentit à leurs oreilles le son d'un cor de berger ; c'était l'indice du voisinage d'une métairie. Ils marchèrent dans la direction du son et atteignirent bientôt une habitation perdue dans l'épaisseur d'une forêt de chênes, où on leur offrit l'hospitalité. Le lieu n'invitait pas au repos, car l'intérieur et ses habitants présentaient un aspect peu rassurant. Brigitte et ses compagnons résolurent de passer la nuit en prières. Vers minuit, la maison fut envahie par une nombreuse bande de brigands, qui allumèrent des torches et qui examinèrent les pèlerins de très près. Eblouis par la beauté de Catherine, ils se disposaient à s'emparer de la jeune vierge, qui se serrait toute tremblante contre sa mère, lorsqu'on entendit tout à coup au dehors un cliquetis d'armes : on frappait contre la porte à coups d'écus et de lances, pour l’enfoncer, et des milliers de voix criaient dans le silence de la nuit : « Mort aux bandits ». Se voyant dépistés, les brigands s'enfuirent, avec tous les habitants de la maison, par un passage secret, et ils n'osèrent plus se montrer de toute la nuit. Brigitte et les siens demeurèrent donc seuls dans la ferme ; après s'être remis de leur premier saisissement, ils sortirent pour reconnaître à qui ils étaient redevables de cette délivrance inespérée- Mais ils ne virent personne, la nuit était calme, la pluie et le vent avaient cessé, et l'on n'entendait qu'une légère brise qui chantait doucement dans les cimes des chênes comme une hymne de reconnaissance. Dieu avait envoyé ses Anges pour défendre et protéger les saintes femmes, Brigitte engagea alors ses compagnons à chercher, dans un court repos, des forces pour continuer, le lendemain, leur pèlerinage. Ils obéirent tous ; seulement Catherine redisait souvent encore, en priant à voix basse : « Je vous rends grâce., ô mon puissant Patron ; ô saint Sébastien, priez pour nous ! » . Tout péril cependant n'était pas écarté. Les scélérats, après l'épouvante de la nuit, avaient repris leur criminel dessein, et pour le réaliser, ils s'étaient postés, de grand matin, des deux côtés de la route que devaient nécessairement suivre les pèlerins. Ceux-ci s'étaient remis en marche en se recommandant à Dieu ; ils aperçurent bientôt les brigands qui en voulaient à leur vie, mais sans être vus d'eux. Le jour éclairait la terre, et cependant les bandits étaient plongés dans une nuit noire, image des ténèbres de leurs âmes. Les pieux pèlerins échappèrent ainsi aux mains de leurs ennemis et continuèrent au nom du Seigneur, leur voyage vers Assise. Parvenus enfin au sanctuaire du bienheureux patriarche des pauvres, ils chantèrent les merveilles de Dieu et purent vaquer sans trouble à la prière et à la contemplation (1). Les pèlerins demeurèrent cinq jours à Assise. Brigitte, qui avait plus souffert que ses compagnons des fatigues du voyage, reçut aussi de plus grandes consolations et des grâces plus signalées. Un jour elle entra triste et abattue dans l’église de Saint-François ; on avait mis en doute, en sa présence, l'authenticité de l'Indulgence de la Portioncule, et l'on était allé jusqu'à prétendre que c'était un produit de l'imagination de saint François. Tandis que la Sainte songeait avec douleur à la gravité du péché que commettaient ceux qui refusaient d'admettre une Indulgence approuvée par l'Église, le Seigneur lui apparut et s'entretint avec elle de saint François et de son Ordre. (1) Vita S. Catharinœ, cap. IX. • 23. Brigitte prêta une oreille attentive aux paroles de Jésus, mais son âme ne se relevait pas de son abattement ; le Sauveur alors lui dit avec une douceur ineffable : « Bien que je sache toutes choses, dis-moi pourquoi ton cœur est si affligé ». Brigitte répondit : « Je suis triste parce que plusieurs soutiennent que saint François a imaginé l'Indulgence de la Portioncule et qu'elle n'est, par conséquent, qu'une chimère ». Jésus répliqua : « Celui qui invente est comme un roseau qui se balance au gré des flatteurs. Mais mon serviteur François a été comme une pierre rougie au feu, parce qu'il me possédait en lui, moi le feu divin. Et de même que le feu et la paille ne peuvent coexister ensemble, de même le mensonge n'a point de place là où sont la vérité et l'ardeur de l'amour divin. Or, mon serviteur a possédé et dit la vérité. La vue de l'indifférence des hommes envers Dieu et de leur attachement aux biens de la terre remplit son cœur de douleur. C'est alors qu'il me demanda un gage de mon amour pour exciter les hommes à m'aimer et à se détacher de la terre. Ce que l'amour lui faisait demander, je ne pouvais, moi l'Amour éternel, le lui refuser ; je lui garantis donc que tous ceux qui viendraient dans cette église les mains vides, seraient comblés de mes bénédictions et emporteraient la rémission de leurs péchés ». Là-dessus Brigitte demanda : « Le successeur de saint Pierre peut-il donc révoquer, ô mon Seigneur, ce que vous, le Dispensateur de tout pouvoir et de tout bien, avez accordé ? ». Jésus répondit : « J'ai dit à Pierre et à ses successeurs : Ce que vous lierez sera lié. Cette parole demeure. Néanmoins beaucoup de grâces sont retirées à cause de la malice des hommes, et d'autres déjà accordées se trouvent augmentées en raison de la foi et des mérites (1) ». Sur ces mots, le Seigneur disparut, et Brigitte s'empressa de les communiquer à ceux qui avaient mis en doute l'authenticité de l'Indulgence accordée par le Pape. Au jour projeté pour le départ, Brigitte voulut visiter une dernière fois l'église de la Portioncule et s'y recommander, avec les siens, à la protection de son Père séraphique. (1) Extravag., 90. Tout à coup le grand serviteur de Dieu, marqué des glorieuses plaies de Notre-Seigneur, apparut à ses côtés et lui dit en souriant : « Soyez la bienvenue, ma fille ! je vous ai conviée à venir dans ma cellule, pour y manger et y boire avec moi. Mais apprenez à présent que cette église n'est pas la cellule dont je parlais ; ma cellule est la vraie obéissance, que j'ai toujours gardée fidèlement, à tel point que j'ai toujours voulu me trouver sous quelque obédience ; c'est ainsi que j'ai eu sans cesse près de moi un prêtre auquel j'obéissais en toutes choses, et c'était là ma cellule. Faites de même, car cela plaît à Dieu. La nourriture qui me réconfortait grandement, c'était mon zèle à arracher le prochain aux vanités de la vie terrestre pour le porter à aimer Dieu de tout son cœur ; et je goûtais cette joie comme le mets le plus exquis. Ma boisson, c'était le bonheur que j'éprouvais à voir les âmes, après leur conversion, donner à Dieu tout leur amour, se livrer à la méditation et à la prière, donner aux autres l'exemple de la piété, pratiquer et chérir la vraie pauvreté ! Voyez, ma fille, ce breuvage délectait mon âme au point de me dégoûter de tout ce qui était du monde. Allez donc en cette cellule, mangez cette nourriture et buvez avec moi ce breuvage, de manière à en être éternellement réconfortée (1) ». Encouragée par la céleste apparition et le conseil de son glorieux Père, Brigitte sentit croître en son âme un plus vif désir de la gloire de Dieu et du salut des âmes ; aussi devait-elle s'appliquer, à partir de ce moment, aux œuvres de charité et de piété avec un zèle si ardent qu’ on eût dit que jusqu'alors elle n'avait encore fait aucun bien. Elle rendit grâces à saint François, le pria de la bénir et reprit avec les siens la route de Rome, le cœur rempli de consolations et de gratitude. Les pieux pèlerins rentrèrent à Rome, sains et saufs, louant Dieu des grâces et des faveurs reçues. Brigitte ne se contenta pas de communiquer ses révélations à ses chères Clarisses de Panisperna et aux fils de Saint-François ; elle s'appliqua aussi à répandre parmi le peuple chrétien la révélation relative à l'authenticité de l'Indulgence de la Portioncule, et elle contribua ainsi à ranimer et à augmenter la vénération des fidèles envers le grand Saint d'Assise, en même temps que leur zèle pour les Indulgences. (1) Révélations VII, 3.
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| | | Claude Coowar
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 21/12/2016, 01:30 | |
| LA VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. chapitre XXIII ème.
23/40. CHAPITRE XXIII - Zèle de sainte Brigitte pour l'amélioration du clergé, des couvents et des mœurs des femmes romaines. L'état de dépendance dans lequel se trouvait le Saint-Siège vis-à-vis de la France, l'immixtion des Souverains temporels dans les affaires intérieures de l'Eglise, et en particulier la nomination d'hommes indignes à d'importantes fonctions ecclésiastiques avaient amené dans la discipline un grand relâchement, dont les tristes effets frappaient les yeux de sainte Brigitte. Un vaste champ s'ouvrit alors à son zèle pour les âmes, et, comme son labeur était toujours accompagné de ferventes prières et de pénitences sévères, elle réussit bientôt à opérer dans la vie des prêtres un changement presque miraculeux. Connaissant la puissance que les premiers Pasteurs exercent par l'exemple et la parole sur l'esprit et la vie du clergé inférieur, Brigitte s'appliqua tout d'abord à réformer les mœurs des Evêques. Elle reprit et blâma avec une impitoyable sévérité les fautes des Prélats et des Princes de l'Eglise, Son courage obtint les résultats les plus complets.Un Evêque avait béni une union illégale, en prétextant que le Saint-Siège ne manquerait pas d'accorder la dispense nécessaire, Brigitte lui reprocha la légèreté de sa conduite, et le menaça des plus grands châtiments s'il ne tentait pas tout ce qui serait en son pouvoir pour séparer les nouveaux mariés et réparer sa faute par la pénitence. L’évêque obéit et chercha immédiatement à faire cesser le scandale occasionné par sa faiblesse. (1). (1) Révélations IV, 125. Au sujet d'un autre Evêque tout à fait indigne de sa charge, Brigitte reçut différentes communications de saint Laurent, qui lui apparut pendant qu'elle était en prière. Le glorieux martyr du Christ lui dit : « Durant ma vie terrestre, j'ai particulièrement pratiqué trois vertus, - le renoncement et la mortification pour mon compte, - la miséricorde envers le prochain - et l'amour de Dieu. C'est pourquoi j'ai prêché avec zèle la parole de Dieu, distribué avec sagesse les biens de l'Eglise, et souffert avec joie les coups, le feu et la mort. Mais cet Evêque tolère et dissimule l'incontinence et la vie immortifiée des clercs ; il prodigue follement les biens de l'Eglise aux riches et n'aime que les siens. Je l'en avertis donc : une légère nuée vient de monter au ciel ; mais deux torches l'enveloppent d'une fumée noire, pour la cacher aux yeux de plusieurs. - Or, cette nuée, c'est la prière que fait la Mère de Dieu pour l’Eglise; - les torches, ce sont la cupidité et l'indifférence, qui couvrent cette prière, de telle sorte que la douce miséricorde de ma Mère ne peut pas pénétrer dans les cœurs des hommes. Que cet Évêque se convertisse donc sans retard, qu'il se livre à l'amour divin, qu'il change de vie et excite ses inférieurs à la vertu par la parole et par l'exemple. Sinon, la main du Juge s'appesantira sur lui, et son Église sera purifiée par le glaive et le feu, et si cruellement livrée au pillage et à la tribulation, qu'elle restera longtemps sans trouver personne qui la console (1) ». (1) Vita S. Catharinae, cap. VI Notre Sainte se chargea de la pénible et difficile mission de communiquer mot à mot à cet Evêque la révélation reçue par elle à son sujet. Le Prélat ajouta foi aux avertissements de Brigitte, se corrigea et lui demanda de l'aider de ses prières et de ses conseils, afin de pouvoir, à l'avenir, remplir dignement sa charge. Eclairée par le Saint-Esprit et enseignée par la Mère de Dieu, Brigitte écrivit pour les Evêques une suite d'instructions célestes, qui se répandirent bientôt partout, avec ses autres révélations, et provoquèrent d'importants changements dans la vie des Prélats. Dans ces entretiens, elle s'adressait tantôt à des Evêques en particulier, tantôt à l’épiscopat entier ; son enseignement portait en détail sur l'emploi du temps et proposait une règle de vie toute pratique et vraiment marquée de l'esprit de la vraie sagesse (2).
(1) Révélations, I, 23. (2) Révélations III, 1, 2, à, 4 ; IV, 125, 126, etc. Brigitte recommandait spécialement aux Evêques la prédication de la parole divine et ramenait leurs pensées vers cette félicité éternelle promise à ceux qui remplissent fidèlement le labeur de chaque jour. Elle écrivait donc : « Puisque l'Evêque remplit les fonctions d'un berger, il doit avoir dans ses mains un bouquet de fleurs dont le parfum attire les brebis éloignées, comme celles qui sont proches ; un bon berger, en effet, se fait suivre par ses brebis, en leur tendant des fleurs et du foin. Ici le bouquet de fleurs, c'est la prédication de la parole divine, qui incombe à l'Evêque ; les bras symbolisent la double activité qui porte à faire les bonnes œuvres publiquement, afin d'exciter le zèle du prochain, et à faire également du bien en secret par crainte de Dieu et pour l'édification de l’entourage.
Si la prédication est unie à ces deux activités, il en résultera un très beau bouquet, dont le parfum attirera bien vite les brebis qui ne sont pas loin.
Quant aux autres, elles entendront faire son éloge, et auront un vif désir de le voir et de l'entendre, non seulement à cause de ce qu'il dit, mais encore à cause des œuvres saintes qui accompagnent sa parole. Or les fleurs qui charment et qui attirent les brebis, ce sont la pratique des bonnes œuvres et l'initiation du prochain à ces œuvres ; et cela se fait, non point avec une science verbeuse, mais en peu de paroles pleines de charité. Car il ne convient pas qu'un héraut de Dieu soit muet ni qu'un gardien de Dieu soit aveugle.
