L'Italie n'aura pas à décrocher les crucifix dans ses écoles publiques car ces symboles religieux n'ont pas d'influence sur les élèves, a jugé vendredi la Cour européenne des droits de l'Homme, infirmant une précédente décision.
Selon l'arrêt de la CEDH, rapidement salué à Rome et au Vatican, "s'il faut voir avant tout un symbole religieux dans le crucifix, il n'y a pas d'élément attestant de l'éventuelle influence que l'exposition d'un symbole de cette nature sur des murs de salle de classe pourrait avoir sur les élèves".
Le Vatican a qualifié la décision d'"historique", car les juges européens ont reconnu que l'exposition du crucifix était "l'expression de l'identité culturelle et religieuse des pays de tradition chrétienne", s'est félicité le porte-parole du Saint-Siège, le père Federico Lombardi.
L'Italie a accueilli "avec une grande satisfaction" la décision, selon un communiqué du chef de la diplomatie Franco Frattini qui a souhaité que "l'Europe affronte avec le même courage le thème de la tolérance et de la liberté religieuse".
Huit pays n'ayant pas rompu avec les symboles religieux, souvent par tradition, avaient soutenu Rome. Ils s'inquiétaient d'une jurisprudence qui autoriserait partout le retrait des crucifix des écoles publiques. Des organisations religieuses et 33 députés européens avaient également été "tiers intervenants" à l'audience d'appel en juin 2010.
La Lituanie a salué vendredi soir la décision de la CEDH.
En novembre 2009, la Cour de Strasbourg avait jugé la présence des crucifix dans l'école publique "contraire au droit des parents d'éduquer leurs enfants selon leurs convictions" et "au droit des enfants à la liberté de religion et de pensée".
Vendredi, les 17 membres de la Grande chambre de la CEDH ont déjugé leurs sept collègues de première instance par 15 voix contre 2. Ils ont estimé que l'Italie avait utilisé la marge d'appréciation dont elle disposait dans le cadre de son "obligation de respecter le droit des parents d'assurer cette instruction conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques".
Certes, avec le crucifix à l'école, "la réglementation italienne donne à la religion majoritaire du pays une visibilité prépondérante dans l'environnement scolaire". Mais, "cela ne suffit pas pour caractériser une démarche d'endoctrinement". Selon l'arrêt, "un crucifix sur un mur est un symbole essentiellement passif, dont l'influence sur les élèves ne peut être comparée à un discours didactique ou à la participation à des activités religieuses".
"Rien n'indique que les autorités se montrent intolérantes à l'égard des élèves adeptes d'autres religions, non-croyants ou tenants de convictions philosophiques qui ne se rattachent pas à une religion", ajoutent les juges.
La CEDH avait été saisie en 2006 par Soile Lautsi, mère de deux enfants scolarisés dans une école publique de la province de Padoue (nord-est). Un crucifix était accroché dans les salles de classe et elle estimait que ses deux fils, non catholiques, subissaient ainsi une différence de traitement discriminatoire par rapport aux élèves catholiques et à leurs parents.
Les juges ont estimé que "sa perception subjective ne suffit pas à caractériser une violation" de la Convention des droits de l'Homme.
Interrogé sur le total revirement entre les deux décisions de la CEDH, une source interne a indiqué qu'il "arrive de temps en temps que la Grande chambre ait une appréciation différente de la chambre de première instance. Mais il n'y a eu aucun lobbying envers la Cour qui a jugé selon les grands principes de la Convention".
Le catholicisme n'est officiellement plus religion d'Etat en Italie depuis 1984 mais une ordonnance, adoptée sous le fascisme et imposant la présence de crucifix dans les écoles, n'a jamais été abolie.