Dans ses épitres, saint Paul distingue parmi les fidèles ceux qui sont encore « charnels », comparés à des « petits enfants », et ceux qui sont déjà devenus des « spirituels ». Dans l’épître aux Hébreux, une distinction semblable est faite entre ceux qui ont « besoin de lait » comme des « tout petits enfants » et ceux qui ont la nourriture solide, les « adultes » ayant « les sens exercés au discernement du bien et du mal » (cf. Hb 5, 12-14). Il semble bien que ce soit la même distinction. Autrement dit les « adultes », ce sont les « spirituels », ceux qui ne se laissent pas aller à suivre la chair avec ses passions et ses convoitises, mais qui, d’une manière habituelle, vivent sous la mouvance de l’Esprit. Ils ne sont plus tiraillés entre les désirs de la chair et ceux de l’esprit. Il y un apaisement en profondeur et la jouissance d’un état de maîtrise de soi, de liberté intérieure. Dieu peut les rassasier dans leur être tout entier. Ils sont sortis de l’esclavage des passions et parvenus à un état d’« unité intérieure » qui leur permet non seulement de tenir dans les épreuves, d’être fermes, mais aussi de poser des jugements en se laissant éclairer par l’Esprit au lieu de se laisser entraîner par les passions qui nous aveuglent. Autrement dit « l’homme spirituel juge de tout » alors que « l’homme psychique n’accueille pas ce qui est de l’Esprit de Dieu » (cf. 1Co 2, 14-15). Celui-ci est incapable de poser seul des jugements personnels objectifs et sereins, bref d’accéder à la sagesse. Saint Paul dit bien dans ce sens : « Frères, ne soyez pas des enfants pour le jugement; des petits enfants pour la malice, soit, mais pour le jugement soyez des adultes. » (1Co 14, 20).
Voilà pourquoi nous devons « grandir dans le Christ », « parvenir à l’état de l’homme adulte, à la plénitude de la stature du Christ » : « Ainsi nous ne serons plus des enfants, nous ne nous laisserons plus ballotter et emporter à tout vent de la doctrine, au gré de l'imposture des hommes et de leur astuce à fourvoyer dans l'erreur. » (cf. Ep 4, 13-15). Le spirituel, le véritable adulte est celui qui est capable de juger par lui-même des choses sans se laisser aliéner par la pensée dominante. Il échappe au conformisme en se rendant disponible à la lumière divine. Il ne reste pas au niveau du mental, des idées toutes faites, mais il jouit d’une véritable perception intérieure des choses. Il est autonome en ce sens-là. Et il est fort de la vraie force : celle de suivre seul son chemin comme l’a fait la petite Thérèse en une période marquée par le jansénisme, de rester fidèle à la vérité que l’on porte en soi même au prix de la souffrance.
source http://www.sagesse-evangelique.com/