« Après cela, il ne manque plus qu'une chose à l'Evêque, pour être complet. Comme, en se présentant devant le souverain Roi, il devra lui offrir un don. Nous lui conseillons d'offrir au Roi le vase le plus précieux, mais vide et orné de son mieux. Or le vase particulièrement cher à l'Evêque, c'est son propre cœur ; qu'il l'offre donc et le sacrifie à Dieu, enrichi de vertus et vide de volonté propre et d'amour terrestre. En récompense de son holocauste, l'Evêque sera reçu à la porte du ciel par une armée brillante. Le Dieu-Homme lui-même l'accueillera, et les Anges diront : O Seigneur, voici l'Evêque qui a été pur en son corps, sans tache dans le sacerdoce, apostolique dans la prédication, vigilant en son office, puissant en ses œuvres et humble dans sa puissance. C'est lui que nous avons appelé de nos vœux, à cause de sa pureté ; nous vous le présentons, parce qu'il a soupiré après vous à cause de votre amour. Alors les âmes saintes qui sont dans le ciel, diront à leur tour : Seigneur Dieu, notre joie est en vous ; néanmoins nous nous réjouissons aussi en cet Evêque ; car il a porté en sa bouche une fleur qui a attiré un grand nombre de brebis, et dans ses mains une autre fleur dont il rafraîchissait les brebis accourues à lui ; enfin il envoyait à celles qui étaient au loin des fleurs dont le parfum réveillait les agneaux endormis. Nous nous réjouissons donc en lui, parce que la fleur de sa parole a augmenté le nombre des élus. Réjouissez-vous aussi, Seigneur, en votre serviteur, parce qu'il vous a aimé par-dessus tout. Alors le Seigneur, qui dispense toute gloire, dira à l’Evêque :Mon ami, tu es venu me présenter le vase de ton cœur, vide de toi-même, et tu as désiré que je le remplisse de moi-même. Viens donc et j'accomplirai tes vœux. Tu seras en moi et moi en toi ; car ta gloire et ta joie n'auront point de fin (1) ». (1) Révélations IV, 126. Brigitte qui savait combien la perfection d'un prêtre dépend de sa fidélité et de sa dévotion à dire son bréviaire, s'efforçait de ramener à ce devoir sacré les clercs qui le négligeaient. Elle révéla à un Prélat, alors prévôt de l'église de Saint-Pierre, que s'il n'apportait pas plus de zèle à la récitation des heures canoniales, l'éternité lui réservait un jugement terrible, et, qu'après sa mort, il aurait à rendre un compte beaucoup plus rigoureux sur ce point que sur maints autres péchés qui chargeaient sa conscience. Elle lui dit que Jésus-Christ appelait le bréviaire son livre; et elle l'avertit que, s'il voulait appartenir au Seigneur, il devait chaque jour lire dans ce livre avec une grande dévotion. Elle ranima ainsi le zèle de ce P rélat qui s'était laissé aller à la négligence (1).(1) Révélations VI, 15. (2) Révélations I, 47 ; IV, 76. Jésus-Christ se plaignait souvent à sa servante de l'immense douleur que l'immoralité du clergé d'alors causait à son cœur (2) ; il lui rappelait les grâces extraordinaires qu'il avait accordées à ceux qui devaient desservir son sanctuaire : « Vois, ma fille, disait-il, je suis comme un homme, qui, sur le point de mourir, confie à ses amis ce qu'il a de plus précieux. Ainsi, après avoir choisi les prêtres parmi les hommes, de préférence à tous les Anges, je leur ai confié, en quittant la terre, ce que j'ai de plus cher, et je leur ai laissé cinq dons, savoir :
- ma foi,
- deux clés, celle du ciel et celle de l'enfer,
- le pouvoir de faire d'un ennemi de Dieu, un ange,
- le pouvoir de consacrer mon très saint Corps, ce qui est chose impossible aux Anges,
- enfin le privilège de toucher de leurs mains mon Corps très pur.
Mais aujourd'hui ils en agissent avec moi comme les Juifs qui prétendaient que je n'avais point ressuscité Lazare, et qui répandaient le bruit que je voulais me faire roi, que j'avais défendu de payer le tribut et que je rebâtirais le temple en trois jours. Ces prêtres sont plus méchants que Judas ; ils me trahissent comme des voleurs et des traîtres (1) ». Ces plaintes de l'éternel Grand-Prêtre transmises aux prêtres par une Sainte, ne pouvaient manquer d'impressionner les cœurs les plus endurcis ; et ce que Brigitte ne parvenait pas toujours à obtenir par ses révélations célestes, elle l'obtenait infailliblement par les ardentes prières qu'elle offrait sans cesse au ciel pour l'Église et pour le clergé. (1) Révélations IV, 132. Notre Sainte rédigea aussi, pour un certain ecclésiastique, une instruction qui lui avait été révélée sur la manière de pratiquer dévotement les actions et les exercices qui remplissent habituellement la journée d'un clerc (1). Cette instruction, où l'on supprima le nom du premier destinataire, se répandit bientôt parmi le clergé et y opéra le plus grand bien. Le zèle des âmes qui consumait Brigitte ne se borna pas à l'amélioration du clergé ; il s'occupa également, mais avec deux fois plus d'ardeur encore, des personnes qui, sorties du monde pour échapper à ses périls, servaient Dieu derrière les murs sacrés du cloître. Sa situation et sa rare piété lui facilitaient l'accès des innombrables couvents de Rome, qui offraient un vaste champ à son ardent désir de gagner tous les cœurs à Dieu. Un prêtre de l'Ordre de Cîteaux, qui avait abandonné son couvent depuis dix-huit ans, y était rentré plein de repentir, après de longs et fâcheux égarements. (1) Révélations IV, 30. Sur la fin de sa vie, il osa émettre l'opinion que la damnation était impossible, que Dieu ne communiquait avec personne en ce monde, et que nul ne pouvait voir la face de Dieu avant le jour du jugement. Lorsque Brigitte en eut été informée, le Saint-Esprit lui dit : « Va vers ce Frère et dis-lui : O mon Frère, vous ne voyez pas, comme moi, que le démon demeure encore en votre cœur malgré votre âge, et qu'il tient votre langue enchaînée ; Dieu est éternel, et éternelle aussi est sa récompense. Tournez-vous donc avec un cœur parfait vers Lui et la vraie foi ; car vous ne vous lèverez plus de cette couche, et vous mourrez bientôt. Le jour où vous aurez la vraie foi, vous serez un beau vase qui glorifiera Dieu ».
Le moine, fondant en larmes, remercia Brigitte de lui avoir fait part des paroles du Saint-Esprit, et il amenda si complètement sa vie, qu'à l'approche de sa mort, il fit réunir autour de lui ses Frères et leur dit : « O mes Frères, je suis assuré que le Dieu miséricordieux a agréé mon repentir et qu'il me pardonnera tous mes péchés. Priez pour moi ; je crois tout ce que croit la sainte Eglise » . Puis, après avoir reçu les sacrements des mourants, il s'endormit doucement et paisiblement dans le Seigneur (1). La servante de Dieu employa de préférence ses soins à corriger la vie des Supérieurs de Communautés religieuses, et lorsque cela n'était pas nécessaire, elle s'attachait à les porter à une perfection de plus en plus grande. Elle ne savait que trop combien sont vaines les exhortations des Supérieurs qui n'y joignent pas l'exemple d'une vie édifiante. Elle réussit ainsi à faire un bien inexprimable ; et tout couvent où Brigitte était la bienvenue, ne tardait pas à devenir un foyer de vraie piété et de sainteté. En révélant les jugements terribles dont certains Religieux avaient été frappés, et dont ses visions lui avaient dévoilé jusqu'aux moindres détails (2), la servante de Dieu retirait les paresseux et les négligents de leur assoupissement. Quant à ceux que le feu de l'amour divin n'était point capable d'embraser, elle les exhortait vivement à considérer les terribles flammes de l'enfer, afin que la vue de cet épouvantable brasier les décidât enfin à ne pas mener plus longtemps une vie contraire à la sainteté de leur état.
(1) Révélations IV, 23. (2) Révélations VI, 19 et 35, En visitant un jour un couvent de femmes, la Sainte aperçut parmi les Religieuses un nègre hideux, revêtu de l'habit de l'Ordre et couvert d'un voile noir. Comme elle s'en étonnait, Jésus-Christ lui dit : « II est écrit dans mon Evangile qu'on doit se garder de ceux qui sont vêtus de peaux de brebis et qui sont, au dedans, des loups ravisseurs. Sache donc que ce nègre, qui paraît au milieu des Religieuses avec l'habit de l'Ordre, est le démon de la cupidité ; il leur persuade d'amasser des domaines, des châteaux et des trésors, afin de pouvoir vivre plus largement et faire plus d'aumônes ; et ainsi, elles abandonnent, sous les apparences de la perfection, la pauvreté qui m'est si agréable ; elles se relâchent spirituellement, et en viennent jusqu'à violer leur règle et à perdre leurs âmes. Apprends que si elles ne se prémunissent pas soigneusement contre ce loup de la cupidité, et si elles ne se contentent pas de ce qu'elles possèdent, les meilleures brebis de ce troupeau seront entraînées à leur perdition et, comme les autres, impitoyablement dévorées par les loups. Il m'est plus agréable qu'elles vivent tranquillement dans la pauvreté, dont elles ont fait vœu, que de s'embarrasser des soins temporels, même avec la pensée de faire avec leurs richesses de plus abondantes aumônes (1) ». Brigitte s'empressa de faire connaître aux Religieuses l'hôte étrange qui habitait sous leur toit; et, à partir de ce moment, elles renoncèrent à tout désir des biens terrestres, pour ne plus chercher leur richesse qu'en la vraie pauvreté. Brigitte menaça également d'un jugement terrible l’Abbesse d'un couvent de Bénédictines, si elle ne renonçait pas à ses vêtements délicats et à tout bien personnel, pour revenir à la fidèle observation de sa sainte règle. Elle annonça à cette fille dénaturée de Saint-Benoît que sa mort était proche, et elle ajouta : « Alors les corbeaux vous déchireront en enfer, parce que vous n'avez pas voulu vous élever au ciel avec les âmes chastes et humbles ».
Pleine de respect pour notre Sainte, l'Abbesse reçut cet avertissement sévère avec humilité et avec toutes les marques d'un véritable repentir. (1) Révélations VI, 99. Elle s'abandonna à la direction de Brigitte et mourut peu après d'une sainte mort, en donnant l'exemple d'une pénitence parfaite. La servante de Dieu priait pour cette âme avec une sainte ardeur, lorsqu'une nuit celle-ci lui apparut couverte d'un vêtement blanc, mais entourée d'un filet de fer rouge. Sa langue brûlait comme du feu, ses mains et ses pieds semblaient de plomb, et d'abondantes larmes coulaient de ses yeux. Brigitte tressaillit à la vue de cette effrayante apparition ; mais celle-ci lui dit : « Vous vous étonnez de me voir en ce cruel état ; telle est la rétribution de la justice divine. Si je porte un vêtement blanc, je ne le dois qu'à ma virginité, que j'ai gardée intacte, avec la grâce de Dieu. Le filet en fer qui m'enlace vous indique que je n'ai pas gardé les observances de notre sainte règle ni acquis le précieux trésor de la patience. De même qu'un filet contient un grand nombre de mailles reliées les unes aux autres, de même il me faudra endurer de nombreux tourments pour avoir omis beaucoup de bonnes œuvres, bien que je n'aie manqué ni de temps ni d'occasions pour les faire. Il est juste que ma langue paraisse de feu, parce que j'en ai mésusé, contrairement à ma sainte profession, pour parler trop souvent avec vanité et légèreté. Mes mains et mes pieds paraissent de plomb, parce que mes œuvres, qui sont symbolisées par les mains, au lieu de resplendir comme l'or, ressemblent à un plomb vil. Mes pieds aussi, qui auraient dû me faire marcher devant mes Sœurs pour leur donner le bon exemple, étaient engagés dans les sentiers glissants de la mondanité et ont toujours été lâches dans la voie du bien. C'est à bon droit que mes yeux sont noyés de larmes ; car je me gardais de pleurer lorsque je devais et que je pouvais ainsi effacer toutes les négligences de ma vie. Je suis néanmoins en état de grâce et j'ai obtenu miséricorde ; je suis dans l'attente de la félicité éternelle, en considération de tout ce qui se fait dans l'Eglise de Dieu, à cause de l'intercession des Saints et du sang de Jésus-Christ (1) ». (1) Révélations VI, 98. Brigitte cita aux Religieuses, ce terrifiant exemple, afin de leur montrer à quel point les jugements de Dieu sont inexorables envers ceux qui remplissent avec négligence les devoirs de leur saint état et qui s'adonnent à une vie molle et immortifiée. Elle ne manqua pas de signaler, en même temps, aux épouses du Christ la valeur éminente de la virginité, qui avait mérité à cette pauvre âme d'être revêtue de la robe blanche, gage de la gloire à venir. Tandis que sa rare sainteté et son merveilleux don de prophétie ouvraient à Brigitte la porte des couvents et la demeure des Prélats, la couronne princière qui ornait ses armes lui procurait l'entrée des palais des dames romaines ; Dieu voulait que la sainte veuve s'y présentât également en réformatrice, et opérât par la parole et l'exemple une amélioration sérieuse dans les mœurs des matrones romaines. Un luxe et une magnificence exagérés dans les vêtements constituaient le vice dominant des riches matrones de cette époque. Ce vice ne causait pas seulement la ruine matérielle de beaucoup de familles nobles, mais il amenait encore, chose plus grave, leur ruine morale. L'humble et modeste princesse de Néricie s'appliqua donc, avant tout, à combattre ce mal avec une grande énergie. Vers cette époque mourut à Rome une très riche dame qui avait été, dans sa jeunesse, d’une grande beauté, mais qui avait malheureusement abandonné le chemin de la vertu pour vivre dans la vanité et l'immoralité. Elle avait une fille qui était, il est vrai, mieux disposée et avait du goût pour la piété ; mais, gâtée par une mauvaise éducation, elle ne manqua pas de marcher bientôt sur les traces de sa mère. Dieu voulut arracher cette âme égarée à la perdition éternelle dont elle était menacée. Il révéla donc à son épouse bien-aimée que la mère de cette Romaine orgueilleuse était damnée, et il lui ordonna de porter à la survivante cette épouvantable nouvelle. La nuit suivante, pendant que Brigitte veillait en priant, la pauvre réprouvée lui apparut sous une forme terrifiante ; l’infortunée avait à ses côtés sa petite-fille, qui était également morte depuis peu, et souffrait en Purgatoire de cruels tourments, par suite de la funeste éducation que lui avaient donnée sa mère et sa grand-mère ; elle n'avait été arrachée à la perdition éternelle que par un miracle de la miséricorde divine, comme elle le raconta elle-même à notre Sainte. Brigitte aperçut ensuite dans la même vision la fille qui vivait encore, et elle entendit les terribles imprécations et les malédictions dont sa mère l'accablait. Profondément ébranlée par tout ce qu’elle avait vu et entendu, la princesse de Néricie se rendit le lendemain au palais de cette dame pour lui en faire part. Celle-ci, saisie de terreur, quitta le monde, entra dans un Ordre sévère et termina sa vie dans la pénitence et la sainteté (1). La nouvelle de cette effrayante révélation se répandit bientôt dans Rome, et, comme elle concernait des personnes très connues, elle fît sur les dames romaines une impression profonde. D'ailleurs, en ce qui concernait l'amélioration des mœurs, Brigitte trouvait une aide puissante dans Catherine, dont la grâce et l'amabilité gagnaient rapidement tous les cœurs. Catherine avait obtenu de sa mère la permission de se mettre en relation avec les matrones romaines et de recevoir leurs visites ; la pieuse vierge était douée d'une grande éloquence et de très bonnes manières ; elle était gracieuse dans toute sa personne. (1) Révélations VI, 52. Elle savait parler des choses spirituelles avec tant de charme que tous ses auditeurs en étaient édifiés et consolés. Elle visitait souvent les malades dans les hôpitaux, en compagnie de sa mère ; toutes deux alors remplissaient les offices les plus bas et soignaient les infirmes avec un si grand zèle et une joie si visible, que les fières Romaines tinrent bientôt à honneur d'imiter l'admirable conduite des princesses suédoises.La Ville éternelle demeurait toujours orpheline. Le Vicaire de Jésus-Christ languissait dans un exil qui semblait sans terme. Mais Dieu avait envoyé a la Rome délaissée deux Saintes, qui la parcouraient comme deux bons Anges occupés à consoler, bénir et sauver une foule d'âmes qu'elles arrachaient à leur-perte pour les conduire au ciel.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 26/12/2016, 17:34 | |
| http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/brigitte/brigitte02.htm#_Toc14618140 VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUÈDE. 24/40. CHAPITRE XXIV. Grâces et dons particuliers. Préoccupation de sainte Brigitte pour ses enfants. Mort d'Ingeborg. Sainte Agnès couronne Brigitte. Alphonse de Jaen. (1355-1362.) La vie de notre Sainte à Rome ne fut pas seulement une vie d'une activité infatigable, mais encore une vie merveilleuse de prière et de grâces extraordinaires. Les visions exceptionnelles que nous rencontrons si souvent chez les Saints et qui furent, s'il est permis de parler ainsi, les conséquences naturelles de leur vie intérieure, nous les trouvons chez Brigitte à un degré supérieur. Elle fut très fréquemment (2) élevée de terre, et ravie en extase, durant ses prières et ses contemplations (1). Un Romain de distinction, appelé Jean de Porraccio, qui voulut un jour visiter une église au Latran, rencontra Brigitte chemin faisant. Son visage et toute sa personne étaient transfigurés et enveloppés d'un éclat indescriptible. Elle était suspendue en l'air et comme soutenue par une force invisible. Porraccio fut témoin, un peu plus tard, d'un phénomène analogue, lorsqu'il rencontra la Sainte sur le chemin de Sainte-Marie-Majeure. Frère Angèle, un Religieux espagnol, qui visita la sainte veuve à Rome, vit également son visage rayonnant d'un éclat surnaturel et son corps soulevé de terre ; cet état se prolongea aussi longtemps qu'elle s'entretint avec lui de choses spirituelles.
