Tout ceci est bien intéressant, mais en cherchant à différencier les différentes formes d'amour, est-ce qu'on ne pinaille pas un peu? "Philia", "agape", "caritas", tout cela est bien compliqué pour ma petite tête. J'ai fait quelques recherches et j'ai pu trouver ces explications simples:
* Éros « l’amour qui prend » : Divinité de l’amour chez les grecs (cupidon chez les Latins), Éros est le symbole de l’amour dans sa dimension sexuelle.
- Pour Empédocle (V av JC), Éros est le principe fondamental même des éléments du Monde en tant que « concorde momentanée» des opposés
- Pour Platon (IV av JC) Éros est présenté comme un démon (Le banquet), un être double, fils mythique d’une part de Pauvreté (Pénia), donc de manque et d’autre part de Ressource (Pôros), donc de richesse de nature divine pour lui.
- Pour Freud, c’est l’équivalent de libido, de pulsion sexuelle appelée aussi élan vital qui constitue l’une des deux pulsions fondamentales de la psyché et de la destinée humaines, l’autre étant Thanatos, la pulsion de mort. Éros et Thanatos sont dans une véritable dialectique, à la fois opposés (Éros unit, Thanatos désunit) et inséparables (il y a de la mort dans Éros).
* Philia « l’amour qui partage, autrement dit qui prend et donne » : C’est le souci de l'autre (amitié, solidarité) dont parle Aristote.
La philia, quel que soit l'équivalent français adopté, c'est :
- La réserve de chaleur humaine, d'affectivité, d'élan et de générosité (au-delà de la froide impartialité et de la stricte justice ou de l'équité) qui nourrit et stimule le compagnonnage humain au sein de la Cité: et cela à travers les fêtes, les plaisirs et les jeux comme à travers les épreuves.
- C'est aussi le sentiment désintéressé qui rend possible de concilier, comme le veut Aristote, la propriété privée des biens et l'usage en commun de ses fruits, conformément au proverbe -repris par l'auteur de la Politique à l'appui de sa thèse opposée à celle de Platon- qu'entre amis "tout est commun".
* Agapè « l’amour qui donne » : C’est la philia poussée jusqu’à l’universel en tant que don sans contrepartie dans sa dimension mystique ou religieuse.
Connu de la littérature païenne, présent dans l'œuvre de Philon d'Alexandrie (~ 20 env.-45 env.), le concept d'agapè peut être considéré comme synonyme :
- D’amour au sens de charité (caritas traduction d’agapè en latin) dans la tradition chrétienne
- Ou de « Tout amour » sous tendu par la vacuité du moi (égo) dans la tradition bouddhiste. .
. La suite est ici:
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Et si tout cela n'était que les différentes formes d'une seule et même force qui nous dépasse tous? Et puis cela n'évoque rien de notre propre ressenti intérieur.
Je dis "force" car j'en ai éprouvé un aperçu une fois, alors que je n'étais pas bien. Cela remonte à 20 ans mais je m'en souviens encore. Je traversais une période agitée et j'avais le coeur lourd et le moral dans les chaussettes. Un jour j'avais reconduit une soeur à son domicile, elle me fit entrer chez elle, ce qu'elle ne faisait jamais, le temps d'aller chercher quelque chose pour me le remettre. A l'autre bout de la pièce, il y avait sa fille, lourdement handicapée à cause d'une encéphalite contractée dans son enfance. Cette jeune femme, que je connaissais pas, m'a envoyé de l'autre bout de la pièce une puissante vague d'énergie bienfaisante et je certifie qu'immédiatement, j'en ai ressenti un grand allègement. Aucun mot échangé, rien qu'une présence. Je l'ai ressentie par la suite, quand, toujours chez cette soeur, celle-ci continuait de s'en occuper avec dévouement et j'ai plusieurs fois ressenti une vague à la fois de paix, de tendresse, de confiance et de réconfort qui émanait d'Agnès (c'était son prénom).
Cette même force, on peut la ressentir dans la présence ou le regard d'un animal pour qui nous sommes tout, ou dans l'échange d'une mère avec son nourrisson.
Il ne faut pas, bien sûr , négliger pour autant l'esprit fraternel, la compassion, la joie de donner sans rien attendre en retour, ou les mépriser comme "inférieurs", car ils ont aussi leur valeur. Ce sont toutes ces petites choses qui nous permettent de nous sortir de nous-mêmes et de voir autre chose que nos propres intérêts, et puis, littéralement, cela nous régénère, nous nourrit et nous rend plus "vivants". Il n'y a qu'à regarder comment vivent les gens repliés sur eux-mêmes, et que rien n'intéresse. Sont-ils vivants? Qu'"émettent"-ils? Rien. Des trous noirs affectifs.
Amitié, fraternité, partage, compassion, service... les différences sont-elles si importantes? Et même dans nos prières d'intercession pour autrui voire même pour le monde entier, ou de remerciements, est-ce que ce n'est pas la même chose qui nous fait agir? D'un côté, un élan vers des gens qu'on connaît, et d'un autre, un travail fait dans l'impersonnalité la plus totale parce que se voulant universelle, mais toujours quelque chose qui passe à travers soi. Peut-être, que pour l'amour total, il faut une ouverture totale, ce qui est plutôt rare, mais aussi petite qu'elle soit, notre ouverture à autrui est précieuse et il faut prendre garde de ne pas se fermer et se couper totalement des autres sous peine de dépérir.
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Gaudius
J'ai comme des envies de métamorphose. Je sens quelque chose qui m'attire vers le haut (Daniel Balavoine)