Mariage homosexuel. La fronde des maires s'organise
10 octobre 2012 à 12h13 - (le Télégramme de Brest)
C'est le 31 octobre que sera présenté en conseil des ministres le projet de loi sur le mariage homosexuel. Gros débats en perspective donc ces prochains jours sur une question qui divise toujours la classe politique. Jean-Marc Ayrault affirme ce mercredi qu'il est convaincu que "les maires seront soucieux de respecter la loi". Pas si sûr : ils sont de plus en plus nombreux à afficher leur désaccord. Et s'organisent, pour demander à bénéficier d'une "clause de conscience" pour ne pas avoir à célébrer de mariages homosexuels.
Le débat sur la légalisation du mariage homosexuel en France va monter en puissance ces prochains jours : Jean-Marc Ayrault vient d'annoncer que le projet de loi sera présenté en conseil des ministres le 31 octobre. Avec une entrée en vigueur dès l'année prochaine.
"Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe", stipulera le texte. Le Premier ministre a "rendu ses arbitrages" sur le projet de loi, assure-t-il, après une ample concertation auprès d'experts "et bien sûr de responsables des religions".
Des propos polémiques
Reste que si la société française a beaucoup évolué sur la question - dans un sondage, en août, 65 % des personnes interrogées y étaient favorables -, les politiques sont toujours très divisés. Sans parler des religieux. Ces dernières semaines, après les propos du cardinal Philippe Barbarin, ce sont ceux d'un maire UMP de Paris qui ont provoqué un tollé. François Lebel écrivait que la légalisation du mariage homosexuel pourrait ouvrir la porte à la polygamie, l'inceste et la pédophilie.
Les maires en première ligne
Toujours est-il que lorsque la loi sera - selon toute vraisemblance - adoptée, elle s'imposera aux maires, chargés de célébrer les unions. Toutes les unions, dans la mesure où elles ont été approuvées par le législateur au nom du peuple français.
Pétition en ligne
C'est là que le bât blesse. Et la fronde s'organise. "Notre action vise à défendre le bien commun et le droit de chaque enfant à avoir un père et une mère", explique Jacques Bompard, maire d'Orange et député du Vaucluse. L'élu, classé à l'extrême-droite, a lancé une pétition en ligne contre le projet de loi de mariage homosexuel.
Une pétition qui - outre un référendum - réclame un amendement pour que les maires puissent refuser de les célébrer. "C’est une loi qui touche à la structure même de notre société, en même temps qu’à la conscience de chacun. À ce titre, il n’est pas admissible qu’un élu se trouve privé de la liberté primordiale de ne pas cautionner ce qui ne correspond pas à son éthique", argumente le texte de la pétition.
Ce mercredi midi, la page internet affiche "1.236 élus" qui auraient signé cette pétition. Cependant, il est impossible d'avoir accès à la liste des signataires.
"Je ne peux pas faire quelque chose que Dieu réprouve"
"Ce n’est pas de l’homophobie", assure un maire réticent à unir deux hommes ou deux femmes, sur Europe 1. "Mais ce n’est pas ma conception de la famille." Toujours sur la radio, un élu socialiste avance la religion comme argument. "C’est le chrétien qui parle, pas uniquement le citoyen. Je ne peux pas faire quelque chose que Dieu réprouve".
Un collectif de maires demande une "clause de conscience"
De son côté, le Collectif des maires pour l'enfance a fait envoyer un courrier aux quelque 150.000 maires et maires adjoints de France : "Nous leur demandons s'ils sont intéressés par une consultation des maires avant toute réforme sur la famille, s'ils sont pour ou contre le mariage homosexuel et s'ils sont demandeurs d'une clause de conscience qui leur permette de ne pas célébrer ces mariages", explique le député-maire UMP de la Manche, Philippe Gosselin.
Ce Collectif, créé en 2006, regroupait il y a cinq ans 12.585 maires, soit un tiers d'entre-eux, selon lui.
Ayrault : Non à un amendement
Alors, les maires opposés à la loi pourront-ils se soustraire à leurs obligations ? "Non", a répondu la ministre de la Justice. "Les maires sont des officiers publics qui représentent l’État lorsqu’ils célèbrent un mariage, c’est une mission dont ils sont très fiers. Il ne sera pas inscrit dans la loi qu’ils puissent se soustraire au Code civil", avait souligné Christiane Taubira dans une interview à La Croix.
Le maire... ou un adjoint
Ce mercredi, Jean-Marc Ayrault s'est dit convaincu "que les maires seront soucieux de respecter la loi votée par la République". Précisant que les mariages seraient célébrés partout. Et si ce n'est pas le maire, ce sera par un adjoint. "Je respecte ces différents points de vue, mais en même temps, il y a eu un vote des Français et ce qui prévaudra, c'est le vote par le parlement".
Les parlementaires anti-mariage gay veulent se faire entendre
Mais justement : comme le rappelle Europe 1, une soixantaine de députés de la droite dure ont relancé "l’entente parlementaire pour la famille", un lobby qui s’est réuni ces dernières semaines et qui s'est donné pour objectif de faire entendre les opposants au "mariage pour tous".
Des évêques demandent un débat
Par ailleurs, six évêques de Normandie appellent à un "indispensable débat" sur le mariage et l'adoption d'enfants par des personnes de même sexe. Ils estiment qu'une législation en ce sens instaurera "une véritable rupture de civilisation".
Béatrice Pellan avec AFP