Deux facultés singulières se manifestèrent également chez Brigitte pendant le long séjour qu'elle fit à Rome. Au moindre propos de nature à offenser Dieu, elle ressentait immédiates ment dans la bouche une amertume presque insupportable ; à ce signe elle reconnaissait la légère faute qu'elle avait commise par précipitation. Quand elle était près de quelque personne en état de péché mortel, elle sentait une odeur de soufre si horrible qu'elle en souffrait visiblement. Cette puanteur était particulièrement insupportable lorsque le péché blessait la sainte pureté ou l'aimable vertu d'humilité. Elle avait coutume alors de se couvrir 1a bouche et le nez d'un mouchoir, pour n'être pas obligée de respirer l'odeur pestilentielle du péché, qui menaçait de l'asphyxier (1). (1) Bulle de canonisation. Un jour que l'épouse du Christ se trouvait à table avec un Evêque et plusieurs nobles Seigneurs, e elle pâlit Subitement d'une odeur nauséabonde, comme celle d'écailles de poisson pourri, Au moment où les assistants manifestaient leur surprise, on vit entrer un riche Romain qui se trouvait frappé d'excommunication, mais qui, fort de sa richesse et de sa position, se raillait de l'anathème lancé contre lui. Quand le malheureux se fut retiré, Jésus-Christ dit à son épouse : « De Même que des écailles de poisson pourri peuvent nuire à la santé plus que d'autres matières en corruption, ainsi l'excommunication est une maladie spirituelle plus dangereuse à l'âme que toute autre ; car elle ne nuit pas seulement à l'excommunié, mais encore à ceux qui se mettent en relation avec lui. C'est pourquoi de tels pécheurs doivent être réprimés avec sévérité, pour éviter la contagion de leur contact (1) ». (1) Révélations extravag. (1). Brigitte communiqua aussitôt ces paroles du Seigneur à l'Evêque, qui en fut vivement impressionné. A ces dons extraordinaires se joignaient en notre Sainte des grâces toujours nouvelles et merveilleuses. Son union avec Dieu était aussi parfaite que possible ici-bas ; son amour pour Jésus et Marie devenait chaque jour plus profond, et plus ardent aussi son désir d'appartenir à Dieu tout entière et sans partage. Elle s'écria un jour dans l'excès de son amour : « O mon Dieu très doux, quand vous daignez visiter mon cœur, je puis à peine contenir la douceur de l'amour divin que je ressens alors en mon âme. Il me semble que vous vous imprimez tellement en mon être que vous êtes vraiment son cœur, sa moelle, sa vie la plus intime. Que je serais heureuse si je pouvais faire tout ce qui vous est agréable ! Donnez-moi donc, ô mon très cher Seigneur, la force et le courage de chercher votre gloire en toutes choses ». Dieu lui répondit : « Ma fille, de même que la cire prend la forme du cachet, de même ton âme recevra l'impression du Saint-Esprit, en sorte qu'après ta mort beaucoup diront : Nous voyons maintenant que l'Esprit de Dieu était en elle. Et le feu de mon amour sera uni au tien, afin que tous ceux qui t'approcheront en soient échauffés, éclairés et fortifiés (1) ». (1) Révélations VI, 87. Brigitte eut une révélation sur les révélations mêmes qu'elle avait reçues. Elle se demandait avec inquiétude si un jour l'envie ou la malice ne tenteraient pas d'affaiblir ou de fausser la parole de Dieu consignée dans les livres qu'elle avait composés sous l'inspiration d'en haut. Pendant qu'elle priait à ce sujet, Jésus-Christ lui dit : « N'aie point de crainte ; personne ne pourra infirmer mes paroles; elles parviendront aux pays et aux peuples auxquels je les veux envoyer. Mais apprends qu'elles sont comme de l'huile précieuse, et que, pour ce motif, elles doivent être foulées et pressurées tantôt par les envieux, tantôt par ceux qui recherchent l'occasion d'augmenter ma gloire (1) ». (1) Révélations extravag. 116. Dans la nuit de Noël de l'année 1357, tandis que Brigitte méditait sur la naissance du Fils de Dieu, et que son coeur était porté vers Marie par un élan d'extrême tendresse, la Vierge immaculée lui apparut et lui dit : « Ecoute, ma fille ! Je suis la Reine du ciel, et puisque tu m'aimes d'un si grand amour, je t’annonce que tu iras en pèlerinage à la cité sainte de Jérusalem, quand il plaira à mon Fils ; de là tu iras à Bethléem, où je te découvrirai sur place le mystère de mon enfantement, car tel est son bon plaisir (2) ». Cette promesse toutefois ne devait se réaliser qu'après plusieurs années. La servante de Dieu avait encore besoin d'être purifiée, épurée, transfigurée, et voilà pourquoi le Seigneur la ramenait sans cesse à l'école bénie des souffrances et des épreuves. (1) Révélations VI, 100. (2) Révélations VII, 1. Brigitte s'était séparée de ses enfants avec courage et même avec joie, lorsque Dieu l'appela du fond de le, Suède à la Ville éternelle ; mais ils lui étaient toujours très-chers ; aussi son coeur maternel devait-il souffrir, pour arriver, par un complet détachement des créatures, au sommet de la perfection. Comme elle demeurait toujours dans la maison du Cardinal Hugues Roger, un des serviteurs du Prélat fut poussé par la vaine curiosité de sonder si la princesse de Néricie était effectivement aussi sainte qu'on le disait, et la pensée lui vint de lui dire un jour méchamment : « Dame Brigitte, votre fils, le prince Charles, a été pendu en Suède ». La Sainte répondit avec une tranquillité et un calme admirables : « Dieu l'en préserve ! mais dites-moi de qui vous tenez cette nouvelle ? ». « Je la tiens de pèlerins suédois, répondit-il. ». Brigitte se résigna; mais longtemps son coeur souffrit d'avoir perdu son fils de prédilection d'une façon si cruelle et sa douleur ne cessa qu'à l'arrivée de lettres de Suède qui démentirent cette fausse nouvelle. Vers la fin de la même année, le serviteur du Cardinal tomba malade ; il se confessa, fit pénitence et mourut peu après. Brigitte, en souci du salut de son âme, pria (8) instamment pour lui. Au bout de sept jours, elle aperçut dans une vision l'abîme de l'enfer, sur lequel était jetée une poutre où se tenait l'âme du défunt. A cet instant, elle se trouva à côté de la Sainte-Vierge, qui lui dit : « Il est impossible de sonder la terreur de cette âme ; elle est là en punition des tourments que, durant sa vie, elle a infligés aux amis de Dieu. Apprends néanmoins qu'elle est du nombre de celles qui seront sauvées (1) ». Les lettres de Suède qui avaient tranquillisé Brigitte sur son fils, lui apportèrent en même temps la nouvelle que sa jeune fille Cécile, qui était élevée dans le couvent de Scheningen, ne voulait pas y rester et désirait rentrer dans le monde. Cette intention détruisait un des projets favoris de la sainte veuve. Elle avait offert au Seigneur cette enfant, prévenue des grâces du ciel dès sa naissance ; et comme la petite Cécile fut élevée, dès sa plus tendre jeunesse, par des Religieuses cloîtrées, et qu'ainsi elle ne connut jamais les joies trompeuses du monde, Brigitte ne doutait pas que le désir de prendre un jour le voile pour devenir l'épouse du Christ ne s'éveillât dans le coeur de l'innocente enfant. Il en advint autrement ; l'éducation de Cécile était terminée ; l'enfant était devenue une vertueuse et aimable jeune fille, mais elle ne montrait aucune disposition pour l'état religieux ; aussi l'Abbesse du couvent de Scheningen exprimait-elle le vœu que Cécile rentrât dans sa famille. (1) Révélations extravag. 112. . Tandis que Brigitte, triste et abattue par cette nouvelle, recourait aux consolations de la prière, le Seigneur lui dit : « Tu m'as consacré ta fille ; mais je ne t'ai point révélé encore ce qui me plaisait le plus en elle, de la virginité ou du mariage, ni annoncé si ton sacrifice m'a été ou non agréable. La virginité est un noble et sublime état, parce qu'elle rend l'homme semblable aux Anges…. Mais si celle du cœur ne vient s'ajouter à celle du corps, la virginité est difforme. Car une personne mariée, pieuse et humble, m'est plus agréable qu'une vierge orgueilleuse. Une femme mariée craignant le Seigneur et vivant selon sa sainte règle peut acquérir autant de mérites qu'une vierge chaste et modeste (1). Il m'est donc également agréable que ta fille reste vierge ou qu'elle se marie, pourvu qu'en toutes choses elle fasse ma volonté. Que lui servirait d'être de corps derrière les murs d'un couvent, si elle vivait au dehors par l'esprit et les sens ? Moi qui sais toutes choses et qui les prévois, je ne permets rien sans motif sérieux (1) ». (1) Le Seigneur parle ici de la règle du Tiers-Ordre de Saint François, pour les personnes mariées. Brigitte appartenant elle-même à cet Ordre, Dieu voulait lui faire connaître par là combien la règle des Tertiaires devait avoir de prix aux yeux des gens du monde. Brigitte subordonna avec humilité et soumission sa volonté à celle de Dieu, et Cécile quitta le couvent des pieuses Dominicaines de Scheningen pour rentrer dans sa famille auprès de son frère Charles. Bientôt après, notre Sainte reçut une triste nouvelle du couvent des Cisterciennes de Risaberg. Ingeborg, sa fille, avait cessé de vivre. (1) Révélations IV, 71. Lorsque Brigitte en fut informée, elle dit avec une joie visible : « O mon Seigneur Jésus-Christ, vous qui êtes le Bien-Aimé de mon âme, soyez béni de ce que vous l'avez appelée à vous, avant que le monde ne l'ait attirée dans ses filets ! Puis elle se retira aussitôt dans son petit oratoire, versa des larmes abondantes et s'abandonna à une si profonde douleur que les siens, tout étonnés d'un changement si subit, disaient entre eux : « Comme elle pleure sa fille ! ».Mais peu après, elle communiqua à son confesseur, Pierre Olafson, qui l'a transcrit au livre des Révélations, le motif de ses larmes et le récit de ce qui s'était passé entre Jésus et elle durant sa prière. Prosternée devant l'image du Crucifié, elle pleurait amèrement ; alors le divin Sauveur lui apparut et lui demanda, comme il le faisait souvent et comme il demanda jadis à Madeleine : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Bien que je sache toutes choses, je veux néanmoins l'entendre de ta bouche ». Et la Sainte lui répondit : « O mon Seigneur, je ne pleure pas la mort de ma fille ; je m'en réjouis, au contraire, parce que si elle avait vécu plus longtemps, elle eût eu à rendre un compte plus sévère. Je pleure seulement de ne l'avoir pas instruite suffisamment dans vos commandements, de lui avoir donné de fréquents exemples d'orgueil et de l'avoir reprise trop mollement de ses fautes ». Jésus-Christ répondit : « La mère qui pleure quand sa fille (12) offense Dieu, et qui l'élève consciencieusement et de son mieux est une vraie mère de charité et de larmes, et cette fille devient une enfant de Dieu par la vertu de sa mère. La mère, au contraire, qui se réjouit de ce que sa fille suit le monde et les usages du monde, n'est point une mère véritable, mais une marâtre. Aussi pour l'amour de toi et en considération de ta bonne volonté, ta fille arrivera rapidement à la couronne de la gloire éternelle (1) ». La promesse si consolante du Seigneur se vérifia bientôt parles nombreux miracles qui honorèrent le tombeau d'Ingeborg Quand Brigitte eut ainsi témoigné de sa patience et de sa fermeté dans la souffrance, Dieu voulut lui révéler les grandes récompenses qu'il réserve aux épreuves supportées en esprit d'humilité, et il résolut de la combler de consolation céleste en favorisant ses yeux d'une gracieuse vision. (1) Révélations extravag. 98. Durant l'une de ses veilles pieuses, elle vit entrer dans son oratoire sainte Agnès, qui tenait à la main une brillante couronne ornée de sept pierres précieuses. La vierge martyre lui dit : « Venez, ma fille ; que je pose cette couronne sur votre tête. La couronne n'est autre que le prix divin de la patience conservée dans l'affliction et couronnée par Dieu ? La première pierre de cette couronne est un jaspe ; elle y a été posée par l'homme qui vous dit un jour avec insolence qu'il ne savait pas de quel esprit vous étiez et qu'il vous convenait mieux de filer, selon l'usage des femmes, que de disputer sur la Sainte-Ecriture.
De même que le jaspe fortifie la vue et fait naître la joie dans le cœur, de même Dieu fait naître la joie dans l'âme au moyen de la tribulation, élève l'intelligence à la compréhension des choses spirituelles et mortifie les désirs déréglés du coeur.
La deuxième pierre, le saphir, a été placée par celui qui, après vous avoir traitée amicalement, vous a atteinte par derrière dans votre honneur. De même que le saphir reflète le bleu du ciel, de même la malice des hommes éprouve le juste pour le rendre tout céleste.
La troisième pierre est une émeraude. Vous la devez à celui qui prétendit que vous aviez dit des choses que vous n'aviez, ni dites ni pensées. De même que la fragilité extrême de l'émeraude (14) ne lui enlève rien de l'éclat de sa couleur verte, ainsi le mensonge dont la malice ne peut nuire longtemps, donne à l'âme, dont elle éprouve la patience, une incomparable beauté.
Une perle brille comme quatrième pierre à votre couronne ; elle y fut enchâssée par celui qui ; devant vous, accabla de ses outrages un ami de Dieu, outrages qui vous furent plus sensibles que s'ils vous avaient été personnels. De même que la, perle est blanche, pure et belle, ainsi la douleur introduit dans l'âme l'amour de Dieu et lui assure une radieuse pureté.
La cinquième pierre, la topaze, a été incrustée par celui que vous bénissiez pendant qu'il vous parlait avec amertume. De même qu'elle brille comme l’or, de même rien n'est plus beau ni plus agréable à Dieu que d'aimer ceux qui nous offensent et de prier pour nos persécuteurs.
La sixième pierre, qui est le diamant, fut incrustée dans votre couronne par celui qui vous frappa et vous jeta à terre, traitement que vous endurâtes avec patience en demandant même grâce pour votre ennemi. De même que le diamant résiste, à tous les coups sans jamais se briser, de même l'homme (15) qui veut plaire à. bleu, supporte, sans murmurer, les mauvais traitements et les mépris, parce qu'il pense continuellement à ce que Dieu a souffert pour lui.
La, septième enfin, une escarboucle, fut ajoutée par celui qui vous apporta la nouvelle mensongère que votre fils Charles était mort, nouvelle que vous reçûtes patiemment et dans un esprit de pleine soumission à la volonté de Dieu. De même que l'escarboucle rayonne avec éclat dans une maison et resplendit dans un anneau, de même l'homme qui se résigne à la perte d'un être tendrement aimé fait violence au cœur de Dieu ; il brille devant les Saints comme- une pierre précieuse. Demeurez donc ferme jusqu'au bout, ma fille, car votre couronne a besoin de se compléter de quelques pierres rares (1) ». La céleste vision disparut, laissant Brigitte dans une grande joie et lui inspirant en même temps des pensées sérieuses. Ainsi que le lui avait dit sa glorieuse protectrice, sa couronne n'était pas achevée, et les pierres qui l'ornaient n'avaient été acquises qu'au prix des tribulations ; dès lors Brigitte ne reconnut que trop clairement qu'il lui fallait souffrir encore pour acquérir les perles et les pierres précieuses qui manquaient encore à sa couronne. Un instant elle tressaillit à la vue de la voie épineuse qui se présentait devant elle ; mais un regard, jeté sur son Crucifix, refoula ce sentiment d'humaine faiblesse. Brigitte n'avait plus d'autre désir que devoir la volonté de Dieu s'accomplir en elle et par elle.
(1) Révélations IV, 424. Le Seigneur ne cessa d'accorder une bien grande grâce à sa fidèle servante au cours de ses épreuves, celle de l'assister de guides spirituels dont les conseils la soutenaient dans sa vie toute mystique. Au milieu des souffrances et des laborieuses épreuves qui allaient l'assaillir encore, jusqu'au moment où la dernière pierre précieuse serait incrustée dans sa couronne, Dieu lui trouva un protecteur particulièrement puissant dans la personne d'Alphonse de Jaen, qu'elle connut vers la fin de 1361 et qui devint, à partir de ce temps, le fidèle compagnon de ses voyages et de ses travaux apostoliques. Alphonse était Espagnol ; son père se nommait Fernando Rodriguez, et sa mère était de la famille des Martinez, de Ségovie. Ses parents (17) vécurent longtemps à Sienne, et son père y mourut. On ne sait ce qui les amena dans cette ville ; mais l'origine espagnole d'Alphonse n'est pas douteuse. Ses vertus égalaient son intelligence et ses brillantes connaissances. Chargé de l'administration de l'Evêché de Jaen, il vint en 1361 à Rome, où Brigitte fit sa connaissance. A cette époque déjà, il nourrissait le désir de renoncer à son Evêché et de se vouer à la vie de solitaire ; mais il ne put donner suite à ses projets qu'en 1368. Il avait une grande vénération pour la Mère de Dieu, et il mérita par-là de devenir le père spirituel de Brigitte, qui sembla le préférer aux prêtres suédois venus avec elle à Rome. La Très-Sainte Vierge parlant à Brigitte de l'Evêque de Jaen, lui dit : « Mon ami doit t'aimer comme sa mère, sa souveraine, sa fille et sa sœur: Comme sa mère, à cause des conseils que tu lui donneras; comme sa souveraine, à cause de la grâce que Dieu t'a faite en se servant de toi pour révéler les mystères de sa sagesse; comme sa fille, afin qu'il t'instruise, te console et prenne soin de toi comme un père; enfin, comme sa sueur, afin que, s'il en est besoin, il te punisse, t'avertisse (18) et t’excite, par la parole et par l'exemple, à faire ce qui est le plus parfait ». Alphonse se montra fidèle à la mission que lui avait confiée la Reine du ciel ; il vénéra Brigitte comme une Sainte dont les paroles méritaient la plus grave attention, et il lui obéit toujours, comme un bon fils obéit à sa mère. Mais en même temps il fut son maître, son guide, son père spirituel, et, après la mort de la Sainte, il devint le défenseur le plus ardent de l'authenticité de ses révélations par la lettre dont il fit précéder leur huitième livre. Il fournit également les témoignages les plus irrécusables sut ses vertus héroïques et sûr la sainteté de sa vie si féconde et, si active. | |
| | | Claude Coowar
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 26/12/2016, 19:19 | |
| VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. 25/40. CHAPITRE XXV. Brigitte résout plusieurs questions importantes. Les Décrétales du Pape Jean XXII. L'arrivée de l'Antéchrist. Les révélations de sainte Brigitte sont une sorte de grand catéchisme, merveilleux et imagé, que Jésus et Marie font aux hommes par la bouche de leur servante. Elles forment un enseignement plein de chaleur et d'esprit, ayant pour but de stigmatiser les vices, d'exciter à la vertu, d'inspirer la crainte des peines éternelles et le désir des joies du ciel. Les vêtements qui nous couvrent, la maison qui nous sert d'asile, tous ses meubles, la nature avec ses manifestations multiples, tout sert à mettre la vérité en lumière, à porter à la piété, et à préparer les voies à la grâce ; chaque perception sensible est reliée à une considération (20) spirituelle. Maintes révélations sont à la portée d'un enfant ; d'autres ne peuvent être comprises qu'à l'aide de certaines explications ou de sérieuses méditations, à l'exemple du cristal qui ne jette son éclat qu'en recevant la pleine lumière. Ainsi Brigitte, enseignant avec sainteté, combattit par la parole et par la plume l'incrédulité et l'immoralité d'un siècle qui osait s'attaquer aux dogmes du christianisme, en même temps qu'il essayait de détruire la morale chrétienne ; car la foi et les moeurs sont si étroitement unies qu'elles s'épanouissent ou dépérissent ensemble. Brigitte, ayant contemplé avec effroi, dans une de ses visions, l'indifférence des hommes de son temps, brûlait du désir de remédier à ce mal, le plus redoutable de tous. Elle ne se lassait point de conjurer Dieu de vouloir bien, selon sa promesse (1), envoyer ses amis pour avertir et sauver les malheureux qui se perdaient. C'était pour accomplir sa propre mission qu'elle adressait ainsi au ciel ses plus ardentes prières ; et le Seigneur, pour éprouver l'humilité de sa servante, avait beau lui dire que, s'il la chargeait de cette mission, sa voix manquerait de force et de puissance pour une si grande œuvre et qu'elle retentirait en vain dans le monde, Brigitte ne se laissait point décourager (1). Au moyen de ses écrits, qui possèdent une grande valeur au point de vue catéchistique, elle lutta contre l'indifférence et l'immoralité de son temps; et elle résolut, avec la clarté et la précision d'une science inspirée, des questions fort importantes qui agitaient son siècle. (1) Révélations VI, 33. La défaillance des mœurs qui avait envahi le clergé, fut cause que plus d'un se demandait s'il ne valait pas mieux abolir le célibat ecclésiastique, dans le but de prévenir de nombreux péchés. (1) Révélations IV, 37. Un Archevêque, d'ailleurs pieux serviteur de Dieu, n'avait pas craint de déclarer hautement, que s'il était Pape, il abolirait le célibat, en ayant la conviction de faire une chose agréable à Dieu. Brigitte combattit cette erreur en communiquant à l'Archevêque et aux peuple fidèle la révélation suivante, qu'elle avait reçue à ce sujet. La Très-Sainte Vierge lui montra comment l'ineffable dignité du prêtre, appelé à consacrer le Corps sacré du Fils de Dieu, était incompatible avec une union charnelle ; et elle termina par ces graves paroles. « Apprends que si un Pape se montrait disposé à autoriser le mariage des prêtres, il s'attirerait un jugement terrible ; Dieu le frapperait de cécité et surdité spirituelles ; il ne pourrait plus rien dire, ni rien faire, ni rien goûter dans l'ordre surnaturel ; et, en outre, après sa mort, son âme serait précipitée au fond de l'enfer, pour y rester éternellement la proie des démons. Oui, alors même que le saint Pape Grégoire eût établi cette loi, il n'aurait jamais obtenu miséricorde devant Dieu, à moins qu'il ne l'eût rapportée humblement, avant de mourir (1) ». L'erreur et l'incrédulité du quatorzième siècle cherchèrent aussi à mettre en question l'autorité et l'infaillibilité du Vicaire de Jésus-Christ sur la terrez en soutenant qu'un Pape, en état de péché, ne pouvait rendre des décisions infaillibles. Brigitte, en fille humble et fidèle de l'Église catholique, rappela la doctrine, pure et simple, que les fidèles avaient invariablement tenue dans tous les siècles. Elle dit « Voici quelle est à cet égard la vraie foi catholique. Si le Pape, qui est exempt d'hérésie, vient à se rendre coupable d'autres péchés, jamais ces péchés ni d'autres œuvres plus ou moins mauvaises ne le rendront indigne an point d'entamer la plénitude de son autorité, ou de lui faire perdre la pleine puissance de lier et de délier. Ce pouvoir lui a été transmis par saint Pierre, qui l'a reçu de Dieu même. Et si même plus d'un Pape n'a point trouvé miséricorde au tribunal de Dieu, les décisions qu'il a rendues sur la terre, n'en sont pas moins justes et sages ; elles gardent leur valeur, et sont approuvées et ratifiées par Dieu (1) ».
(1) Révélations VII, 10. Une autre question fort discutée alors était de savoir si Jésus-Christ et ses Apôtres avaient possédé des biens personnellement ou en commun. Elle intéressait l'Ordre de Saint-François, si cher à notre Sainte, car elle en soulevait une seconde, celle de savoir si les membres de cet Ordre, obligés, à l'exemple de leur Père séraphique, de mener une vie tout apostolique et de pratiquer la sainte pauvreté à sa plus haute perfection, pouvaient ou non posséder. (1) Révélations VII, 7. Déjà sous Elie de Cortone, second Général de l'Ordre, le relâchement s'était introduit dans la direction. Le parti de la vérité avait heureusement rencontré un vaillant chef dans saint Antoine de Padoue, qui mourut en 1231, et qui sut remettre en honneur l'austérité primitive. Sous Crescence d'Essi, il s'éleva un dissentiment au sujet des possessions de l'Ordre. Afin d'y mettre un terme, les Papes Innocent IV et Nicolas III déclarèrent, en 1279, les biens des Frères-Mineurs propriété du Siège Apostolique, et Nicolas III consentit d'autre part à adoucir quelque peu la règle. Mais les Papes n'atteignirent pas leur but ; bien au contraire, l'Ordre se divisa en deux branches. Les Frères partisans de la Communauté se prononcèrent pour la règle mitigée, que rejetèrent les autres dits spirituels. Ces derniers comptaient les hommes les plus capables de l’Ordre ; mais ils ne purent empêcher que leur parti n'en vînt enfin à une opposition formelle vis-à-vis du Saint-Siège. Le Pape Boniface VIII avait ordonné aux Frères (25) spirituels de retourner sous l'obédience du Général de l'Ordre, et il retira la permission que leur avait donnée Célestin V de vivre comme moines célestins. Toutefois ces mesures ne mirent point fin à la division ; au contraire, elle entra, sous le Pape Jean XXII, dans une nouvelle phrase et prit une extension plus grande encore. Le point capital de la lutte fut alors de savoir s'il y avait hérésie à soutenir que Jésus-Christ et ses Apôtres avaient possédé des biens isolément ou en commun. Le Pape prescrivit un examen approfondi de la question, afin de pouvoir rendre une décision. Mais Michel de Césène, Général de l'Ordre, Occam et d'autres la prévinrent, et déclarèrent que ce n'était point une hérésie de prétendre que Jésus-Christ et les Apôtres n'avaient rien eu en propriété. Là-dessus, le Pape retira les Décrétales de Nicolas III, et déclara qu'il y avait hérésie à soutenir opiniâtrement que Jésus-Christ et ses Apôtres n'avaient rien possédé. Mais les soi-disant Frères-Mineurs ne se soumirent point à cette décision ; ils quittèrent l'Ordre et s'attachèrent à Louis de Bavière, qu'ils soutinrent énergiquement dans sa lutte contre Jean XXII. C'est au Concile de (26) Constance (1414) qu'il était réservé de ramener la paix entre les deux partis, en reconnaissant à la fois les Frères Conventuels et les Frères de l'Observance régulière (1). Du temps de sainte Brigitte, ce conflit surexcitait donc encore grandement les esprits. Les partisans des Spirituels allèrent même jusqu'à formuler l'opinion que les Décrétales du Pape Jean XXII étaient hérétiques. Sur ces entrefaites, un pieux Frère de l'Ordre des Franciscains de Rome, qui avait, en maintes autres circonstances, sollicité et obtenu les conseils de sainte Brigitte, la pria de demander à Dieu la solution du point litigieux et de plusieurs autres questions alors gravement controversées. Pendant que Brigitte priait donc instamment le Seigneur à cet effet, la Très-Sainte Vierge lui apparut et lui dit : « Dis à ce Frère que les Décrétales, publiées par le Pape Jean sur la propriété personnelle du Christ, ne contiennent aucune erreur contre la foi catholique ni aucune espèce d'hérésie. Car Jésus, mon Fils, a possédé quelque chose en propre, et c'est sa tunique, que j'avais tissée de mes propres mains. Le Prophète David en rend aussi témoignage lorsqu'il dit, au nom de mon Fils : « Ils ont tiré au sort ma robe. (Psaume XXI) ». « Remarque bien qu'il n'a pas dit notre, mais ma robe. Sache aussi que chaque fois que je revêtais son corps de cette robe, mes yeux se remplissaient de larmes, et mon coeur était en proie à la tristesse, à l'amertume, au chagrin ; car je n'ignorais point qu'elle serait enlevée à mon Fils, à l'heure où les Juifs lui arracheraient ses vêtements pour le crucifier. Ce vêtement n'est autre que la robe que les bourreaux ont mise au sort, et personne autre que lui ne l'a eue en possession (1) ». (1) Brück, Histoire de l’Église, p. 466 à 468. . Par cette révélation, Brigitte calma l'agitation des, esprits. Mais plus d'une fois encore elle dut tranquilliser les Romains si faciles à émouvoir dans ces temps troublés. Un charlatan, qui n'avait jamais été ordonné prêtre, osa, pendant un certain temps, célébrer les saints. Mystères à Rome et dispenser les sacrements aux fidèles. Lorsque le crime de ce misérable fut découvert, une grande anxiété s'empara des fidèles qui avaient assisté à sa messe et reçu la communion de sa main ; ils craignirent d'avoir péché mortellement.
Brigitte pria pour le malheureux imposteur, et lui obtint miséricorde ; quant aux appréhensions des fidèles, elles furent calmées par Jésus-Christ lui-même, qui dit à sa servante : « Apprends que ces fidèles ne sont nullement damnés ni en état de péché mortel : leur foi les a sauvés, car ils croyaient fermement à l'ordination régulière de cet homme et à la présence réelle de mon Corps sacré entre ses mains, sur l'autel ». Le coupable fut condamné à être brûlé vif et il subit sa peine avec les marques d'un vrai repentir. Les prières de Brigitte avaient sauvé son âme de la damnation éternelle (1) ». (1) Révélation VII, 8. Une question qui soulevait également de grandes dissensions à cette époque, c'était le futur sort des païens, aussi bien en ce monde que dans l'autre. Un Religieux soutint, en présence de notre Sainte, que les païens, n'ayant pas été appelés à la vigne, ne sauraient, d'aucune manière, avoir part à son fruit. Tandis que Brigitte réfléchissait sur cette assertion, le Fils de Dieu lui dit : « Que t'a dit ce Frère bavard ? Apprends-lui qu'un temps viendra où il n'y aura qu'un pasteur et qu'un troupeau, qu'une foi et qu'une seule et claire connaissance de Dieu ; et alors beaucoup de ceux qui auront été conviés à la vigne seront réprouvés. Toutefois, ceux qui, sans être appelés, auront fait tout ce qui était en leur pouvoir pour mériter de l'être, obtiendront la miséricorde de Dieu et l'adoucissement de leurs souffrances, bien qu'ils ne puissent entrer dans la vigne. Dis encore à ce Frère qu'il vaut mieux pour lui de réciter avec simplicité un Pater, que de disputer avec subtilité et par vaine gloire sur des questions difficiles (1) ». (1) Révélations, VI, 79. Le puissant crédit de notre Sainte contribua surtout à apaiser l'inquiétude et le trouble que répandait alors dans la société romaine l'annonce des temps de l'Antéchrist et de la fin prochaine du monde. Un moine apostat et excommunié, revenu à Rome après un certain séjour à Jérusalem, propagea cette sombre rumeur. Il avait écrit un gros livre sur les événements qui devaient précéder la chute du monde, et il prétendait que les saints Apôtres Pierre et Paul lui avaient révélé qu'il deviendrait Pape et empereur. Il sut prendre, si bien les dehors de la sainteté et capter la crédulité du peuple qu'il attira bientôt à lui de nombreux partisans. Troublés et inquiets, un grand nombre de fidèles recoururent à Brigitte pour savoir quelle créance ils devaient accorder aux paroles de ce moine, et quelle conduite ils devaient tenir en prévision de ces terribles éventualités. (1) Révélations VI, 77. D'après l'ordre de Dieu, la Sainte avait parcouru les écrits du faux Religieux et n'y avait découvert qu'un esprit d'ambition et de superbe. Toutefois, comme elle se défiait toujours de son propre jugement, elle se tourna vers son divin Sauveur en le suppliant de lui faire connaître la vérité. « Apprends, lui dit le Fils de Dieu, que ce moine qui t'inspire des doutes, a quitté son premier couvent par inconstance d'humeur, et qu'il n'est entré que par supercherie dans le second... Il rougit de n'être qu'un humble Religieux et ne persévérera point dans son saint état. C'est du démon que lui viennent ses révélations. Dis-lui donc qu'il ne (31) sera ni Pape ni empereur ; bien plus, s'il ne retourne pas dans son couvent d'un cœur humble et contrit, il sera, sous peu, frappé de mort comme un apostat, indigne de la communion des Saints (1) ».
Quant à l'avènement de l'Antéchrist et à la fin du monde, Brigitte reçut la révélation suivante. Le Fils de Dieu lui dit : « Ce monde est semblable à un navire qui est chargé de souffrances et de misères, et poussé çà et là par les tempêtes des tentations. Les hommes, qui y sont montés, ne sont jamais en sûreté, jusqu'à ce qu'ils soient arrivés au port de l'éternel repos. De même qu'un navire est divisé en trois parties, de même il y a trois âges pour le monde.
« Le premier s'étendit d'Adam à mon incarnation ; cet âge est symbolisé par la proue, qui est élevée, admirable et forte : élevée par la piété des Patriarches, admirable par la science des Prophètes, et forte par l'observance de la Loi.
« Le milieu du navire, c'est-à-dire le second âge du monde, commença le jour où moi-même, le Fils du Dieu avivant, je revêtis la forme de l’esclave ; de même que la partie terlance du navire est plus basse que les extrémités, de même à partir de mon avènement, l'humilité a été prêchée et pratiquée par une foule d'âmes durant de longs siècles.
« Aujourd’hui que l'impiété et l’orgueil vont en croissant et que ma Passion tombe en oubli, aujourd'hui s'ouvre le troisième âge qui se prolongera jusqu'au jour du jugement ; et c'est en cet âge que je t'ai chargée de porter ma parole au monde. Quiconque l'écoutera et l'observera sera sauvé.
« Car si Jean dit dans son évangile, qui est le mien : « Bienheureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru »,
« Je dis à mon tour :
« Bienheureux, oui éternellement bienheureux seront ceux qui écouteront ma parole et la suivront. A la fin de cet âge apparaîtra l'Antéchrist ; et, tandis que les enfants de Dieu naissent d'une union sainte, l'Antéchrist naîtra, lui, d'une femme maudite, qui prétendra à l'intelligence des choses spirituelles, et d'un homme également maudit ; et c'est le démon qui, par eux, formera son ouvrage, avec ma permission.
Le temps de l’Antéchrist n'est pas celui qu'annoncent les écrits du moine impie ; moi seul je connais ce temps. Quand l'iniquité (33) aura débordé et que l'impiété sera au comble, alors viendra l'Antéchrist. Sache qu'avant cette époque les portes de la foi s'ouvriront pour plusieurs peuples païens. Lorsque les chrétiens aimeront l'hérésie, et lorsque les méchants fouleront aux pieds le clergé et la justice, alors ce sera le signe de l'approche de l'Antéchrist (1) ». (1) Révélations VI, 68. Jésus-Christ ordonna à Brigitte de porter cette révélation à la connaissance des Romains. Elle obéit avec promptitude et parvint bientôt à ramener le calme dans l'âme de ce peuple qui redoubla de vénération envers la Sainte. Elle devint le centre de toute la vie religieuse à Rome. Le Seigneur l'avait placée sur le chandelier, afin d'éclairer les peuples par la splendeur de ses vertus et par sa sagesse toute céleste ; il la glorifiait d'autant plus aux yeux du monde que le sentiment de son néant la portait elle-même à s'humilier en rapportant toujours à Dieu seul tout l'honneur. (1) Révélations VI, 67. Sur les nombreuses questions théologiques qu'elle eut à résoudre, Brigitte donne toujours des réponses brèves, claires et précises. Elle ne cesse de se mouvoir dans le domaine de la théologie scolastique, tandis que, pour saisir le caractère propre de sa vie, avec ses visions et ses admirables extases, il faut se placer sur le terrain de la mysticité. Chose caractéristique ! Les deux tendances qui ont prévalu dans la théologie du moyen âge, la scolastique et la mystique sont représentées, au quatorzième siècle, par deux grandes Saintes, Brigitte de Suède et Catherine de Sienne. Dans ses écrits, Brigitte s'applique à démontrer la liaison intime des dogmes entre eux, et à en déduire d'autres vérités ; la réfutation qu'elle fait des objections des hérétiques est toujours pleine de clarté et de précision. Catherine de Sienne appartient à l'école mystique ; son langage est imagé ; ses écrits traitent moins des dogmes ; pour considérer les choses divines, elle employait, non la dialectique, mais la contemplation ; et dès lors elle apparaît comme la colonne de l'école mystique ; car, suivant la définition de Goerres, la théologie mystique consiste « à voir et à reconnaître avec le secours d'une lumière d'en haut, à agir et à opérer avec l'aide d'une liberté supérieure ». Brigitte arrive du fond du Septentrion en Italie, à l'époque même où Catherine de Sienne, cette gracieuse fleur du Midi, venait au monde. Brigitte apparaît la première, et prépare les coeurs à recevoir les enseignements tout célestes de la vierge que Dieu lui-même éclaire. Les élèves de Brigitte deviendront un jour les fidèles disciples de sainte Catherine, qu'ils appelleront leur mère (1). Catherine de son côté, attirée en quelque sorte vers Brigitte par une affectueuse reconnaissance, mettra la dernière main au grand pauvre auquel notre Sainte s'est vouée corps et âme, à la restauration du Saint-Siège dans, la Ville éternelle, au retour du Vicaire de Jésus-Christ à Rome. . (1) Après la mort de Brigitte, Alphonse de Jaen se joignit aux disciples de sainte Catherine de Sienne.
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| | | Claude Coowar
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 26/12/2016, 20:31 | |
| VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE. 26/40. CHAPITRE XXVI. Le Pape Urbain V. — La maison royale de Suède. Brigitte voit de Rome l'état des moines d'Alvastra. L'avenir de la Suède (4362-1364) L'état de Rome était, en effet, plus triste que jamais. Après la chute de Cola di Rienzo, la politique décidée du Cardinal Albornoz était parvenue un instant à dominer les partis de la noblesse et du peuple (1). Mais les travaux qu'il poursuivait dans la Romagne et les démêlés continuels qu'il eut avec- les Visconti, les adversaires les plus acharnés du Pape, ne permirent pas à Albornoz de conserver longtemps cette influence bienfaisante. L'esprit remuant des Romains reprit le dessus. (1) Curtius, Commentarii de senatu romano, p. 428. 37 Innocent VI crut opposer une barrière en désignant un étranger comme sénateur de la ville. Mais cette mesure n'eut pas le résultat espéré ; les Romains s'en trouvèrent offensés et la considérèrent comme une atteinte portée à l'honneur national ; dans leur mécontentement, ils abolirent la dignité sénatoriale et instituèrent sept magistrats, qui prirent le titre de Réformateurs de la République (1). Innocent toléra pendant toute une année cette nouveauté séditieuse, dont il n'eut raison qu'en conférant le titre de sénateur au roi de Chypre, Hugues de Lusignan, qui réprima avec énergie l'indiscipline du peuple. Mais à peine ce monarque eut-il cédé sa dignité à son successeur, Paul d'Argento, comte de Campello, qu'une nouvelle révolution suscita la honteuse dictature du cordonnier Lello Pocadote (2). Les Romains ne pouvaient s'avilir davantage. D'un œil triste et plein de larmes, Brigitte regardait passer les révolutions, avec leurs horreurs qui se renouvelaient constamment. Elle sentait qu'il n'y avait qu'un seul moyen de ramener la paix dans la Ville sainte : c'était le retour du Pape à Rome. Elle reconnaissait également que ce retour ne pouvait plus trop tarder à s’accomplir ; car elle avait été envoyée à Rome pour y voir le Pape et l'empereur, et déjà elle arrivait au déclin de sa vie pleine de labeurs. Elle redoubla de prières, de jeûnes et de pénitences, et, dans l'ardeur de ses désirs, elle ne cessait de regarder du côté de cette ville d'Avignon qui retenait, dans son splendide palais, le Vicaire de Jésus-Christ, le successeur de l'humble saint Pierre (1) Romani non vellero più il senatore, e cercarono sette loro cittadini a qualè il titolo di reformatore della republica romana. tligli ap, vital. Storia diplomatica de senatori di Roma, 1. I, p. 289. (2) Qigli, Storiu diplomatica, etc., p. 280-293. (1), Baluze, Vitae pap. Aven., p. 242 et 969. Innocent VI était décédé le 22 septembre 1362, dans la dixième année de son Pontificat. Le palais papal d'Avignon lui doit la construction de la grande chapelle et du bâtiment principal de la façade du midi. Malgré les embellissements exécutés à Avignon, Innocent VI avait encore, à Villeneuve, un autre palais, qu'il aimait de préférence ; il y résidait volontiers, et un grand nombre de ses lettres sont datées de ce lieu ; qu'il appelait la vallée de bénédiction (1). Il voulut être enterré dans cette résidence, qu'il avait tant aimée durant sa vie. Les Religieux de la Chartreuse qu'il y avait fondée, lui élevèrent un tombeau magnifique dans l'église de leur couvent. Durant tout son Pontificat, ce Pape avait ressenti douloureusement la fausse situation que la résidence d'Avignon créait aux successeurs de saint Pierre vis-à-vis de toute la chrétienté ; peut-être fut-ce le motif qui le porta, par chagrin de n'avoir pu retourner à Rome, à abandonner, du moins après sa mort, le lieu de son exil. L'homme auquel semblait revenir l'honneur de remplacer le Pape défunt était Egidius Albornoz, l'illustre conquérant des États de l'Eglise. Son habileté politique et la fermeté de son caractère convenaient bien aux difficultés de la situation du monde chrétien. Plusieurs de ses collègues lui écrivirent et le sollicitèrent instamment de se rendre au conclave. Tout porte à croire que, s'il avait cédé à ces instances ; la majorité des voix se serait réunie sur lui. Mais le Cardinal Albornoz, aussi modeste que supérieur, ne voulut point aspirer à une dignité dont il envisageait bien plus l'immense responsabilité que le brillant éclat.
Le choix tomba tout d'abord sur une (40) personnalité que nous avons déjà rencontrée dans la vie de notre Sainte, sur le frère de Clément V, le Cardinal Hugues Roger, dans la maison duquel habitait Brigitte depuis son arrivée à Rome. Mais Roger était un Prélat très humble et très pieux qui n'avait jamais songé à la tiare. Il ne se crut pas capable de porter le fardeau de la Papauté et déclina la dignité Pontificale. Pour mettre fin à la lutte occasionnée par une nouvelle élection, les membres les plus prudents du Sacré-Collège proposèrent de choisir une personne en dehors du Cardinalat. Cette motion fut agréée, et les voix se réunirent sur Guillaume Grimoard, Abbé de Saint-Victor, à Marseille (1). L'Abbé Guillaume était en route pour Naples, par l'ordre même d'Innocent VI, lorsqu'il apprit la mort de ce Pape et sa propre élévation au Pontificat. Il revint à Marseille, envoya son acceptation aux Cardinaux, encore réunis en conclave, et fit sans bruit son entrée à Avignon. Le 6 novembre, il reçut la consécration épiscopale et la couronne papale des mains d'Audoin Aubert, Cardinal de Maguelonne, et prit le nom d'Urbain V. La cavalcade, qui se fait habituellement au couronnement des Papes, n'eut pas lieu, bien que tout eût été préparé dans ce but. La modestie d'Urbain s'opposa à cette brillante parade (1).
(1) Murat, Specimen hietoriœ Pistoriensis, t. XVI ; p. l069. Le choix fait par les Cardinaux en dehors du Sacré-Collège, contrairement à la coutume, excita quelques murmures ; mais les mécontentements firent bientôt place à la conviction que l’élévation d'Urbain V était due à une inspiration divine (2). « Saint Père, lui écrivit Pétrarque, ne croyez pas qu'aucun des Cardinaux ait jamais eu, je ne dis pas la pensée de vous faire Pape, mais même le désir que vous le devinssiez. Dieu seul vous a choisi en mettant votre nom sur leurs lèvres ». (1) Libro del Potistore, Murat, Resum Itatic. scrpt., t. XXIV, p. 846. Baluze, Vitae pap. Avenn., t. I, p. 199. (2) Contin. Guiliel de Mangis. Ap. Dachery, spicileg.; t. II, p. 129. Brigitte, qui partageait ce sentiment, salua avec une joie intime l'élection d'un Pape qui paraissait, plus que ses devanciers, propre à rompre les chaînes honteuses qui retenaient encore toujours captif à Avignon le Vicaire de Jésus-Christ. Elle se borna néanmoins, dans les premières années du nouveau Pontificat, à adresser de ferventes prières au ciel. Elle ne reçut, à cette époque, aucun ordre du Seigneur pour le Pape, et persévéra humblement dans le silence qu'elle avait gardé durant le règne d'Innocent VI. Urbain fut un homme réellement apostolique. Sa sollicitude s'étendit non seulement aux rapports réciproques des peuples et des gouvernements chrétiens, mais encore, et avec non moins d'activité et de succès, sur l'organisation intérieure de l'Eglise. En outre, avant son élection, il s'était distingué parmi ceux qui désiraient avec ardeur la restauration du Siège-Apostolique à Rome. Il avait dit publiquement que si Dieu lui faisait la grâce de voir un Pape qui s'en occupât sérieusement, il mourrait volontiers le jour suivant (1). Plus que jamais la situation de Rome et celle même du monde chrétien tout entier semblaient réclamer la réalisation de ce vœu. La dictature de Lello Pocadote fut de courte durée. Les sept réformateurs reprirent le pouvoir, et Urbain dut accepter cette magistrature. L'anarchie cependant mettait en péril l'existence même de Rome, et l'on était généralement convaincu que seule la Papauté était capable, par son retour, de ramener l'ordre et l'obéissance. (1) Osò dire che per grazia di dio vidisse papa chi avisse in cura di venire in Italia e alta vera sedia papale, e l'altro dé moirsso, sarebbe contento. Matth. VIII, lib. XI, c. 26 Urbain V, toutefois, parut, au début de son règne, avoir perdu le souvenir des intentions de Guillaume de Grimoard. Il s'occupa des embellissements d'Avignon avec une telle sollicitude, qu'on put croire qu'il voulait, à l'exemple de ses prédécesseurs, y faire définitivement son séjour. Il acheva les murs de la ville et compléta le palais papal par la construction de l'admirable tour des Anges, la partie la plus belle du château, et par l'ornementation des chambres exposées à l'est, d'où la vue portait sur de spacieux jardins ; l'aspect du palais prit ainsi, de ce côté, une telle beauté, que, plus tard, on lui donna le nom de Rome (1). (1) Histoire manuscrite d'Avignon, par Teissier, t. II, p. 27 Brigitte pleura et pria lorsqu'on eut connaissance à Rome de ces nouveaux embellissements d’Avignon ; mais elle continua à garder le silence, car le Seigneur ne lui avait pas commandé de parler à son Représentant sur la terre. Pétrarque, au contraire, qui avançait en âge, et qui désespérait de voir s'améliorer l'état de la Ville sainte, si le Pape continuait à vivre au loin, lui écrivit en 1363 une lettre éloquente dans laquelle il lui dépeint la profonde misère de la Ville éternelle : « La reine des cités, s'écria dans sa juste douleur le pieux poète, doit-elle demeurer toujours veuve ? Et, ce qui est pire que le veuvage, doit-elle entendre dire que son époux habite avec d'autres, enchaîné par un amour étranger, et qu'elle ne peut ni le retenir ni le voir ? Sa présence assurerait à tous deux la gloire et le bonheur ! Pardonnez-moi, ô Père miséricordieux, la témérité de mon dévouement ; mais à quoi pensez-vous de vous endormir ainsi sur les bords du Rhône, sous les lambris dorés, tandis que le Latran, la Mère de toutes les Eglises, est en ruine, sans toit, ouverte aux vents et à la pluie, que la sainte Maison de Pierre et de Paul est ébranlée, et que l'ancienne demeure des Apôtres ne présente plus qu'un amas informe de décombres et de pierres, d'où s'échappent de douloureux (45) soupirs (1). Si à cause de ma bassesse je ne mérite point de réponse, Vous et Vos Frères ne répondrez-vous pas du moins au Prophète Aggée, et au Saint-Esprit qui parle par sa bouche ? Mais que pourrez-Vous répondre, en somme ? Est-ce le moment d'habiter dans de riches maisons quand celle-ci est déserte ? Daignez me croire ; ou, si vous me récusez, que le peuple chrétien de ce temps et des siècles à venir soit convaincu que mes paroles, bien que tombées d'une bouche dépourvue d'éloquence et de savoir, viennent de Celui qui est la Vérité infaillible et qui fait parler, suivant son bon plaisir, les pécheurs, les ignorants et jusqu'aux animaux.
Aussi longtemps que Rome sera privée de son époux, les choses humaines iront mal et le monde chrétien sera hors de sa voie ».(1) Au mois d'août 1361, l'église fut consumée par un incendie. Un couvreur était occupé à réparer la toiture de plomb de la grande nef, quand un charbon ardent s'échappa de sa poêle, à son insu, et tomba sur une poutre qu'il enflamma lentement. L'incendie se propagea et bientôt le bâtiment entier se trouva embrasé. Malgré les efforts de la population, la grande nef fut complètement, détruite, ainsi que les parties latérales et la chapelle du Saint-Sacrement ; les murs seuls restèrent debout. Ce langage si éloquent ne parut guère impressionner Urbain V. Mais il fut bientôt rappelé à ses premiers sentiments par une circonstance qui avait toute l'apparence d'un avertissement céleste. Pierre d'Aragon, jeune prince qui avait échangé les splendeurs du monde contre la pauvreté d'un Religieux de Saint-François, vint exprès à Avignon pour faire part au Pape d'une apparition du divin Sauveur qui lui avait enjoint de presser le Souverain-Pontife de retourner à Ronge et d'y travailler à la réforme de l'Eglise (1). A partir de ce moment, les pensées d'Urbain ne se tournèrent plus que vers l'Italie. « Nous avons non seulement le désir, écrivait-il au mois de juin 1364, à l'empereur Charles IV, mais aussi la ferme intention de retourner dans la Ville des Apôtres (2) ». Dans une visite qu'il fit à sa chère abbaye de Saint-Victor, il déclara également qu'il se rendrait à Rome, ne fût-ce que pour l'édification des fidèles (1) Wadding. Anuales Minorum, ann. 1366, num. 11 et 12. (2) Licet non solum desiderium, sed etiam propositum habemus. Raynald, 1364, num. 11. Mais quittons un instant Rome et le charmant Comtat-Venaissin, quittons Avignon et ses palais superbes, pour tourner nos regards vers la Scandinavie, vers la patrie .de notre Sainte, au ciel sombre et brumeux, aux paysages sévères, aux cimes neigeuses et aux vastes forêts de sapins. Le temps était venu où allaient s'accomplir les terribles châtiments dont Brigitte avait jadis fait entendre la menace à son pays. Le roi Magnus avait deux fils, Hacon et Erie ; le premier eut la Norwège, et le second la Suède ; mais celui-ci fut empoisonné par sa propre mère. Hacon, l'aîné épousa en 1363 la princesse Marguerite, fille de Waldemar, roi de Danemark, et devenue si célèbre par l'Union de Calmar (1). Le jour même du mariage, on présenta une coupe empoisonnée à la malheureuse Blanche, qui en mourut (2). Le roi Magnus avait touché au breuvage qui avait donné la mort à son épouse ; mais les soins habiles de son médecin l'arrachèrent à la mort. Pour reconnaître ce service, Magnus maria Laurent, fils de ce médecin, à la fille de Brigitte, la belle et vertueuse Cécile, qui vivait beaucoup à la cour. (1) Par la soi-disant Union de. Calmar, Marguerite déclara inséparables les trois royaumes du Nord et réunit les trois couronnes sur sa tête, 1397. (2) Pont. lib. s. Rer. Danicar. Le royaume de Suède était fort troublé ; le roi, frappé d'excommunication, ne possédait plus ni l'affection ni la confiance de son peuple. La couronne lui fut retirée ; et les Suédois, redoutant que le parti danois dévoué à Marguerite ne s'emparât du pouvoir, offrirent la royauté au duc Albert de Mecklembourg, fils d'Euphémie, sœur de Magnus. La victoire d'Enkoeping, en 1365, assura le succès d'Albert. Magnus demeura sept années dans les fers et se noya ensuite dans un voyage qu'il fit sur la mer de Norwège. Telle fut la fin du couple royal de Suède qui avait méprisé les conseils et les exhortations de notre grande Sainte, aux jours où elle s'était donné mille peines pour le ramener dans le chemin de la vertu. Israël, frère de sainte. Brigitte, à qui l'on avait offert la couronne royale et qui l'avait refusée, ne voulut pas demeurer plus longtemps spectateur des troubles de sa malheureuse patrie. Animé du désir de combattre les infidèles, il partit, en 1362, pour la Livonie, où il lutta contre eux. Il arriva, en 1363, à Riga, non loin (49) de la frontière russe (1). Atteint là par une grave maladie, il sentit approcher sa fin. Sur le point de mourir, il pria ses compagnons d'armes de le porter dans l'église principale de la ville, où se trouvait une statue célèbre de la Très-Sainte Vierge. Israël détacha alors de son doigt une bague précieuse et en orna la main de l'image, qui lui était chère, en disant : « Vous avez toujours été ma Souveraine, et je vous ai aimée par-dessus tout ; je vous prends vous-même à témoin de ce que j'avance. C'est pourquoi je remets maintenant mon âme à votre si douce prévoyance et m'abandonne complètement à votre miséricordieux amour ». Il reçut ensuite les saints Sacrements que l'amour de l'Eglise ménage à ses fidèles enfants au moment solennel de la mort, et expira plein de joie et de confiance, en répétant jusqu'au dernier soupir le doux nom de Marie (2). A la nouvelle de la sainte mort de son frère, Brigitte se mit à prier pour son âme, quand la Sainte-Vierge lui apparut et lui dit : « Israël m'a remis son anneau comme gage de sa fidélité et m'a réclamée pour épouse. Apprends, en effet, ma fille, que durant sa vie il ne cessa de m'aimer de tout son cœur, et que la crainte de mon divin Fils a inspiré toutes ses actions et résolutions. C'est pourquoi je l'ai mené par la voie la plus salutaire à son âme et l'ai présenté à l'armée céleste des Anges et des Saints, dont il a toujours été aimé. Sa bonne volonté a été aussi agréable à Dieu que s'il avait trouvé la mort au milieu des combats pour la foi catholique (1) ». (1) Suivant d'autres récits, Israël ne serait mort qu'en 1368. (2) Vid. Bolland. ad diem octobris, § 3. Brigitte put également, dans une de ses visions, se rendre compte de l'état du couvent d'Alvastra. Elle reçut la révélation de la mort prochaine d'un grand nombre de moines et de la condition spirituelle de chacun d’eux ; elle en aperçut qui expiaient en purgatoire leurs fautes et leurs négligences ; elle en vit d'autres qui, sous la forme de blanches tourterelles, prenaient leur vol vers le ciel : c'étaient les âmes de ceux qui avaient servi le Seigneur avec simplicité et pureté et qui avaient pris soin de se préserver du péché et de ses suites au moyen d'une sévère pénitence (1). Quelques mois plus tard, Pierre Olafson reçut des nouvelles d'Alvastra ; trente-trois moines y étaient décédés en peu de temps. C'étaient précisément ceux dont les noms avaient été indiqués à Brigitte. (1) Révélations VI, 95 La servante de Dieu reçut l'annonce de toutes ces morts avec la sainte indifférence d'une âme qui a trouvé en Dieu un père, une mère, un frère et un époux. Aussi Brigitte pouvait-elle dire en toute vérité, comme son Père séraphique saint François : Mon Dieu et mon tout. Mais le triste sort de sa patrie et la fin lamentable du couple royal remplirent son âme de douleur. Elle vit en esprit l'avenir désolé du Nord, et tout particulièrement celui de sa chère Suède. Le Seigneur toutefois ne voulut pas laisser sa fidèle épouse sans consolation ; il lui révéla que la Suède verrait un jour des temps meilleurs, pendant lesquels le règne de Dieu revivrait de nouveau dans un grand nombre de cœurs. Elle avait été également honorée d'une révélation dans laquelle le divin Sauveur l'instruisit d'une foule de choses relatives à la vie spirituelle ; et, à la fin de ces enseignements tout célestes, (1) Révélations VI, 123. Jésus-Christ lui avait dit : « Vois, ma fille, c'est Eric (1), ton saint Patron, qui t'a mérité cette révélation. Il viendra un temps où la malice de ce pays (la Suède) se refroidira, et où le zèle des âmes s'allumera dans le coeur d'un grand nombre (2) ». « Brigitte , dit, un auteur moderne, est la perle de la couronne des Saints du quatorzième siècle ; à certains points de vue, on peut affirmer qu'elle a ouvert l'école de la sainteté dans la Suède, tant son exemple et sa parole inspirée de Dieu eurent une puissante action sur les esprits et les coeurs (3) ! ».
Et, bien que le développement de cette sainte école fondée par Brigitte ait rencontré dans la malheureuse scission religieuse du seizième siècle un obstacle qui sera longtemps formidable, notre Bienheureuse n'en achèvera pas moins l'œuvre commencée par elle. (1) Roi de Suède mort en 1250. (2) Révélations VI, ss. (3) Theiner, La Suède et sa situation vis-à-vis du Saint-Siège, t. I, chap. II. Déjà le zèle des âmes s'est rallumé, en Suède, dans beaucoup de coeurs. Ce peuple pieux et, croyant, qui célébrait encore, au commencement du seizième siècle, comme une fête nationale (1), la canonisation de deux de ses saints Evêques, Hemming, l'ami de sainte Brigitte, et Nicolas, ne restera pas privé pour toujours des bénédictions de la sainte Eglise, à laquelle il était si fortement attaché qu'il a fallu la violente pour l'en arracher. (1) Messenius Scondiae illust., t. IV, p. 72 et 82 ; et t. XI, p. 11.
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| Sujet: Re: Dossiers de saint(e)s en étude en vue de la nomination éventuelle au titre de Docteur de l'Eglise. 27/12/2016, 12:25 | |
| http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/brigitte/brigitte02.htm#_Toc14618142 VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUEDE.
27/40. CHAPITRE XXVII. Brigitte se rend à Naples par ordre de Jésus-Christ. Son séjour dans cette ville. La reine Jeanne. Visite des sanctuaires du royaume de Naples 1364-1366 Vers la fin de l'année 1364, Brigitte reçut l'ordre de son divin Epoux de se rendre à Naples et de visiter les lieux saints de ce royaume. Le Seigneur avait préparé à sa chère épouse de nouvelles grâces, et elle devait les obtenir au prix des peines et des fatigues inséparables de ces pèlerinages qu'elle allait entreprendre. Epuisée par la vie tout apostolique qu'elle menait à Rome et par les austérités de ses pénitences, elle s'effraya un peu à la pensée de reprendre le bâton de pèlerin et de parcourir de nouveau le monde. D'autre part, la tournure favorable que prenaient les affaires à Avignon, (55) lui rendait le séjour de Rome doublement cher ; car elle espérait y voir bientôt revenir le Pape. Néanmoins elle n'hésita pas un instant et se mit en route, accompagnée de sa fille Catherine, de Pierre Olafson, du prêtre Magnus, de l'Evêque suédois de Wexion et de quelques pieuses femmes. Malgré son âge déjà avancé, Brigitte marchait à pied, appuyée sur son bâton de pèlerin. Arrivée dans la capitale du royaume de Naples, elle alla demeurer avec les siens dans l'hospice de Notre-Dame-de-l'Intercession (1), situé près de la mer, à côté de l'église de Saint-Jean ; aujourd'hui encore, on y vénère un crucifix suspendu au mur et célèbre par ses miracles, devant lequel la grande Sainte priait souvent.(1) Carracioli Napoli sacra, p. 444. A la nouvelle de l'arrivée des pieux pèlerins, le peuple s'empressa de venir en foule saluer la princesse suédoise et se recommander à ses prières ; c'est que la réputation de sa sainteté s'était répandue depuis longtemps dans toute l'Italie, et chacun s'estimait heureux de voir et d'entretenir la veuve dont les miracles et les révélations avaient tant de retentissement (1). Les grands seigneurs de Naples offrirent à la princesse l'hospitalité de leurs palais ; mais elle se garda constamment d'accepter leurs offres, préférant vivre au milieu des pauvres de Jésus-Christ pour satisfaire sa miséricordieuse charité en soignant les malades, auxquels elle consacrait toutes ses heures de liberté. Lorsque la charité et les convenances ne l'exigeaient pas, Brigitte fuyait les relations du monde, afin de n'être point dérangée dans ses prières et ses exercices de piété. Aussitôt que la reine Jeanne fut instruite de l'arrivée des princesses suédoises à Naples, elle les invita à venir â sa cour, moitié par curiosité, moitié par vénération sincère pour Brigitte. (1) Surius in Vita S. Birgittae, §14... A cette époque, la cour de Naples était, après celle d'Avignon, la cour la plus cultivée et la plus élégante de l'Europe. On s'y livrait au plaisir avec passion, car la reine accueillait avec bienveillance à sa cour tous ceux qui flattaient ses goûts fantasques. On y rencontrait toute la pompe, toute la mollesse du grand inonde. Le premier mari de Jeanne avait été André, second fils du roi de Hongrie. La présence du prince hongrois à une cour si brillante forma, dès le début, un contraste désagréable. André possédait des qualités éminentes ; mais il était né sous le ciel sombre de la Germanie, son esprit était lent et lourd, ses manières manquaient d'élégance, et son caractère était froid et réservé (1). Une telle nature était à l'opposé de celle de Jeanne. Celle-ci était vive, pétulante, légère, gaie, et avait été élevée au sein du luxe et de la galanterie d'une société corrompue par tous les vices de la civilisation ; elle fuyait la solitude, détestait le travail et aimait les brillantes réunions où une femme jeune, jolie et aimable pouvait montrer ses charmes. Cette opposition de caractère et de goûts inspira bientôt à Jeanne une véritable aversion pour son mari. Tant qu'elle vécut sous la surveillance de son père, elle sut cacher ce sentiment ; mais, à la mort du vieux roi, quand Jeanne eut acquis sa pleine indépendance, elle ne se mit plus en peine de dissimu1er, et son aversion ne tarda pas à se changer en une haine ouverte. Ce fut l'origine de tous les malheurs qui assaillirent la princesse et son royaume. (1) Bouche, Histoire de Provence, t. II, p. 367. Entourée de flatteurs et dirigée par une femme abominable, Philippa, son ancienne gouvernante, Jeanne passait ses journées dans des plaisirs et des fêtes dont le prince André était écarté avec soin ; et dès lors la légèreté des moeurs de la reine prêtait aux plus fâcheux soupçons. Il se forma contre le prince hongrois une conjuration terrible, qui éclata vers la fin du mois d'août 1345, au moment où survint inopinément l'ordre du Pape de couronner André. La cérémonie du couronnement était fixée au 20 septembre ; et, le 18, on forgea et l'on exécuta le plus honteux des complots. La veille de ce jour, les conjurés se rendirent auprès du prince pour l'inviter à une partie de chasse et à une visite à la résidence royale d'Aversa. Le jeune prince, simple et confiant, accepta l'offre, et le lendemain matin il partit à cheval, avec Jeanne et les seigneurs de la cour. On arriva le soir à Aversa. A peine André et la reine s'étaient-ils retirés dans leurs appartements (59) qu'une voix se fit entendre dans l'antichambre, appelant le prince et annonçant que d'importantes nouvelles arrivées de Naples réclamaient impérieusement sa présence. André surpris se leva en toute hâte et vint dans l'antichambre à peine vêtu. Les conjurés qui s'y trouvaient réunis se précipitèrent sur lui ; après une courte lutte, l'infortuné prince n'était plus qu'un cadavre ; on l'avait étranglé, en lui jetant un lacet autour du cou. Pendant cette scène effroyable, Jeanne demeura tranquillement dans la chambre attenante. Aucun historien ne mentionne qu'elle ait fait une tentative quelconque pour sauver son malheureux époux. L'opinion publique l'accusa d'avoir pris part au meurtre, et un chroniqueur assure qu'elle prépara elle-même l'instrument du crime (1). Le lendemain ; elle revint à Naples. La nouvelle de l'assassinat d'Aversa se répandit bientôt dans toute l'Europe, et excita partout contre Jeanne la plus vive indignation. On commença une enquête sévère, et le roi Louis, frère de la victime, déclara la guerre à Jeanne pour venger l'honneur de la Hongrie. (1) Collemucii, Hist. Neapol., Basil, in-4, 1622, lib, V. On donna le conseil à la reine d'épouser un prince royal, afin de ne pas rester seule dans une situation si difficile. Le choix de Jeanne, personne ne l'ignorait, était fait depuis longtemps. Louis, prince de Tarente, avait été le compagnon assidu de ses plaisirs pendant la vie même d'André, et, après la mort de celui-ci, il ne la quitta plus. Jeanne l'épousa le 20 août 1346, onze mois après le meurtre de son propre mari. Tous deux conclurent cette union, sans attendre les dispenses de parenté que Jeanne avait demandées en vain à Avignon. Il semblait que la reine voulût amonceler scandale sur scandale. En 1348, elle se rendit à Avignon, pour chercher secours et assistance auprès du Pape Clément VI. Sur la demande des envoyés hongrois, deux Cardinaux avaient reçu l'ordre de faire une enquête sur la mort d'André (1), et de rechercher si Jeanne y avait trempé. Mais celle-ci se disculpa si complètement, que le Sacré-Collège, à l'unanimité, la déclara innocente. Du reste, Jeanne se défendit surtout en déclarant que son antipathie pour son mari provenait d'un enchantement auquel sa faible nature n'avait pas su résister, et que cette aversion, avait donné à quelques méchants l'idée criminelle de la délivrer d'André par la mort (1). (1) Epist. Clementis IV, ap. Raynald, ann. 1348. Il est probable, toutefois, que certaines considérations politiques et les larmes d'une reine malheureuse, jeune et belle, s'humiliant aux pieds de la première puissance du monde et implorant sa protection, plaidèrent en sa faveur plus avantageusement que les raisons par elle invoquées et que la postérité n'a point accueillies (2). Trois ans plus tard, le procès, déjà jugé en 1348, fut repris, et amena une nouvelle proclamation de l'innocence de Jeanne. Le roi de Hongrie agit envers elle avec une magnanimité rare : il restitua toutes ses conquêtes, reconnut la royauté de Jeanne, et rendit la liberté à tous les princes napolitains qu'il avait jusque-là détenus prisonniers dans la forteresse de Wischegrad. Tel est, en quelques lignes, le portrait de cette reine, à la cour de laquelle nous verrons souvent apparaître Brigitte durant son, séjour à Naples. Notre Sainte n'hésita pas à se rendre à l'invitation de Jeanne, imitant en cela son divin Maître, qui s'asseyait à la table des pécheurs et des publicains, et nourrissant l'espoir qu'elle pourrait exercer sur la reine une heureuse influence. Mais sainte Catherine alla toujours à contrecœur au palais royal, et les impressions désagréables qu'elle y ressentit ne s'effacèrent jamais complètement de son esprit, au point que le souvenir de Naples lui inspira toujours du dégoût. (1) Sponde, Annales, ann. 1351, p.509. (2) Christophe, Hist. des Papes, t. VII, p. 105. Un jour que Brigitte se rendait à l'église avec sa fille, la reine vint à passer dans un char superbe, vêtue et parée avec un luxe qui scandalisait si fort les âmes honnêtes. Rentrée chez elle, Brigitte songeait avec douleur et tristesse à cette rencontre, lorsque son aimable Patronne sainte Agnès lui dit : « Vous avez vu aujourd'hui la femme vaniteuse sur le char de l’orgueil ? ». Brigitte répondit : « Je l'ai vue, et j'en ai été affligée, parce que la chair et le sang, la poussière et la boue cherchent la louange là où ils n'auraient que le droit de s'humilier ; car cette pompe n'est qu'une dissipation des dons de Dieu, un vol fait aux pauvres, une provocation à la colère de Dieu, une sentence formidable (63) pour le jugement futur et un scandale pour les âmes d’autrui ? ». Agnès répliqua : « Réjouissez-vous, ma fille, d'avoir échappé à de telles fautes... Le char sur lequel vous devez vous asseoir, c'est la force et la patience dans les tribulations ». Elle révéla ensuite à notre Sainte le lamentable état de l'âme de Jeanne, sous l'image d'un char dont les roues étaient les péchés ; les chevaux, la mauvaise volonté ; les rênes, la honte de se confesser, et le conducteur, le démon (1). Brigitte reçut encore plusieurs révélations sur la reine de Naples., Dans une de ces visions, elle la vit, dans un costume fastueux à faire frémir, assise sur une poutre inclinée et prête à tomber. En même temps elle aperçut une très belle jeune fille qui lui dit : « Cette femme est téméraire et impudente. Les hommes la considèrent comme la maîtresse du monde ; mais elle est rejetée par Dieu, comme vous voyez ». (1) Révélations IV, 17, et VIII, 15. Dans une autre vision, Brigitte vit la reine Jeanne assise sur un siège d'or, ayant devant elle deux nègres. Celui de droite lui dit : « O lionne, je t'apporte du sang ; prends et répands-le, car le lion a naturellement soif de sang ».
Et celui de gauche lui dit : « Femme, je t'apporte du feu dans un vase, parce que tu as une nature de feu ; jette-le dans l'eau, afin que ta mémoire disparaisse de la terre, de même que le feu s'éteint dans l'eau (1) ». Brigitte obéit. Elle écrivit à la reine pour l'inviter à purifier avant tout sa conscience par une confession sincère de tous les péchés de sa vie et à régler ensuite ses affaires personnelles, ainsi que celles de l'Etat, d'après les conseils qu'elle lui communiquait de la part de Dieu. Elle lui envoya cette lettre par Alphonse de Jaen. Jeanne, loin de se courroucer contre les sévères exhortations et les menaces redoutables qu'elle contenait, se déclara prête à faire tout ce que Brigitte demanderait. Il fallait en convenir, la princesse de Néricie exerçait sur la reine, une influence très favorable. (1) Révélations VII, 11. Malheureusement cette influence ne dura pas plus que le séjour de Brigitte à Naples. Ce ne fut guère qu'à l'ombre de notre Sainte que Jeanne se sentit assez forte pour mettre quelque frein à son amour des plaisirs, à la légèreté de ses moeurs et à ses relations illicites avec ses favoris. Aussi, après le départ de Brigitte, la cour de Naples ne tarda-t-elle pas à reprendre ses anciennes allures. Il en fut tout autrement des princes et de la noblesse de la ville. Par l'exemple de son admirable piété et de ses vertus, Brigitte exerça sur eux et sur le peuple un si grand ascendant, que beaucoup changèrent pour toujours leur vie et leurs mœurs . Bien qu'elle eût refusé d'habiter les palais qui lui avaient été offerts, elle n'en reçut pas moins avec cordialité toutes les personnes qui venaient la voir, et elle rendit les visites qui lui étaient faites, observant en cela les égards qu'en sa qualité de princesse, elle devait au grand monde ; car il s'agissait de se faire toute à tous, pour gagner tous à Jésus-Christ. Parmi les dames nobles qui témoignaient la plus grande vénération à Brigitte, on remarquait la comtesse d'Ariano, femme d'une vertu et d'une piété rares. Elle désira que son (66) fils, Eléazar de Sabran (1), qui devint plus tard si célèbre, fût mis en relation avec la Sainte. Elle envoya donc le jeune homme auprès d'elle, sous le prétexte de lui présenter ses hommages au nom de la famille Ariano. Brigitte le reçut avec une grande bonté, et, ayant remarqué la rare intelligence du jeune homme, elle amena, après les politesses d'usage, la conversation sur les choses spirituelles. Elle lui révéla ses pensées les plus secrètes, ainsi que les moindres détails de sa conscience ; elle lui prédit les souffrances et les tentations qui l'attendaient dans l'avenir, et lui indiqua en même temps les moyens qui lui serviraient à les supporter et à les vaincre (2). Les paroles de Brigitte étonnèrent Eléazar. Il lui semblait que son âme était comme un livre ouvert devant Brigitte. A dater de cette heure, il régla scrupuleusement sa vie d'après les conseils que lui avait donnés la Sainte, et parvint à une si haute vertu et à une telle perfection que le Pape Urbain VI l'éleva, en 1878, à la dignité de Cardinal (3), circonstance que lui avait également annoncée Brigitte dans la visite qu'il lui fit. Il eut toujours pour elle une grande vénération et s'employa avec zèle à obtenir sa canonisation à Rome. (1) Eléazar se distingua par sa vertu et sa science comme Cardinal sous Urbain V. (2) Révélations VII, 5. (3) Ciacconius in addition. in Urbano VI, tom. II. A Naples également, le Seigneur manifesta la gloire de sa servante par de nombreux miracles. Le petit-fils du grand-maréchal de la reine Jeanne, un enfant de dix ans, était en proie à une fièvre ardente et avait été abandonné par les médecins. La mère du malade s'adressa avec une grande confiance à. Brigitte et la pria de vouloir bien faire le signe de la croix sur son fils mourant ; elle avait l'ultime conviction, que le signe du salut, tracé par la main d'une Sainte sur le front de l'enfant, lui rendrait la santé et la vie. La compatissante Brigitte ne put résister aux supplications de cette mère en larmes ; elle toucha le front du malade, le bénit en faisant le signe de la croix, et au moment même il fut complètement guéri (1). (1) Bolland, addiens 3 octobris, § 20, n. 310. La servante de Dieu aimait particulièrement à s'arrêter, à Naples, dans le couvent des Clarisses de Sainte-Croix, qui avait été bâti par Sancia, femme de Robert, roi de Naples, et où celle-ci, après avoir perdu son mari en 1342, était venue terminer sa pieuse vie. Dieu ayant ainsi grandement béni son petit, séjour à Naples, Brigitte se disposa à commencer ses pèlerinages aux saints lieux du royaume. Elle alla d'abord, avec ses compagnons de voyage, à Bénévent pour y vénérer les reliques de l'Apôtre saint Barthélemy, que l'on conserva longtemps dans cette ville. L'Evêque de Wexion y tomba malade et souffrit des douleurs si intenses qu'il crut en mourir. Il recourut avec une ferme confiance à Brigitte, qui lui révéla que le Seigneur lui avait envoyé cette épreuve en punition de sa tiédeur dans le service de Dieu. Elle l'engagea à s'amender et lui promit sa guérison. L'Evêque fit alors le vœu de servir Dieu avec un redoublement de zèle, et son rétablissement fut instantané (1) . De Bénévent, les pieux pèlerins se rendirent à Ortona, où les restes de l'Apôtre saint Thomas furent apportés en 1258. Brigitte pria avec une grande dévotion au tombeau du glorieux Apôtre, et conçut le vif désir de posséder une parcelle de ses reliques ; mais sa prière, cette fois, ne fut point exaucée. (1) Révélations IV, 125, et III, 12. Après un court séjour à Ortona, ils se dirigèrent vers le mont Gargan, devenu si célèbre par l'apparition de l'Archange saint Michel (1). En entrant dans la caverne sanctifiée de la montagne, Brigitte vit une multitude d'Anges qui louaient le Seigneur et chantaient en son honneur des hymnes ravissantes. La joie qu'elle ressentit de cette vision ne fut égalée que par la peine dont elle fut pénétrée à la vue de la solitude et de l'abandon dans lesquels les hommes laissaient ce lieu habité par les Anges de Dieu. Pendant qu'elle était plongée dans ces tristes pensées, elle entendit la voix mélodieuse d'un Ange qui lui dit : « Ne vous étonnez pas, Brigitte, de ce que cette sainte montagne est si peu honorée ; les habitants de la contrée dédaignent nos exhortations, pour obéir aux suggestions des mauvais esprits ». (1) L'apparition de l'Archange sur le mont Gargan eut lieu en 520. L'Eglise la célèbre, par une fête particulière, le 8 mai. Emue de compassion, la Sainte pria Dieu. Après avoir tenté sans succès de ramener les habitants du pays à des sentiments meilleurs, elle visita une dernière fois la sainte montagne, puis se mit en route avec ses compagnons pour Manfredonia. Elle pressa le voyage tant qu'elle put, parce que les routes étaient infestées de bandes de brigands. Pour descendre du mont Gargan, l'Evêque de Wexion monta sur un cheval, qui, peu habitué aux sentiers escarpés, glissa, et précipita son cavalier sur le sol avec tant de violence qu'il se rompit deux côtes. Les pèlerins, affligés de cet accident, s'arrêtèrent dans une hôtellerie située au pied de la montagne, pour donner à l'Evêque les soins nécessaires. Mais celui-ci se souciait moins de ses douleurs que de la pensée de se séparer de Brigitte, qu'il vénérait comme une Sainte, et qui avait décidé de se remettre en route le lendemain, voulant ne faire qu'un court séjour à Manfredonia. Le matin du départ, l'Evêque la fit appeler et lui dit : « Dame Brigitte, il m'est très pénible de rester ici sans vous ; mais je ne voudrais pas non plus vous retenir dans un lieu si peu sûr. Je vous en supplie donc, priez pour moi et touchez mon côté malade ; j'ai la conviction que le simple contact de votre main apaisera mes violentes douleurs ». Brigitte, pleurant de compassion, lui répondit : « Mon Seigneur et mon Père, vous me tenez pour ce que je ne suis pas ; n'oubliez pas que, devant Dieu, je suis la plus grande des pécheresses ; toutefois nous allons tous prier Dieu, et il vous traitera selon votre foi ». Elle se mit à genoux, fît une courte prière, puis toucha le côté du bon Evêque en disant : « Que Notre-Seigneur Jésus-Christ- daigne vous guérir ! ». Soudain toute douleur disparut, le malade se trouva complètement guéri et suivit notre Sainte pendant tout le voyage, jusqu'à son retour à Rome (1). (1) Révélations IV, 131. (1) Révélations III, 12 : Brigitte se reposa un peu à Manfredonia, sans cesser de lutter avec avantage contre l'enfer auquel elle arracha des âmes sans nombre, par ses salutaires exhortations, par l'exemple de, ses célestes vertus, et par ses rudes pénitences. Elle visita les ruines de la ville de Siponto, si florissante autrefois, et depuis entièrement détruite par les Sarrasins ; la vue de cette dévastation la remplit de tristesse. Un Prélat romain, qui l'avait rejointe en route et qui avait visité avec elle le mont Gargan, dit à cette occasion qu'il ne pouvait s'expliquer que Dieu eût permis la destruction de cette ville si grande et si célèbre où reposaient les corps de tant de Saints. Le jour suivant, Jésus-Christ apparut à notre Sainte et lui dit : « Ton ami s'étonne que cette ville ait été détruite. Sache, ma fille, que les péchés des habitants lui ont attiré ce châtiment. Je ne comptais qu'un ami dans la ville. Il m'était profondément attaché et travaillait avec ardeur à la conversion de ses frères. Mais lorsqu'il reconnut leur obstination et leur aveuglement, il me demanda, avec larmes de dévaster ce lieu, plutôt que d'y laisser périr chaque jour un si grand nombre d'âmes. Touché de son chagrin et ne rencontrant pas une âme (73) pénitente dans, cette populeuse cité, je laissai, faire ce que tu vois aujourd'hui ». Brigitte qui aimait tant les reliques des Saints, répondit avec tristesse : « Ah ! Seigneur, il est pourtant bien déplorable de voir qu'un lieu où reposent tant, de corps Saints n'est pas même entouré d'une muraille et se voit honoré si peu.». Jésus-Christ répliqua : « De même que j'ai en moi- même les âmes de mes élus, de même je prends soin des reliques de mes amis, qui sont mon trésor, jusqu'au jour où ils recevront la double récompense qui leur a été promise ».
Et Brigitte continua à interroger : « Oh! mon très cher Seigneur, il me semble qu'autrefois les Papes ont accordé à la ville de Siponto une foule de grâces et d'Indulgences. Ces grâces, sont-elles donc supprimées, aujourd'hui que la ville est détruite ? ». Le divin Sauveur lui répondit : « Quel lieu est plus, saint que Jérusalem, où moi, le Fils de Dieu en personne, j'ai laissé la trace de mes pas ? Et cependant quel lieu plus méprisable aujourd'hui qu'il est occupé et souillé par les infidèles ? Or les pèlerins qui visitent Jérusalem y rencontrent les mêmes grâces et les mêmes Indulgences que par le passé. Il (74) en est de même de Siponto. Quiconque y vient en pèlerinage, dans un esprit de charité et de bonne volonté, participe aux mêmes faveurs et aux mêmes bénédictions dont cette cité jouissait au temps de sa gloire; et il en est ainsi en raison de la foi des pèlerins et à cause des difficultés qu'ils supportent pour l'amour de moi (1)». Après s'être reposée quelque temps à Manfredonia, Brigitte partit avec ses compagnons pour Bari, afin d'y honorer les reliques du grand Archevêque Nicolas, et de voir de ses propres yeux l'huile miraculeuse qui découle des ossements du glorieux Saint. Tout le long du voyage, elle fut un modèle de perfection chrétienne, et montra une humilité et une patience admirables. Elle fut reçue en tous lieux avec un affectueux respect, et partout on se disputait l'honneur de lui donner l'hospitalité. Mais, quand elle le pouvait, elle préférait s'arrêter dans les hospices, où elle consacrait les heures du repos à servir les malades, à les consoler, à les exhorter et à ramener les âmes à Dieu par les charmes de sa charité. (1) Révélations IV, 114. Ce fut au prix de peines et de fatigues considérables que les voyageurs accomplirent le long voyage de Manfredonia à Bari. En pénétrant dans le temple qui renferme le tombeau du grand saint Nicolas, Brigitte ressentit une joie inexprimable ; elle se prosterna avec une humble dévotion devant les saintes reliques, et sa pensée médita le symbolisme de l'huile qui en découlait... A ce moment apparut à ses yeux une forme vénérable, toute brillante et comme ointe d'un baume odorant. La céleste vision lui dit : « Je suis l'Evêque Nicolas ; je vous apparais sous cette forme pour vous révéler l'état dans lequel se trouvait mon âme aux jours de ma vie terrestre ; mes membres étaient adroits et souples au service de Dieu, comme l'est un instrument frotté d'huile sous la main de celui qui le manie. Et si mon âme tressaillait toujours d'allégresse et de bonheur, si ma bouche ne prêchait que la parole de Dieu, si enfin la patience reluisait dans toutes mes oeuvres, c'est que j'aimais et pratiquais dans la perfection les saintes vertus d'humilité et ode chasteté. Écoutez donc : de même que la rose exhale un agréable parfum, de même que le raisin donne (76) un jus plein de douceur, ainsi mes ossements ont reçu de Dieu le rare privilège de distiller une huile salutaire. En effet, le Tout-Puissant n'honore et n'exalte pas seulement ses élus dans le ciel ; il les glorifie également sur la terre, pour l'édification d'un grand nombre, qui participent ainsi aux grâces accordées aux Saints (1) ».Brigitte se réjouit grandement de la faveur dont elle venait d'être l’objet ; elle en rendit grâces à Dieu et à saint Nicolas. Elle voulait ne s'arrêter que peu de temps à Bari, et retourner ensuite à Rome, s'il était possible, avant Noël ; mais Dieu en ordonna autrement. Au moment de reprendre sa route, elle tomba tout d'un coup gravement malade, par suite peut-être des fatigues du pèlerinage et des austérités qu'elle pratiquait. Elle endura de grandes souffrances et fut bientôt dans un état de complet épuisement. On était dans l'Avent, époque de jeûnes sévères et d'abstinence continue pour elle et ses compagnons ; il lui restait à peine assez d'argent pour acheter du pain et des médicaments, à tel point que le dénuement où ils se trouvaient éprouva quelques-uns de sa suite. (1) Révélations VI, 103. La Sainte ne se préoccupait point de ses propres douleurs et de ses privations ; elle ne songeait qu'aux autres. Dans sa détresse, elle se réfugia près du cœur de son Sauveur, qui, lui donna d'abord le conseil suivant : « Fais dire en mon nom à l'Archevêque de cette cité : « Toutes les aumônes m'appartiennent, aussi bien que toutes les Eglises; donne donc, à moi-même et à mes amis, de ce qui est à moi... Ainsi toi, le père et le maître des veuves, fais du bien à cette veuve avec ce qui est à moi. Car bien que je puisse toutes choses sans ton concours, tandis que tu ne peux rien sans moi, néanmoins je veux maintenant jouir de ta charité à son égard (1) ». Brigitte chargea Alphonse de Jaen de porter ce message à l'Archevêque de Bari qui, ravi de pouvoir rendre à la Sainte un service, la fit pourvoir dans tous ses besoins : Celle-ci ne se remettait que lentement de sa maladie ; fidèle à la règle du Tiers-Ordre de Saint-François, elle n'osa, non plus que ses compagnons, manger des aliments gras que le pieux Prélat leur envoyait; elle craignit d'offenser Dieu ou de scandaliser le prochain en rompant l'abstinence prescrite; elle pria seulement le Seigneur d'avoir pitié de ses malades. (1) Extravag. 112. Alors le divin Sauveur lui apparut avec un visage des plus gracieux et lui dit en, souriant, aimablement : « Vous avez tous encore un long et pénible chemin à faire, et vous êtes souffrants ; c'est pourquoi mangez ce qu'on vous offre, car je suis au-dessus de tous les vœux, et ce qui se fait pour la gloire de Dieu et le soutien nécessaire de la vie ne vous sera pas imputé à péché (1) ».
Brigitte, rassurée par la dispense que le Seigneur daignait donner lui-même, ne songea plus qu'à refaire sa santé et à réparer les forces épuisées de ses compagnons. Puis les pieux pèlerins se dirigèrent sur Salerne. Le corps de l'Apôtre saint Matthieu reposait dans cette ancienne cité. Il y avait été apporté de Bithynie, en 954, et les habitants de Salerne l'avaient en grande vénération (2). (1) Extravag. 99. (2) Baronius in notis ad martyrol. 6 maii. En franchissant le seuil de l'église qui renfermait le tombeau, Brigitte, le cœur rempli de consolation et de, joie, salua le saint Apôtre par ces mots pleins de confiance : « Béni soyez-vous, saint Apôtre Matthieu, parce que vous avez été le meilleur des changeurs ! Vous avez échangé les biens temporels contre ceux de l'éternité. Vous vous êtes méprisé vous-même et vous avez trouvé Dieu ; vous avez dédaigné la vaine prudence et le repos du corps, et vous vous êtes livré à de rudes travaux. C'est pourquoi vous brillez maintenant d'un vif éclat devant la face de Dieu ». L'Apôtre parut agréer cette salutation, car au moment même où la Sainte la terminait, il lui apparut et lui répondit : « Béni soit Dieu qui vous a inspiré cette salutation. Et comme cela lui est agréable, je veux vous révéler les diverses dispositions de mon âme avant ma conversion, au temps où j'écrivis mon évangile, et maintenant que je jouis de la gloire éternelle. La charge publique dont j'étais revêtu, je ne pouvais l'exercer sans profit pour l'Etat. Dès lors, j'avais résolu dans mon cœur de ne faire tort à personne, et je souhaitais de déposer ma charge pour m'attacher à Dieu seul.
« Aussi lorsque Jésus-Christ, mon bien-aimé Maître, vint à (80) prêcher, et m'appela à son service, mon âme s'embrasa d'amour. Ses paroles me charmèrent tellement, que je méprisai les richesses et les honneurs ; je versai des larmes de joie de ce que Dieu daignait accorder sa grâce à un pécheur aussi grand, aussi misérable que moi. Je m'attachai à mon Seigneur, j'imprimai ses paroles de plus en plus profondément dans mon coeur et, la nuit comme le jour, je les méditais en m'en nourrissant comme du plus délicieux des mets.
« Quand le Seigneur eut consommé sa Passion, j'écrivis mon évangile, relatant ce que j'avais vu, entendu et ce dont j'avais été témoin ; ce n'est pas pour me louer que je le fis, mais pour glorifier mon Sauveur et pour sauver les âmes. Pendant que je l'écrivais, l'amour divin se faisait sentir en moi avec une telle ardeur, que, si j'avais voulu me taire, je ne l'aurais pu, tant cette ardeur de l'amour me pressait.
« Aujourd'hui plusieurs se permettent de rejeter ce que j'ai écrit... Ils aiment mieux discuter sur l'Evangile que de conformer leur vie à ses principes : C'est pourquoi les petits et les humbles entreront dans le ciel, tandis que les orgueilleux et les prudents resteront à la porte.
« Comment, en effet, le superbe consentirait-il à croire que Dieu, en qui habite la plénitude de la sagesse, n'aurait pas pu disposer sa parole de manière à prévenir les scandales qu'elle soulève ? Il est nécessaire qu'il vienne des scandales (1) et que ceux qui méprisent les choses du ciel soient enlacés par celles de la terre quant à ma récompense au ciel, sachez qu'elle est vraiment selon qu'il est écrit (2) : Aucun oeil n'a vu, aucune oreille n'a entendu et aucun cœur n'a connu ce que Dieu a préparé à ses amis (3) ».
Brigitte, comblée d'allégresse par cette apparition, retourna souvent au tombeau du glorieux Saint qui avait répondu si aimablement à sa pieuse salutation. Bien que ses fréquentes souffrances corporelles et le manque de ressources la sollicitassent vivement de retourner à Rome, elle ne pouvait se, décider à fixer le jour de son départ de Salerne. (1) Mathieu XVIII, 7. (2) I Corinth. II, 9, (3) Révélations IV, 129. Un jour qu'elle priait encore dans l'église de Saint-Matthieu, le divin Rédempteur lui, apparut et lui dit : « L'aigle voit d'en haut l'ennemi, et d'un vol rapide il se précipite au-devant de lui pour défendre, ses aiglons. Je prévois de même ce qui vous est le plus salutaire à tous. C'est pourquoi je vous dis tantôt de rester, tantôt de partir. Et puisque le moment est venu, allez dans la ville d'Amalfi auprès de mon Apôtre André, dont le corps a été mon temple, et dont, l'âme fut ornée de toutes les vertus. C'est là que se trouve le refuge des pécheurs et le trésor de mes grâces... Et cela n'est pas étonnant, car loin de rougir de ma croix, il l'a portée joyeusement ; voilà pourquoi j'écoute, moi aussi, et j'accueille avec plaisir ceux pour lesquels il prie, et sa volonté est ma volonté. Quand vous aurez été là, vous retournerez sans retard à Naples pour y célébrer la fête de ma nativité ». Brigitte, qui avait l'habitude de communiquer, avec la simplicité d'un enfant, toutes ses pensées à son divin Époux, lui répondit : « O Seigneur, le temps est court ; la vieillesse et la maladie approchent, comment prolonger mon voyage alors que toutes nos ressources sont épuisées ? ». Jésus lui répliqua : « Je suis le maître de toutes choses ; C'est pourquoi ne crains rien (1) ! ». (1) Révélations VI, 107. Brigitte se tut et obéit. Elle quitta Salerne, qui lui était devenu si cher, et se dirigea vers Amalfi ; cette ville, autrefois très florissante, mais qui n'offre aujourd'hui aucun intérêt, est située sur le golfe de Salerne. Elle ne s'arrêta que peu de temps auprès du tombeau de saint André ; et, après lui avoir demandé l'amour pratique de la croix, elle se hâta de repartir avec ses compagnons, afin d'arriver avant la glorieuse fête de la Nativité, au terme de leurs pèlerinages. Enrichie des grâces du ciel, bénie par les Saints dont elle avait visité et vénéré les reliques, protégée et guidée par les Anges de Dieu, Brigitte revint à Naples vers la fin de l'Avent. Sa sainteté s'était merveilleusement accrue; son esprit reposait en Dieu, et son âme était embrasée d'un saint amour, qui la portait de plus en plus à s'unir à Dieu. Etait-elle redevable de ce bienheureux état à ses merveilleuses relations mystiques avec ses chers Saints, ou à son courage dans le support des peines et des souffrances qu'elle endura pendant son long pèlerinage ? c'est ce que nous ne saurions déterminer d'une manière précise ; ce qui est certain, c'est que, sans ce courage à toute (84) épreuve, le commerce surnaturel dont elle, était, honorée n'eût pas suffi à l'élever à ce degré éminent de sainteté que nous admirons et vénérons en elle. | |
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